Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, avec la démission collective de la Commission, une crise sans précédent a frappé lexécutif européen. Est-ce que lEurope est encore en mesure dagir alors que la négociation de lAgenda 2000 atteint une étape cruciale ?
R - Je mentirai si je disais que ce nétait pas un choc ou une crise importante, mais cest aussi une preuve du bon fonctionnement de la démocratie en Europe. Cela dit, la Commission va rester en place pour assurer lintérim au Conseil européen. Je crois quelle fera son travail et quelle assistera la présidence allemande.
Q - Mais elle est pratiquement morte...
R - Disons plutôt que lissue de lAgenda 2000 nest plus tant entre les mains de la Commission quentre les mains du Conseil européen. La crise de la Commission nest pas un atout, mais je crois que ce nest pas quelque chose qui peut nous empêcher de réussir sur lAgenda 2000. A Berlin il va falloir voir quelles dispositions prendre par rapport au remplacement de cette Commission.
Q - Avant la fin de lannée encore ?
R - De toute façon il était prévu que le nouveau président de la Commission soit nommé à Cologne, la question qui se pose maintenant cest de savoir quel calendrier va être adopté. Prenons les choses de façon sereine.
Q - Vous avez peut-être une idée, mais vous nallez pas donner des noms maintenant ?
R - Je crois que ce serait plus que maladroit, ce serait même indélicat. Pour linstant il y a encore une Commission qui expédie les affaires courantes, qui fait lintérim. En plus je pense quil faut arriver à tirer les leçons à froid de cette crise.
Q - Nest-il pas particulièrement pénible pour la France que ce soit Mme Cresson qui en fin de compte a contribué à couler la commission ?
R - Les responsabilités, la décision sont collectives et donc il faut les prendre comme telles. Je crois que le Rapport des sages montrait à la fois des responsabilités personnelles, des responsabilités collectives et la Commission en a tiré une leçon qui la concernait toute entière.
Q - LAllemagne vit une crise politique et dans deux jours souvre à Berlin sous la présidence allemande un Conseil européen extraordinaire. Quelles sont les chances à vos yeux dobtenir un accord ?
R - Je crois que la présidence allemande a fait ce quelle devait et ce quelle pouvait pour essayer de trouver un accord. A mon avis cet accord est aujourdhui tout à fait souhaitable et absolument possible. Nous avons besoin dun accord financier pour poursuivre les politiques communes. Un tel accord est souhaitable pour lEurope entière car si on ajoutait effectivement un insuccès à Berlin au climat général, à trois mois des élections européennes, ce ne serait pas une bonne image pour lEurope. Il est souhaitable aussi pour les relations franco-allemandes évidemment.
Q - Comment ça ?
R - Nous voulons aider la présidence allemande à trouver une solution. Je pense que cet accord est possible à partir du moment où on reste dans la ligne de ce qui a été décidé au sommet de Petersberg, cest à dire la stabilisation des dépenses communautaires, à la fois agricoles et structurelles. Sur ce fondement là et en sappuyant sur ce qui a commencé à être fait dans le Conseil agricole et na pas été achevé, nous pensons quil est possible darriver à un accord à Berlin.
Q - Vous avez limpression que tout est bien préparé pour le Sommet à Berlin ?
R - Je crois que les positions sont sur la table et que la présidence allemande a les idées claires sur ce quil est possible de faire. Et donc le paquet final reste à nouer, mais cest possible !
Q - Croyez-vous quaprès le départ de M. Lafontaine, les rôles de M. Schröder et de la présidence allemande sortent affaiblis ?
R - Honnêtement, je ne le crois pas. Dailleurs, dans cette affaire, ce sont plutôt les ministres de lAgriculture pour toute la partie agricole, les ministres des Affaires étrangères et européennes pour la synthèse, qui sont en première ligne, les chefs dEtat et de gouvernement prenant bien sûr les décisions finales.
Q - Mais quand même la démission de la Commission, les turbulences au sein du gouvernement allemand, les tensions franco-allemandes - avant le Sommet de Berlin - nest-ce pas un peu beaucoup ... ?
R - Oui, mais cest aussi une grande chance pour Schröder. Si Berlin est un succès, cela prouvera que la présidence allemande a joué un rôle particulièrement éminent, avec talent, dans des conditions très difficiles.
Q - Avec M. Lafontaine les socialistes français ont perdu peut-être leur meilleur allié à Bonn, est-ce que cela peut déranger lentente franco-allemande encore un peu plus ?
R - Vous savez, cest vrai que nous avions avec Oskar Lafontaine des rapports anciens et amicaux, comment le nier ? II était le président du SPD, il y avait des liens très très forts entre le Parti socialiste et le SPD, qui demeurent. En même temps je crois que la relation franco-allemande, elle la prouvée par le passé, dépasse les questions dhommes. Donc tout va continuer et je suis absolument persuadé que le moteur franco-allemand restera plus que jamais le moteur de lEurope.
Q - Mais quand même on a vécu des tensions franco-allemandes ! Croyez-vous que la querelle de largent a déjà gâché le couple franco-allemand ?
R - Je ne crois pas. Vous savez il y a une espèce de vision, comme ça, un peu idyllique qui voudrait que dans le franco-allemand, tout marche spontanément...
Q - Lharmonie totale !
R - Voilà, et si on a un peu de mémoire, on se souvient que ce type de péripéties est intervenu en fait très souvent. Le couple franco-allemand, cest un vrai couple. Avec des hauts et des bas. Il y a des moments de passion, il y a des moments de tension, il y a des engueulades, cest dailleurs comme cela que fonctionnent les bons couples, les vrais couples.
Q - II y avait, à côté des éclats dhumeur, des rixes sur largent ?
R - Il y a eu au départ une petite incompréhension de ce quétaient les uns et les autres, il fallait apprendre à se connaître. Cest vrai quil y avait un nouveau gouvernement dans une situation assez délicate à gérer. Il y a eu une période où on sest dit les choses un peu franchement. Jamais désagréablement, donc jy insiste. Et je crois que tout cela est aujourdhui oublié.
Q - Le divorce est interdit pour ce couple là ...
R - Absolument. Nous ferons tout pour aider la présidence allemande à réussir. Je crois que de son côté le gouvernement allemand a compris ce quétaient les préoccupations françaises, cest à dire essayer de maîtriser les coûts de lUnion européenne, les coûts de la Politique agricole commune, et aussi les coûts des politiques structurelles pour faire en sorte quon ait un paquet financier qui soit un paquet équilibré et qui permette les réformes nécessaires, sans aggraver la situation budgétaire daucun des deux pays. Dailleurs je signalerai que cest quand même dans la tradition allemande que de promouvoir la stabilité des dépenses, davantage encore que dans la tradition française. Cest la meilleure condition pour éviter la dégradation du solde allemand.
Q - Le volet agricole a été particulièrement sensible, est-ce que le compromis qui a été atteint est accepté aussi par la France, déjà ?
R - Nous considérons, comme vous le savez, quil ny a pas eu daccord agricole et notre ministre de lAgriculture au Conseil agricole a émis toute une série de réserves qui tiennent notamment compte du fait quil souhaite que la décision soit prise - après réexamen - au Conseil européen. Un accord agricole ne peut intervenir que dans le cadre dun accord global sur lAgenda 2000. Nous souhaitons absolument quon sen tienne à la stabilisation des dépenses agricoles en euros, donc en rester à 40,5 milliards deuros par an.
Q - Pourquoi à votre avis le gouvernement allemand a-t-il introduit lidée du cofinancement dans le volet agricole, alors que la France avait dit très clairement dès le début que ce serait inacceptable. Est-ce que cétait une mauvaise tactique ou...
R - Je crois quil y avait dans lattitude allemande un aspect de méthode. Nous avions dit au départ : « Tout est sur la table » et donc la présidence allemande a considéré queffectivement tout était sur la table. Et donc elle a maintenu cela comme une hypothèse parmi dautres qui a semblé parfois être une hypothèse privilégiée. Bon, je crois que les messages utiles ont été passés et que finalement le renoncement au cofinancement est pour nous un geste important et que nous saluons positivement. Cela nous parait tout à fait positif que lAllemagne ait compris que le cofinancement était pour la France inacceptable, non pas pour des raisons financières mais pour des raisons de principe.
Q - Maintenant que lAllemagne a cédé, est-ce que la France va offrir quelque chose en retour ?
R - Je ne dirai pas que lAllemagne a cédé, je dirai que lAllemagne a compris. Pour le reste, nous comprenons depuis le départ les problèmes allemands. Jai été le premier ministre français à dire - jai été critiqué dailleurs pour cela en France - quil nétait pas normal que lAllemagne paye autant pour le budget de lUnion européenne.
Q - Est-ce que vous avez des vues concrètes, pour redresser la situation, de la part de lAllemagne ?
R - Nous avons mis sur la table des propositions qui sont toujours présentes, je pense par exemple à une dégressivité des aides directes agricoles, en partie recyclées en faveur du développement rural.
Q - Après le départ de M. Lafontaine et la nomination de son successeur, Hans Eichel, qui est encore un inconnu sur la scène européenne, les ministres français M. Védrine, vous-même, M. Dominique Strauss-Kahn, seront les personnes politiques déterminantes. Est-il plus difficile datteindre votre but de créer un contrepoids à la Banque centrale européenne et à son président M. Duisenberg ? ... Le fameux gouvernement économique !
R - Je crois que là-dessus il ne faut pas quil y ait de malentendu. Nous sommes favorables, nous acceptons tout à fait lindépendance de la Banque centrale européenne. Nous vivons dans le monde tel quil est : les banques centrales dans les grandes démocraties sont indépendantes et ne doivent pas subir de pressions.
Q - Vous êtes devenu plus flexible !
R - Cela fait un certain temps que nous sommes devenus plus flexibles. Cela fait vingt mois que nous sommes aux responsabilités, nous avons par exemple réussi à augmenter les impôts sur les sociétés au début pour financer le passage à leuro et cela sest bien passé. Nous sommes encore un gouvernement tout à fait populaire.
Q - Onze des quinze pays de lUnion européenne, qui ont maintenant des gouvernements de gauche, veulent créer une Europe plus socialiste. Croyez-vous que lélimination de la gauche social-démocrate en Allemagne par Schröder va mettre fin à cette ambition ?
R - Moi je ne parle jamais dEurope socialiste.
Q - On peut parler peut-être dun certain esprit de corps !
R - Pas exactement car des différences existent. Et en même temps il y a tout de même quatre autres gouvernements qui nont pas des chefs de gouvernement qui sont socialistes ou sociaux-démocrates et deux, lEspagne et lIrlande, qui ont des gouvernements qui sont intégralement pilotés par la droit. Par ailleurs au niveau parlementaire les choses sont plus équilibrées et le seront dans le prochain Parlement européen. Et donc lEurope nest pas socialiste, même si, cest indéniable, il y a une situation politique qui joue tout son rôle.
Q - La France est gouvernée par une coalition socialistes-verts-communistes, donc théoriquement plus à gauche que celle de M. Schröder. Pourtant vous navez pas de problèmes avec laile gauche des socialistes ou avec le PCF. Pourquoi ?
R - Je crois que cela tient à un système de gouvernement qui est différent en France et en Allemagne, et cela vaut dailleurs pour cette coalition là comme pour le précédente, celle du chancelier Kohl. En France le pouvoir est sûrement beaucoup plus centralisé, et le président de la République et le Premier ministre contrôlent sûrement davantage les ministres que ne le fait le chancelier allemand.
Q - Ce serait peut-être un exemple à suivre pour lAllemagne ?
R - Non, je ne crois pas, honnêtement. Chaque pays a ses traditions. LAllemagne est un pays fédéral, un pays dans lequel le système est parlementaire. Ce système a dautres avantages que le nôtre. De notre côté on pourrait certainement dire que nous avons une centralisation excessive.
Q - Mais pourtant on peut dire quon a limpression que le gouvernement français a trouvé son chemin alors que le gouvernement allemand ne la pas encore trouvé ?
R - Attendez ! Dabord cest un gouvernement qui arrive au pouvoir après seize ans dopposition, cest toujours difficile. Ensuite je crois me souvenir que les débuts du chancelier Kohl en 1982 navaient pas été extrêmement aisés non plus, donc cest un système où il faut trouver ses marques. Moi je fais tout à fait confiance à Gerhard Schröder. Je pense que cest un homme politique qui sait où il va.
Q - Le Premier ministre britannique M. Blair et le chancelier Schröder aiment parler de la troisième voie, entre le néolibéralisme et le socialisme classique. Est-ce que cette troisième voie est un concept valable pour les socialistes français aussi ?
R - Pour nous sil sagit dune troisième voie entre le libéralisme classique et le communisme, nous sommes des adeptes de la troisième voie. Cette voie on lappelle socialisme ou on lappelle social-démocratie, cest celle que mon parti incarne, cest celle que nous portons ensemble à lintérieur du parti des socialistes européens. Sil sagit en revanche dune troisième voie entre le libéralisme et le SPD, le parti socialiste français ou le Labour, là nous ne comprenons pas bien.
Q - Est-ce quil y a des contacts ?
R - Il y a des contacts entre M. Hombach pour le chancelier, M. Mandelson pour Tony Blair et moi-même pour le compte du Premier ministre français. Il y a encore des différences de sensibilité, des différences nationales...
Q - Le climat entre la France et lAllemagne a changé. Cela a commencé avec le refus de M. Schröder de participer aux commémorations de larmistice le 11 novembre, les relations sont devenues plus froides, plus conflictuelles. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase ?
R - Je ne dirai pas cela. Je dirai que les choses viennent de plus loin que cela. Les relations franco-allemandes fatalement changent. Pourquoi ? Elles changent parce que nous sommes dans un monde global, où les rapports à la mondialisation sont directs et où donc les rapports entre les nations sont plus ténues.
Q - Est-ce que lAllemagne, à vos yeux, a changé ?
R - LAllemagne est réunifiée. Cest donc un centre de gravité qui est peut être un peu différent. Le gouvernement allemand va partir à Berlin. Et cela compte aussi dans la psychologie ou dans la sociologie, et cest une autre génération qui est au pouvoir définitivement en Allemagne. M. Kohl était le dernier chancelier pour qui la relation franco-allemande était bâtie sur la mystique de la réconciliation. Et puis les Allemands aujourdhui sont plus conscients de leurs intérêts nationaux que par le passé. On a des rapports qui sont peut-être plus directs. On se dit les choses différemment.
Q - Cest une relation moins sentimentale !
R - Peut-être moins sentimentale, encore que moi je souhaiterais que la relation entre les peuples soit plus sentimentale. La relation entre les gouvernements na pas à être sentimentale, la relation entre les peuples doit être plus sentimentale puisquil faut rester quand même dans lidée que nous avons quand même beaucoup en commun. Nous savons que, à défaut de moteur franco-allemand, lEurope navance pas. Et cela va rester une réalité. Donc cela se passera différemment. Nous ne sommes pas dans une nouvelle phase. Par exemple vous évoquiez la venue ou non du chancelier lors des cérémonies du 11 novembre, honnêtement personne na parlé de cela. Personne, en tout cas en France, je vous lassure. Peut-être dans un ou deux journaux. Mais je vous assure que moi à lintérieur du pouvoir, auprès du président de la République toutes les semaines, du Premier ministre, personne na interprété négativement ce geste.
Q - Pourtant il y a des gestes symboliques qui ont une valeur aussi, même pour les peuples
?
R - Mais M. Schröder a tout le temps devant lui pour faire des gestes symboliques.
Q - Jusquici au sein de lUnion européenne la coopération franco-allemande, vous lavez dit, était une donnée imposée. Pourrait-elle devenir dorénavant dans une Europe plus grande un choix, un simple choix ?
R - Je continue de penser que dans lEurope réunifiée, le couple franco-allemand restera le centre, il est irremplaçable. Ce qui est vrai cest que les uns et les autres nous devons tenir peut-être plus compte quhier de nos partenaires. La diplomatie ne se fera plus à deux et déjà cela ne marche plus comme cela. Il faut tenir compte des Anglais, des Italiens, des Espagnols, des pays du Bénélux...
Q - Pourtant surtout dans les médias, dans les livres, dans les débats intellectuels il y a des angoisses et de la méfiance qui surgit de temps en temps. Je crois quil y a un livre qui a paru récemment avec le titre extrêmement polémique dune prochaine guerre avec lAllemagne, donc pourquoi y a-t-il toujours cette atmosphère en France ? Cette insécurité dans les rapports avec lAllemagne ?
R - II y a des angoisses des deux côtés du Rhin. La réunification de lAllemagne, la réunification de lEurope, larrivée du troisième millénaire, la très grande complexité des problèmes, larrivée au pouvoir de nouvelles générations qui sont les générations de laprès-guerre aussi bien en France quen Allemagne - tout cela nécessite une période de mise en place. Quant aux livres qui paraissent ici ou là, leurs idées nengagent que leurs auteurs.
Q - Est-ce quil serait utile de concevoir une initiative commune franco-allemande pour démontrer que le moteur fonctionne encore ?
R - Je pense que oui. Il est souhaitable que nous ayons derrière nous lépisode de lAgenda 2000 pour pouvoir nous consacrer à des tâches plus constructives, plus propices à lavenir. Cest vrai que toute notre énergie a été absorbée dans ce sujet qui, par nature, jallais dire, provoque des tensions. Quand on parle de sous, dargent on confronte des intérêts nationaux, on nest pas en train de bâtir quelque chose, ni au plan européen, ni au plan bilatéral.
Q - Quels vont être les prochains chantiers ?
R - La défense, les institutions, le social, lemploi, et lélargissement bien sûr. Mais je crois quil y a toujours le besoin de re-fonder le couple franco-allemand et daller vers ce que jappelais tout à lheure linterprétation des sociétés et des sociétés civiles. Avant les élections le chancelier Schröder avait eu lidée dun nouveau Traité de lElysée. Je ne sais pas si cest quelque chose qui est souhaitable, mais je pense que nous avons besoin dun travail de fond sur la relation franco-allemande.
Q - Si le sommet de Berlin savérait être un échec, quelles en seraient les conséquences pour lUnion européenne ? Cela serait-il une crise comme il y en a eu tant dautres dans le passé ou un malaise plus profond ?
R - Cest une hypothèse qui nest pas celle dans laquelle je me place aujourdhui. Nous avons lobligation de réussir. Cest vrai que si on avait une Commission qui démissionne et un Conseil qui ne parvient pas à décider... - cest difficile de faire de la science-fiction - ce serait quand même pour lEurope une période pas facile. Lampleur des crises, cela se constate après, pas avant.
Q - Monsieur le Ministre, vous êtes socialiste, navez-vous pas parfois la nostalgie des années du chancelier démocrate-chrétien Helmut Kohl, quand les relations franco-allemandes étaient excellentes et faisaient avancer lEurope ?
R - Honnêtement, absolument pas. Nous les Français, socialistes ou pas, nous avons pour Helmut Kohl, un respect immense pour tout ce quil a apporté à lEurope, mais aussi pour la très grande qualité de nos relations, cela cest certain.
Q - Une période déjà mythifiée ?
R - Je nai pas de nostalgie de cette période. Des problèmes franco-allemands il y en a eu avec Helmut Kohl aussi. Je crois me souvenir que les débuts du gouvernement Kohl en 1982 nont pas été des débuts flamboyants. Jétais à lépoque un jeune fonctionnaire et je me souviens de ce que lon écrivait dans la presse, quelle fût française ou allemande, sur ce chancelier quon trouvait un peu lourd, pataud pas souple intellectuellement. Ce nest pas « Der Spiegel » qui va me contredire. Et on a vu la suite...
Q - Vous êtes content du changement à Bonn ?
R - Jai vécu en tant que ministre pendant 17 mois avec le précédent gouvernement allemand et je peux vous dire calmement quil fallait un changement en Allemagne. Je suis content de travailler maintenant avec des hommes et des femmes que nous connaissons bien, depuis longtemps et qui apportent un souffle nouveau à lAllemagne. Je fais confiance à Gerhard Schröder./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 mars 1999)
R - Je mentirai si je disais que ce nétait pas un choc ou une crise importante, mais cest aussi une preuve du bon fonctionnement de la démocratie en Europe. Cela dit, la Commission va rester en place pour assurer lintérim au Conseil européen. Je crois quelle fera son travail et quelle assistera la présidence allemande.
Q - Mais elle est pratiquement morte...
R - Disons plutôt que lissue de lAgenda 2000 nest plus tant entre les mains de la Commission quentre les mains du Conseil européen. La crise de la Commission nest pas un atout, mais je crois que ce nest pas quelque chose qui peut nous empêcher de réussir sur lAgenda 2000. A Berlin il va falloir voir quelles dispositions prendre par rapport au remplacement de cette Commission.
Q - Avant la fin de lannée encore ?
R - De toute façon il était prévu que le nouveau président de la Commission soit nommé à Cologne, la question qui se pose maintenant cest de savoir quel calendrier va être adopté. Prenons les choses de façon sereine.
Q - Vous avez peut-être une idée, mais vous nallez pas donner des noms maintenant ?
R - Je crois que ce serait plus que maladroit, ce serait même indélicat. Pour linstant il y a encore une Commission qui expédie les affaires courantes, qui fait lintérim. En plus je pense quil faut arriver à tirer les leçons à froid de cette crise.
Q - Nest-il pas particulièrement pénible pour la France que ce soit Mme Cresson qui en fin de compte a contribué à couler la commission ?
R - Les responsabilités, la décision sont collectives et donc il faut les prendre comme telles. Je crois que le Rapport des sages montrait à la fois des responsabilités personnelles, des responsabilités collectives et la Commission en a tiré une leçon qui la concernait toute entière.
Q - LAllemagne vit une crise politique et dans deux jours souvre à Berlin sous la présidence allemande un Conseil européen extraordinaire. Quelles sont les chances à vos yeux dobtenir un accord ?
R - Je crois que la présidence allemande a fait ce quelle devait et ce quelle pouvait pour essayer de trouver un accord. A mon avis cet accord est aujourdhui tout à fait souhaitable et absolument possible. Nous avons besoin dun accord financier pour poursuivre les politiques communes. Un tel accord est souhaitable pour lEurope entière car si on ajoutait effectivement un insuccès à Berlin au climat général, à trois mois des élections européennes, ce ne serait pas une bonne image pour lEurope. Il est souhaitable aussi pour les relations franco-allemandes évidemment.
Q - Comment ça ?
R - Nous voulons aider la présidence allemande à trouver une solution. Je pense que cet accord est possible à partir du moment où on reste dans la ligne de ce qui a été décidé au sommet de Petersberg, cest à dire la stabilisation des dépenses communautaires, à la fois agricoles et structurelles. Sur ce fondement là et en sappuyant sur ce qui a commencé à être fait dans le Conseil agricole et na pas été achevé, nous pensons quil est possible darriver à un accord à Berlin.
Q - Vous avez limpression que tout est bien préparé pour le Sommet à Berlin ?
R - Je crois que les positions sont sur la table et que la présidence allemande a les idées claires sur ce quil est possible de faire. Et donc le paquet final reste à nouer, mais cest possible !
Q - Croyez-vous quaprès le départ de M. Lafontaine, les rôles de M. Schröder et de la présidence allemande sortent affaiblis ?
R - Honnêtement, je ne le crois pas. Dailleurs, dans cette affaire, ce sont plutôt les ministres de lAgriculture pour toute la partie agricole, les ministres des Affaires étrangères et européennes pour la synthèse, qui sont en première ligne, les chefs dEtat et de gouvernement prenant bien sûr les décisions finales.
Q - Mais quand même la démission de la Commission, les turbulences au sein du gouvernement allemand, les tensions franco-allemandes - avant le Sommet de Berlin - nest-ce pas un peu beaucoup ... ?
R - Oui, mais cest aussi une grande chance pour Schröder. Si Berlin est un succès, cela prouvera que la présidence allemande a joué un rôle particulièrement éminent, avec talent, dans des conditions très difficiles.
Q - Avec M. Lafontaine les socialistes français ont perdu peut-être leur meilleur allié à Bonn, est-ce que cela peut déranger lentente franco-allemande encore un peu plus ?
R - Vous savez, cest vrai que nous avions avec Oskar Lafontaine des rapports anciens et amicaux, comment le nier ? II était le président du SPD, il y avait des liens très très forts entre le Parti socialiste et le SPD, qui demeurent. En même temps je crois que la relation franco-allemande, elle la prouvée par le passé, dépasse les questions dhommes. Donc tout va continuer et je suis absolument persuadé que le moteur franco-allemand restera plus que jamais le moteur de lEurope.
Q - Mais quand même on a vécu des tensions franco-allemandes ! Croyez-vous que la querelle de largent a déjà gâché le couple franco-allemand ?
R - Je ne crois pas. Vous savez il y a une espèce de vision, comme ça, un peu idyllique qui voudrait que dans le franco-allemand, tout marche spontanément...
Q - Lharmonie totale !
R - Voilà, et si on a un peu de mémoire, on se souvient que ce type de péripéties est intervenu en fait très souvent. Le couple franco-allemand, cest un vrai couple. Avec des hauts et des bas. Il y a des moments de passion, il y a des moments de tension, il y a des engueulades, cest dailleurs comme cela que fonctionnent les bons couples, les vrais couples.
Q - II y avait, à côté des éclats dhumeur, des rixes sur largent ?
R - Il y a eu au départ une petite incompréhension de ce quétaient les uns et les autres, il fallait apprendre à se connaître. Cest vrai quil y avait un nouveau gouvernement dans une situation assez délicate à gérer. Il y a eu une période où on sest dit les choses un peu franchement. Jamais désagréablement, donc jy insiste. Et je crois que tout cela est aujourdhui oublié.
Q - Le divorce est interdit pour ce couple là ...
R - Absolument. Nous ferons tout pour aider la présidence allemande à réussir. Je crois que de son côté le gouvernement allemand a compris ce quétaient les préoccupations françaises, cest à dire essayer de maîtriser les coûts de lUnion européenne, les coûts de la Politique agricole commune, et aussi les coûts des politiques structurelles pour faire en sorte quon ait un paquet financier qui soit un paquet équilibré et qui permette les réformes nécessaires, sans aggraver la situation budgétaire daucun des deux pays. Dailleurs je signalerai que cest quand même dans la tradition allemande que de promouvoir la stabilité des dépenses, davantage encore que dans la tradition française. Cest la meilleure condition pour éviter la dégradation du solde allemand.
Q - Le volet agricole a été particulièrement sensible, est-ce que le compromis qui a été atteint est accepté aussi par la France, déjà ?
R - Nous considérons, comme vous le savez, quil ny a pas eu daccord agricole et notre ministre de lAgriculture au Conseil agricole a émis toute une série de réserves qui tiennent notamment compte du fait quil souhaite que la décision soit prise - après réexamen - au Conseil européen. Un accord agricole ne peut intervenir que dans le cadre dun accord global sur lAgenda 2000. Nous souhaitons absolument quon sen tienne à la stabilisation des dépenses agricoles en euros, donc en rester à 40,5 milliards deuros par an.
Q - Pourquoi à votre avis le gouvernement allemand a-t-il introduit lidée du cofinancement dans le volet agricole, alors que la France avait dit très clairement dès le début que ce serait inacceptable. Est-ce que cétait une mauvaise tactique ou...
R - Je crois quil y avait dans lattitude allemande un aspect de méthode. Nous avions dit au départ : « Tout est sur la table » et donc la présidence allemande a considéré queffectivement tout était sur la table. Et donc elle a maintenu cela comme une hypothèse parmi dautres qui a semblé parfois être une hypothèse privilégiée. Bon, je crois que les messages utiles ont été passés et que finalement le renoncement au cofinancement est pour nous un geste important et que nous saluons positivement. Cela nous parait tout à fait positif que lAllemagne ait compris que le cofinancement était pour la France inacceptable, non pas pour des raisons financières mais pour des raisons de principe.
Q - Maintenant que lAllemagne a cédé, est-ce que la France va offrir quelque chose en retour ?
R - Je ne dirai pas que lAllemagne a cédé, je dirai que lAllemagne a compris. Pour le reste, nous comprenons depuis le départ les problèmes allemands. Jai été le premier ministre français à dire - jai été critiqué dailleurs pour cela en France - quil nétait pas normal que lAllemagne paye autant pour le budget de lUnion européenne.
Q - Est-ce que vous avez des vues concrètes, pour redresser la situation, de la part de lAllemagne ?
R - Nous avons mis sur la table des propositions qui sont toujours présentes, je pense par exemple à une dégressivité des aides directes agricoles, en partie recyclées en faveur du développement rural.
Q - Après le départ de M. Lafontaine et la nomination de son successeur, Hans Eichel, qui est encore un inconnu sur la scène européenne, les ministres français M. Védrine, vous-même, M. Dominique Strauss-Kahn, seront les personnes politiques déterminantes. Est-il plus difficile datteindre votre but de créer un contrepoids à la Banque centrale européenne et à son président M. Duisenberg ? ... Le fameux gouvernement économique !
R - Je crois que là-dessus il ne faut pas quil y ait de malentendu. Nous sommes favorables, nous acceptons tout à fait lindépendance de la Banque centrale européenne. Nous vivons dans le monde tel quil est : les banques centrales dans les grandes démocraties sont indépendantes et ne doivent pas subir de pressions.
Q - Vous êtes devenu plus flexible !
R - Cela fait un certain temps que nous sommes devenus plus flexibles. Cela fait vingt mois que nous sommes aux responsabilités, nous avons par exemple réussi à augmenter les impôts sur les sociétés au début pour financer le passage à leuro et cela sest bien passé. Nous sommes encore un gouvernement tout à fait populaire.
Q - Onze des quinze pays de lUnion européenne, qui ont maintenant des gouvernements de gauche, veulent créer une Europe plus socialiste. Croyez-vous que lélimination de la gauche social-démocrate en Allemagne par Schröder va mettre fin à cette ambition ?
R - Moi je ne parle jamais dEurope socialiste.
Q - On peut parler peut-être dun certain esprit de corps !
R - Pas exactement car des différences existent. Et en même temps il y a tout de même quatre autres gouvernements qui nont pas des chefs de gouvernement qui sont socialistes ou sociaux-démocrates et deux, lEspagne et lIrlande, qui ont des gouvernements qui sont intégralement pilotés par la droit. Par ailleurs au niveau parlementaire les choses sont plus équilibrées et le seront dans le prochain Parlement européen. Et donc lEurope nest pas socialiste, même si, cest indéniable, il y a une situation politique qui joue tout son rôle.
Q - La France est gouvernée par une coalition socialistes-verts-communistes, donc théoriquement plus à gauche que celle de M. Schröder. Pourtant vous navez pas de problèmes avec laile gauche des socialistes ou avec le PCF. Pourquoi ?
R - Je crois que cela tient à un système de gouvernement qui est différent en France et en Allemagne, et cela vaut dailleurs pour cette coalition là comme pour le précédente, celle du chancelier Kohl. En France le pouvoir est sûrement beaucoup plus centralisé, et le président de la République et le Premier ministre contrôlent sûrement davantage les ministres que ne le fait le chancelier allemand.
Q - Ce serait peut-être un exemple à suivre pour lAllemagne ?
R - Non, je ne crois pas, honnêtement. Chaque pays a ses traditions. LAllemagne est un pays fédéral, un pays dans lequel le système est parlementaire. Ce système a dautres avantages que le nôtre. De notre côté on pourrait certainement dire que nous avons une centralisation excessive.
Q - Mais pourtant on peut dire quon a limpression que le gouvernement français a trouvé son chemin alors que le gouvernement allemand ne la pas encore trouvé ?
R - Attendez ! Dabord cest un gouvernement qui arrive au pouvoir après seize ans dopposition, cest toujours difficile. Ensuite je crois me souvenir que les débuts du chancelier Kohl en 1982 navaient pas été extrêmement aisés non plus, donc cest un système où il faut trouver ses marques. Moi je fais tout à fait confiance à Gerhard Schröder. Je pense que cest un homme politique qui sait où il va.
Q - Le Premier ministre britannique M. Blair et le chancelier Schröder aiment parler de la troisième voie, entre le néolibéralisme et le socialisme classique. Est-ce que cette troisième voie est un concept valable pour les socialistes français aussi ?
R - Pour nous sil sagit dune troisième voie entre le libéralisme classique et le communisme, nous sommes des adeptes de la troisième voie. Cette voie on lappelle socialisme ou on lappelle social-démocratie, cest celle que mon parti incarne, cest celle que nous portons ensemble à lintérieur du parti des socialistes européens. Sil sagit en revanche dune troisième voie entre le libéralisme et le SPD, le parti socialiste français ou le Labour, là nous ne comprenons pas bien.
Q - Est-ce quil y a des contacts ?
R - Il y a des contacts entre M. Hombach pour le chancelier, M. Mandelson pour Tony Blair et moi-même pour le compte du Premier ministre français. Il y a encore des différences de sensibilité, des différences nationales...
Q - Le climat entre la France et lAllemagne a changé. Cela a commencé avec le refus de M. Schröder de participer aux commémorations de larmistice le 11 novembre, les relations sont devenues plus froides, plus conflictuelles. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase ?
R - Je ne dirai pas cela. Je dirai que les choses viennent de plus loin que cela. Les relations franco-allemandes fatalement changent. Pourquoi ? Elles changent parce que nous sommes dans un monde global, où les rapports à la mondialisation sont directs et où donc les rapports entre les nations sont plus ténues.
Q - Est-ce que lAllemagne, à vos yeux, a changé ?
R - LAllemagne est réunifiée. Cest donc un centre de gravité qui est peut être un peu différent. Le gouvernement allemand va partir à Berlin. Et cela compte aussi dans la psychologie ou dans la sociologie, et cest une autre génération qui est au pouvoir définitivement en Allemagne. M. Kohl était le dernier chancelier pour qui la relation franco-allemande était bâtie sur la mystique de la réconciliation. Et puis les Allemands aujourdhui sont plus conscients de leurs intérêts nationaux que par le passé. On a des rapports qui sont peut-être plus directs. On se dit les choses différemment.
Q - Cest une relation moins sentimentale !
R - Peut-être moins sentimentale, encore que moi je souhaiterais que la relation entre les peuples soit plus sentimentale. La relation entre les gouvernements na pas à être sentimentale, la relation entre les peuples doit être plus sentimentale puisquil faut rester quand même dans lidée que nous avons quand même beaucoup en commun. Nous savons que, à défaut de moteur franco-allemand, lEurope navance pas. Et cela va rester une réalité. Donc cela se passera différemment. Nous ne sommes pas dans une nouvelle phase. Par exemple vous évoquiez la venue ou non du chancelier lors des cérémonies du 11 novembre, honnêtement personne na parlé de cela. Personne, en tout cas en France, je vous lassure. Peut-être dans un ou deux journaux. Mais je vous assure que moi à lintérieur du pouvoir, auprès du président de la République toutes les semaines, du Premier ministre, personne na interprété négativement ce geste.
Q - Pourtant il y a des gestes symboliques qui ont une valeur aussi, même pour les peuples
?
R - Mais M. Schröder a tout le temps devant lui pour faire des gestes symboliques.
Q - Jusquici au sein de lUnion européenne la coopération franco-allemande, vous lavez dit, était une donnée imposée. Pourrait-elle devenir dorénavant dans une Europe plus grande un choix, un simple choix ?
R - Je continue de penser que dans lEurope réunifiée, le couple franco-allemand restera le centre, il est irremplaçable. Ce qui est vrai cest que les uns et les autres nous devons tenir peut-être plus compte quhier de nos partenaires. La diplomatie ne se fera plus à deux et déjà cela ne marche plus comme cela. Il faut tenir compte des Anglais, des Italiens, des Espagnols, des pays du Bénélux...
Q - Pourtant surtout dans les médias, dans les livres, dans les débats intellectuels il y a des angoisses et de la méfiance qui surgit de temps en temps. Je crois quil y a un livre qui a paru récemment avec le titre extrêmement polémique dune prochaine guerre avec lAllemagne, donc pourquoi y a-t-il toujours cette atmosphère en France ? Cette insécurité dans les rapports avec lAllemagne ?
R - II y a des angoisses des deux côtés du Rhin. La réunification de lAllemagne, la réunification de lEurope, larrivée du troisième millénaire, la très grande complexité des problèmes, larrivée au pouvoir de nouvelles générations qui sont les générations de laprès-guerre aussi bien en France quen Allemagne - tout cela nécessite une période de mise en place. Quant aux livres qui paraissent ici ou là, leurs idées nengagent que leurs auteurs.
Q - Est-ce quil serait utile de concevoir une initiative commune franco-allemande pour démontrer que le moteur fonctionne encore ?
R - Je pense que oui. Il est souhaitable que nous ayons derrière nous lépisode de lAgenda 2000 pour pouvoir nous consacrer à des tâches plus constructives, plus propices à lavenir. Cest vrai que toute notre énergie a été absorbée dans ce sujet qui, par nature, jallais dire, provoque des tensions. Quand on parle de sous, dargent on confronte des intérêts nationaux, on nest pas en train de bâtir quelque chose, ni au plan européen, ni au plan bilatéral.
Q - Quels vont être les prochains chantiers ?
R - La défense, les institutions, le social, lemploi, et lélargissement bien sûr. Mais je crois quil y a toujours le besoin de re-fonder le couple franco-allemand et daller vers ce que jappelais tout à lheure linterprétation des sociétés et des sociétés civiles. Avant les élections le chancelier Schröder avait eu lidée dun nouveau Traité de lElysée. Je ne sais pas si cest quelque chose qui est souhaitable, mais je pense que nous avons besoin dun travail de fond sur la relation franco-allemande.
Q - Si le sommet de Berlin savérait être un échec, quelles en seraient les conséquences pour lUnion européenne ? Cela serait-il une crise comme il y en a eu tant dautres dans le passé ou un malaise plus profond ?
R - Cest une hypothèse qui nest pas celle dans laquelle je me place aujourdhui. Nous avons lobligation de réussir. Cest vrai que si on avait une Commission qui démissionne et un Conseil qui ne parvient pas à décider... - cest difficile de faire de la science-fiction - ce serait quand même pour lEurope une période pas facile. Lampleur des crises, cela se constate après, pas avant.
Q - Monsieur le Ministre, vous êtes socialiste, navez-vous pas parfois la nostalgie des années du chancelier démocrate-chrétien Helmut Kohl, quand les relations franco-allemandes étaient excellentes et faisaient avancer lEurope ?
R - Honnêtement, absolument pas. Nous les Français, socialistes ou pas, nous avons pour Helmut Kohl, un respect immense pour tout ce quil a apporté à lEurope, mais aussi pour la très grande qualité de nos relations, cela cest certain.
Q - Une période déjà mythifiée ?
R - Je nai pas de nostalgie de cette période. Des problèmes franco-allemands il y en a eu avec Helmut Kohl aussi. Je crois me souvenir que les débuts du gouvernement Kohl en 1982 nont pas été des débuts flamboyants. Jétais à lépoque un jeune fonctionnaire et je me souviens de ce que lon écrivait dans la presse, quelle fût française ou allemande, sur ce chancelier quon trouvait un peu lourd, pataud pas souple intellectuellement. Ce nest pas « Der Spiegel » qui va me contredire. Et on a vu la suite...
Q - Vous êtes content du changement à Bonn ?
R - Jai vécu en tant que ministre pendant 17 mois avec le précédent gouvernement allemand et je peux vous dire calmement quil fallait un changement en Allemagne. Je suis content de travailler maintenant avec des hommes et des femmes que nous connaissons bien, depuis longtemps et qui apportent un souffle nouveau à lAllemagne. Je fais confiance à Gerhard Schröder./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 mars 1999)