Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le calendrier et le financement des travaux de confinement de l'ancien réacteur de Tchernobyl, à Kiev (Ukraine) le 19 avril 2011.

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Circonstance : Conférence des donateurs de Tchernobyl, à Kiev (Ukraine) le 19 avril 2011

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs,
C'est un grand honneur pour moi de m'exprimer ici au nom de la Présidence française du G8, et je veux vous dire que je ressens parmi vous et avec vous, toute la gravité et la responsabilité qui s'attachent à notre rencontre.
Vingt-cinq ans après la catastrophe de Tchernobyl, je veux remercier le Président Ianoukovitch et les autorités ukrainiennes d'avoir organisé cette conférence. Les événements du Japon lui donnent une résonance et une signification particulièrement fortes.
Au bout d'un quart de siècle, le souvenir de Tchernobyl aurait pu s'estomper. Il n'en est rien. L'actualité le ravive au contraire et nous en rappelle les enjeux fondamentaux.
Nous n'avons pas le droit d'oublier. Nous n'avons pas le droit d'esquiver nos devoirs. Plus que jamais notre responsabilité est de joindre nos efforts pour limiter les conséquences de telles catastrophes et pour préparer l'avenir.
En ce moment de triste anniversaire, mes pensées vont au peuple ukrainien, si durement touché. Elles vont aux populations russe et biélorusse qui, dans les zones frontières proches de la centrale de Tchernobyl, ont subi les effets de la catastrophe. Elles vont à toutes les victimes de cette tragédie humaine. Elles vont aux héros qui se sont sacrifiés pour sauver des vies.
L'accident de Tchernobyl a contaminé de vastes zones où la vie est mise en péril pour une longue durée. Dès le lendemain, des hommes et des femmes ont dû quitter leur maison, leur terre, pour ne jamais y revenir.
Les citoyens japonais évacués des environs de la centrale de Fukushima font aujourd'hui face au même drame.
Tchernobyl a frappé l'opinion publique mondiale. Tchernobyl nous a aussi beaucoup appris.
Devant une telle catastrophe, les frontières qui séparaient à l'époque le monde occidental et le monde soviétique apparaissaient soudain dérisoires.
L'indifférence était impossible. La solidarité était notre premier devoir. Une catastrophe nucléaire ne concerne pas seulement le pays où elle survient, elle concerne la communauté internationale tout entière.
Celle-ci s'est rapidement mobilisée – et n'a d'ailleurs cessé de le faire depuis lors – pour tenter de comprendre l'accident et d'en évaluer toutes les conséquences.
Dès le mois d'août 86, l'Agence Internationale de l'Energie Atomique organisait une première réunion d'analyse.
Deux ans plus tard, alors que le monde était encore divisé en deux blocs, les autorités soviétiques et l'AIEA unissaient leurs efforts pour organiser ici même, à Kiev, en mai 88, une conférence scientifique visant à examiner les conséquences radiologiques et les aspects médicaux de la catastrophe.
Ensuite, au début des années 1990, des initiatives sont nées dans le cadre de l'Organisation des Nations unies.
A la demande du gouvernement soviétique, le projet international pour Tchernobyl a pu être lancé, avec l'ambition de traiter quatre grandes questions : l'étendue de la contamination des régions habitées, les prévisions en termes de radio-exposition de la population, les effets sanitaires observés et potentiels, et enfin, l'efficacité des mesures prises pour protéger le public.
Mais il fallait aller plus loin.
La nécessité de construire un nouveau sarcophage est vite apparue, pour remplacer celui qui avait été bâti dans l'urgence en 1986. C'est un chantier considérable et il était impossible de faire peser une telle responsabilité sur la seule Ukraine qui venait tout juste d'accéder à l'indépendance. L'engagement politique et financier de la communauté internationale toute entière était indispensable.
Le G7 et l'Union européenne ont joué un rôle clé dans cette prise de conscience.
Ils ont signé en 95 un premier protocole d'accord avec l'Ukraine.
En 97, un fonds géré par la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement a été mis en place pour financer les travaux de confinement de l'ancien réacteur. Une première conférence des donateurs s'est tenue en 97 à New York, puis une autre à Berlin en 2000.
Il a fallu des années de recherche pour que les ingénieurs conçoivent une arche de confinement inédite, techniquement révolutionnaire. Mais ils y sont parvenus. En 2006, les travaux de terrassement ont pu commencer.
Entre le premier appel aux dons en 1997 et la fin de l'année 2010, 990 millions d'euros ont été versés à la Berd, dont plus de 721 millions l'ont été par les membres du G7 et par l'Union européenne.
En conviant la Présidence française du G8 à co-présider cette conférence des donateurs, l'Ukraine marque sa reconnaissance pour les investissements réalisés par cette institution, et je veux en remercier l'Ukraine.
Grâce à tous les efforts réalisés, nous entrevoyons enfin l'achèvement des travaux, prévu pour la fin de l'année 2015. Au regard des contraintes existantes, c'est un exploit technologique.
Mais pour aboutir, nous avons besoin de financements supplémentaires, de l'ordre de 740 millions d'euros. C'est pour cela que nous sommes réunis aujourd'hui !
La France est depuis toujours impliquée dans ce processus.
Nous voulons que ce chantier essentiel aboutisse avec succès, et je m'engage aujourd'hui, devant vous, à ce que mon pays contribue à hauteur de 47 millions d'euros aux projets en cours. La France aura ainsi contribué pour un total de plus de 160 millions d'euros aux travaux sur le site de Tchernobyl.
Longtemps, nous avons recherché les solutions techniques aux problèmes que posaient les installations de la centrale.
Maintenant que nous les avons trouvées, maintenant que la ligne d'arrivée est en vue, nous devons aller au bout de notre effort, et nous devons saisir cette occasion historique de terminer ces travaux, nous devons ensemble solder ce douloureux héritage.
C'est ce message de mobilisation que je veux adresser à nos partenaires du G8, à nos partenaires européens et à tous nos autres partenaires.
Jamais la catastrophe de Tchernobyl ne sera oubliée, mais faisons en sorte que jamais non plus ne soit oublié l'engagement résolu de tous les Etats à la réparer ensemble.
La France et le G8 ont pris leurs responsabilités.
A nos amis ukrainiens et à la Berd, je veux dire que c'est en vous que nous plaçons désormais notre confiance pour que ces projets se concrétisent au plus vite et que la sécurité de tous soit assurée.
Ainsi, nous aurons ensemble soulagé et traité les blessures du passé. Nous aurons, en un mot, assumé nos responsabilités.Source http://www.gouvernement.fr, le 20 avril 2011