Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, sur le droit des malades, la bientraitance à l'hôpital et la lisibilité dans l'organisation des soins, Paris le 4 mars 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque 2011, année des patients et de leurs droits à Paris le 4 mars 2011

Texte intégral


Je suis très heureuse d’ouvrir ce Colloque "2011, année des patients et de leurs droits", qui préfigure une action nationale de sensibilisation de tous les citoyens, et de l’ensemble des professionnels de santé. Je remercie le Conseil économique, social et environnemental de l’accueillir. Car il ne pouvait se tenir dans un lieu plus symbolique que cette "Assemblée du premier mot", où sont débattues des questions essentielles. Et notamment celles qui touchent aux droits des citoyens, et aux principes fondamentaux de notre société et de notre démocratie.
Ce programme "2011, année des patients et de leurs droits" constitue d’abord l’aboutissement d’une prise de conscience collective et d’une volonté de dresser le nécessaire bilan d’une décennie de réflexion et d’efforts, pour mieux faire reconnaître les droits des patients.
Mais c’est aussi l’expression d’une volonté forte de dégager de nouvelles perspectives : pour que les citoyens connaissent davantage leurs droits, qu’ils se les approprient, qu’ils en fassent désormais meilleur usage, avec l’appui et l’engagement des acteurs de la santé.
Je veux rendre hommage à Roselyne Bachelot, qui a pris en 2010 l’initiative de cette année des patients et de leurs droits, dont ce colloque est l’illustration.
Mais cet événement s’inscrit dans une histoire, mon cher Bernard, dont tu as su écrire le premier chapitre, il y a dix ans, avec la loi de 2002. Tu t’es investi personnellement pour cette cause. Ton volontarisme et ta détermination ont permis de lancer, avec le concours de professionnels de santé et d’associations, un mouvement de fond qui n’a cessé de s’amplifier depuis.
Je remercie Marina CARRERE d’ENCAUSSE d’avoir accepté de présider les travaux très importants qui ont abouti à l’élaboration des trois rapports sur les droits des patients que nous avons présentés officiellement le 24 février dernier.
Le premier d’entre eux, ayant pour thème "faire valoir les droits des patients", a permis de dresser un tableau très complet des droits individuels et collectifs aujourd’hui reconnus. Il a abouti à la formulation de 116 propositions.
Le 2ème rapport, "la bientraitance à l’hôpital", avait pour tâche de contribuer à l’essor de démarches de bientraitance et de qualité de service dans les établissements de santé.
Le 3ème rapport, "les nouvelles attentes des citoyens acteurs de la santé", s’est penché sur les évolutions de l’organisation des soins et du développement des usages d’internet.
Ces travaux constituent un état des lieux approfondi. Ils prennent en compte les évolutions de notre système de santé et les attentes des Français. Ils donnent aujourd’hui à ce colloque tous les ingrédients pour pouvoir mieux sensibiliser, interpeller, questionner : non seulement les professionnels de santé, mais aussi l’ensemble des acteurs du système de soins, et, bien sûr, nos concitoyens, sur les solutions nécessaires pour mieux faire respecter les droits des patients.
Je remercie l’ensemble des personnalités qui ont contribué à cette réflexion, et ont ainsi permis de lancer le débat ouvert et accessible à tous qui va s’ouvrir aujourd’hui : Christine d’AUTUME, Christian SAOUT, Alain-Michel CERETTI, Laure ALBERTINI, Michelle BRESSAND, Michel SCHMITT, Martine CHRIQUI-REINECKE, Nicolas BRUN, Emmanuel HIRSCH et Joëlle KIVITS.
Ce premier colloque va permettre à cette réflexion d’être poursuivie, partagée et animée par l’ensemble des acteurs de la santé : usagers, professionnels de santé, partenaires institutionnels et associatifs, relais médiatiques. Il sera suivi de six débats en région sur la bientraitance, pour mobiliser les professionnels.
Il anticipe le 18 avril prochain, journée européenne des droits des patients. Il va être prolongé tout au long de cette année par la valorisation d’initiatives exemplaires en faveur de la promotion des droits des patients, qui seront labellisées et récompensées lors de la deuxième édition du Prix des droits des patients en fin d’année, que préside une nouvelle fois Marina CARRERE d’ENCAUSSE.
(LES PROGRES DE CES DIX DERNIERES ANNEES)
Nous devons nous souvenir que les progrès sur lesquels nous pouvons nous appuyer aujourd’hui sont le fruit d’une volonté et d’un engagement qui n’ont jamais fléchi tout au long de ces dernières années.
La préoccupation de défendre les droits des malades a d’abord été un des combats des associations de lutte contre le VIH. Car ce sont elles qui, pour la première fois, ont interpellé les professionnels de santé sur ces questions essentielles.
Après cette prise de conscience, la préoccupation de mieux faire reconnaître ces droits a été portée sans relâche par le législateur et les pouvoirs publics : elle s’est incarnée dans la loi "Droits des malades" du 4 mars 2002, que vous allez évoquer dans quelques instants, et qui constitua une avancée historique qu’a portée Bernard Kouchner, elle même complétée par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, et par la loi du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie.
Depuis 2009, la loi "Hôpital, Patients, Santé et Territoires" vient conforter également la démocratie sanitaire et le respect des droits des patients, puisque ceux-ci sont désormais représentés dans les conférences régionales de la santé et de l’autonomie, et les conférences de territoires.
Cette loi qui, comme vous le savez, a permis la mise en place des Agences Régionales de Santé, en a fait des acteurs essentiels pour contribuer à la réduction de la maltraitance, pour promouvoir la bientraitance dans les établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux, et pour faire progresser l’accès aux soins et l’autonomie des patients.
(le colloque)
Nous avons choisi d’articuler cette première rencontre autour de quatre thèmes principaux. Ils constituent un potentiel d’actions nouvelles qui ont toutes les chances de se concrétiser, car elles pourront pleinement profiter de ces lois importantes que je viens d’évoquer.
Mais avant de parler du fond, c’est votre méthode que je veux saluer, et encourager : en effet, c’est à partir de l’échange, du débat, de la confrontation que pourront voir le jour des pistes nouvelles de travail permettant cette évolution en faveur des patients.
J’invite par conséquent tous les intervenants des quatre tables rondes, dans la diversité de leurs responsabilités et de leurs expériences, à innover, et je dirais même, à rêver à ce que pourrait être un droit des patients reconnu et effectif au sein de l’ensemble de notre système de soins, hospitalier, ambulatoire, médico-social.
(malade, citoyen et acteur de sa santé)
Les professionnels de santé doivent jouer un rôle central dans cette dynamique. Car ce sont eux dont dépendent la qualité des soins dispensés, mais aussi cette relation de confiance qui doit s’établir entre le soignant et le soigné. Mieux informer le patient, c’est conforter sa liberté. Mieux assurer sa participation aux décisions qui le concernent, c’est garantir son autonomie. Ce n’est que comme cela qu’on l’aide à surmonter sa maladie.
Si être malade, c’est être en situation de vulnérabilité, pour autant, la personne reste et demeure un citoyen et donc un acteur à part entière du système de santé : comment faire en sorte que ce principe se concrétise à l’échelle individuelle dans sa prise en charge, comme à l’échelle collective, à travers la démocratie sanitaire ? Il s’agit d’une problématique essentielle que je vous demande d’aborder dans l’ensemble des débats que vous allez avoir au cours de la journée.
(BIENTRAITANCE)
Autre thématique qui me tient particulièrement à coeur et qu’il conviendra d’aborder au cours des tables rondes : la bientraitance.
J’en ai fait une de mes priorités aux aînés dans le champ médico-social. Je veux qu’elle le soit également dans le champ sanitaire, car n’oublions pas qu’une société se juge à l’aune du sort qu’elle réserve aux plus faibles d’entre nous.
Je serai donc particulièrement attentive aux propositions que vous formulerez en la matière, car les démarches de bientraitance, à l’hôpital, sont plus que le reflet d’une éthique. Elles sont également des outils pour mieux comprendre les attentes et les besoins d’accompagnement des malades.
(NOUVELLES TECHNOLOGIES)
Le déploiement de plus en plus important des nouvelles technologies et des nouvelles modalités de soins est, vous le savez, une arme à double tranchant : car s’il permet indéniablement au patient de se conforter dans le rôle d’acteur de sa propre santé, ne peut-on pas craindre aussi un transfert insidieux de responsabilité des professionnels de santé vers le patient et ses proches, ou faire courir au patient le risque de voir diffusées sur internet des informations personnelles ?
Ces questions doivent être débattues entre les usagers, les partenaires associatifs et institutionnels, et je ne doute pas que vos réflexions sur des sujets aussi actuels et liés à notre époque vont déboucher sur des propositions novatrices.
L’essentiel est de veiller à ce que la technique n’étouffe jamais l’humain. Concrètement, pour un professionnel de la santé, cela signifie clairement que les nouvelles technologies ne doivent à aucun moment compromettre la relation privilégiée entre le soignant et le malade.
(MEILLEURE LISIBILITE DE L’OFFRE DE SOINS)
Nous avons par ailleurs des progrès concrets à réaliser pour une meilleure connaissance de l’offre de soins. Il est vrai qu’aujourd’hui, l’usager a encore du mal à s’y retrouver, en termes de disponibilité, d’accessibilité des prix, de qualité et de sécurité des différents prestataires de soins sur le territoire. L’inégalité dans l’accès à des soins de qualité, nous le savons tous, c’est d’abord une inégalité d’information entre les usagers. J’attends beaucoup de la table ronde qui est aujourd’hui consacrée à ce sujet.
Enfin, quand deux tiers des Français déclarent ne pas connaître les instances auxquelles ils doivent s’adresser en cas de problème de santé, force est de reconnaître que notre démocratie sanitaire n’est pas encore sur les rails. Par exemple, la présence des représentants des patients au sein des instances et des établissements de santé n’a pas suffi pour que la démocratie sanitaire s’exerce pleinement. Il faut mobiliser les acteurs concernés des établissements de santé, favoriser la démocratie de proximité, promouvoir le débat public.
Mesdames et Messieurs,
Nous avons la chance, dans notre pays, de ne pas avoir à écrire l’histoire des droits des patients sur une page blanche. Pour autant, il est essentiel de capitaliser ces acquis, et de faire en sorte que chacun puisse bien connaître ses droits pour mieux se les approprier.
Plus qu’un symbole, le colloque d’aujourd’hui doit être, à un mois et demi de la Journée européenne des droits des patients, la préparation d’une véritable feuille de route.
Ce qui importe, après dix ans de lutte pour une meilleure défense des droits des patients, c’est désormais un exercice plein et entier des droits de nos concitoyens malades ou vulnérables.
Alors, bons travaux !
Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 mars 2011