Texte intégral
Cest pour moi un honneur de clôturer votre colloque national, destiné à restituer les enseignements de plusieurs enquêtes et études sur lhébergement des malades dAlzheimer jeunes.
Je veux ainsi saluer tous ceux qui ont, au cours de cette journée, apporté leur contribution, mais également ceux qui ont permis la conduite de ces travaux : lensemble des collaborateurs du Centre National de Référence des Malades Alzheimer Jeunes (CNRMAJ), ainsi que ceux qui ont appuyé leur réalisation, dans le cadre de la mesure 18 du plan Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012, la Fondation Médéric Alzheimer et la Caisse Nationale de Solidarité pour lAutonomie (CNSA).
1/ La question des malades Alzheimer jeunes est une question très pointue, eu égard au nombre de personnes concernées, qui méritait lattention toute particulière dont témoigne votre colloque.
Porté par le Président de la République, le Plan Alzheimer a été calibré pour répondre à lenjeu dune maladie qui touche quelque 800 000 de nos compatriotes. Cest son mérite, davoir dans le même temps, pris en considération les situations plus rares et ô combien douloureuses des Français plus jeunes, parfois très jeunes, concernés par ce que tout le monde considère comme une maladie liée à lâge.
Il ne serait pas dit quà la souffrance liée à la maladie et à ses conséquences vienne sajouter celle suscitée par loubli et labandon ! Dans son discours prononcé à Sophia Antipolis le 1er février 2008, le Président de la République affirmait que « la marque de fabrique du Plan Alzheimer, cest lintégration de la recherche, de la santé, de la solidarité ». Il souhaitait que ce Plan renforce la recherche en sciences fondamentales et en sciences sociales sur cette maladie.
Il annonçait la création dun Centre National de Référence Malades Alzheimer Jeunes qui relève de cette triple philosophie, souhaitant que lon offre aux malades jeunes « une prise en charge spécifique ».
Peu nombreux -8000 selon les estimations les plus souvent retenues les malades jeunes, c'est-à-dire âgés de moins de 60 ans, nen ninterrogent pas moins notre système de prise en charge, plus habitué à répondre aux besoins des personnes plus âgées.
Au drame de la maladie, sajoutent ainsi de nombreuses difficultés spécifiques. Vous me permettrez de les évoquer rapidement :
Comme de nombreuses autres maladies rares, la maladie dAlzheimer avant 60 ans entraîne bien souvent celui qui en est victime dans lerrance diagnostique.
Les répercussions touchent par ailleurs des domaines plus variés de la vie : le travail tout dabord, et par conséquence les moyens de subsistance ; la famille aussi, de façon plus douloureuse sans doute encore, dans la mesure où ces patients jeunes peuvent avoir, outre un conjoint en activité, des enfants encore jeunes, et parfois même des parents âgés à charge.
Les patients jeunes nont pas accès aux mêmes réponses juridiques et financières que celles des malades de plus de 60 ans. Nous retrouvons là la « barrière dâge », si souvent pointée du doigt dans le cadre du débat dépendance que le Gouvernement conduit actuellement.
Pour la prise en charge et lhébergement, les obstacles financiers liés au coût dhébergement et au reste à charge, les barrières dâge et les blocages juridiques, se cumulent.
La majorité des structures accueillant les patients atteints par la maladie dAlzheimer sont en effet des établissements pour personnes âgées, normalement ouverts uniquement aux personnes de plus de 60 ans. Une dérogation du Conseil général est alors nécessaire.
Or, lhébergement conditionne la nature de laccompagnement qui pourra être proposé.
2/ Les travaux dont vous nous rendez compte aujourdhui ont permis daller au-delà de la connaissance des obstacles juridiques pour connaître la réalité des besoins des personnes. Ils nous invitent à résoudre une équation exigeante : qualité et spécialité de laccompagnement et proximité de la réponse.
Votre travail a été très minutieux. Vous avez identifié les différents lieux dhébergement de ces malades jeunes et leurs facteurs de risque spécifiques, étudié le nombre et les modalités de dérogation dâge pour leur accueil en EHPAD.
Un premier constat de vos enquêtes : très peu de malades jeunes - moins de 10% - vivent en établissement.
A partir de ce constat, connaître et comprendre les besoins de ces malades et de leurs familles simposait dautant plus. Vous avez, pour cela, observé leur vie dans ces structures, écouté les professionnels et les patients, en croisant les approches des sciences fondamentales et sociales.
Outre les freins juridiques et financiers à lentrée en établissement, la réticence des familles à placer leur proche malade dans un établissement inadapté à son âge devait être entendue.
Vous montrez que 80% sont hébergés en EHPAD ou en maison de retraite classique, où lâge dentrée avoisine 82 ans. Les 20% restants sont quant à eux hébergés dans des services psychiatriques, se retrouvant ainsi avec des personnes souffrant de pathologies bien différentes des leurs. Ajoutons à cela que vos travaux révèlent que beaucoup de ces malades jeunes sont des personnes porteuses de la trisomie 21 prenant de lâge.
Ils pointent linadaptation des structures dédiées à ces personnes handicapées mentales à la problématique Alzheimer en raison de sa méconnaissance par leurs équipes.
Mesdames, Messieurs,
Je ne reviendrai pas sur lensemble des enseignements que votre journée de travail particulièrement fructueuse vous a permis de commenter, discuter, enrichir danalyses et de témoignages très utiles. Croyez bien quils seront une source dinspiration pour la refondation de nos politiques publiques sociales et médico-sociales concernant ces personnes.
Je veux vous indiquer dores et déjà les orientations.
La difficulté à laquelle nous devons répondre est évidemment de concilier lextrême spécialisation de la prise en charge avec lexigence de proximité, les personnes concernées étant peu nombreuses.
Le défi rejoint en cela celui auquel cherche à répondre le schéma dorganisation social et médico-sociale pour le handicap rare arrêté le 27 octobre 2009.
Pour offrir une réponse de proximité, nous devons lever les obstacles à lentrée de ces personnes dans les structures de proximité existantes. Car notre priorité est le maintien du lien familial et affectif, le maintien dans la communauté, le maintien du lien social, même lorsque la vie dans le domicile familial ou dorigine nest plus possible.
Pour une qualité des soins jentends bien sûr le terme de soins au sens le plus large possible, celui qui fait toute sa place à la relation avec laccompagnant -, nous devons identifier et diffuser des pratiques à toutes les équipes qui se trouveraient confrontées à cette situation inédite.
Notre priorité est de rassurer les professionnels comme les familles, lever ainsi les réticences de parts et dautres et améliorer laccompagnement et la qualité de vie.
Madame la professeure, je vois là des défis qui viennent confirmer la pertinence de la mission de votre centre de référence. Le travail que vous avez initié vous a permis didentifier des bonnes pratiques. Il vous a également conduit à repérer des établissements, des équipes qui avaient su transformer leur expérience en expertise. Vous avez là tous les ingrédients pour appuyer, mettre en place et animer le réseau dexpertise à la disposition de tous les établissements qui pourraient se trouver confrontés à cette question.
Il devra également accompagner le maintien à domicile de ces malades en confortant laction des services daccompagnement.
Cette solution qui privilégie la proximité de la réponse à tout regroupement des personnes concernées dans des centres hyperspécialisés est celle qui a la préférence du Gouvernement. Elle ninterdit pas toutefois une démarche visant à structurer ce réseau autour de quelques lieux spécifiquement créés pour accueillir un petit nombre de malades jeunes de manière très adaptée. Centres de ressources autant que lieux de vie, ils pourraient ainsi appuyer la formation des autres équipes.
Voilà quelques principes. Le modèle nous reste à déterminer. Mais en identifiant plusieurs projets, défendus avec énergie par leur promoteur, vous permettez quun travail opérationnel puisse être lancé avec les administrations, la CNSA, et les agences régionales de santé concernées.
Le Plan Alzheimer 2008-2012 traduit, vous le savez, un engagement politique fort du Président de la République qui engage tout le Gouvernement vis-à-vis de tous les malades, sans oublier les plus vulnérables.
Je vous remercie.
Source http://www.centre-alzheimer-jeunes.com, le 23 mai 2011