Texte intégral
Madame Le Ministre, Monsieur le Ministre,
Madame le Député, Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Présidents, Messieurs les Directeurs,
Mesdames les Conseillères,
Mesdames et Messieurs les Journalistes,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous présenter aujourdhui le document cadre de coopération au développement de la France qui propose notre vision de la Coopération pour la prochaine décennie.
Pour la première fois, le gouvernement dote la France dune stratégie globale en matière de coopération au développement. Elle rassemble lensemble des acteurs de laide française autour dune feuille de route commune.
Ce travail répond notamment à un certain nombre de critiques formulées à légard de la coopération française, parfois accusée de dêtre dispersée, de manquer de clarté sur les objectifs et de vision stratégique à long terme.
Il sagissait donc de répondre à des questions simples auxquelles il était devenu impératif de répondre : Où allons-nous ? Que cherchons-nous ? Par quels moyens ? Il convenait en somme, dinjecter une dose de lisibilité et de visibilité pour tous.
Il importait aussi de redonner du sens politique à notre coopération, de la resituer dans le contexte daujourdhui avec une vision globale et à long terme des défis de notre siècle.
Il sagissait plus spécifiquement de mieux définir les priorités de laide française, notamment géographiques : dexpliquer en quoi et comment laction de la France peut sentendre sur tous les continents sans pour autant rogner sur sa priorité qui reste lAfrique.
Il était enfin fondamental pour nous davoir une stratégie établie et stable pour préparer notre présidence du G20 et du G8 et avant que le débat ne soit officiellement lancé sur une révision de la politique européenne de développement.
La réunion de ce matin me permet aussi de commenter avec vous les résultats publiés mercredi par lOCDE sur laide publique au développement mondiale en 2010. Certes, ils ont laridité des chiffres, mais ils témoignent de la détermination et de lengagement continu de la France en faveur du développement et de la solidarité internationale, malgré un contexte budgétaire difficile et une crise économique sévère.
Vous le savez, notre aide publique au développement a atteint en 2010 un niveau historique avec près de dix milliards deuros. Nous continuons notre progression en 2010 (+ 8% environ).
Nous sommes aujourdhui le troisième contributeur mondial en volume derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni : notre aide représente 10% de laide mondiale alors que notre PIB natteint pas 5%.
Grâce à cet effort qui représente 0,50% de notre Revenu National Brut, nous avons pratiquement atteint lobjectif de 0,51% du RNB en 2010 pris lors du G8 de Gleneagles en 2005. Notre effort national de 0,5% est également supérieur à la moyenne des pays européens membres du CAD de lOCDE (0,46%).
Jentends parfois des critiques sur la composition de notre aide et sur les critères de calcul de lOCDE. Rappelons tout de même que le thermomètre est le même pour tous. Nous ne fabriquons pas nous-mêmes les critères de mesure !
Concernant la part de laide bilatérale liée aux traitements de dette, elle a largement décru par rapport aux années précédentes, pour ne plus représenter que 10% environ de laide totale en 2010 (par rapport à 35% en 2005).
Dautre part, lintégralité de la progression de lAPD entre 2009 et 2010 est due à laugmentation de laide bilatérale qui représente presque 60% du total de laide française en 2010.
Enfin, je suis intimement persuadé que lOCDE a raison dinclure les prêts concessionnels accordés en complément des dons. La France prend des risques et prête à ceux qui seraient sinon sans accès aux crédits pour se développer. Cela fait partie de la mission que nous avons confiée à lAgence Française de Développement, nous sommes un des principaux pays à le faire, avec lAllemagne et le Japon, et nous en sommes fiers.
Il sagit enfin de sortir la politique de développement dun agenda compassionnel et marginal, pour linscrire résolument dans lagenda économique mondial, en faire un instrument de régulation de la mondialisation - doù notre détermination à en faire une priorité de notre présidence du G 20.
Mais revenons au contenu de ce document. Je voudrais dabord souligner la méthode participative qui a permis son élaboration, qui sest voulue exemplaire pour lélaboration dune politique publique.
Nous avons écouté les conseils de nos pairs et capitalisé sur les grands travaux menés ces dernières années sur notre politique extérieure.
Nous avons pris le temps dune réflexion approfondie : le document que je vous présente aujourdhui est le fruit de près dun an de travail piloté par la nouvelle Direction générale de la mondialisation, des partenariats et du développement (la «DGM», que je salue tout spécialement ce matin pour son immense travail mais aussi pour sa compétence qui force mon admiration quotidiennement), sous la présidence du ministère des Affaires étrangères et européennes, du ministère de lEconomie et des Finances, du ministère de lIntérieur et de lAFD.
Nous nous sommes ouverts à la société civile et appuyés sur les réflexions dun groupe consultatif rassemblant de brillants esprits : chercheurs spécialisés, opérateurs de notre coopération, syndicats professionnels, représentants du monde de lentreprise et de la coopération décentralisée, administrateurs du Sénat et de lAssemblée, et bien entendu ONG. Beaucoup dentre vous sont dailleurs dans cette salle ce matin.
Nous nous sommes nourris des idées issues de plusieurs tables rondes organisées autour de personnalités internationalement reconnues comme les professeurs Paul Collier, François Bourguignon ou Michel Aglietta.
Nous avons également été spécialement soucieux dêtre à lécoute du Parlement, de recueillir ses avis et conseils. Les débats autour de la politique française au développement ont suscité un fort intérêt au Sénat et à lAssemblée nationale tout au long de lannée dernière, qui sest traduit par de nombreuses rencontres avec les Parlementaires.
Ce document porte la marque de lensemble de ces échanges.
Je vous disais quil importait de redonner du sens politique à notre politique de développement, de ladapter aux enjeux nouveaux avec une vision globale et à long terme.
Cette vision nouvelle de notre Coopération procède dun constat : un nouveau monde émerge depuis la fin du XXème siècle.
Je ne vous apprends rien : nous avons connu depuis une quinzaine dannées de profonds bouleversements au niveau international. Le monde est devenu interdépendant. Les défis sont devenus globaux, quils soient économiques, démographiques ou écologiques.
De nouveaux équilibres de pouvoirs saffirment, et la théorie classique du développement semble révolue. Cette théorie enseignait que les pays en développement souffraient dun déficit dépargne qui devait être compensé par les pays donateurs. Or, aujourdhui, ce sont des pays en développement et les pays émergents qui accumulent des capacités dépargne, donc des réserves de change. Nous avons des économies avancées qui au contraire, elles, accumulent des déficits internes et externes. Nous sommes en situation de front renversé à léchelle mondiale.
Ces crises ont révélé aussi de profonds déséquilibres, nés des écarts de développement. La Corée du Sud par exemple, qui présentait un revenu par habitant inférieur celui du Ghana en 1960, aujourdhui co-préside le G20, est membre de lOCDE et figure au 15ème rang mondial en termes de puissance économique. Entre les pays qui ont émergé et les pays les plus pauvres, force est de constater que les écarts de revenus se sont beaucoup creusés ces vingt dernières années.
Mais ces écarts de peuvent aussi être porteurs de mouvements despoir. Ils ont nourri le printemps des peuples arabes et secouent aussi ceux du Sud du Sahara. Cest une aspiration profonde à la croissance et à la démocratie qui séveille et qui peut-être ne fait que commencer.
La conséquence de ce nouveau monde est un changement de modèle pour notre Coopération.
Nous devons revoir nos schémas et nos approches des politiques de développement pour mieux anticiper le monde de demain.
La politique de solidarité internationale se pense de manière globale et inclusive de tous les pays du globe.
La politique de coopération procède dune approche positive et optimiste du rôle des pays en développement - cest une de mes convictions intimes. Les pays du Sud sont devenus les nouveaux réservoirs de croissance du monde. Les pays en développement ne sont plus un problème, bien au contraire.
La politique de coopération sinscrit dans une dynamique partenariale avec les pays du Sud, dégal à égal et fondée sur le respect mutuel.
Elle nous impose de revisiter les modalités de la coopération en associant tous les acteurs du développement et toutes les sources de financements.
Laide classique qui vise à réduire la pauvreté doit être absolument poursuivie. Mais elle doit également aller au-delà de cet agenda traditionnel du développement et se conjuguer à une coopération au service dune croissance juste et durable pour notre planète.
La coopération « à la française » se doit également de défendre des valeurs universelles : la démocratie, les Droits de lhomme et lEtat de droit.
Cest tout cela que la France prend en compte dans sa vision de la coopération : des valeurs universelles mais aussi le constat de trajectoires et besoins particuliers. Cest tout cela qui nous a poussé à mettre en place des «partenariats stratégiques différenciés».
Fondée sur cette analyse des grands bouleversements contemporains et des nouveaux schémas pour le développement, notre stratégie de Coopération reconnaît quatre objectifs concrets majeurs :
- la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, qui reste au centre de nos préoccupations, notamment la santé et léducation ;
- la gestion des Biens publics mondiaux (comme la protection de la biodiversité ou la maîtrise du changement climatique), nétant pas correctement prise en charge pas les Etats ou les marchés, constitue de nouveaux champs daction de la politique de coopération française ;
- la stimulation de la croissance économique, dans ses trois dimensions : son rythme, sa qualité et sa durabilité ;
- la stabilité, la démocratie, le respect des Droits de lHomme et de lEtat de droit comme facteurs de développement.
La France a déterminé deux régions prioritaires pour sa politique de coopération, lAfrique subsaharienne et le Bassin méditerranéen, complétées par des interventions dans les pays émergents et les pays en crise.
LAfrique dabord constitue notre priorité absolue.
Il est proposé de lui consacrer au moins 60% de notre effort financier, selon deux axes prioritaires :
- les Objectifs du Millénaire pour le développement bien sûr, dans un continent qui rassemble les deux tiers des pays les moins avancés :
- mais aussi la croissance, pour un continent qui va faire face notamment à un défi important en termes demplois. La population en âge de travailler devrait augmenter de plus de 400 millions de personnes dans les 20 prochaines années et lAfrique comptera en 2050 près de deux milliards dindividus, soit 20% de la population mondiale ; plus que la Chine et plus que lInde.
En Afrique, nous mobiliserons tous nos instruments, subventions dabord, mais aussi les prêts de lAFD et ses instruments de marché. LAfrique est la priorité au regard de nos subventions : 50% dentre elles seront concentrés sur 14 pays prioritaires, tous africains, dont treize sont dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA).
Le Bassin méditerranéen constitue notre deuxième axe prioritaire.
Nous prévoyons dy mobiliser 20% de notre effort financier.
Il faut souligner que cest la première fois que nous faisons de cette région une priorité de la coopération française.
Il faut souligner également que ce choix est antérieur aux évènements qui se déroulent depuis le mois de décembre dans le monde arabe puisque le document de stratégie a été finalisé à lété 2010. Lanalyse que nous portions à lépoque sur cette région se révèle donc aujourdhui particulièrement pertinente au regard des évènements du «printemps arabe».
La volonté de faire du bassin méditerranéen une de nos zones de concentration de coopération sappuyait sur le constat que cette région se heurte à des problèmes structurels, concentrant un nombre élevé de risques de fractures à la fois politiques, économiques, sociaux et écologiques.
Dans cette deuxième géographie prioritaire, nous viserons à appuyer le développement économique et la création demplois, le développement urbain, la protection de lenvironnement et enfin la coopération culturelle, tant nécessaire au dialogue des civilisations.
La France veut également être présente dans la coopération avec les pays émergents.
Je sais les interrogations que suscitent parfois les interventions dans les pays émergents, aussi vais-je mattarder un peu sur notre coopération avec ces pays, qui, pour un coût budgétaire limité, me semble incontournable.
Nous proposons pour ces interventions dy consacrer 10% de nos moyens.
Il sagit là daccompagner le décollage économique en promouvant une «croissance verte et solidaire».
Nous devons dialoguer avec les grandes puissances de demain, utiliser nos moyens pour favoriser la mise en uvre de stratégies de croissance plus coopératives. Car cela conditionne aussi notre avenir et la protection des grands équilibres mondiaux.
Car une partie des déséquilibres internationaux prennent leurs racines dans les stratégies de croissance parfois musclées de certains pays, alors même que leurs populations sont laissées à lécart de cette croissance.
La Chine offre aujourdhui le paradoxe de cumuler des réserves de change gigantesques et de rester un pays classé parmi les pays à revenus intermédiaires. Lévolution de son modèle de croissance nous concerne et détermine en partie les conditions de vie de notre population, par son impact possible sur le changement climatique ou lemploi en Europe. Nous devons être présents pour pouvoir peser sur les choix de ce pays-continent amené à influer de façon conséquente sur léquilibre de notre planète.
De même, lintervention de lAFD en Indonésie, 4ème émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, est fondamentale pour notre avenir. En aidant à lélaboration et au financement dun plan de lute contre le changement climatique, nous avons aidé ce pays à prendre un engagement de réduire de 26% ses émissions de gaz dici 2020.
Enfin, nous prévoyons de déployer 10% de nos moyens pour les pays en sortie de crise, afin de les aider à se relever et à construire un avenir stable et prospère.
Car la politique de coopération «à la française» se pose aussi comme un moyen de prévenir et résoudre les crises, quelles soient politiques, institutionnelles, économiques, sociales, environnementales ou sanitaires. Là encore, lactualité ne nous dément pas.
Pour conclure, je dirais que la France a lambition, via sa politique de coopération, de contribuer à une mondialisation mieux maîtrisée, plus juste, ouverte vers lavenir, porteuse de valeurs, par devoir de solidarité mais aussi dans lintérêt de tous.
Je crois quil est important de saisir que la coopération est devenue une irrémédiable nécessité de ce siècle. Le développement nous oblige et nous concerne tous.
Assurer une croissance durable, équilibrée et partagée est un objectif intermédiaire.
Lobjectif final est le développement humain et la paix.
Mais nous ne sommes pas naïfs pour autant. Laide publique au développement ne peut pas tout.
La recherche de solutions globales nécessite une approche globale du financement du développement et la mobilisation de ressources quantitatives bien plus importantes, telles que les ressources fiscales propres des pays en développement, les instruments de marché, linvestissement privé, local et international, ou les financements innovants.
Pour autant, laide reste aujourdhui irremplaçable. La France veut poursuivre ses efforts, avec enthousiasme et détermination, sans angélisme. Avec tous les partenaires, notamment nos partenaires européens et nos partenaires du G20. Cest pourquoi la présidence française en a fait une des priorités de son agenda international.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 avril 2011
Madame le Député, Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Présidents, Messieurs les Directeurs,
Mesdames les Conseillères,
Mesdames et Messieurs les Journalistes,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous présenter aujourdhui le document cadre de coopération au développement de la France qui propose notre vision de la Coopération pour la prochaine décennie.
Pour la première fois, le gouvernement dote la France dune stratégie globale en matière de coopération au développement. Elle rassemble lensemble des acteurs de laide française autour dune feuille de route commune.
Ce travail répond notamment à un certain nombre de critiques formulées à légard de la coopération française, parfois accusée de dêtre dispersée, de manquer de clarté sur les objectifs et de vision stratégique à long terme.
Il sagissait donc de répondre à des questions simples auxquelles il était devenu impératif de répondre : Où allons-nous ? Que cherchons-nous ? Par quels moyens ? Il convenait en somme, dinjecter une dose de lisibilité et de visibilité pour tous.
Il importait aussi de redonner du sens politique à notre coopération, de la resituer dans le contexte daujourdhui avec une vision globale et à long terme des défis de notre siècle.
Il sagissait plus spécifiquement de mieux définir les priorités de laide française, notamment géographiques : dexpliquer en quoi et comment laction de la France peut sentendre sur tous les continents sans pour autant rogner sur sa priorité qui reste lAfrique.
Il était enfin fondamental pour nous davoir une stratégie établie et stable pour préparer notre présidence du G20 et du G8 et avant que le débat ne soit officiellement lancé sur une révision de la politique européenne de développement.
La réunion de ce matin me permet aussi de commenter avec vous les résultats publiés mercredi par lOCDE sur laide publique au développement mondiale en 2010. Certes, ils ont laridité des chiffres, mais ils témoignent de la détermination et de lengagement continu de la France en faveur du développement et de la solidarité internationale, malgré un contexte budgétaire difficile et une crise économique sévère.
Vous le savez, notre aide publique au développement a atteint en 2010 un niveau historique avec près de dix milliards deuros. Nous continuons notre progression en 2010 (+ 8% environ).
Nous sommes aujourdhui le troisième contributeur mondial en volume derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni : notre aide représente 10% de laide mondiale alors que notre PIB natteint pas 5%.
Grâce à cet effort qui représente 0,50% de notre Revenu National Brut, nous avons pratiquement atteint lobjectif de 0,51% du RNB en 2010 pris lors du G8 de Gleneagles en 2005. Notre effort national de 0,5% est également supérieur à la moyenne des pays européens membres du CAD de lOCDE (0,46%).
Jentends parfois des critiques sur la composition de notre aide et sur les critères de calcul de lOCDE. Rappelons tout de même que le thermomètre est le même pour tous. Nous ne fabriquons pas nous-mêmes les critères de mesure !
Concernant la part de laide bilatérale liée aux traitements de dette, elle a largement décru par rapport aux années précédentes, pour ne plus représenter que 10% environ de laide totale en 2010 (par rapport à 35% en 2005).
Dautre part, lintégralité de la progression de lAPD entre 2009 et 2010 est due à laugmentation de laide bilatérale qui représente presque 60% du total de laide française en 2010.
Enfin, je suis intimement persuadé que lOCDE a raison dinclure les prêts concessionnels accordés en complément des dons. La France prend des risques et prête à ceux qui seraient sinon sans accès aux crédits pour se développer. Cela fait partie de la mission que nous avons confiée à lAgence Française de Développement, nous sommes un des principaux pays à le faire, avec lAllemagne et le Japon, et nous en sommes fiers.
Il sagit enfin de sortir la politique de développement dun agenda compassionnel et marginal, pour linscrire résolument dans lagenda économique mondial, en faire un instrument de régulation de la mondialisation - doù notre détermination à en faire une priorité de notre présidence du G 20.
Mais revenons au contenu de ce document. Je voudrais dabord souligner la méthode participative qui a permis son élaboration, qui sest voulue exemplaire pour lélaboration dune politique publique.
Nous avons écouté les conseils de nos pairs et capitalisé sur les grands travaux menés ces dernières années sur notre politique extérieure.
Nous avons pris le temps dune réflexion approfondie : le document que je vous présente aujourdhui est le fruit de près dun an de travail piloté par la nouvelle Direction générale de la mondialisation, des partenariats et du développement (la «DGM», que je salue tout spécialement ce matin pour son immense travail mais aussi pour sa compétence qui force mon admiration quotidiennement), sous la présidence du ministère des Affaires étrangères et européennes, du ministère de lEconomie et des Finances, du ministère de lIntérieur et de lAFD.
Nous nous sommes ouverts à la société civile et appuyés sur les réflexions dun groupe consultatif rassemblant de brillants esprits : chercheurs spécialisés, opérateurs de notre coopération, syndicats professionnels, représentants du monde de lentreprise et de la coopération décentralisée, administrateurs du Sénat et de lAssemblée, et bien entendu ONG. Beaucoup dentre vous sont dailleurs dans cette salle ce matin.
Nous nous sommes nourris des idées issues de plusieurs tables rondes organisées autour de personnalités internationalement reconnues comme les professeurs Paul Collier, François Bourguignon ou Michel Aglietta.
Nous avons également été spécialement soucieux dêtre à lécoute du Parlement, de recueillir ses avis et conseils. Les débats autour de la politique française au développement ont suscité un fort intérêt au Sénat et à lAssemblée nationale tout au long de lannée dernière, qui sest traduit par de nombreuses rencontres avec les Parlementaires.
Ce document porte la marque de lensemble de ces échanges.
Je vous disais quil importait de redonner du sens politique à notre politique de développement, de ladapter aux enjeux nouveaux avec une vision globale et à long terme.
Cette vision nouvelle de notre Coopération procède dun constat : un nouveau monde émerge depuis la fin du XXème siècle.
Je ne vous apprends rien : nous avons connu depuis une quinzaine dannées de profonds bouleversements au niveau international. Le monde est devenu interdépendant. Les défis sont devenus globaux, quils soient économiques, démographiques ou écologiques.
De nouveaux équilibres de pouvoirs saffirment, et la théorie classique du développement semble révolue. Cette théorie enseignait que les pays en développement souffraient dun déficit dépargne qui devait être compensé par les pays donateurs. Or, aujourdhui, ce sont des pays en développement et les pays émergents qui accumulent des capacités dépargne, donc des réserves de change. Nous avons des économies avancées qui au contraire, elles, accumulent des déficits internes et externes. Nous sommes en situation de front renversé à léchelle mondiale.
Ces crises ont révélé aussi de profonds déséquilibres, nés des écarts de développement. La Corée du Sud par exemple, qui présentait un revenu par habitant inférieur celui du Ghana en 1960, aujourdhui co-préside le G20, est membre de lOCDE et figure au 15ème rang mondial en termes de puissance économique. Entre les pays qui ont émergé et les pays les plus pauvres, force est de constater que les écarts de revenus se sont beaucoup creusés ces vingt dernières années.
Mais ces écarts de peuvent aussi être porteurs de mouvements despoir. Ils ont nourri le printemps des peuples arabes et secouent aussi ceux du Sud du Sahara. Cest une aspiration profonde à la croissance et à la démocratie qui séveille et qui peut-être ne fait que commencer.
La conséquence de ce nouveau monde est un changement de modèle pour notre Coopération.
Nous devons revoir nos schémas et nos approches des politiques de développement pour mieux anticiper le monde de demain.
La politique de solidarité internationale se pense de manière globale et inclusive de tous les pays du globe.
La politique de coopération procède dune approche positive et optimiste du rôle des pays en développement - cest une de mes convictions intimes. Les pays du Sud sont devenus les nouveaux réservoirs de croissance du monde. Les pays en développement ne sont plus un problème, bien au contraire.
La politique de coopération sinscrit dans une dynamique partenariale avec les pays du Sud, dégal à égal et fondée sur le respect mutuel.
Elle nous impose de revisiter les modalités de la coopération en associant tous les acteurs du développement et toutes les sources de financements.
Laide classique qui vise à réduire la pauvreté doit être absolument poursuivie. Mais elle doit également aller au-delà de cet agenda traditionnel du développement et se conjuguer à une coopération au service dune croissance juste et durable pour notre planète.
La coopération « à la française » se doit également de défendre des valeurs universelles : la démocratie, les Droits de lhomme et lEtat de droit.
Cest tout cela que la France prend en compte dans sa vision de la coopération : des valeurs universelles mais aussi le constat de trajectoires et besoins particuliers. Cest tout cela qui nous a poussé à mettre en place des «partenariats stratégiques différenciés».
Fondée sur cette analyse des grands bouleversements contemporains et des nouveaux schémas pour le développement, notre stratégie de Coopération reconnaît quatre objectifs concrets majeurs :
- la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, qui reste au centre de nos préoccupations, notamment la santé et léducation ;
- la gestion des Biens publics mondiaux (comme la protection de la biodiversité ou la maîtrise du changement climatique), nétant pas correctement prise en charge pas les Etats ou les marchés, constitue de nouveaux champs daction de la politique de coopération française ;
- la stimulation de la croissance économique, dans ses trois dimensions : son rythme, sa qualité et sa durabilité ;
- la stabilité, la démocratie, le respect des Droits de lHomme et de lEtat de droit comme facteurs de développement.
La France a déterminé deux régions prioritaires pour sa politique de coopération, lAfrique subsaharienne et le Bassin méditerranéen, complétées par des interventions dans les pays émergents et les pays en crise.
LAfrique dabord constitue notre priorité absolue.
Il est proposé de lui consacrer au moins 60% de notre effort financier, selon deux axes prioritaires :
- les Objectifs du Millénaire pour le développement bien sûr, dans un continent qui rassemble les deux tiers des pays les moins avancés :
- mais aussi la croissance, pour un continent qui va faire face notamment à un défi important en termes demplois. La population en âge de travailler devrait augmenter de plus de 400 millions de personnes dans les 20 prochaines années et lAfrique comptera en 2050 près de deux milliards dindividus, soit 20% de la population mondiale ; plus que la Chine et plus que lInde.
En Afrique, nous mobiliserons tous nos instruments, subventions dabord, mais aussi les prêts de lAFD et ses instruments de marché. LAfrique est la priorité au regard de nos subventions : 50% dentre elles seront concentrés sur 14 pays prioritaires, tous africains, dont treize sont dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA).
Le Bassin méditerranéen constitue notre deuxième axe prioritaire.
Nous prévoyons dy mobiliser 20% de notre effort financier.
Il faut souligner que cest la première fois que nous faisons de cette région une priorité de la coopération française.
Il faut souligner également que ce choix est antérieur aux évènements qui se déroulent depuis le mois de décembre dans le monde arabe puisque le document de stratégie a été finalisé à lété 2010. Lanalyse que nous portions à lépoque sur cette région se révèle donc aujourdhui particulièrement pertinente au regard des évènements du «printemps arabe».
La volonté de faire du bassin méditerranéen une de nos zones de concentration de coopération sappuyait sur le constat que cette région se heurte à des problèmes structurels, concentrant un nombre élevé de risques de fractures à la fois politiques, économiques, sociaux et écologiques.
Dans cette deuxième géographie prioritaire, nous viserons à appuyer le développement économique et la création demplois, le développement urbain, la protection de lenvironnement et enfin la coopération culturelle, tant nécessaire au dialogue des civilisations.
La France veut également être présente dans la coopération avec les pays émergents.
Je sais les interrogations que suscitent parfois les interventions dans les pays émergents, aussi vais-je mattarder un peu sur notre coopération avec ces pays, qui, pour un coût budgétaire limité, me semble incontournable.
Nous proposons pour ces interventions dy consacrer 10% de nos moyens.
Il sagit là daccompagner le décollage économique en promouvant une «croissance verte et solidaire».
Nous devons dialoguer avec les grandes puissances de demain, utiliser nos moyens pour favoriser la mise en uvre de stratégies de croissance plus coopératives. Car cela conditionne aussi notre avenir et la protection des grands équilibres mondiaux.
Car une partie des déséquilibres internationaux prennent leurs racines dans les stratégies de croissance parfois musclées de certains pays, alors même que leurs populations sont laissées à lécart de cette croissance.
La Chine offre aujourdhui le paradoxe de cumuler des réserves de change gigantesques et de rester un pays classé parmi les pays à revenus intermédiaires. Lévolution de son modèle de croissance nous concerne et détermine en partie les conditions de vie de notre population, par son impact possible sur le changement climatique ou lemploi en Europe. Nous devons être présents pour pouvoir peser sur les choix de ce pays-continent amené à influer de façon conséquente sur léquilibre de notre planète.
De même, lintervention de lAFD en Indonésie, 4ème émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, est fondamentale pour notre avenir. En aidant à lélaboration et au financement dun plan de lute contre le changement climatique, nous avons aidé ce pays à prendre un engagement de réduire de 26% ses émissions de gaz dici 2020.
Enfin, nous prévoyons de déployer 10% de nos moyens pour les pays en sortie de crise, afin de les aider à se relever et à construire un avenir stable et prospère.
Car la politique de coopération «à la française» se pose aussi comme un moyen de prévenir et résoudre les crises, quelles soient politiques, institutionnelles, économiques, sociales, environnementales ou sanitaires. Là encore, lactualité ne nous dément pas.
Pour conclure, je dirais que la France a lambition, via sa politique de coopération, de contribuer à une mondialisation mieux maîtrisée, plus juste, ouverte vers lavenir, porteuse de valeurs, par devoir de solidarité mais aussi dans lintérêt de tous.
Je crois quil est important de saisir que la coopération est devenue une irrémédiable nécessité de ce siècle. Le développement nous oblige et nous concerne tous.
Assurer une croissance durable, équilibrée et partagée est un objectif intermédiaire.
Lobjectif final est le développement humain et la paix.
Mais nous ne sommes pas naïfs pour autant. Laide publique au développement ne peut pas tout.
La recherche de solutions globales nécessite une approche globale du financement du développement et la mobilisation de ressources quantitatives bien plus importantes, telles que les ressources fiscales propres des pays en développement, les instruments de marché, linvestissement privé, local et international, ou les financements innovants.
Pour autant, laide reste aujourdhui irremplaçable. La France veut poursuivre ses efforts, avec enthousiasme et détermination, sans angélisme. Avec tous les partenaires, notamment nos partenaires européens et nos partenaires du G20. Cest pourquoi la présidence française en a fait une des priorités de son agenda international.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 avril 2011