Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à France 2 le 4 juillet 2011, sur l'affaire Strauss-Kahn, l'organisation des primaires par le PS et l'opération Tranquillité Vacances 2011.

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG Bonjour à tous. Et bonjour à vous, Claude GUEANT.
 
CLAUDE GUEANT Bonjour Jeff WITTENBERG.
 
JEFF WITTENBERG Avant d’évoquer, bien sûr, les questions de sécurité, votre rôle dans le débat politique qui va en s’accroissant, au fur et à mesure qu’on se rapproche de la campagne de 2012, on va bien sûr parler de l’actualité, de l’affaire STRAUSS-KAHN avec la mise en cause hier par des proches de l’ancien patron du FMI de la direction du SOFITEL à New York, qui serait – je cite François LONCLE, député socialiste – en connexion avec certaines officines à Paris, il parle des renseignements généraux ; est-ce que vous vous sentez visé, Monsieur GUEANT ?
 
CLAUDE GUEANT J’ai entendu hier effectivement deux personnalités socialistes – monsieur LONCLE et madame SABAN – se livrer à un certain nombre d’insinuations, parler de manipulations, je voudrais vraiment les inciter à la retenue. Ce qu’ils disent est proprement scandaleux. Quel rapport y a-t-il entre les accusations qui ont été portées contre Dominique STRAUSSKAHN et puis le fait que le président de la République ait décoré, voici cinq ans, le patron de la police de New York de la Légion d’Honneur. Ils insinuent que c’est bizarre que madame LAGARDE ait succédé à monsieur STRAUSS-KAHN. Alors, je voudrais dire deux choses, sur le fond, d’abord, cette affaire est une affaire judiciaire, et c’est la justice américaine qui est à l’action, comme il est bien normal, s’agissant de faits commis aux Etats-Unis ou d’accusations aux Etats-Unis. Et la justice américaine, chacun le sait, est totalement indépendante, il est hors de question que quiconque en France puisse manipuler la justice américaine. Maintenant, sur le procédé, monsieur LONCLE, madame SABAN, procèdent par insinuations, ils n’affirment pas. Voici quelques semaines, toute la France a condamné des propos de Luc FERRY, qui mettaient en cause un ancien ministre pour des pratiques pédophiles qui auraient été commises au Maroc, et tout le monde a dit : c’est scandaleux, parce que quand on sait, on dit, on affirme, on saisit la justice, on ne procède pas par insinuations. Eh bien, là, c’est la même chose, ou bien monsieur LONCLE a des accusations à porter, il saisit la justice ou bien, il se tait ; ces accusations sont odieuses.
 
JEFF WITTENBERG Alors, de sources proches de l’enquêté, citées par l’AFP, on apprend tout de même que l’Elysée a été mis au courant de ce qui s’était passé au SOFITEL dès le 14 mai au soir ; est-ce que vous, Monsieur GUEANT, en tant que ministre de l’Intérieur, vous avez été informé, si j’ose dire, avant les médias, de ce qui s’était passé à New York, qu’est-ce que vous pouvez nous dire ce matin ?
 
CLAUDE GUEANT Je ne sais pas à quel moment les médias ont été informés, et notamment les médias américains.
 
JEFF WITTENBERG Mais vous ?
 
CLAUDE GUEANT Moi, ce que je peux vous dire, c’est que les faits reprochés s’étant passés un samedi après-midi, et aux Etats-Unis, j’ai été informé dans la nuit de samedi à dimanche, un peu après minuit et demi, par mon directeur de cabinet, qui, lui-même, avait été informé par le coordonnateur national du renseignement ; d’où le coordinateur national du renseignement tenait-il ces informations ? Je ne sais pas. Mais à supposer que ce soit SOFITEL qui l’ait prévenu, je dirais que c’est parfaitement normal, enfin, qu’une grande chaîne hôtelière française informe les autorités françaises de ce qu’il est advenu, l’arrestation d’une personnalité mondiale, de premier plan, qui est de nationalité française, ça me semble absolument normal.
 
JEFF WITTENBERG Est-ce que vous admettez tout de même qu’il y a des zones d’ombre lorsqu’on découvre par exemple six semaines après les faits que la femme de ménage, madame DIALLO, a nettoyé une autre chambre, ça…
 
CLAUDE GUEANT Ah mais écoutez, ça…
 
JEFF WITTENBERG Mais en même temps, c’est important, est-ce que l’hôtel SOFITEL n’avait pas les moyens de le savoir – vous êtes un professionnel de la police –d’avoir cette information auparavant ?
 
CLAUDE GUEANT Mais je rappelle que l’hôtel SOFITEL en cause, il est à New York, c’est la justice américaine avec l’assistance de la police de l’Etat de New York qui intervient. Moi, je n’ai aucun élément d’information sur l’enquête judiciaire.
 
JEFF WITTENBERG Donc en tout état de cause, la DCRI, les renseignements intérieurs, les anciens renseignements généraux ne sont pas informés, comme le prétendent certains socialistes ? CLAUDE GUEANT Non, non, je vous dis que l’information est venue par le coordonnateur national du renseignement. Je ne sais pas d’où il tient ses sources. Et je rappelle que les renseignements généraux n’existent plus dans notre pays, c’était un reste de police politique, et Nicolas SARKOZY a supprimé les renseignements généraux.
 
JEFF WITTENBERG On parle de l’aspect politique de cette affaire, on a entendu dans le journal que 42% des Français souhaitent que Dominique STRAUSSKAHN ait un rôle politique dans l’avenir. Vous pensez qu’il peut revenir aujourd’hui en France, et jouer un rôle dans la prochaine campagne présidentielle ?
 
CLAUDE GUEANT Ça, c’est d’abord son affaire, je dirais qu’il y a trois conditions, la première, c’est la suite de la procédure judiciaire aux Etats-Unis, personne ne peut préjuger ce qu’elle sera. La deuxième condition pour un éventuel retour, c’est sa propre disposition d’esprit, en a-t-il envie, et puis, la Invités du lundi 04 juillet 2011 Département Veille et Ressources d’informations – 01.42.75.54.58 18 troisième condition, c’est de passer le test de la primaire, organisée par le Parti socialiste.
 
JEFF WITTENBERG Mais son image, madame JOUANNO, votre collègue ministre des Sports, dit qu’il n’a pas donné une image positive, c’est aussi votre sentiment ?
 
CLAUDE GUEANT Ecoutez, je ne fais pas de commentaires sur l’image, c’est aux Français de se faire une opinion.
 
JEFF WITTENBERG Sur les primaires socialistes, vous est rassuré aujourd’hui, il n’y a plus de risque de fichage, comme vous le craigniez, vous avez reçu François LAMY, le bras droit de Martine AUBRY vendredi…
 
CLAUDE GUEANT Oui, j’ai reçu François LAMY, deux mots là-dessus, d’abord, l’organisation de ces primaires, c’est le choix du Parti socialiste, et c’est parfaitement légal. Ceci dit, il y a un vrai problème, qui est posé par l’organisation de ces primaires, c’est que comme le vote se fera avec la liste d’émargements de la liste électorale complète, on va avoir de fait les sympathisants du Parti socialiste qui, d’ailleurs, disent leur adhésion à une sorte de charte qui leur est proposée, et puis, par différence, ceux qui ne seront pas des sympathisants socialistes. On va donc avoir une liste nominative d’opinions politiques en France, bon, alors, il y a des précautions…
 
JEFF WITTENBERG Monsieur GUEANT, excusez-moi de vous interrompre, est-ce que vous n’avez pas fait de la publicité à ces primaires en en parlant de cette façon-là ?
 
CLAUDE GUEANT Ecoutez, moi, je crois qu’il est de mon devoir, mon devoir n’est pas de faire de la publicité ni de faire de la contre-publicité. Mon devoir, c’est d’éclairer sur un vrai problème de liberté qui se pose, la liberté d’opinion est quelque chose de sacré en France, elle est consacrée par la Constitution, il y a un problème. Alors, j’ai vu monsieur LAMY, comme vous le disiez, qui est un très proche de madame AUBRY, qui m’a dit que toutes les précautions étaient prises pour que dès le scrutin clos, les listes soient mises sous scellées, sous le contrôle d’un huissier, etc. Bon, j’en accepte l’augure. La seule chose que je puis dire en plus, c’est que j’entends de la part des responsables socialistes les propos les plus divers sur la façon dont ça va se passer. Donc j’attends. Monsieur Harlem DESIR a dit quelques jours auparavant – il est numéro 2 du Parti socialiste, et on dit même qu’il va faire l’intérim de madame AUBRY – que, il y aurait plusieurs jours qui s’écouleraient avant qu’il y ait des mesures de protection, donc j’attends de voir…
 
JEFF WITTENBERG Si je vous résume, vous n’êtes pas totalement rassuré aujourd’hui ?
 
CLAUDE GUEANT J’attends de voir.
 
JEFF WITTENBERG On va évoquer une question qui était présentée dans le journal de 07h30, la question des cambriolages, on passe d’un sujet à l’autre, il nous reste une minute trente. Vous avez entendu : 11% d’augmentation en un an, beaucoup de Français qui partent en vacances sont inquiets avant justement ce départ, quelles actions finalement le ministère de l’Intérieur met aujourd’hui en oeuvre pour lutter contre cette recrudescence ?
 
CLAUDE GUEANT Alors, globalement, les cambriolages augmentent un petit peu, nous avons un souci particulier, c’est vrai, sur les cambriolages de résidences principales, pour les vacances…
 
JEFF WITTENBERG Qui sont en hausse, vous le confirmez…
 
CLAUDE GUEANT Qui sont à la hausse, je le confirme. Donc un certain nombre d’actions spécifiques sont mises en oeuvre. Pour la période des vacances, il y a une opération qui s’appelle : opération tranquillité vacances, les gens qui sont inquiets peuvent se signaler au commissariat ou à la brigade de gendarmerie, dire qu’ils partent, signaler leur adresse, etc., il y aura des rondes et des patrouilles. Les policiers, lorsqu’ils passent d’ailleurs, laissent des notes indiquant leur passage, et puis, par ailleurs, la gendarmerie organise des solidarités de voisinage, qui consistent tout simplement à ce que les voisins prêtent un peu d’attention à la résidence de leurs voisins absents.
 
JEFF WITTENBERG Claude GUEANT, vous aviez annoncé il y a trois mois la mise en place de patrouilleurs, des équipes de deux ou trois policiers, qui allaient être plus présents, plus visibles dans les rues ; où en est cette opération ?
 
CLAUDE GUEANT Oui, eh bien écoutez, c’est en train de se mettre en place, certains services se mettent en place aujourd’hui, d’autres l’ont fait à la fin de la semaine dernière, c’est généralisé sur l’ensemble du territoire. Pourquoi ? Parce qu’une politique de sécurité, c’est principalement deux choses, d’abord : faire reculer la délinquance, ensuite, rassurer les gens. Rassurer les gens en montrant des policiers et en permettant les contacts, eh bien, c’est ce que nous faisons avec des patrouilles de deux ou trois fonctionnaires, qui vont être dans les lieux…
 
JEFF WITTENBERG Même si vous n’embauchez pas de policiers ?
 
CLAUDE GUEANT J’ajoute que sur le second semestre de cette année, je vais déployer un supplément de 4.000 policiers et gendarmes supplémentaires. Les premiers résultats sont très bons. Par exemple, à Poitiers, il y a 80% de patrouilles pédestres en plus, à Paris, qui s’est lancée un peu avant dans l’expérience… l’expérimentation plus exactement, il y a 25% d’augmentation des patrouilles. Un certain nombre d’actes de délinquance recule d’ores et déjà. Donc c’est encourageant.
 
JEFF WITTENBERG On vous a entendu. Merci beaucoup Claude GUEANT.
 
Source : Premier ministre, Service d’information du Gouvernement, le 4 juillet 2011