Interview de M. Maurice Leroy, ministre de la ville, à RTL le 8 mars 2011, sur le débat sur la nationalité française, la laïcité et la stratégie de l'UMP et du Centre.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
Bonjour
 
Faut-il déchoir de la nationalité française ceux qui l’ont acquise depuis moins de dix ans, et qui sont reconnus coupable du meurtre d’un policier ou d’un gendarme ? C’est ce que souhaite le président de la République, il l’avait dit avec fracas à Grenoble lors d’un discours prononcé le 31 juillet de l’année dernière, et c’est ce qui divise aujourd’hui la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale où est étudié en deuxième lecture, un projet de loi sur l’immigration qui contient cette mesure de déchéance de la nationalité. 68 députés centristes - votre famille, M. Leroy - regroupés derrière J.-L. Borloo - votre ami - refusent de voter la mesure que soutiennent les fidèles du chef de l’Etat, parmi lesquels C. Estrosi. Vous êtes de quel côté, ce matin ? M. Leroy : est-ce qu’il faut déchoir de leur nationalité les gens... ?
 
Je suis comme toujours du côté de ma famille. Ma famille est centriste. Je suis centriste dans ce Gouvernement. Je n’ai pas voté cette législation lorsqu’elle est venue en première lecture devant l’Assemblée nationale...
 
Cette mesure-là, vous avez voté le projet de loi qui la contenait, mais pas cette mesure ?
 
Pas cette mesure. Pas cette mesure. J’ai voté le projet de loi parce que l’ensemble de la loi allait dans le bon sens.
 
Mais pas cette mesure ?
 
Elle avançait plus de sécurité pour les Français...
 
D’accord. Pas cette mesure ?
 
... Et nous, les centristes nous sommes responsables...
 
Pourquoi pas cette mesure ?
 
Pas cette mesure, parce qu’effectivement je ne fais pas de distinction entre les enfants naturels et les enfants adoptifs de la République et je suis d’une famille qui aime quand Ernest Renan dit que "La Nation c’est un plébiscite de tous les jours". Voilà.
 
Et donc malgré que vous soyez devenu ministre, le 15 novembre...
 
Oui, quand vous devenez ministre, vous n’avez pas l’imperméable de Colombo qui vous prémunit de tout ce que vous faisiez avant -je parlais de l’Inspecteur Colombo, tout le monde m’aura compris j’espère !-...
 
Un centriste, Colombo !
 
Donc, voilà, les choses sont assez simples. Si j’avais été à l’Assemblée nationale, j’aurais co-signé au côté de F. Sauvadet, des députés centristes, des 42 députés UMP qui derrière J.-L. Borloo, L. Hénart, P. Méhaignerie - je pourrais en citer d’autres - les ont cités. Vous savez, on a besoin de pluralisme dans la majorité.
 
Et vous êtes devenu...
 
Et les sondages le montrent : nous avons besoin de pluralisme dans la majorité.
 
On va parler du sondage. Vous êtes membre du Gouvernement. Vous êtes tout de même tenu à une solidarité. Vous voulez que je vous rappelle ce que disait le président de la République, le 31 juillet : "Je prends mes responsabilités, disait-il, c’était donc à Grenoble. La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique. La nationalité française se mérite. Il faut pouvoir s’en montrer digne."Le président de la République a tort ?
 
Non, le Président de la République est dans son rôle
 
C’est quoi son rôle ?
 
Ecoutez-moi, vous aurez du mal à me mettre en porte à faux avec le président de la République ; et puis ensuite
 
Vous vous êtes mis tout seul en opposition à lui...
 
Non, je ne me suis mis en opposition de rien du tout. Mais si. J’affirme des positions, c’est vrai, voilà...
 
... qui sont contraires à la conviction du président de la République !
 
Mais attendez ! Ca s’appelle le pluralisme. Au Sénat, vous avez noté sans doute qu’il y a 182 sénateurs qui ont voté la suppression de l’article 3bis de la loi ; et j’ai noté que F. Fillon qui jusqu’à preuve du contraire, est encore le Premier ministre de la France, non, dans le Gouvernement que je siège...
 
Ah, c’est vous qui introduisez le doute. Jusqu’à preuve du contraire, dites-vous !
 
Je vous sens en difficulté...
 
Moi ?
 
Mais on va avancer.
 
Oui, vous avez raison.
 
C’est F. Fillon, c’est F. Fillon qui a dit qu’il respecterait que le gouvernement respecterait le vote du Sénat et notamment des sénateurs centristes. Donc, je suis exactement sur la même position que le Premier ministre de ce point de vue. Pour le reste, ne me demandez pas de ne pas être centriste dans ce gouvernement ! C’est ma famille. Je ne suis pas adhérent à l’UMP, je suis adhérent du Nouveau Centre.
 
Est-ce que ce n’est pas un problème ? Est-ce que ce n’est pas ce qui explique les difficultés actuelles de voir le président de la République affirmer avec solennité un souhait et puis après, voilà ?!
 
Ce n’est pas comme ça que ça se pose. Moi, j’ai soutenu - entre les deux tours des présidentielles, comme vous le savez - avec mes amis centristes du Nouveau Centre, avec H. Morin, F. Sauvadet, J.-C. Lagarde et beaucoup d’autres, j’ai soutenu la démarche du président de la République qui était une démarche réformatrice au sens d’ailleurs où J. Lecanuet donnait ce mot réformateur et le contenu ; et je me réjouis de l’avoir fait. Pourquoi ? Parce qu’effectivement, il y a des pouvoirs équilibrés...
 
Ah, on ne va pas faire la réélection de 2007 ! Non, non...
 
Non, mais on ne la refait pas. Attendez, je progresse...
 
Est-ce que N. Sarkozy, avec ce genre de mesures... ?
 
Ça veut dire que le Parlement, aujourd’hui, a beaucoup plus de pouvoir qu’il n’en avait précédemment, y compris dans les années Chirac - A. Duhamel évoquait... Donc, voilà
 
On va parler clairement du débat d’aujourd’hui...
 
Réjouissons-nous que les parlementaires aient la liberté de voter, y compris pas toujours dans le sens du président de la République, voilà.
 
Est-ce qu’avec ce genre de proposition, le président de la République court trop, d’après vous, derrière le Front National ?
 
Non, je ne pense pas que le président de la République... Vous savez, le président de la République, il ne court pas après le Front National. Il est arrivé que malheureusement, ça se fasse à l’UMP, ça c’est autre chose.
 
Mais pas le président de la République
 
Non, pas le président de la République. Et d’ailleurs puisque vous voulez des confidences
 
Oui !
 
Souvent, au Nouveau Centre et chez les centristes, nous avons souvent été plus en phase avec le président de la République qu’avec nos propres partenaires de la majorité parlementaire. Donc, le président de la République, il est totalement en phase et dans son rôle. Par contre, effectivement, prenons garde à celles et ceux qui parfois, par panique, pensent faire une course à l’échalote. Je vais vous dire une chose...
 
On panique à l’UMP ?
 
... Jamais, jamais les gens ne font autre chose que choisir l’original à la copie, toujours
 
Le débat sur l’Islam...
 
... Surtout quand les copies sont pâles.
 
Le débat sur l’Islam, c’est un signe de panique, d’après vous, M. Leroy ?
 
Moi je ne suis pas favorable à ce débat sur l’Islam. Je n’avais pas été favorable comme porte-parole du Nouveau Centre au débat sur la nationalité. Je trouvais qu’effectivement, on prenait des risques et excusez-moi, les sondages me donnent plutôt raison. Aujourd’hui, il faut agir ; on doit être dans l’action. Moi je suis plus efficace comme ministre de la Ville qui se bat pour conjuguer l’urbain et l’humain dans les quartiers en faveur notamment des jeunes qui subissent le chômage, voilà. Et quand je suis en Loir-et-Cher, encore hier soir, en réunion publique ou sur le terrain...
 
Ce matin, vous êtes à Paris. Oui.
 
Oui, et dans mes déplacements ministériels, je vais vous dire les Français y compris les auditeurs de RTL, ils ne commentent pas la courbe des sondages, ils commentent la courbe du chômage, de l’essence à la pompe ; donc parlons des réalités des Français... Parlons des Français !
 
On est d’accord pour dire, M. Leroy, que c’est le président de la République qui souhaite ce débat sur l’Islam ?
 
Non, le président de la République...
 
Ah bon !
 
Eh bien, écoutez vous suivez l’actualité quand même... Vous êtes un observateur émérite de l’actualité...
 
Il ne souhaitait pas le débat sur l’Islam ?
 
Vous avez observé que depuis, ça a évolué y compris devant l’Assemblée nationale, il a été clairement affirmé - c’était un débat - sur la laïcité. On est plus dans un débat sur l’Islam. Si l’élection présidentielle avait lieu, dimanche, par exemple, vous aimeriez pouvoir voter pour qui ? N. Sarkozy ou J.-L. Borloo ? Si elle avait lieu, dimanche ?
 
Oui.
 
Au premier tour ?
 
Oui.
 
Pour J.-L. Borloo.
 
D’accord. Vous serez encore ministre, ce soir, M. Leroy ?
 
Eh bien écoutez, vous le verrez bien !
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 11 mars 2011