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Le tournant numérique est la « révolution copernicienne » des dernières années : il change les modes de production et de réception des œuvres, qu'il s'agisse du livre, des arts visuels, de la musique ou du cinéma. Le Ministère de la Culture et de la Communication s'est mobilisé pour affronter cette nouvelle donne technologique dont l'impact culturel est considérable.
Depuis deux ans, j'ai fait de la numérisation de l'offre et des contenus culturels l'une des priorités de mon action. Je suis convaincu qu'il s'agit d'une chance exceptionnelle pour notre patrimoine et nos créateurs. Dans la mondialisation, la culture française, dans toute sa richesse et sa diversité, sera numérique ou ne sera pas.
Cependant, nous ne devons pas confondre l'ambition numérique et l'illusion technologique, les moyens et les fins, les tuyaux et le flux de la création.
Dans le domaine du cinéma, nous avons décidé d'accélérer et d'accroître la mise à disposition massive d'une offre culturelle légale et de qualité. Il y a urgence car nous sommes confrontés à une redoutable concurrence d'offres étrangères et notamment nord-américaines sur tous les supports de diffusion numériques.
Il nous faut donc agir vite car les géants mondiaux de l'internet ou des médias ne nous attendent pas.
Face à cet enjeu, notre ambition consiste à viser la plus large et la plus rapide exposition de nos œuvres sur tous les nouveaux supports. Avec la numérisation des salles de cinéma ' pour laquelle, je vous le rappelle, nous investissons 125 M ' avec le passage ' à la Télévision numérique terrestre (TNT), avec le développement des offres culturelles sur les réseaux à haut débit, l'accès du plus grand nombre aux œuvres culturelles est maintenant à portée de main.
Après avoir été l'un des premiers pays à s'engager aussi fortement dans la numérisation de son parc de salles, nous sommes aujourd'hui l'un des premiers pays à mettre en place un dispositif complet de financement de la numérisation et de la restauration des œuvres du patrimoine.
Toutes nos œuvres ont vocation à être numérisées. Les films qui offrent de réelles perspectives économiques en termes d'exploitation commerciales bien sûr, mais aussi les films procédant d'une histoire et d'une économie plus fragile, pour lesquels un soutien public est nécessaire.
Financé grâce à l'emprunt national voulu par le président de la République et dont le pilotage a été confié au Commissariat général à l'investissement (CGI), le programme d'investissement d'avenir, est une chance historique pour le secteur culturel. Dans le cadre du Fonds national pour la société numérique - dont 750 M d'euros ' seront destinés au financement de la numérisation des contenus culturels, scientifiques et éducatifs - c'est un outil formidable qui permet de faire basculer massivement et dans un temps réduit l'offre culturelle dans l'ère numérique. Plusieurs projets particulièrement prometteurs, regroupant des acteurs privés et publics majeurs des secteurs du livre, de la presse ou de l'audiovisuel, sont en cours de préparation avancée et devraient être prochainement présentés pour examen en vue d'un co-financement par l'État en tant qu'« investisseur avisé ».
Depuis plusieurs mois mes services, au premier rang desquels le Centre national du Cinéma et de l'image animée (CNC), véritable cheville ouvrière de ce plan, travaillent en étroite collaboration avec les services du Commissariat général à l'investissement (CGI) et de la Caisse des dépôts et consignations sur la numérisation des films.
Ce travail a porté ses fruits. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de proposer un accord cadre général aux principales entreprises du secteur. Celles qui disposent d'un catalogue de films conséquent, celles qui ont les premières manifesté la volonté de s'engager dans un processus de numérisation de leur patrimoine.
Je veux ici les remercier vivement, elles ont ouvert la voie et ont su donner l'exemple. Je veux également saluer le travail de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) : depuis le début, elle a nourri la réflexion et coordonné les échanges. Enfin, je me réjouis que la Cinémathèque française ait également accompagné cette démarche depuis l'origine.
Cet accord est une première étape qui en appelle d'autres : car d'autres détenteurs de catalogues doivent pouvoir s'associer à cette démarche. Ce cadre de négociation leur est ouvert : nous sommes au début d'un processus, nous sommes aux origines d'un chantier considérable.
Il faut que de plus petites entreprises profitent également de cette formidable opportunité. Elles sont souvent détentrices d'œuvres précieuses de notre patrimoine cinématographique. L'accord que nous signons aujourd'hui devrait pouvoir couvrir la numérisation de près de 2500 œuvres. Seront ainsi numérisés les longs métrages postérieurs à 1929, les films de Jean Cocteau, ceux de Julien Duvivier, de René Clair ou Alain Resnais.
Mais il faut aller plus loin. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au CNC de mettre en place simultanément ses propres outils d'aides à la numérisation et à la restauration des catalogues. Conformément à sa mission, le CNC va donc intervenir plus particulièrement en faveur de la partie patrimoniale du secteur, c'est-à-dire la plus fragile économiquement en raison de la faible dimension des catalogues et du très grand risque inhérent aux perspectives d'exploitation. C'est aussi souvent la plus complexe en termes de restauration et de numérisation, car cela concerne les œuvres dont les éléments chimiques d'origine sont souvent très endommagés. La projection du Voyage dans la Lune de Georges Méliès (1902), en ouverture du Festival, dans sa version colorisée et restaurée, nous a toutefois montré que le numérique peut rendre l' hommage qui lui est dû aux origines de l'art cinématographique.
Le dispositif du CNC qui est en cours de discussion avec les professionnels vous est également présenté. Il traduit l'ambition qui est la mienne : couvrir le plus largement possible l'étendu de notre magnifique patrimoine. Ce dispositif, sous réserve de l'accord des autorités européennes, concernera dans un premier temps les films muets et les courts-métrages. Grâce au numérique, grâce à ses différents modes de diffusion, ces formats devraient trouver une nouvelle vie et rencontrer de nouveaux publics.
Enfin, les outils numériques devant encore faire leur preuve en matière de conservation long terme, le CNC interviendra pour soutenir financièrement le retour sur pellicule des œuvres numérisées, là encore dans un objectif de transmission et de valorisation du patrimoine.
C'est donc un signal fort qui est donné, notamment à l'attention de nos partenaires européens. Et l'enjeu est bien évidemment économique et industriel. Par cet appel aux investisseurs, le gouvernement entend aider la mise en place en France d'une filière technologique d'excellence dans le domaine de la numérisation et la restauration. Grâce au travail mené par la Commission technique supérieure de l'image et du son (CST), en relation avec la Fédération des Industries, de l'audiovisuel et du multimédia (Ficam), l'adoption dans cet accord de la norme numérique de qualité « 2K » est un atout dans notre jeu.
Défendre et préserver le patrimoine cinématographique aujourd'hui, vous le voyez, c'est aussi inventer ce qu'il sera demain. Investir dans les nouvelles technologies, c'est bien sûr préserver des filières et des expertises, c'est aussi créer de nouveaux savoir-faire et faire éclore de nouveaux terrains pour l'emploi culturel.
Vous le voyez, l'engagement au service des contenus est au cœur de cette ambition pour notre patrimoine cinématographique, celui qui a formé des générations de cinéphiles, celui qui peut demain « instruire » le regard du plus grand nombre. Dans ce domaine, le passage au numérique a longtemps été « subi » ; l'ambition des investissements d'avenir consiste précisément à anticiper et prendre les devants.
C'est l'esprit dans lequel a été signé cet accord, c'est le sens de mon engagement et de toute mon action dans le domaine de la numérisation des contenus culturels.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 16 mai 2011