Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur la place stratégique de la mode dans l'économie française et les besoins en formation et en financement de ce secteur industriel, Paris le 28 mars 2011.

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Circonstance : Inauguration des nouveaux locaux de l'école de la chambre syndicale de la couture parisienne à Paris, le 28 mars 2011

Texte intégral

Mme la Sénatrice, Catherine DUMAS
M. le président de la fédération de la couture, du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode, Didier GRUMBACH,
M. le président du Cercle Saint-Roch, Sidney TOLEDANO,
M. le directeur de l’école de la chambre syndicale, François BROCA,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d’être parmi vous ce soir et d’inaugurer ces nouveaux locaux, qui abritent dorénavant cette prestigieuse école de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. Je tiens à saluer le travail réalisé par Maurizio GALANTE, dont les talents bien connus de couturier et designer se sont exprimés à merveille dans ce superbe bâtiment. Après avoir formé tant de personnalités aussi prestigieuses qu’Yves SAINT-LAURENT, Jean-Louis SCHERRER, Issey MIYAKE, Anne Valérie HASH, ou Alexis MABILLE, cette école a incontestablement trouvé ici le cadre idéal pour former les jeunes créateurs de mode de demain.
Vous le savez, la mode occupe une place stratégique dans l’économie française, en raison de l’excellence de ses savoir-faire, mais aussi de sa contribution à l’image et au rayonnement de notre pays dans le monde. Elle représente plus de 120 000 emplois, pour un chiffre d’affaires supérieur à 33 Mds€. Les marques de la mode et du luxe français sont parmi les plus connues au monde. Elles exportent plus de 40% de leur production, et bien plus encore pour les marques les plus créatives.
Pour garder cet avantage concurrentiel considérable, il nous faut continuer à encourager l’ébullition créatrice, qui émerge d’établissements comme le vôtre, et qui nous donne aujourd’hui ces grandes maisons de mode que le monde nous envie. Cette ambition doit, selon moi, s’appuyer sur deux piliers: la formation et le financement
1er pilier : la formation
A l’évidence, et vous êtes, ici, bien placés pour le savoir, les écoles de création, comme l’école de la Chambre syndicale de la couture parisienne, ont un rôle majeur à jouer pour le maintien du leadership français en matière de création, de mode et de luxe.
Pourtant, en dépit de la qualité de leur enseignement, nos écoles ne bénéficient pas toujours de la visibilité internationale de certaines écoles étrangères prestigieuses. Nous devons donc travailler pour rendre leur offre de formation plus lisible et plus visible sur la scène internationale. Bien sûr, sans remettre en cause leurs identités respectives et leurs spécificités.
Cet effort est en train d’aboutir. Mes services ont animé pendant plusieurs mois, un groupe de travail, auquel participe d’ailleurs votre école. Ses travaux, qui pourront nourrir un futur plan d’action collectif, ont mis l’accent sur deux pistes qui me paraissent prometteuses :
- d’une part, l’évolution du niveau des diplômes attribués par ces écoles, afin de les porter au niveau Licence Master Doctorat (LMD) : mes collaborateurs ont d’ores et déjà pris contact avec le Cabinet de Mme PECRESSE, pour la mise en œuvre de cette mesure, qui ne pourra bénéficier qu’aux meilleures d’entre elles ;
- d’autre part, l'engagement d'actions concertées entre les écoles, de façon à leur donner une meilleure visibilité et à valoriser la diversité et la complémentarité des parcours de formation qu'elles offrent : des journées portes ouvertes communes à toutes ces écoles se sont déjà tenues (le 28 et 29 janvier dernier pour votre école).
2ème pilier : le financement
Certes, la capacité créatrice est fondamentale, et j’ai pu constater, tout à l’heure, par moi-même que vos étudiants, n’en manquaient pas. Néanmoins, elle ne suffit pas à faire vivre et prospérer une marque. Pour vivre, une marque doit vendre, avec tout ce que cela implique en coûts de distribution et de marketing, et donc en besoins de financement.
Cette problématique n’est pas nouvelle. Toutes les marques de prestige ont été, à leurs débuts, des marques d’avant-garde qui ont évolué avec le temps, des petites structures qui ont su grandir. L’enjeu, c’est d’aider les jeunes créateurs d’aujourd’hui à faire de même, à se développer et à devenir des marques fortes.
Dans cette perspective, mon ministère a participé, avec tous les acteurs concernés, à la mise en place de trois outils complémentaires.
* Le premier outil est le fonds d’investissement « Mode et Finances », doté de 10 millions € et géré par la Caisse des Dépôts et Consignations. Il a été prorogé en 2009, pour 14 années supplémentaires, et fonctionnera donc jusqu’en 2023 afin de renforcer les fonds-propres des jeunes entreprises ;
* Le deuxième outil se rapporte à la problématique du fonds de roulement des jeunes entreprises de mode.
Vous le savez, les marques émergentes ont pour caractéristique principale d’avoir un cycle d’exploitation structurellement long. Et, lorsque le succès est au rendez-vous d’une collection, les jeunes marques émergentes n’ont pas toujours les moyens financiers nécessaires pour assurer le lancement de la fabrication. Confrontées à l’augmentation de leur besoin en fonds de roulement qu’entraîne l’afflux de commandes, elles sont souvent incapables de mobiliser la trésorerie nécessaire. Il est donc indispensable qu’elles puissent bénéficier de crédits de campagne leur permettant de financer la mise en fabrication des commandes prises.
C’est pourquoi nous avons entrepris, avec mes services, un travail de conviction auprès d’organismes bancaires, appuyés en cela, et je les en remercie, par plusieurs acteurs qui interviennent dans le financement et l’accompagnement des créateurs de mode. Je pense à OSEO, au DEFI, au fonds « Mode et Finances » et aux deux fédérations professionnelles que sont la Fédération française de la couture, du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode et la Fédération française du prêt-à-porter féminin.
Certaines banques se sont montrées plus particulièrement intéressées. Elles sont parfaitement conscientes de la nécessité d’un accompagnement des créateurs, qui sont plus souvent des artistes et des créatifs, que de vrais gestionnaires, au fait des problématiques des entreprises.
Aujourd’hui, j’ai donc le plaisir de vous annoncer le lancement de ce dispositif, qui reposera sur les modalités suivantes.
1- Deux banques vont travailler avec nous. Concrètement, elles mettront en place, dans une de leurs agences parisiennes, une équipe spécialisée sur la création de mode. J’entends par là que ces équipes seront en capacité d’instruire les demandes de cette clientèle particulière, en prenant en compte les spécificités du métier, et en particulier le besoin en trésorerie lié au temps très long entre la conception des collections et les recettes qui en sont issues.
Ce dispositif a fait l’objet d’une expérimentation durant ces dernier mois, afin que les banques se familiarisent avec ce secteur d’activité, et afin de mettre au point les modalités concrètes de leur intervention, en lien avec Oséo et les fédérations professionnelles.
Aujourd’hui, après une phase d’expérimentation de quelques mois, les différents acteurs ont estimé que le dispositif était satisfaisant et pouvait donc être officialisé. Il devient donc opérationnel à compter de ce jour.
2- La fédération de la Couture, du prêt-à-porter des couturiers et de créateurs de mode, ainsi que la Fédération du Prêt-à-porter féminin, qui sont déjà les interlocuteurs privilégiés des jeunes créateurs, s’investiront également dans ce dispositif novateur. Leur rôle sera de les guider dans l’élaboration de leur dossier de demande de prêt et de les accompagner dans la présentation de ces demandes auprès des banques partenaires. C’est elles qui seront le point d’entrée privilégié pour bénéficier de ce dispositif, et je les remercie pour leur forte implication tout au long de cette première expérimentation.
* Enfin, troisième et dernier outil pour compléter cette chaîne de financement des jeunes créateurs : la mise en place du fonds de caution dédié aux jeunes entreprises de création et à leurs sous-traitants. Pour cela, le DEFI, comité professionnel de développement de l'habillement, lancera dans les tous prochains jours un appel d'offre destiné à choisir l'organisme qui sera chargé de gérer ce fonds. La mise en place du fonds pourrait avoir lieu d’ici l’été. Je vous en reparlerai bien évidemment le moment venu.
Au-delà de ces mesures destinées à améliorer l’offre de formation et à faciliter l’accès au financement, il faut bien sûr accompagner les jeunes entreprises de création sur d’autres étapes de leur développement, comme la recherche de débouchés à l’international ou les relations avec leurs sous-traitants. Ce sera l’une des missions du comité stratégique de filière des industries de la mode et du luxe que j’ai installé le 14 mars dernier, avec Isabelle GUICHOT, présidente de Balenciaga, et que je salue ce soir. Je note d’ailleurs que ce comité, dont l’ambition est de renforcer la compétitivité de la filière, a décidé de consacrer une partie de ses réflexions au thème de l’émergence de nouvelles marques. J’attends avec impatience de connaître les pistes d’action opérationnelles qu’il proposera à ce sujet.
Je souhaite que l’ensemble de ces actions puissent aider nos jeunes créateurs à réussir. En tout état de cause, la visite de cette école qui m’a été proposée ce soir conforte pleinement ma certitude sur la capacité de notre pays à détecter, à former et à accompagner les créateurs de demain. Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 31 mars 2011