Interview de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, à Europe 1 le 5 mai 2011, sur la polémique concernant la discrimination raciale dans la sélection des joueurs de l'équipe de France de foot.

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Média : Europe 1

Texte intégral

GUILLAUME CAHOUR Chantal JOUANNO bonjour.
 
CHANTAL JOUANNO Bonjour.
 
GUILLAUME CAHOUR Ministre des Sports, en direct sur Europe 1, le scandale des quotas dans le foot avec cette interrogation ce matin Chantal JOUANNO, quand la fédération a-t-elle été informée de ce qui s’est dit précisément le 8 novembre 2010 avec ces propos discriminatoires, l’enregistrement de la réunion aurait été transmis à un proche du président DUCHAUSSOY dès le lendemain. Pour vous, est-ce qu’il y a clairement un dysfonctionnement dans l’organisation de la Fédération Française de Foot ?
 
CHANTAL JOUANNO Il faut qu’on mette un peu de rationalité dans le débat et c’est tout l’objet de la mission de l’inspection que j’ai diligenté. Aujourd'hui on ne peut pas affirmer avec clarté qu’il y a une manipulation, que la présidence de la fédération était au courant, qu’il y a eu effectivement mise en place de quotas discriminatoires. Et c’est beaucoup trop tôt, donc la mission d’inspection qu’on a diligenté, elle est très courte, une semaine, elle doit relever tous les témoignages, tous les éléments matériels pour donner une opinion qui soit claire, indépendante et vraiment objective. Parce que c’est vrai que là on est sur un espèce de feuilleton assez désastreux d’ailleurs pour tout le monde, désastreux pour le sport, désastreux pour le football particulièrement, désastreux pour l’Etat en général parce qu’on parle bien d’un directeur technique national et de cadres d’Etat. Mais nous, nous ne sommes pas dans la chasse aux sorcières, nous, nous sommes là pour chercher avec beaucoup de rationalité.
 
GUILLAUME CAHOUR Chantal JOUANNO, votre ministère s’est désolidarisé hier de l’enquête de la Fédération Française de Foot, pourquoi ?
 
CHANTAL JOUANNO On ne s’est pas désolidarisé au sens propre, j’ai voulu que les missions soient bien séparées pour une raison extrêmement simple, c’est que tout se retrouve dans la presse et que moi je souhaite vraiment que la mission soit indépendante, ne soit pas suspectée d’une manière ou d’une autre.
 
GUILLAUME CAHOUR En fait il y a trop de fuites à la Fédération Française de Foot.
 
CHANTAL JOUANNO Il y a énormément de fuites, vous le voyez très bien puisque tout se retrouve dans la presse assez rapidement et que cette mission ne soit pas suspectée effectivement de prendre position pour les uns et les autres. Ce qui en plus peut amener les personnes qui sont appelées à témoigner ou en tout cas à apporter leur contribution, à se dire, finalement je ne vais rien dire dans la mesure où tout se retrouve dans la presse le lendemain. Non, moi ma mission d’inspection, elle n’est pas… enfin l’autre non plus d’ailleurs, mais vraiment elle se doit de travailler en toute sérénité, en toute objectivité. Ils ont une consigne qui est de ne parler à personne, en tout cas en personne qu’il interroge, et ils s’y tiennent strictement.
 
GUILLAUME CAHOUR La Fédération Française de Foot semble t-il veut se débarrasser de Mohamed BENKACEMI, celui par qui le scandale est arrivé, c’est lui qui a enregistré et qui a ensuite donné cet enregistrement à un responsable de la Fédé. La Fédé veut s’en débarrasser pour manque de loyauté, est-ce que ça vous choque ?
 
CHANTAL JOUANNO Il ne peut y avoir de décision sur ces sujets là qu’au terme de l’instruction…
 
GUILLAUME CAHOUR Non, mais vous est-ce que ça vous choque, il a enregistré à l’insu des participants certes, mais c’est quand même lui qui fait sortir ce scandale ?
 
CHANTAL JOUANNO Alors premier point, le premier point on va revenir quand même dans l’ordre des choses. Premier point, c’est de savoir s’il y a eu quota discriminatoire et incitation à la discrimination.
 
GUILLAUME CAHOUR Ca, on le saura la semaine prochaine.
 
CHANTAL JOUANNO Ca, on le saura la semaine prochaine, mais je veux juste rappeler parce que certains seraient tentés, je veux juste rappeler que c'est un délit, et en plus c’est une mauvaise réponse à un vrai problème. C’est une mauvaise réponse parce que…
 
GUILLAUME CAHOUR Donc si c’est le cas, lui il est témoin d’un délit, et il ne faut pas l’évincer.
 
CHANTAL JOUANNO Attendez, je termine, d’accord. Il ne faut pas, le foot et le sport a toujours été divers et a toujours réussi, enfin le sport c’est très simple, le seul critère de sélection qui vaille, c’est d’avoir les meilleurs physiquement et les meilleurs mentalement et c’est peut-être sur ce deuxième point que l’on n’a pas assez fait en terme d’éducation, de sélection pour que dès qu’une personne dérape, elle n’a plus sa place dans les équipes et notamment dans les équipes de France. Deuxième sujet, la délation, la diffamation, elle aussi est interdite. La diffamation, surtout quand elle est instrumentalisée dans le cadre d’une période préélectorale, donc ça aussi c’est interdit. Moi, je renvoie un peu dos à dos les uns et les autres, dans tous les cas que l’on prouve qu’il y ait eu quota discriminatoire ou qu’on ne prouve rien d’ailleurs, et qu’il y ait eu donc simple diffamation et délation, dans tous les cas le sport, le football et l’Etat aussi d’ailleurs indirectement, on est perdant.
 
GUILLAUME CAHOUR Un dernier mot…
 
CHANTAL JOUANNO Il faut rappeler les uns et les autres à leurs responsabilités, on est perdant, donc attendons d’avoir tous les éléments, attendons d’avoir tous les éléments. Une personne qui effectivement constate des tentatives de discrimination ou des discriminations, elle a l’obligation de saisir son supérieur hiérarchique. Elle pouvait tout à fait aussi d’ailleurs saisir le ministre des Sports. Mohamed BENKACEMI a saisi son supérieur hiérarchique, attendons de voir ce qui s’est passé ensuite.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 9 mai 2011