Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur la prise en charge et l'hébergement des patients jeunes (moins de 60 ans) atteints par la maladie d'Alzheimer, Lille le 16 mai 2011.

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Circonstance : Clôture du colloque sur l'hébergement des malades jeunes-mesures 18 du plan Alzheimer 2008 - 2012 à lille le 16 mai 2011

Texte intégral


C’est pour moi un honneur de clôturer votre colloque national, destiné à restituer les enseignements de plusieurs enquêtes et études sur l’hébergement des malades d’Alzheimer jeunes.
Je veux ainsi saluer tous ceux qui ont, au cours de cette journée, apporté leur contribution, mais également ceux qui ont permis la conduite de ces travaux : l’ensemble des collaborateurs du Centre National de Référence des Malades Alzheimer Jeunes (CNRMAJ), ainsi que ceux qui ont appuyé leur réalisation, dans le cadre de la mesure 18 du plan Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012, la Fondation Médéric Alzheimer et la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).
1/ La question des malades Alzheimer jeunes est une question très pointue, eu égard au nombre de personnes concernées, qui méritait l’attention toute particulière dont témoigne votre colloque.
Porté par le Président de la République, le Plan Alzheimer a été calibré pour répondre à l’enjeu d’une maladie qui touche quelque 800 000 de nos compatriotes. C’est son mérite, d’avoir dans le même temps, pris en considération les situations plus rares et ô combien douloureuses des Français plus jeunes, parfois très jeunes, concernés par ce que tout le monde considère comme une maladie liée à l’âge.
Il ne serait pas dit qu’à la souffrance liée à la maladie et à ses conséquences vienne s’ajouter celle suscitée par l’oubli et l’abandon ! Dans son discours prononcé à Sophia Antipolis le 1er février 2008, le Président de la République affirmait que « la marque de fabrique du Plan Alzheimer, c’est l’intégration de la recherche, de la santé, de la solidarité ». Il souhaitait que ce Plan renforce la recherche en sciences fondamentales et en sciences sociales sur cette maladie.
Il annonçait la création d’un Centre National de Référence Malades Alzheimer Jeunes qui relève de cette triple philosophie, souhaitant que l’on offre aux malades jeunes « une prise en charge spécifique ».
Peu nombreux -8000 selon les estimations les plus souvent retenues les malades jeunes, c'est-à-dire âgés de moins de 60 ans, n’en n’interrogent pas moins notre système de prise en charge, plus habitué à répondre aux besoins des personnes plus âgées.
Au drame de la maladie, s’ajoutent ainsi de nombreuses difficultés spécifiques. Vous me permettrez de les évoquer rapidement :
Comme de nombreuses autres maladies rares, la maladie d’Alzheimer avant 60 ans entraîne bien souvent celui qui en est victime dans l’errance diagnostique.
Les répercussions touchent par ailleurs des domaines plus variés de la vie : le travail tout d’abord, et par conséquence les moyens de subsistance ; la famille aussi, de façon plus douloureuse sans doute encore, dans la mesure où ces patients jeunes peuvent avoir, outre un conjoint en activité, des enfants encore jeunes, et parfois même des parents âgés à charge.
Les patients jeunes n’ont pas accès aux mêmes réponses juridiques et financières que celles des malades de plus de 60 ans. Nous retrouvons là la « barrière d’âge », si souvent pointée du doigt dans le cadre du débat dépendance que le Gouvernement conduit actuellement.
Pour la prise en charge et l’hébergement, les obstacles financiers liés au coût d’hébergement et au reste à charge, les barrières d’âge et les blocages juridiques, se cumulent.
La majorité des structures accueillant les patients atteints par la maladie d’Alzheimer sont en effet des établissements pour personnes âgées, normalement ouverts uniquement aux personnes de plus de 60 ans. Une dérogation du Conseil général est alors nécessaire.
Or, l’hébergement conditionne la nature de l’accompagnement qui pourra être proposé.
2/ Les travaux dont vous nous rendez compte aujourd’hui ont permis d’aller au-delà de la connaissance des obstacles juridiques pour connaître la réalité des besoins des personnes. Ils nous invitent à résoudre une équation exigeante : qualité et spécialité de l’accompagnement et proximité de la réponse.
Votre travail a été très minutieux. Vous avez identifié les différents lieux d’hébergement de ces malades jeunes et leurs facteurs de risque spécifiques, étudié le nombre et les modalités de dérogation d’âge pour leur accueil en EHPAD.
Un premier constat de vos enquêtes : très peu de malades jeunes - moins de 10% - vivent en établissement.
A partir de ce constat, connaître et comprendre les besoins de ces malades et de leurs familles s’imposait d’autant plus. Vous avez, pour cela, observé leur vie dans ces structures, écouté les professionnels et les patients, en croisant les approches des sciences fondamentales et sociales.
Outre les freins juridiques et financiers à l’entrée en établissement, la réticence des familles à placer leur proche malade dans un établissement inadapté à son âge devait être entendue.
Vous montrez que 80% sont hébergés en EHPAD ou en maison de retraite classique, où l’âge d’entrée avoisine 82 ans. Les 20% restants sont quant à eux hébergés dans des services psychiatriques, se retrouvant ainsi avec des personnes souffrant de pathologies bien différentes des leurs. Ajoutons à cela que vos travaux révèlent que beaucoup de ces malades jeunes sont des personnes porteuses de la trisomie 21 prenant de l’âge.
Ils pointent l’inadaptation des structures dédiées à ces personnes handicapées mentales à la problématique Alzheimer en raison de sa méconnaissance par leurs équipes.
Mesdames, Messieurs,
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des enseignements que votre journée de travail particulièrement fructueuse vous a permis de commenter, discuter, enrichir d’analyses et de témoignages très utiles. Croyez bien qu’ils seront une source d’inspiration pour la refondation de nos politiques publiques sociales et médico-sociales concernant ces personnes.
Je veux vous indiquer d’ores et déjà les orientations.
La difficulté à laquelle nous devons répondre est évidemment de concilier l’extrême spécialisation de la prise en charge avec l’exigence de proximité, les personnes concernées étant peu nombreuses.
Le défi rejoint en cela celui auquel cherche à répondre le schéma d’organisation social et médico-sociale pour le handicap rare arrêté le 27 octobre 2009.
Pour offrir une réponse de proximité, nous devons lever les obstacles à l’entrée de ces personnes dans les structures de proximité existantes. Car notre priorité est le maintien du lien familial et affectif, le maintien dans la communauté, le maintien du lien social, même lorsque la vie dans le domicile familial ou d’origine n’est plus possible.
Pour une qualité des soins – j’entends bien sûr le terme de soins au sens le plus large possible, celui qui fait toute sa place à la relation avec l’accompagnant -, nous devons identifier et diffuser des pratiques à toutes les équipes qui se trouveraient confrontées à cette situation inédite.
Notre priorité est de rassurer les professionnels comme les familles, lever ainsi les réticences de parts et d’autres et améliorer l’accompagnement et la qualité de vie.
Madame la professeure, je vois là des défis qui viennent confirmer la pertinence de la mission de votre centre de référence. Le travail que vous avez initié vous a permis d’identifier des bonnes pratiques. Il vous a également conduit à repérer des établissements, des équipes qui avaient su transformer leur expérience en expertise. Vous avez là tous les ingrédients pour appuyer, mettre en place et animer le réseau d’expertise à la disposition de tous les établissements qui pourraient se trouver confrontés à cette question.
Il devra également accompagner le maintien à domicile de ces malades en confortant l’action des services d’accompagnement.
Cette solution qui privilégie la proximité de la réponse à tout regroupement des personnes concernées dans des centres hyperspécialisés est celle qui a la préférence du Gouvernement. Elle n’interdit pas toutefois une démarche visant à structurer ce réseau autour de quelques lieux spécifiquement créés pour accueillir un petit nombre de malades jeunes de manière très adaptée. Centres de ressources autant que lieux de vie, ils pourraient ainsi appuyer la formation des autres équipes.
Voilà quelques principes. Le modèle nous reste à déterminer. Mais en identifiant plusieurs projets, défendus avec énergie par leur promoteur, vous permettez qu’un travail opérationnel puisse être lancé avec les administrations, la CNSA, et les agences régionales de santé concernées.
Le Plan Alzheimer 2008-2012 traduit, vous le savez, un engagement politique fort du Président de la République qui engage tout le Gouvernement vis-à-vis de tous les malades, sans oublier les plus vulnérables.
Je vous remercie.
Source http://www.centre-alzheimer-jeunes.com, le 23 mai 2011