Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, à France 2 le 10 mars 2011, sur le projet de surtaxe des revenus locatifs des microsurfaces et la fin de la trêve hivernale des expulsions.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Tout le monde a constaté que les loyers ont énormément augmenté. Mais le pompon, si j'ose dire, revient à ce qu'on appelle le micro surfaces, les anciennes chambres de bonnes, on a vu des prix qui allaient jusqu'à 90 euros de location au m². Qu'est-ce que vous comptez faire pour mettre fin à ses abus ?
 
Alors on a fait le constat que nous avions notamment sur Paris, essentiellement sur Paris, des loyers totalement abusifs en matière de micro surfaces. Vous l'avez évoqué, quand vous avez une chambre de bonne qui fait 10 m² et qu'elle est louée à 900 euros, 90 euros du m², c'est clairement de l'abus. Ce que nous avons décidé, en rencontrant bien évidemment les professionnels, c'était de regarder comment on pouvait mieux réguler ces abus.
 
Qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut taxer ?
 
C'est la mesure que nous allons prendre, principale, c'est effectivement de se dire qu'on va taxer...Surtaxer ces micro surfaces. Aujourd'hui, vous avez une imposition quand vous louez un bien. On va dire qu'au-dessus de 40 euros du m²...
 
Ce qui est déjà beaucoup ?
 
Ce qui est déjà beaucoup. Et pour des surfaces qui sont en dessous de 13 m², on va surtaxer fortement, pour dissuader tout simplement, les propriétaires de louer au-delà de ces 40 euros du m².
 
Fortement, c'est quoi ?
 
On va regarder ça, dans le cadre de la loi de finance prochaine, mais notre idée, c'est de se dire que ce soit vraiment fort pour que grosso modo le propriétaire ne gagne plus beaucoup d'argent, quand il sera au-dessus de 40 euros.
 
En gros ça serait combien ?
 
Pour l'instant, vous avez déjà une fiscalité, qui existe, CSG, CRDS, etc. etc. plus la fiscalité normale qui fait que globalement, quand vous gagnez 100 euros de loyer, l'Etat en prend 40. L'ETAT et le social en prennent 40, grosso modo. Mais on va essayer de monter à 60-70 pour que ce soit une taxe vraiment sévère.
 
C'est-à-dire qu'on augmenterait donc de 30 % cette taxation ?
 
Non, parce qu'on va faire techniquement parlant, une taxe forfaitaire. On va dire : allez ! Sur la tranche qui va aller par exemple de 40 euros à 50 euros, on va dire, on en prend X euro, 3 euros par exemple, 30 %, 3 euros de la tranche complète.
 
Mais vous partez donc de 40 euros le m², c'est quand même beaucoup, puisqu'on sait que, à Paris par exemple, le prix moyen de la location c'est 23 euros le m².
 
Vous avez raison, mais on sait aussi, que sur tous les marchés, à Paris comme ailleurs, plus la surface est petite, plus le prix au m² est élevé. Et donc quand vous avez en moyenne, un marché à, allez ! 20-22 euros, on sait toujours que les petites surfaces France entière, sont plutôt au double. C'est la raison pour laquelle, on a fixé cette barrière à 40, qui nous paraissait quelque chose de effectivement élevé, mais qui ne nous paraissait pas un abus. Et nous, ce qu'on veut, c'est réprimé les abus, ce n'est pas régulé les loyers, ce n'est pas la même chose.
 
Alors autre idée, faire jouer la loi, ce qu'on appelle la loi Carrez pour les locations, ça va se passer comment ?
 
Aujourd'hui, vous avez ce qu'on appelle la loi Carrez, que tout le monde connaît. Sur le calcul de la surface de l'appartement. Ca c'était valable quand vous vendiez un appartement. Depuis un an, c'est maintenant valable quand vous louez un appartement. Sauf qu'on a oublié de mettre la sanction qui va avec. C'est-à-dire que votre propriétaire...
 
Et là, il y aura la sanction ?
 
Et là, il y aura la sanction...
 
Vous allez sortir le gros bâton ?
 
On va sortir le gros bâton, comme il y a le bâton qui existe pour la vente. Quand le métrage a été faux, vous avez un remboursement. De la même façon, si on vous annonce que vous avez un 100 m² et qu'en fait, vous n'en avez que 95, il faut en tirer les conséquences. Sur ces très grandes surfaces-là, c'est grave. Mais quand vous avez un 10 m² annoncé et qu'en fait, il a 8,5 ou 9, là, les conséquences pour votre vie, sont évidemment dramatiques, donc il faut savoir en tirer les conséquences.
 
Est-ce qu'il n'y a pas aussi un manque de transparence, dans ces loyers ?
 
Il y a un manque de transparence, d'ailleurs ou en tout cas, un manque de transparence ou un trop plein d'information, les deux se rejoignent en général, sur l'ensemble du marché de l'immobilier. Tous les jours, on nous annonce des augmentations de prix, dans tous les journaux, parce que tous les professionnels publient leur propre chiffre. Ça vous fait une avalanche de chiffres à peu près tous les jours. Donc on a besoin d'avoir un peu de clarté, sur ça. C'est la raison pour laquelle, on va créer un site Internet spécifique sur les loyers en Ile de France où quartier par quartier, presque rue par rue, avec une géolocalisation, on pourra regarder quel est le prix réel du marché. Pour que lorsque le locataire se retrouve avec le propriétaire, il ait des éléments de négociations. Et quand on lui proposera un prix à 25 euros du m², 18 euros du m², il puisse vérifier si dans le quartier, c'est bien les prix qui sont pratiqués.
 
Alors ces petits logements, ils servent surtout aux étudiants. Est-ce que ces prix prohibitifs, ça ne traduit pas d'abord un manque de logement étudiant, c'est-à-dire un manque de l'Etat ?
 
Je ne crois pas. Je pense que ça traduit plutôt une spéculation. Il y a une demande de logement, il y a une demande pour les étudiants.
 
Mais est-ce que l'Etat ne doit pas justement en construire plus ?
 
Le gouvernement, c'est Valérie PECRESSE, qui est en charge de ce dossier-là, mais le gouvernement ne souhaite pas que tous les étudiants soient en logement CROUS. Il y a une vie en dehors des CROUS. Il faut des logements CROUS, il y en a 130 000. Et d'ailleurs, c'est ce gouvernement qui respecte les engagements que nous avons pris avec tous les syndicats, suite à un rapport. On en construit plus de 5.000 par an. Simplement les jeunes, les étudiants, on ne va pas tous les mettre dans des logements CROUS, on va aussi, et c'est normal, on souhaite qu'ils habitent en ville. Dans les centres villes, dans les périphéries, qu'ils continuent à loger pour certains chez leurs parents, et que d'autres soient en chambre de bonne. Donc le problème, en tout cas pour les micro surfaces et pour les prix des micro surfaces, c'est plutôt un abus sur un marché qu'autre chose. Et avec Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, on est décidé à vraiment limiter ces abus.
 
Alors le problème du logement, c'est aussi le logement insalubre. On juge en ce moment l'affaire de l'immeuble qui avait brûlé en 2005, faisant 17 morts. Il y a combien de logements insalubres en France ?
 
C'est très difficile à comptabiliser. Nous mettons en place, à la fin de ce mois-ci d'ailleurs, un logiciel dans tous les départements français pour mieux comptabiliser ces logements insalubres. Aujourd'hui on n'a pas...
 
Et ils vont être détruits ? Ils vont être détruits, réhabilités ? Qu'est-ce que vous voulez faire après ?
 
On n'a pas de décompte. Ils vont être réhabilités. Quand on a...
 
A quelle échéance ?
 
Alors aujourd'hui, on estime...
 
Quand est-ce que l'on sera débarrassé de ce problème ?
 
Déjà, on a fortement progressé. Juste un chiffre, le nombre de logement dit « insalubres » inhabitable était, il y a une vingtaine d'années d'à peu près 20 % du marché. On est descendu à 3 % du marché. 20 %, 3 %. Donc il y a eu un effort considérable qui a été fait. Il faut poursuivre cet effort dans les années qui viennent. On a de ce point de vue là, une agence, l'Agence Nationale pour l'Habitat qui fait un travail formidable avec nous et qui traite tous ces cas d'insalubrité. J'espère que dans les 5-6 ans qui viennent, on arrivera à éradiquer l'ensemble de ces logements. Mais la première étape c'est de pouvoir les quantifier.
 
Alors la semaine prochaine, c'est la fin de la trêve des expulsions. L'association le DAL va manifester samedi pour demander que cette trêve soit poursuivie. Qu'est-ce que vous pensez de ça ?
 
Je n'y suis pas favorable. Je ne suis pas favorable à l'arrêt des expulsions. Pourquoi ? Parce que si on ne maintient pas l'équilibre entre les propriétaires et les locataires, et si à chaque fois, on en rajoute contre les propriétaires, plus le droit d'expulser si les gens ne paient pas leur loyer. Ah ! Il faut bloquer les loyers comme nous le propose, si j'ai bien compris, le Parti socialiste. Bref, à force de...
 
Oui, il propose d'encadrer.
 
Oui, enfin ce n'est pas très clair. Encadrer, ça veut dire quoi, concrètement ? Je n'ai pas encore bien compris, j'aimerai qu'ils précisent un peu, ce qu'ils veulent dire mais, à force de charger la barque des propriétaires, les propriétaires, ils s'en vont du marché. C'est exactement ce qu'on a vu au milieu des années 80 et 90. Les propriétaires dit « institutionnels » les banques, les assurances, qui assuraient un rôle régulateur sur le marché parisien, en ayant des loyers intermédiaires. Entre le privé et le social. Ils sont partis. Partis, parce qu'ils considéraient que leur investissement n'était pas suffisamment rentable, ils sont allés voir ailleurs, ce qui se passait, c'était plus rentable, ils y sont restés. Et puis ils ont considéré à un moment, que le locataire était trop avantagé par rapport au propriétaire. Moi, je souhaite maintenir un équilibre, parce que si on ne maintient pas cet équilibre-là, les propriétaires, ils vont faire quoi ? Ils vont vendre leur appartement, ils iront investir leur argent ailleurs. Le résultat, ce sera moins de bien, moins de logement en location, ce sera la pire crise du logement que nous aurions. Merci. Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 mars 2011