Texte intégral
Mesdames et messieurs,
Cest un immense plaisir de vous rencontrer, en ouverture de la visite officielle que jeffectue au Cambodge. Et je voudrais tout dabord remercier notre ambassadeur, Monsieur Christian Connan et son épouse, pour son accueil et pour lorganisation de cette visite.
Jaurai loccasion dans quelques instants de mentretenir avec le Premier ministre Hun Sen, et dêtre reçu en audience par sa majesté le roi Norodom Sihamoni et par sa majesté le Roi-père Norodom Sihanouk.
Je serai demain à Siem Reap pour célébrer la fin des travaux de restauration du temple de Baphuon, un chantier titanesque, de plus de 15 ans, dont je menorgueillis davoir été en tout cas au moins à lorigine de la signature, il y a 15 ans, du document qui a lancé la coopération pour son financement, mais dont les origines remontent bien plus loin : au début du 20e siècle et à la création de lEcole Française dExtrême-Orient. Cette grande entreprise archéologique est une très belle illustration des liens damitié anciens qui unissent la France et le Cambodge, et je veux dire que ces liens ne sont pas près de séteindre.
Dans cette ville de Phnom Penh, le Général De Gaulle avait prononcé en 1966 un discours historique, qui appelait à une résolution politique de la guerre du Vietnam, mais qui exhalait aussi et on la souvent oublié la profondeur et la richesse des relations franco-cambodgiennes.
" Lamitié, la confiance entre le Cambodge et la France, disait-il, quelle que soit la diversité des origines et des latitudes, que daffinités ! De part et dautre, une histoire chargée de gloire et de douleur, une culture et un art exemplaires, une terre féconde, aux frontières vulnérables, entourée dambitions étrangères et au-dessus de laquelle le péril est sans cesse suspendu."
Quarante-cinq ans plus tard, ces périls ne sont heureusement plus aussi grands, ni pour la France ni pour le Cambodge, mais lamitié, la confiance et les affinités évoquées par le Général De Gaulle, elles, restent entières. Elles senracinent dans des relations vieilles de plusieurs siècles, des relations préservées, notamment grâce au lien maintenu avec la France par des milliers de Cambodgiens, et par sa majesté Norodom Sihanouk, même dans les périodes les plus sombres de lhistoire du Cambodge, et grâce à lattachement personnel de ce souverain au développement de la francophonie.
Des relations qui aujourd'hui sont tournées vers lavenir du Cambodge. Ce nest pas, je le disais à linstant, la première fois que je viens au Cambodge : jy étais venu en 1994, jétais alors ministre de lEnseignement supérieur et de la Recherche, et cette visite est donc pour moi aussi loccasion de mesurer le chemin parcouru depuis cette date.
Au milieu des années 90, le Cambodge se remettait lentement des séquelles de la barbarie khmère rouge.
La situation nétait pas encore stabilisée, linsécurité était forte en ville et sur une grande partie du territoire ; les populations, longtemps maintenues dans une extrême pauvreté, sinterrogeaient sur leur avenir immédiat. Beaucoup dentre vous étaient déjà présents à lépoque et pourraient évoquer cette période bien mieux que moi.
Je vois aujourd'hui un pays transformé et une société en mouvement.
Dabord, parce que la paix est là. Cest essentiel, parce que dans leur histoire récente, les Cambodgiens ont rarement connu une telle stabilité ; ils ont rarement connu une telle liberté de circuler, sans craindre pour sa vie ou celle de ses proches. Ensuite, le Cambodge est en plein essor économique, avec toutes les tensions que cela peut impliquer. Cest un pays qui est entré de plain-pied dans la modernité, et qui sortira au cours des prochaines années de la catégorie des pays les moins avancés.
Cest un pays qui attire les entreprises, et en particulier les entreprises françaises, dont la présente se renforce. Cest un pays dont la jeunesse se forme, et la France y contribue, à travers des bourses détudes et des appuis aux universités locales.
Et cest un pays qui enfin peut à présent envisager de jouer un rôle plus important sur la scène internationale. Il y a vingt ans, le Cambodge devait bénéficier de la protection dune opération de maintien de la paix de lONU ; désormais, il participe lui-même à ces opérations. Ce pays qui a payé un lourd tribut au fléau des mines anti-personnelles, a été, aux côtés de la France, parmi ceux dont les efforts ont permis ladoption de la Convention dOslo sur linterdiction des armes à sous-munitions, même sil lui reste encore aujourd'hui à y adhérer.
En 2012, il succédera à lIndonésie à la présidence de lASEAN, et sera pour la première fois candidat à un siège de membre non-permanent du Conseil de Sécurité.
Ces évolutions, la France veut continuer à les promouvoir, et elle va le faire en adaptant son dispositif de coopération à la réalité nouvelle du Cambodge. Cest dailleurs ce qui a conduit, en octobre dernier, à ladoption dun nouveau document dorientation pour la coopération entre la France et le Cambodge.
Ces succès récents de lhistoire du Cambodge, vous y avez, pour la plupart dentre vous, largement contribué.
Et la première chose que je veux faire en arrivant ici à Phnom Penh, cest vous rendre hommage. Beaucoup dentre vous, installés ici dans les années 90, ont pris toute leur part au développement de ce pays à travers leurs investissements, à travers leurs activités professionnelles, à travers leur appui aux institutions cambodgiennes, ou leur engagement au sein des organisations gouvernementales ou non-gouvernementales. Vous lavez fait dans des conditions souvent difficiles, et vous avez ouvert la voie à dautres, de telle sorte quà présent, si jen crois les chiffres de notre consulat, la population résidente française connaît une progression remarquable.
Et ce mouvement ne va pas sarrêter. Plusieurs dirigeants de sociétés françaises maccompagnent aujourd'hui ; je ne peux que les engager à suivre votre exemple, et à venir investir au Cambodge. Je sais que le contexte nest pas des plus simples, pour les entreprises qui veulent sinstaller ici, et je vais naturellement évoquer, avec le Premier ministre HUN Sen, les efforts qui doivent encore être entrepris par le Cambodge pour fournir aux entreprises un environnement des affaires qui soit plus incitatif, plus transparent et plus protecteur.
Je veux en profiter pour saluer les efforts de la Chambre de Commerce franco-cambodgienne, de son président et de ses membres. Avec plus de 130 membres, cest le premier club daffaires au Cambodge, et elle a été à lorigine de deux manifestations remarquables : le Forum des Carrières, dont lédition 2011 vient de sachever, et la Première Semaine française de Phnom Penh, qui a été, me dit-on, un très grand succès. Elle sera, je nen doute pas, la force motrice de la Chambre Européenne qui vient dêtre créée.
Je veux aussi rendre hommage aux représentants locaux de notre société civile. Plus de 150 ONG françaises ou francophones ont développé leurs activités au Cambodge ; elles témoignent des liens de cur qui unissent nos deux peuples, et elles portent très haut nos valeurs de solidarité, en aidant le Royaume du Cambodge sur la voie du développement et de la démocratie.
La tâche est difficile, et je sais que les progrès sont parfois jugés lents, mais lorsque lon voit le chemin qui a été parcouru en 17 ans, je dis que les efforts de toutes ces ONG sont récompensés, et nous pouvons être confiants dans lavenir du Cambodge.
Cet avenir, il est pour une grande partie entre vos mains. Et je sais que votre communauté a aussi besoin dêtre soutenue dans ses activités. Cest la raison pour laquelle nous avons investi pour réhabiliter lensemble des bâtiments du Lycée Descartes ; et nous serons là, aux côtés de votre communauté éducative et de lassociation des parents délèves gestionnaire de létablissement, pour faire aboutir le projet dextension défini par le programme Descartes 2012.
Je voulais vous dire aussi que nous avons décidé de répondre à une demande ancienne, exprimée à maintes reprises, depuis plus de trente ans, qui concerne la représentation au Parlement des Français de létranger. Vous étiez jusqualors représentés par des sénateurs, qui font dailleurs un travail remarquable je veux saluer ceux qui maccompagnent ici , mais vous ne létiez pas par des députés ; eh bien, aux prochaines élections législatives, vous aurez la possibilité délire vos députés, et vous pourrez même voter par le biais dinternet, ce qui est une exception.
Cette réforme est à mes yeux, et à ceux du Président de la République, évidente et nécessaire, parce quelle témoigne de vos activités au service du rayonnement de notre pays.
Mesdames et messieurs,
Vous qui vivez dans ce continent asiatique, qui est en train de jouer un rôle de plus en plus puissant sur la scène internationale, vous savez ce que signifie la mondialisation ; et vous mesurez lampleur des bouleversements économiques et politiques quelle entraîne avec elle.
Beaucoup de nos concitoyens en France continuent de vivre comme si les quelques pays occidentaux développés dominaient toujours le monde. La vérité, cest quaujourd'hui plus de 50 % de la production industrielle est au sud, 80 % des réserves monétaires sont au sud, et 30 % de la capitalisation. Cest justement pour essayer de donner à notre pays les moyens de faire face à ces changements radicaux, que nous avons lancé, avec le président de la République, en 2007, un programme très ambitieux de réformes.
Depuis plusieurs années, la compétitivité de léconomie française stagnait, et dans le même temps, le niveau de nos dépenses publiques ne cessait daugmenter. Il était urgent de regarder avec lucidité nos forces et nos faiblesses, pour redéployer les unes et pour réduire les autres. Il était urgent de mettre fin à cette tradition qui consistait à gouverner la France comme si elle était à labri des évolutions internationales, comme si notre pays était tellement prospère quil suffisait de vouloir pour avoir, de demander pour obtenir, et de rêver pour être exaucé.
Trop de décisions nécessaires avaient été remises au lendemain ; nous avons cherché à remettre en mouvement la société française, et nous lavons fait malgré une crise économique et financière sans précédent, qui a provoqué une récession de lensemble de léconomie mondiale.
Nous avons donné lautonomie aux universités françaises ; ces universités qui, depuis les lois de 1984, reculaient sans cesse dans les classements internationaux, justement parce quelles navaient ni les moyens ni lorganisation pour faire face aux défis de lexcellence, aux défis du savoir.
Nous avons augmenté de 40 % les moyens de fonctionnement de ces universités et de nos laboratoires de recherche.
Nous avons lancé un programme de 35 milliards deuros dinvestissements davenir, pour aider les meilleures équipes de recherche françaises, pour aider les meilleures entreprises françaises dans les secteurs les plus porteurs pour lavenir de notre économie.
Vous savez, léconomie française aujourd'hui repose sur des moteurs de croissance qui, pour beaucoup dentre eux, ont été créés il y a trente ou quarante ans. Nous célébrons cette année le centième anniversaire de la naissance de Georges Pompidou : cest sous Georges Pompidou quont été lancés, la même année, le programme électronucléaire français, le programme davions AIRBUS et le programme de Trains à Grande Vitesse. Trois moteurs puissants de la croissance française en 2011, qui en réalité sont liés à des décisions publiques qui ont été prises sous Georges Pompidou .
Eh bien, nous avons voulu faire la même chose, dans un contexte différent, dans une économie plus ouverte, en tenant compte de la globalisation, mais en mettant de largent sur lexcellence, sur les meilleures équipes de recherche, sur les entreprises françaises les plus prometteuses pour lavenir de notre pays.
Nous avons instauré le service minimum dans les transports, pour empêcher quune petite minorité puisse contraindre le gouvernement et la majorité à reculer lorsquil sagit de mettre en uvre des réformes importantes pour le pays.
Nous avons réformé la représentativité syndicale vous savez, cette spécificité française qui faisait que les organisations syndicales dans notre pays étaient figées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, on avait décidé quil y aurait cinq organisations syndicales, dont lexistence était liée en particulier à leur conduite pendant la Seconde Guerre mondiale ; et quarante ans après, ces cinq organisations étaient toujours figées, en labsence de toute démocratie, de toute évolution possible. Désormais, les organisations syndicales verront leur représentativité mesurée tout simplement par le vote des salariés dans les entreprises.
Nous avons rationalisé nos structures administratives ; nous avons réduit le nombre de nos fonctionnaires, pour faire face aux difficultés budgétaires qui sont liées à 35 ans de déficits continus.
Nous avons créé le statut de lauto-entrepreneur, pour quon puisse en France créer son entreprise avec deux clics sur internet. Nous avons supprimé la taxe professionnelle, cet impôt sur linvestissement qui nexistait que dans notre pays. Nous avons défiscalisé les heures supplémentaires, pour desserrer les contraintes des 35 heures. Nous avons réformé notre imposition sur le patrimoine.
Nous avons sauvegardé notre système de retraite, en nous rapprochant progressivement des solutions qui ont été mises en uvre dans tous les autres pays européens.
Et enfin, nous sommes en train dapporter au défi démographique de la dépendance de nouvelles réponses. En un mot, nous navons cessé, depuis quatre ans, dagir pour redonner du souffle à notre économie, pour miser sur linnovation, pour sécuriser notre modèle social, et pour contenir nos dépenses.
Alors bien entendu, aucune de ces réformes na été facile, et beaucoup dentre elles nont pas été populaires. Mais je suis convaincu que la légitimité de ces changements va simposer de plus en plus.
Parce que les Français sentent que la nouvelle donne mondiale sera sans complaisance pour les nations qui choisissent la facilité.
Ces réformes commencent dailleurs à produire leurs effets.
Grâce au plan de relance que nous avons mis en uvre en 2009, la France a subi moins sévèrement et moins longtemps la récession que la plupart de ses partenaires européens.
Notre économie est entrée dans une dynamique favorable, avec une croissance de 2 % prévue pour 2011 peut-être même un peu plus, selon certains observateurs , avec le retour progressif de la création demplois, avec aussi une crédibilité budgétaire, qui reste au niveau le plus élevé, dans un contexte, vous le savez, de menace sur les dettes souveraines, qui frappe de plein fouet plusieurs Etats européens.
Notre ambition est simple : notre ambition, cest de faire de la France un pays qui soit en capacité de garder sa liberté dagir. Ceux qui nont pas fait les réformes à temps, ceux qui ont continué à creuser les déficits, ceux qui ont dissimulé la réalité de leurs chiffres en matière de finances publiques, sont aujourd'hui obligés de céder une partie de leur souveraineté au Fonds Monétaire International, à lUnion Européenne, qui décident à leur place quelles sont les politiques qui doivent être conduites.
Eh bien, ça nest pas le sort que je souhaite pour mon pays.
Et lorsque je parle de gérer rigoureusement les finances publiques de la France, cest simplement parce que je veux que la France reste un pays indépendant, un pays qui décide lui-même de son avenir, un pays qui na pas à tendre la main pour essayer de trouver les financements dont il a besoin.
Et à laune de cette ambition, nous navons pas à rougir du bilan qui est le nôtre, et qui est surtout celui de tous les Français, qui ont accepté ces changements. Nous navons pas à rougir de notre réactivité face à la crise économique mondiale. Et nous navons pas à rougir de notre implication dans les nouvelles formes de la gouvernance mondiale.
A lapproche des échéances électorales, propices aux contestations systématiques et aux utopies de tous ordres, nous maintiendrons notre ligne de vérité et de réalisme. Ceux qui font croire que lon pourrait "démondialiser" lhistoire, et se ménager le confort dune politique solitaire, sans contraintes extérieures, ceux-là entretiennent une illusion dangereuse.
Ceux qui prônent, sous un masque de générosité, le retour à laugmentation de la dépense publique, font preuve dun manque de responsabilité, qui compromettrait léquilibre de notre situation actuelle, et qui compromettrait le renouveau de notre dynamisme.
Ils le savent bien, dailleurs. Mais, entre le printemps des promesses électorales et lautomne de lexercice du pouvoir, la réalité se charge de faire tomber les feuilles mortes des programmes inconséquents.
Quant à ceux qui veulent sortir la France de leuro, si par malheur ils arrivaient aux affaires, ils mettraient en péril notre économie, notre modèle social, notre niveau de vie, au nom dune fausse idée de la souveraineté nationale.
Et surtout, ils mettraient en danger lune des plus belles et des plus modernes idées de la fin du 20e siècle, qui est le rassemblement des pays européens ; ce rassemblement des pays européens qui, vu de lextérieur, apparaît souvent comme un facteur de complexification, comme un facteur de division parfois, tant les débats entre nous, à 27, sont rudes, mais qui est en réalité la condition de la paix, et surtout, la condition du maintien dune puissance économique européenne au premier plan dans la bataille de la mondialisation.
Vous lisez souvent, dans les journaux, le récit de tous ces débats difficiles entre les Européens, pour aider la Grèce, pour se mettre daccord sur la Politique Agricole Commune, ou pour se mettre daccord sur tel ou tel aspect de la politique étrangère tout cela est vrai.
Mais si on regarde les choses un peu différemment, on saperçoit que depuis le début de la crise économique et financière en 2008, lEurope a toujours su apporter des réponses efficaces.
Cest lEurope qui a empêché que le système financier international ne se bloque dans une crise systémique qui aurait été dramatique. Je vous le rappelle, les Etats-Unis avaient laissé filer la banque Lehman Brothers ; cest de cette faillite quest née la crise financière internationale.
Si Nicolas Sarkozy, Gordon Brown, et plusieurs autres gouvernants européens, navaient pas dit, avec une extrême fermeté : " Il ny aura pas de faillites de banques en Europe, parce que nous allons garantir les banques européennes ", cest tout le système financier mondial qui aurait été détruit.
De la même façon, lorsquil sest agi daider le Portugal, qui était en difficulté, nous avons eu des débats difficiles, mais nous lavons fait.
Lorsquil sest agi daider lIrlande, dont les banques avaient fait beaucoup derreurs, il y a eu des débats complexes, mais nous avons aidé lIrlande.
Et lorsquil sagit aujourd'hui daider la Grèce, qui a commis beaucoup de fautes, nous sommes présents pour aider la Grèce.
A chaque crise, finalement, lEurope sort renforcée. Et à cause de ces crises, ou grâce à ces crises, nous avons mis en place un fonds de garantie qui permettra désormais daider les pays qui seraient en difficulté, sans avoir tous ces débats préalables ; nous avons amorcé le début dun gouvernement économique de la zone euro, qui nous permettra de piloter léconomie européenne ; nous avons mis en place des sanctions bien plus sévères pour les Etats qui ne respectent pas les engagements quils ont pris, notamment sagissant de la stabilité de notre monnaie.
Crise après crise, lEurope apporte des réponses, se renforce, et incarne à mon sens lavenir de lorganisation mondiale : lavenir est au regroupement, à lassociation, à la communauté dEtats qui choisissent, sur tous les continents, dunir leurs forces, de se rassembler, pour être plus efficaces dans la mondialisation.
Voilà, toutes ces propositions laxistes ou populistes, je veux vous dire que je les combattrai de toutes mes forces, parce quelles font peser sur nous le risque du déclin.
Et ce combat ne doit pas être un combat partisan. Parce que je sais quil existe des hommes et des femmes de vérité et de bon sens dans tous les camps.
La mondialisation, cest un fait ; ça nest pas une hypothèse, que lon pourrait accepter ou refuser selon son bon plaisir.
La souveraineté, ça nest pas la politique du repli, ou la politique du cavalier seul. Cest une politique daction, cest une politique dinfluence, cest une politique appuyée sur une économie en mouvement, sur une crédibilité budgétaire assurée, sur une prise de responsabilité des grands enjeux internationaux.
La souveraineté, cest être là, avec nos partenaires de tous les continents, pour réguler, pour maîtriser les risques de la mondialisation.
Mais cest aussi et surtout être au rendez-vous des promesses de cette mondialisation. Parce quil est juste que des nations nouvelles, qui sont souvent dailleurs héritières de civilisations très anciennes, puissent équitablement peser sur la scène mondiale. Après des siècles qui ont été marqués par la domination de quelques empires occidentaux, cette équité entre les nations, cette équité entre les continents, elle ne doit pas être perçue comme une menace ; et cest dailleurs la grandeur de la France que davoir défendu depuis longtemps le principe de cette équité.
Ça nest pas parce que des nations émergent, que nous sommes condamnés à reculer. Notre destin nest pas inscrit dans le ciel ; il est dans nos mains. A condition naturellement que nous soyons capables de nous renouveler, là où cela est nécessaire. A condition de refuser deux types dillusions, aussi dangereux lun que lautre : lillusion que tout nous est dû, et lillusion que tout est perdu ; lillusion quil sera toujours assez tôt, et lillusion quil est déjà trop tard. A condition aussi décarter le défaitisme, dêtre conscients de nos atouts, daffirmer nos talents.
Le nouveau monde qui est en train de se dessiner fera la part belle à la création, à la recherche, à linnovation technologique ; il fera la part belle à léducation, aux savoir-faire professionnels, à la mobilité, à léchange des cultures. Ce ne sont pas des notions qui sont étrangères à la France.
Et je crois que nous avons encore bien des cartes à jouer, pour peu que nous en ayons la volonté.
Ce nouveau monde, il fera place aussi en tout cas nous pouvons lespérer, nous voulons lespérer à la liberté, à la justice et à la démocratie.
Les révolutions du monde arabe en donnent cette année un témoignage extraordinaire. Ces révoltes sont le signe que le sort du monde nest pas voué au nihilisme du choc des civilisations, mais quil peut être marqué par lélévation universelle du niveau des droits, de léducation et de la prospérité.
Eh bien, ce monde-là, nous navons pas à le redouter.
Ce que nous devons redouter, cest de passer à côté de toutes ces potentialités, à cause de linquiétude des uns ou du fatalisme des autres.
Voilà, mes chers compatriotes, les réflexions que je voulais partager avec vous, avec vous qui incarnez les forces de notre pays, dans cette nation cambodgienne qui peut enfin se tourner vers son avenir avec confiance, dans ce continent asiatique, avec lequel nous sommes en train de construire un monde où les dialogues et les échanges vont aller croissant.
Cest le sens de ma visite en Indonésie hier, et cest le sens de ma visite aujourd'hui au Cambodge, où je suis heureux de me retrouver, dans un pays avec lequel nous avons tellement de liens et tellement de projets davenir.
Source http://www.gouvernement.fr, le 4 juillet 2011
Cest un immense plaisir de vous rencontrer, en ouverture de la visite officielle que jeffectue au Cambodge. Et je voudrais tout dabord remercier notre ambassadeur, Monsieur Christian Connan et son épouse, pour son accueil et pour lorganisation de cette visite.
Jaurai loccasion dans quelques instants de mentretenir avec le Premier ministre Hun Sen, et dêtre reçu en audience par sa majesté le roi Norodom Sihamoni et par sa majesté le Roi-père Norodom Sihanouk.
Je serai demain à Siem Reap pour célébrer la fin des travaux de restauration du temple de Baphuon, un chantier titanesque, de plus de 15 ans, dont je menorgueillis davoir été en tout cas au moins à lorigine de la signature, il y a 15 ans, du document qui a lancé la coopération pour son financement, mais dont les origines remontent bien plus loin : au début du 20e siècle et à la création de lEcole Française dExtrême-Orient. Cette grande entreprise archéologique est une très belle illustration des liens damitié anciens qui unissent la France et le Cambodge, et je veux dire que ces liens ne sont pas près de séteindre.
Dans cette ville de Phnom Penh, le Général De Gaulle avait prononcé en 1966 un discours historique, qui appelait à une résolution politique de la guerre du Vietnam, mais qui exhalait aussi et on la souvent oublié la profondeur et la richesse des relations franco-cambodgiennes.
" Lamitié, la confiance entre le Cambodge et la France, disait-il, quelle que soit la diversité des origines et des latitudes, que daffinités ! De part et dautre, une histoire chargée de gloire et de douleur, une culture et un art exemplaires, une terre féconde, aux frontières vulnérables, entourée dambitions étrangères et au-dessus de laquelle le péril est sans cesse suspendu."
Quarante-cinq ans plus tard, ces périls ne sont heureusement plus aussi grands, ni pour la France ni pour le Cambodge, mais lamitié, la confiance et les affinités évoquées par le Général De Gaulle, elles, restent entières. Elles senracinent dans des relations vieilles de plusieurs siècles, des relations préservées, notamment grâce au lien maintenu avec la France par des milliers de Cambodgiens, et par sa majesté Norodom Sihanouk, même dans les périodes les plus sombres de lhistoire du Cambodge, et grâce à lattachement personnel de ce souverain au développement de la francophonie.
Des relations qui aujourd'hui sont tournées vers lavenir du Cambodge. Ce nest pas, je le disais à linstant, la première fois que je viens au Cambodge : jy étais venu en 1994, jétais alors ministre de lEnseignement supérieur et de la Recherche, et cette visite est donc pour moi aussi loccasion de mesurer le chemin parcouru depuis cette date.
Au milieu des années 90, le Cambodge se remettait lentement des séquelles de la barbarie khmère rouge.
La situation nétait pas encore stabilisée, linsécurité était forte en ville et sur une grande partie du territoire ; les populations, longtemps maintenues dans une extrême pauvreté, sinterrogeaient sur leur avenir immédiat. Beaucoup dentre vous étaient déjà présents à lépoque et pourraient évoquer cette période bien mieux que moi.
Je vois aujourd'hui un pays transformé et une société en mouvement.
Dabord, parce que la paix est là. Cest essentiel, parce que dans leur histoire récente, les Cambodgiens ont rarement connu une telle stabilité ; ils ont rarement connu une telle liberté de circuler, sans craindre pour sa vie ou celle de ses proches. Ensuite, le Cambodge est en plein essor économique, avec toutes les tensions que cela peut impliquer. Cest un pays qui est entré de plain-pied dans la modernité, et qui sortira au cours des prochaines années de la catégorie des pays les moins avancés.
Cest un pays qui attire les entreprises, et en particulier les entreprises françaises, dont la présente se renforce. Cest un pays dont la jeunesse se forme, et la France y contribue, à travers des bourses détudes et des appuis aux universités locales.
Et cest un pays qui enfin peut à présent envisager de jouer un rôle plus important sur la scène internationale. Il y a vingt ans, le Cambodge devait bénéficier de la protection dune opération de maintien de la paix de lONU ; désormais, il participe lui-même à ces opérations. Ce pays qui a payé un lourd tribut au fléau des mines anti-personnelles, a été, aux côtés de la France, parmi ceux dont les efforts ont permis ladoption de la Convention dOslo sur linterdiction des armes à sous-munitions, même sil lui reste encore aujourd'hui à y adhérer.
En 2012, il succédera à lIndonésie à la présidence de lASEAN, et sera pour la première fois candidat à un siège de membre non-permanent du Conseil de Sécurité.
Ces évolutions, la France veut continuer à les promouvoir, et elle va le faire en adaptant son dispositif de coopération à la réalité nouvelle du Cambodge. Cest dailleurs ce qui a conduit, en octobre dernier, à ladoption dun nouveau document dorientation pour la coopération entre la France et le Cambodge.
Ces succès récents de lhistoire du Cambodge, vous y avez, pour la plupart dentre vous, largement contribué.
Et la première chose que je veux faire en arrivant ici à Phnom Penh, cest vous rendre hommage. Beaucoup dentre vous, installés ici dans les années 90, ont pris toute leur part au développement de ce pays à travers leurs investissements, à travers leurs activités professionnelles, à travers leur appui aux institutions cambodgiennes, ou leur engagement au sein des organisations gouvernementales ou non-gouvernementales. Vous lavez fait dans des conditions souvent difficiles, et vous avez ouvert la voie à dautres, de telle sorte quà présent, si jen crois les chiffres de notre consulat, la population résidente française connaît une progression remarquable.
Et ce mouvement ne va pas sarrêter. Plusieurs dirigeants de sociétés françaises maccompagnent aujourd'hui ; je ne peux que les engager à suivre votre exemple, et à venir investir au Cambodge. Je sais que le contexte nest pas des plus simples, pour les entreprises qui veulent sinstaller ici, et je vais naturellement évoquer, avec le Premier ministre HUN Sen, les efforts qui doivent encore être entrepris par le Cambodge pour fournir aux entreprises un environnement des affaires qui soit plus incitatif, plus transparent et plus protecteur.
Je veux en profiter pour saluer les efforts de la Chambre de Commerce franco-cambodgienne, de son président et de ses membres. Avec plus de 130 membres, cest le premier club daffaires au Cambodge, et elle a été à lorigine de deux manifestations remarquables : le Forum des Carrières, dont lédition 2011 vient de sachever, et la Première Semaine française de Phnom Penh, qui a été, me dit-on, un très grand succès. Elle sera, je nen doute pas, la force motrice de la Chambre Européenne qui vient dêtre créée.
Je veux aussi rendre hommage aux représentants locaux de notre société civile. Plus de 150 ONG françaises ou francophones ont développé leurs activités au Cambodge ; elles témoignent des liens de cur qui unissent nos deux peuples, et elles portent très haut nos valeurs de solidarité, en aidant le Royaume du Cambodge sur la voie du développement et de la démocratie.
La tâche est difficile, et je sais que les progrès sont parfois jugés lents, mais lorsque lon voit le chemin qui a été parcouru en 17 ans, je dis que les efforts de toutes ces ONG sont récompensés, et nous pouvons être confiants dans lavenir du Cambodge.
Cet avenir, il est pour une grande partie entre vos mains. Et je sais que votre communauté a aussi besoin dêtre soutenue dans ses activités. Cest la raison pour laquelle nous avons investi pour réhabiliter lensemble des bâtiments du Lycée Descartes ; et nous serons là, aux côtés de votre communauté éducative et de lassociation des parents délèves gestionnaire de létablissement, pour faire aboutir le projet dextension défini par le programme Descartes 2012.
Je voulais vous dire aussi que nous avons décidé de répondre à une demande ancienne, exprimée à maintes reprises, depuis plus de trente ans, qui concerne la représentation au Parlement des Français de létranger. Vous étiez jusqualors représentés par des sénateurs, qui font dailleurs un travail remarquable je veux saluer ceux qui maccompagnent ici , mais vous ne létiez pas par des députés ; eh bien, aux prochaines élections législatives, vous aurez la possibilité délire vos députés, et vous pourrez même voter par le biais dinternet, ce qui est une exception.
Cette réforme est à mes yeux, et à ceux du Président de la République, évidente et nécessaire, parce quelle témoigne de vos activités au service du rayonnement de notre pays.
Mesdames et messieurs,
Vous qui vivez dans ce continent asiatique, qui est en train de jouer un rôle de plus en plus puissant sur la scène internationale, vous savez ce que signifie la mondialisation ; et vous mesurez lampleur des bouleversements économiques et politiques quelle entraîne avec elle.
Beaucoup de nos concitoyens en France continuent de vivre comme si les quelques pays occidentaux développés dominaient toujours le monde. La vérité, cest quaujourd'hui plus de 50 % de la production industrielle est au sud, 80 % des réserves monétaires sont au sud, et 30 % de la capitalisation. Cest justement pour essayer de donner à notre pays les moyens de faire face à ces changements radicaux, que nous avons lancé, avec le président de la République, en 2007, un programme très ambitieux de réformes.
Depuis plusieurs années, la compétitivité de léconomie française stagnait, et dans le même temps, le niveau de nos dépenses publiques ne cessait daugmenter. Il était urgent de regarder avec lucidité nos forces et nos faiblesses, pour redéployer les unes et pour réduire les autres. Il était urgent de mettre fin à cette tradition qui consistait à gouverner la France comme si elle était à labri des évolutions internationales, comme si notre pays était tellement prospère quil suffisait de vouloir pour avoir, de demander pour obtenir, et de rêver pour être exaucé.
Trop de décisions nécessaires avaient été remises au lendemain ; nous avons cherché à remettre en mouvement la société française, et nous lavons fait malgré une crise économique et financière sans précédent, qui a provoqué une récession de lensemble de léconomie mondiale.
Nous avons donné lautonomie aux universités françaises ; ces universités qui, depuis les lois de 1984, reculaient sans cesse dans les classements internationaux, justement parce quelles navaient ni les moyens ni lorganisation pour faire face aux défis de lexcellence, aux défis du savoir.
Nous avons augmenté de 40 % les moyens de fonctionnement de ces universités et de nos laboratoires de recherche.
Nous avons lancé un programme de 35 milliards deuros dinvestissements davenir, pour aider les meilleures équipes de recherche françaises, pour aider les meilleures entreprises françaises dans les secteurs les plus porteurs pour lavenir de notre économie.
Vous savez, léconomie française aujourd'hui repose sur des moteurs de croissance qui, pour beaucoup dentre eux, ont été créés il y a trente ou quarante ans. Nous célébrons cette année le centième anniversaire de la naissance de Georges Pompidou : cest sous Georges Pompidou quont été lancés, la même année, le programme électronucléaire français, le programme davions AIRBUS et le programme de Trains à Grande Vitesse. Trois moteurs puissants de la croissance française en 2011, qui en réalité sont liés à des décisions publiques qui ont été prises sous Georges Pompidou .
Eh bien, nous avons voulu faire la même chose, dans un contexte différent, dans une économie plus ouverte, en tenant compte de la globalisation, mais en mettant de largent sur lexcellence, sur les meilleures équipes de recherche, sur les entreprises françaises les plus prometteuses pour lavenir de notre pays.
Nous avons instauré le service minimum dans les transports, pour empêcher quune petite minorité puisse contraindre le gouvernement et la majorité à reculer lorsquil sagit de mettre en uvre des réformes importantes pour le pays.
Nous avons réformé la représentativité syndicale vous savez, cette spécificité française qui faisait que les organisations syndicales dans notre pays étaient figées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, on avait décidé quil y aurait cinq organisations syndicales, dont lexistence était liée en particulier à leur conduite pendant la Seconde Guerre mondiale ; et quarante ans après, ces cinq organisations étaient toujours figées, en labsence de toute démocratie, de toute évolution possible. Désormais, les organisations syndicales verront leur représentativité mesurée tout simplement par le vote des salariés dans les entreprises.
Nous avons rationalisé nos structures administratives ; nous avons réduit le nombre de nos fonctionnaires, pour faire face aux difficultés budgétaires qui sont liées à 35 ans de déficits continus.
Nous avons créé le statut de lauto-entrepreneur, pour quon puisse en France créer son entreprise avec deux clics sur internet. Nous avons supprimé la taxe professionnelle, cet impôt sur linvestissement qui nexistait que dans notre pays. Nous avons défiscalisé les heures supplémentaires, pour desserrer les contraintes des 35 heures. Nous avons réformé notre imposition sur le patrimoine.
Nous avons sauvegardé notre système de retraite, en nous rapprochant progressivement des solutions qui ont été mises en uvre dans tous les autres pays européens.
Et enfin, nous sommes en train dapporter au défi démographique de la dépendance de nouvelles réponses. En un mot, nous navons cessé, depuis quatre ans, dagir pour redonner du souffle à notre économie, pour miser sur linnovation, pour sécuriser notre modèle social, et pour contenir nos dépenses.
Alors bien entendu, aucune de ces réformes na été facile, et beaucoup dentre elles nont pas été populaires. Mais je suis convaincu que la légitimité de ces changements va simposer de plus en plus.
Parce que les Français sentent que la nouvelle donne mondiale sera sans complaisance pour les nations qui choisissent la facilité.
Ces réformes commencent dailleurs à produire leurs effets.
Grâce au plan de relance que nous avons mis en uvre en 2009, la France a subi moins sévèrement et moins longtemps la récession que la plupart de ses partenaires européens.
Notre économie est entrée dans une dynamique favorable, avec une croissance de 2 % prévue pour 2011 peut-être même un peu plus, selon certains observateurs , avec le retour progressif de la création demplois, avec aussi une crédibilité budgétaire, qui reste au niveau le plus élevé, dans un contexte, vous le savez, de menace sur les dettes souveraines, qui frappe de plein fouet plusieurs Etats européens.
Notre ambition est simple : notre ambition, cest de faire de la France un pays qui soit en capacité de garder sa liberté dagir. Ceux qui nont pas fait les réformes à temps, ceux qui ont continué à creuser les déficits, ceux qui ont dissimulé la réalité de leurs chiffres en matière de finances publiques, sont aujourd'hui obligés de céder une partie de leur souveraineté au Fonds Monétaire International, à lUnion Européenne, qui décident à leur place quelles sont les politiques qui doivent être conduites.
Eh bien, ça nest pas le sort que je souhaite pour mon pays.
Et lorsque je parle de gérer rigoureusement les finances publiques de la France, cest simplement parce que je veux que la France reste un pays indépendant, un pays qui décide lui-même de son avenir, un pays qui na pas à tendre la main pour essayer de trouver les financements dont il a besoin.
Et à laune de cette ambition, nous navons pas à rougir du bilan qui est le nôtre, et qui est surtout celui de tous les Français, qui ont accepté ces changements. Nous navons pas à rougir de notre réactivité face à la crise économique mondiale. Et nous navons pas à rougir de notre implication dans les nouvelles formes de la gouvernance mondiale.
A lapproche des échéances électorales, propices aux contestations systématiques et aux utopies de tous ordres, nous maintiendrons notre ligne de vérité et de réalisme. Ceux qui font croire que lon pourrait "démondialiser" lhistoire, et se ménager le confort dune politique solitaire, sans contraintes extérieures, ceux-là entretiennent une illusion dangereuse.
Ceux qui prônent, sous un masque de générosité, le retour à laugmentation de la dépense publique, font preuve dun manque de responsabilité, qui compromettrait léquilibre de notre situation actuelle, et qui compromettrait le renouveau de notre dynamisme.
Ils le savent bien, dailleurs. Mais, entre le printemps des promesses électorales et lautomne de lexercice du pouvoir, la réalité se charge de faire tomber les feuilles mortes des programmes inconséquents.
Quant à ceux qui veulent sortir la France de leuro, si par malheur ils arrivaient aux affaires, ils mettraient en péril notre économie, notre modèle social, notre niveau de vie, au nom dune fausse idée de la souveraineté nationale.
Et surtout, ils mettraient en danger lune des plus belles et des plus modernes idées de la fin du 20e siècle, qui est le rassemblement des pays européens ; ce rassemblement des pays européens qui, vu de lextérieur, apparaît souvent comme un facteur de complexification, comme un facteur de division parfois, tant les débats entre nous, à 27, sont rudes, mais qui est en réalité la condition de la paix, et surtout, la condition du maintien dune puissance économique européenne au premier plan dans la bataille de la mondialisation.
Vous lisez souvent, dans les journaux, le récit de tous ces débats difficiles entre les Européens, pour aider la Grèce, pour se mettre daccord sur la Politique Agricole Commune, ou pour se mettre daccord sur tel ou tel aspect de la politique étrangère tout cela est vrai.
Mais si on regarde les choses un peu différemment, on saperçoit que depuis le début de la crise économique et financière en 2008, lEurope a toujours su apporter des réponses efficaces.
Cest lEurope qui a empêché que le système financier international ne se bloque dans une crise systémique qui aurait été dramatique. Je vous le rappelle, les Etats-Unis avaient laissé filer la banque Lehman Brothers ; cest de cette faillite quest née la crise financière internationale.
Si Nicolas Sarkozy, Gordon Brown, et plusieurs autres gouvernants européens, navaient pas dit, avec une extrême fermeté : " Il ny aura pas de faillites de banques en Europe, parce que nous allons garantir les banques européennes ", cest tout le système financier mondial qui aurait été détruit.
De la même façon, lorsquil sest agi daider le Portugal, qui était en difficulté, nous avons eu des débats difficiles, mais nous lavons fait.
Lorsquil sest agi daider lIrlande, dont les banques avaient fait beaucoup derreurs, il y a eu des débats complexes, mais nous avons aidé lIrlande.
Et lorsquil sagit aujourd'hui daider la Grèce, qui a commis beaucoup de fautes, nous sommes présents pour aider la Grèce.
A chaque crise, finalement, lEurope sort renforcée. Et à cause de ces crises, ou grâce à ces crises, nous avons mis en place un fonds de garantie qui permettra désormais daider les pays qui seraient en difficulté, sans avoir tous ces débats préalables ; nous avons amorcé le début dun gouvernement économique de la zone euro, qui nous permettra de piloter léconomie européenne ; nous avons mis en place des sanctions bien plus sévères pour les Etats qui ne respectent pas les engagements quils ont pris, notamment sagissant de la stabilité de notre monnaie.
Crise après crise, lEurope apporte des réponses, se renforce, et incarne à mon sens lavenir de lorganisation mondiale : lavenir est au regroupement, à lassociation, à la communauté dEtats qui choisissent, sur tous les continents, dunir leurs forces, de se rassembler, pour être plus efficaces dans la mondialisation.
Voilà, toutes ces propositions laxistes ou populistes, je veux vous dire que je les combattrai de toutes mes forces, parce quelles font peser sur nous le risque du déclin.
Et ce combat ne doit pas être un combat partisan. Parce que je sais quil existe des hommes et des femmes de vérité et de bon sens dans tous les camps.
La mondialisation, cest un fait ; ça nest pas une hypothèse, que lon pourrait accepter ou refuser selon son bon plaisir.
La souveraineté, ça nest pas la politique du repli, ou la politique du cavalier seul. Cest une politique daction, cest une politique dinfluence, cest une politique appuyée sur une économie en mouvement, sur une crédibilité budgétaire assurée, sur une prise de responsabilité des grands enjeux internationaux.
La souveraineté, cest être là, avec nos partenaires de tous les continents, pour réguler, pour maîtriser les risques de la mondialisation.
Mais cest aussi et surtout être au rendez-vous des promesses de cette mondialisation. Parce quil est juste que des nations nouvelles, qui sont souvent dailleurs héritières de civilisations très anciennes, puissent équitablement peser sur la scène mondiale. Après des siècles qui ont été marqués par la domination de quelques empires occidentaux, cette équité entre les nations, cette équité entre les continents, elle ne doit pas être perçue comme une menace ; et cest dailleurs la grandeur de la France que davoir défendu depuis longtemps le principe de cette équité.
Ça nest pas parce que des nations émergent, que nous sommes condamnés à reculer. Notre destin nest pas inscrit dans le ciel ; il est dans nos mains. A condition naturellement que nous soyons capables de nous renouveler, là où cela est nécessaire. A condition de refuser deux types dillusions, aussi dangereux lun que lautre : lillusion que tout nous est dû, et lillusion que tout est perdu ; lillusion quil sera toujours assez tôt, et lillusion quil est déjà trop tard. A condition aussi décarter le défaitisme, dêtre conscients de nos atouts, daffirmer nos talents.
Le nouveau monde qui est en train de se dessiner fera la part belle à la création, à la recherche, à linnovation technologique ; il fera la part belle à léducation, aux savoir-faire professionnels, à la mobilité, à léchange des cultures. Ce ne sont pas des notions qui sont étrangères à la France.
Et je crois que nous avons encore bien des cartes à jouer, pour peu que nous en ayons la volonté.
Ce nouveau monde, il fera place aussi en tout cas nous pouvons lespérer, nous voulons lespérer à la liberté, à la justice et à la démocratie.
Les révolutions du monde arabe en donnent cette année un témoignage extraordinaire. Ces révoltes sont le signe que le sort du monde nest pas voué au nihilisme du choc des civilisations, mais quil peut être marqué par lélévation universelle du niveau des droits, de léducation et de la prospérité.
Eh bien, ce monde-là, nous navons pas à le redouter.
Ce que nous devons redouter, cest de passer à côté de toutes ces potentialités, à cause de linquiétude des uns ou du fatalisme des autres.
Voilà, mes chers compatriotes, les réflexions que je voulais partager avec vous, avec vous qui incarnez les forces de notre pays, dans cette nation cambodgienne qui peut enfin se tourner vers son avenir avec confiance, dans ce continent asiatique, avec lequel nous sommes en train de construire un monde où les dialogues et les échanges vont aller croissant.
Cest le sens de ma visite en Indonésie hier, et cest le sens de ma visite aujourd'hui au Cambodge, où je suis heureux de me retrouver, dans un pays avec lequel nous avons tellement de liens et tellement de projets davenir.
Source http://www.gouvernement.fr, le 4 juillet 2011