Texte intégral
Mesdames et messieurs,
Cest avec beaucoup de plaisir que jai accueilli aujourdhui au ministère de lintérieur ce colloque destiné à donner « une impulsion nouvelle à la politique de prévention de la délinquance ». Il me semblait, en effet, quouvrir ce lieu emblématique de la politique de sécurité à vos travaux ne pouvait que souligner la place que le Gouvernement entend réserver dans son action à la prévention de la délinquance.
Je voudrais, avant toute chose, remercier linstigateur de ces rencontres, vous, cher Jean-Marie BOCKEL et vous dire que le caractère convenu de ces remerciements nenlève rien à leur sincérité, bien au contraire.
Vos travaux, en effet, ont bénéficié de votre longue expérience de maire, de parlementaire et de ministre, vous qui êtes tout à la fois lartisan de lambitieuse politique de prévention de la délinquance mise en place à Mulhouse et lauteur dun rapport remarqué au Président de la République sur la prévention de la délinquance juvénile.
Mais, au-delà de la personne de Jean-Marie BOCKEL, jaimerais remercier chacun dentre vous : votre présence ici aujourdhui et la richesse de vos échanges sont en effet le signe, ô combien prometteur, que les efforts du Gouvernement pour faire entrer la prévention de la délinquance dans nos moeurs politiques commencent à porter leurs fruits.
I. Le Gouvernement sest en effet investi très tôt dans la prévention de la délinquance, en sappuyant sur deux idées fondamentales sur lesquelles je souhaite, brièvement, revenir avec vous.
1) Première idée, prévention et répression sont inextricablement liées : la seconde soutient la première.
Vous le savez, le Gouvernement na pas peur de réprimer les crimes et les délits. Depuis 2002, nous menons ainsi contre la délinquance une politique de fermeté qui porte ses fruits. En effet, après avoir connu une hausse historique de plus de 17% entre 1997 et 2002, la délinquance générale a baissé, entre 2002 et 2010, de 17%. Grâce à notre action, la délinquance est revenue, lannée dernière, en dessous de son niveau de 1997 alors même que notre population a augmenté, sur cette période, de plus de 4 millions de personnes [de 58,1 millions au 1er janvier 1997 à 62,8 millions au 1er janvier 2010 en France métropolitaine. Sources : INSEE].
Cette action touche à tous les domaines, jusquà la lutte contre les fraudes et particulièrement les fraudes lésant lEtat. Cest, dabord, la logique qui a présidé à la création, en mars 2010, des comités opérationnels départementaux anti-fraude [CODAF] co-présidé par le préfet et le procureur de la République. Les bonnes habitudes de travail en commun prises dans ce cadre portent leurs fruits puisque 1 700 opérations ont été menées, permettant, au total, la détection de 171 millions deuros de fraudes fiscales, douanières et sociales [soit une progression de 151% par rapport à 2009]. Cest aussi la logique qui a conduit à faire accueillir 50 agents de la DGFiP au sein des unités de gendarmes et de policiers chargés de la lutte contre les trafics afin de « frapper les délinquants au portefeuille ». Là encore, les résultats sont au rendez-vous avec 2 500 enquêtes engagées et près de 4,5 millions deuros de saisies.
Cette politique est nécessaire ; elle est efficace ; elle est dissuasive ; mais elle nest pas suffisante. Elle intervient, en effet, une fois linfraction commise. Nous devons nous efforcer dagir plus en amont :
- cest lintérêt, naturellement, des victimes potentielles qui se trouvent ainsi épargnées ;
- cest lintérêt, aussi, des possibles délinquants à qui lon donne une chance de ne pas basculer dans la criminalité et de reprendre leur vie en main avant quil ne soit trop tard ;
- cest, enfin, lintérêt général. Toute infraction, la plus petite incivilité, porte atteinte non pas seulement aux parties en présence mais bien à la cohésion du corps social tout entier.
Agir pour éviter la commission dinfractions, cest donc contribuer à renforcer le sentiment de tranquillité publique pour tous les gestes simples du quotidien : faire ses courses, prendre les transports en commun, laisser partir ses enfants à lécole ou rentrer tard le soir.
Pour toutes ces raisons, lEtat doit développer et mettre en oeuvre une politique de prévention de la délinquance à la fois ferme et ambitieuse.
Dire cela, ce nest ni abandonner la répression ni même faire moins de répression. Cest comprendre quune politique de sécurité équilibrée ce nest pas prévention ou répression mais bien lun et lautre et même lun pour lautre : la certitude de la sanction constitue la première des préventions tandis que, parallèlement, lefficacité de la prévention réduit les besoins en répression.
Articuler prévention et répression, cest ainsi viser non seulement la baisse objective de la délinquance mais aussi la promotion dun climat de sécurité. Dans cette double optique, jai lancé, il y a deux mois, lexpérimentation du « patrouilleur » qui démultiplie les patrouilles en uniforme, au contact direct de la population, sur des zones particulièrement peuplées ou faisant lobjet dun fort passage. Le coeur de laction des patrouilleurs reste la lutte contre la délinquance et linterpellation des auteurs dinfraction. Mais leur rôle est aussi dassurer une présence visible et rassurante sur le terrain permettant à la population et notamment à ces « capteurs » du climat de sécurité que sont les commerçants ou les chefs détablissements scolaires de les alerter sur les comportements antisociaux qui peuvent peser sur la vie du quartier. Le succès de ce dispositif dont jai dailleurs décidé de la généralisation à lensemble du pays à partir de vendredi [1er juillet] tient précisément à ce quil agit sur les deux tableaux de la répression et de la prévention.
(2) Deuxième idée : la prévention de la délinquance nest pas une oeuvre solitaire. Elle est, véritablement, laffaire de tous.
Il ne sagit pas de dégager lEtat de ses responsabilités. Il sagit de faire comprendre, une fois encore, que la prévention de la délinquance ne relève pas seulement de lEtat ou des acteurs locaux de la sécurité, collectivités territoriales et société civile, mais de la combinaison de leurs efforts.
Cette logique de complémentarité sinscrit, dabord, dans une perspective historique. Je rappelle que la sécurité, pouvoir régalien, est aussi un pouvoir que lEtat a entendu, dès lorigine, partager avec les maires. Cest vrai dès la loi du 14 décembre 1789 confiant des pouvoirs de police aux maires et dès la grande loi communale de 1884 organisant une coopération étroite entre lEtat et les communes pour la défense de lordre et de la tranquillité publics.
Cette logique de complémentarité dénote, ensuite, un souci de pragmatisme et de souplesse. Par sa vision globale et son rôle de pilote des politiques publiques, lEtat est le mieux à même de développer une vision globale de la prévention de la délinquance, nourrie aussi bien de sa réflexion propre que des bonnes pratiques qui lui reviennent du terrain. Son rôle consiste donc à élaborer les outils de la prévention de la délinquance et à soutenir et accompagner leur mise en oeuvre. Si lEtat fournit la boîte à outils, les collectivités doivent, elles, choisir dans cette boîte les instruments adaptés à leur situation démographique, sociale et culturelle propre.
Cette logique de complémentarité suppose, enfin, une démarche collective. Cest une vérité que jai pu vérifier partout : lorsque, chacun dans son rôle, les différents acteurs de la sécurité, locaux et nationaux, publics et civils, travaillent en bonne entente, linsécurité recule.
Je pense, en particulier, à la politique de prévention de la délinquance mise en oeuvre par la ville du Havre où je me suis rendu le 10 juin dernier et qui repose sur une mobilisation très large : coopération étroite entre les polices nationale et municipale, implication des citoyens ou encore élargissement des différents organes de prévention de la délinquance aux différents acteurs de la vie de la cité comme le service de cohésion sociale de la ville, le SDIS, le rectorat, les chefs détablissements, les opérateurs de transport, les bailleurs ou les associations.
Je note, dailleurs, que votre colloque a fait sienne cette volonté dinscrire la prévention de la délinquance dans une approche globale et collective puisque vos tables-rondes étaient animées aussi bien par des représentants de lEtat que par des élus locaux et que votre journée na pas seulement été ponctuée par mon intervention mais aussi par celle du Garde des Sceaux, Michel MERCIER.
II. En se fondant sur ces deux idées, le Gouvernement sinvestit dans la promotion dune politique de prévention de la délinquance ambitieuse et équilibrée.
(1) En matière de prévention de la délinquance, le Gouvernement a beaucoup fait.
Cest à lui que revient la paternité de la loi novatrice du 5 mars 2007 qui fait du maire le pivot de laction locale en matière de prévention de la délinquance et met à sa disposition un ensemble doutils à la fois souples et adaptés.
Cest à lui que revient, aussi, en octobre 2009, davoir remobilisé les acteurs de la prévention de la délinquance via le plan national de prévention de la délinquance et daide aux victimes.
Cest à lui, toujours, alors même que les premiers résultats de la loi de 2007 et du plan de 2009 pourraient pousser au relâchement, que vous devez dêtre réuni aujourdhui afin de réfléchir, déjà, aux impulsions futures de la politique de prévention de la délinquance de notre pays.
(2) La loi du 5 mars 2007 était un texte novateur : après une période dadaptation, de plus en plus de communes se sont engagées dans les dispositifs qui leur étaient ouverts.
Lobjectif de cette loi est de permettre une détection aussi précoce que possible des comportements violents ou antisociaux afin de permettre dintervenir en amont du basculement dans la délinquance. Cela suppose, naturellement, dagir au plus près des individus concernés avec :
- un pilotage local assuré par le maire qui, dailleurs, dans de très nombreux cas, assumait déjà officieusement cette fonction ;
- une approche partenariale mêlant acteurs nationaux et locaux, publics, privés et associatif afin de multiplier les « capteurs » et donc les chances de détecter les situations problématiques ;
- des cadres daction souples afin dadapter chaque réponse à chaque situation particulière.
Comme le montre le suivi effectué par le comité interministériel de prévention de la délinquance [CIPD], cette approche souple et pragmatique emporte ladhésion dun nombre croissant de communes de toute taille et de tout bord politique :
- le nombre de conseils des droits et devoirs des familles [CDDF] a plus que doublé au cours des 6 derniers mois passant de 102 fin 2010 [créés et en cours de création] à plus de 230 aujourdhui. Cette volonté de fonder la prévention de la délinquance sur une approche personnalisée passant par la responsabilisation des familles se diffuse sur tout notre territoire :
* 1/3 des communes de plus de 50 000 habitants [52 sur 129] disposent désormais dun CDDF en état de fonctionnement [17] ou en cours de création [35]. Ce mouvement va naturellement samplifier puisque les CDDF ont été rendus obligatoires dans ces communes par la LOPPSI. Cest une démarche particulièrement nécessaire dans ces villes qui, par leur taille, cumulent souvent une relation maire/citoyens plus distante et des problèmes de délinquance plus graves ;
* 129 communes disposent en outre de dispositifs inspirés de lesprit de la loi de 2007 et adaptés à leur taille plus restreinte. Je pense, en particulier aux cellules de citoyenneté et de tranquillité publique développées par Bernard REYNÈS dans sa ville de Chateaurenard. Jai pu me rendre compte personnellement, au cours dun déplacement sur le terrain, de la pertinence de ce dispositif qui conjugue habilement souplesse du fonctionnement et grande rigueur administrative et juridique. Je note, dailleurs, que cette heureuse initiative se diffuse, déjà, dans plusieurs dizaines de communes des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse. Ces exemples, ils sont nombreux. Nous les soutenons et nous les accompagnons.
- deuxième exemple, le dispositif de rappel à lordre qui permet au maire de donner une réponse rapide à tous ces comportements qui ne relèvent pas de la justice mais traduisent un mépris dangereux pour les règles informelles de la vie en société, connaît un rapide essor : 543 maires en font désormais usage contre seulement 126 à la fin de lannée 2010. Limplication des Parquets au travers de protocoles locaux apparaît décisive pour le développement de cette formule ;
- troisième et dernier exemple, la transaction qui permet de faire réparer un dommage aux biens communaux par une participation financière ou un travail dintérêt général de lauteur de la dégradation connaît, elle aussi, une progression rapide : 140 communes lutilisent désormais contre seulement 10 à la fin de lannée 2010.
Encourageants, ces chiffres ne sont naturellement pas encore suffisants. Jai néanmoins bon espoir que, portée par la dynamique positive que créent les premiers retours dexpériences qui nous parviennent, de plus en plus de communes semparent des outils proposés par la loi de 2007.
(3) Si lEtat veille à la bonne mise en oeuvre de la loi de 2007, il est également très attentif aux autres piliers de la prévention de la délinquance rappelés par le plan national doctobre 2009.
Je pense, naturellement, aux efforts consentis par lEtat pour accompagner léquipement de notre pays en matière de vidéoprotection. Fin 2010, 37 000 caméras étaient en service à travers le territoire. Pour cette année, lEtat maintient son investissement :
- investissement financier, dabord, avec une enveloppe de 30 millions deuros de soutien aux différents projets locaux ;
- investissement humain et technique, ensuite, puisque jai demandé aux préfectures, avec lappui des référents sûreté police et gendarmerie, damplifier leurs efforts dincitation des élus et de leur apporter leur aide dans lélaboration de leurs projets.
Je pense, également, à la politique de rénovation urbaine menée par le Gouvernement. En la matière, nous avançons avec une conviction simple : sil ny a aucune excuse à la délinquance, il y a, en revanche, des environnements qui, de par leur aspect dégradé, favorisent les comportements antisociaux ou illégaux. Si ce versant de notre politique relève plutôt du ministère de la ville, je voulais néanmoins souligner lapport des policiers et des gendarmes à ces programmes de rénovation : tirant parti de leur expérience, ils conseillent en effet les responsables pour entraver, dans la configuration même des lieux, les trafics et les attroupements de bandes qui pourrissent la vie de ces quartiers.
Je pense, enfin, aux efforts faits en matière déducation pour empêcher les enfants les plus fragiles de décrocher du système scolaire. Jai eu loccasion, récemment, de me déplacer au Havre pour mettre en valeur le dispositif de valorisation de lexclusion temporaire développé par cette commune. Les initiatives de ce type se multiplient dans nombre de communes et nous leur apportons toujours, via le FIPD, notre soutien. Cest, je le sais, un sujet qui tient particulièrement au coeur de Jean-Marie BOCKEL dont le rapport 2010 sur la prévention de la délinquance des mineurs consacrait une partie complète à la restauration de la citoyenneté par lécole.
La prévention de la délinquance fait désormais lobjet dune véritable mobilisation générale : laction du Gouvernement est relayée par limplication croissante des maires, nourrie par les réflexions de plusieurs parlementaires et notamment de Jean-Marie BOCKEL et renforcée par le développement de nombreuses coopérations ville/Etat que ce soit en matière de sécurité avec les coopération police nationale/police municipale, en matière de justice avec le dialogue ville/Parquet ou encore en matière déducation nationale.
Ces efforts vont dans la bonne direction, celle dune politique tournée non seulement vers le recul de la délinquance mais aussi vers la promotion de la citoyenneté. La prévention de la délinquance est au coeur de la promotion du vivre-ensemble républicain, fondé sur le respect entre les citoyens.
Je ne doute pas que vos travaux daujourdhui et le travail mené en amont depuis un an ne nous permettent encore dajuster et de développer cette politique. Cest en tout cas dans cette optique que je prendrai connaissance, le 14 juillet prochain, du rapport que vous remettrez, cher Jean-Marie BOCKEL, au Premier ministre.
La prévention de la délinquance est un enjeu régalien majeur que le ministère de lintérieur prend avec le plus grand sérieux. Mais cest surtout une politique indispensable pour la construction de notre société qui doit, de ce fait, entraîner limplication de tous.
Source http://www.lagazettedescommunes.com, le 5 juillet 2011
Cest avec beaucoup de plaisir que jai accueilli aujourdhui au ministère de lintérieur ce colloque destiné à donner « une impulsion nouvelle à la politique de prévention de la délinquance ». Il me semblait, en effet, quouvrir ce lieu emblématique de la politique de sécurité à vos travaux ne pouvait que souligner la place que le Gouvernement entend réserver dans son action à la prévention de la délinquance.
Je voudrais, avant toute chose, remercier linstigateur de ces rencontres, vous, cher Jean-Marie BOCKEL et vous dire que le caractère convenu de ces remerciements nenlève rien à leur sincérité, bien au contraire.
Vos travaux, en effet, ont bénéficié de votre longue expérience de maire, de parlementaire et de ministre, vous qui êtes tout à la fois lartisan de lambitieuse politique de prévention de la délinquance mise en place à Mulhouse et lauteur dun rapport remarqué au Président de la République sur la prévention de la délinquance juvénile.
Mais, au-delà de la personne de Jean-Marie BOCKEL, jaimerais remercier chacun dentre vous : votre présence ici aujourdhui et la richesse de vos échanges sont en effet le signe, ô combien prometteur, que les efforts du Gouvernement pour faire entrer la prévention de la délinquance dans nos moeurs politiques commencent à porter leurs fruits.
I. Le Gouvernement sest en effet investi très tôt dans la prévention de la délinquance, en sappuyant sur deux idées fondamentales sur lesquelles je souhaite, brièvement, revenir avec vous.
1) Première idée, prévention et répression sont inextricablement liées : la seconde soutient la première.
Vous le savez, le Gouvernement na pas peur de réprimer les crimes et les délits. Depuis 2002, nous menons ainsi contre la délinquance une politique de fermeté qui porte ses fruits. En effet, après avoir connu une hausse historique de plus de 17% entre 1997 et 2002, la délinquance générale a baissé, entre 2002 et 2010, de 17%. Grâce à notre action, la délinquance est revenue, lannée dernière, en dessous de son niveau de 1997 alors même que notre population a augmenté, sur cette période, de plus de 4 millions de personnes [de 58,1 millions au 1er janvier 1997 à 62,8 millions au 1er janvier 2010 en France métropolitaine. Sources : INSEE].
Cette action touche à tous les domaines, jusquà la lutte contre les fraudes et particulièrement les fraudes lésant lEtat. Cest, dabord, la logique qui a présidé à la création, en mars 2010, des comités opérationnels départementaux anti-fraude [CODAF] co-présidé par le préfet et le procureur de la République. Les bonnes habitudes de travail en commun prises dans ce cadre portent leurs fruits puisque 1 700 opérations ont été menées, permettant, au total, la détection de 171 millions deuros de fraudes fiscales, douanières et sociales [soit une progression de 151% par rapport à 2009]. Cest aussi la logique qui a conduit à faire accueillir 50 agents de la DGFiP au sein des unités de gendarmes et de policiers chargés de la lutte contre les trafics afin de « frapper les délinquants au portefeuille ». Là encore, les résultats sont au rendez-vous avec 2 500 enquêtes engagées et près de 4,5 millions deuros de saisies.
Cette politique est nécessaire ; elle est efficace ; elle est dissuasive ; mais elle nest pas suffisante. Elle intervient, en effet, une fois linfraction commise. Nous devons nous efforcer dagir plus en amont :
- cest lintérêt, naturellement, des victimes potentielles qui se trouvent ainsi épargnées ;
- cest lintérêt, aussi, des possibles délinquants à qui lon donne une chance de ne pas basculer dans la criminalité et de reprendre leur vie en main avant quil ne soit trop tard ;
- cest, enfin, lintérêt général. Toute infraction, la plus petite incivilité, porte atteinte non pas seulement aux parties en présence mais bien à la cohésion du corps social tout entier.
Agir pour éviter la commission dinfractions, cest donc contribuer à renforcer le sentiment de tranquillité publique pour tous les gestes simples du quotidien : faire ses courses, prendre les transports en commun, laisser partir ses enfants à lécole ou rentrer tard le soir.
Pour toutes ces raisons, lEtat doit développer et mettre en oeuvre une politique de prévention de la délinquance à la fois ferme et ambitieuse.
Dire cela, ce nest ni abandonner la répression ni même faire moins de répression. Cest comprendre quune politique de sécurité équilibrée ce nest pas prévention ou répression mais bien lun et lautre et même lun pour lautre : la certitude de la sanction constitue la première des préventions tandis que, parallèlement, lefficacité de la prévention réduit les besoins en répression.
Articuler prévention et répression, cest ainsi viser non seulement la baisse objective de la délinquance mais aussi la promotion dun climat de sécurité. Dans cette double optique, jai lancé, il y a deux mois, lexpérimentation du « patrouilleur » qui démultiplie les patrouilles en uniforme, au contact direct de la population, sur des zones particulièrement peuplées ou faisant lobjet dun fort passage. Le coeur de laction des patrouilleurs reste la lutte contre la délinquance et linterpellation des auteurs dinfraction. Mais leur rôle est aussi dassurer une présence visible et rassurante sur le terrain permettant à la population et notamment à ces « capteurs » du climat de sécurité que sont les commerçants ou les chefs détablissements scolaires de les alerter sur les comportements antisociaux qui peuvent peser sur la vie du quartier. Le succès de ce dispositif dont jai dailleurs décidé de la généralisation à lensemble du pays à partir de vendredi [1er juillet] tient précisément à ce quil agit sur les deux tableaux de la répression et de la prévention.
(2) Deuxième idée : la prévention de la délinquance nest pas une oeuvre solitaire. Elle est, véritablement, laffaire de tous.
Il ne sagit pas de dégager lEtat de ses responsabilités. Il sagit de faire comprendre, une fois encore, que la prévention de la délinquance ne relève pas seulement de lEtat ou des acteurs locaux de la sécurité, collectivités territoriales et société civile, mais de la combinaison de leurs efforts.
Cette logique de complémentarité sinscrit, dabord, dans une perspective historique. Je rappelle que la sécurité, pouvoir régalien, est aussi un pouvoir que lEtat a entendu, dès lorigine, partager avec les maires. Cest vrai dès la loi du 14 décembre 1789 confiant des pouvoirs de police aux maires et dès la grande loi communale de 1884 organisant une coopération étroite entre lEtat et les communes pour la défense de lordre et de la tranquillité publics.
Cette logique de complémentarité dénote, ensuite, un souci de pragmatisme et de souplesse. Par sa vision globale et son rôle de pilote des politiques publiques, lEtat est le mieux à même de développer une vision globale de la prévention de la délinquance, nourrie aussi bien de sa réflexion propre que des bonnes pratiques qui lui reviennent du terrain. Son rôle consiste donc à élaborer les outils de la prévention de la délinquance et à soutenir et accompagner leur mise en oeuvre. Si lEtat fournit la boîte à outils, les collectivités doivent, elles, choisir dans cette boîte les instruments adaptés à leur situation démographique, sociale et culturelle propre.
Cette logique de complémentarité suppose, enfin, une démarche collective. Cest une vérité que jai pu vérifier partout : lorsque, chacun dans son rôle, les différents acteurs de la sécurité, locaux et nationaux, publics et civils, travaillent en bonne entente, linsécurité recule.
Je pense, en particulier, à la politique de prévention de la délinquance mise en oeuvre par la ville du Havre où je me suis rendu le 10 juin dernier et qui repose sur une mobilisation très large : coopération étroite entre les polices nationale et municipale, implication des citoyens ou encore élargissement des différents organes de prévention de la délinquance aux différents acteurs de la vie de la cité comme le service de cohésion sociale de la ville, le SDIS, le rectorat, les chefs détablissements, les opérateurs de transport, les bailleurs ou les associations.
Je note, dailleurs, que votre colloque a fait sienne cette volonté dinscrire la prévention de la délinquance dans une approche globale et collective puisque vos tables-rondes étaient animées aussi bien par des représentants de lEtat que par des élus locaux et que votre journée na pas seulement été ponctuée par mon intervention mais aussi par celle du Garde des Sceaux, Michel MERCIER.
II. En se fondant sur ces deux idées, le Gouvernement sinvestit dans la promotion dune politique de prévention de la délinquance ambitieuse et équilibrée.
(1) En matière de prévention de la délinquance, le Gouvernement a beaucoup fait.
Cest à lui que revient la paternité de la loi novatrice du 5 mars 2007 qui fait du maire le pivot de laction locale en matière de prévention de la délinquance et met à sa disposition un ensemble doutils à la fois souples et adaptés.
Cest à lui que revient, aussi, en octobre 2009, davoir remobilisé les acteurs de la prévention de la délinquance via le plan national de prévention de la délinquance et daide aux victimes.
Cest à lui, toujours, alors même que les premiers résultats de la loi de 2007 et du plan de 2009 pourraient pousser au relâchement, que vous devez dêtre réuni aujourdhui afin de réfléchir, déjà, aux impulsions futures de la politique de prévention de la délinquance de notre pays.
(2) La loi du 5 mars 2007 était un texte novateur : après une période dadaptation, de plus en plus de communes se sont engagées dans les dispositifs qui leur étaient ouverts.
Lobjectif de cette loi est de permettre une détection aussi précoce que possible des comportements violents ou antisociaux afin de permettre dintervenir en amont du basculement dans la délinquance. Cela suppose, naturellement, dagir au plus près des individus concernés avec :
- un pilotage local assuré par le maire qui, dailleurs, dans de très nombreux cas, assumait déjà officieusement cette fonction ;
- une approche partenariale mêlant acteurs nationaux et locaux, publics, privés et associatif afin de multiplier les « capteurs » et donc les chances de détecter les situations problématiques ;
- des cadres daction souples afin dadapter chaque réponse à chaque situation particulière.
Comme le montre le suivi effectué par le comité interministériel de prévention de la délinquance [CIPD], cette approche souple et pragmatique emporte ladhésion dun nombre croissant de communes de toute taille et de tout bord politique :
- le nombre de conseils des droits et devoirs des familles [CDDF] a plus que doublé au cours des 6 derniers mois passant de 102 fin 2010 [créés et en cours de création] à plus de 230 aujourdhui. Cette volonté de fonder la prévention de la délinquance sur une approche personnalisée passant par la responsabilisation des familles se diffuse sur tout notre territoire :
* 1/3 des communes de plus de 50 000 habitants [52 sur 129] disposent désormais dun CDDF en état de fonctionnement [17] ou en cours de création [35]. Ce mouvement va naturellement samplifier puisque les CDDF ont été rendus obligatoires dans ces communes par la LOPPSI. Cest une démarche particulièrement nécessaire dans ces villes qui, par leur taille, cumulent souvent une relation maire/citoyens plus distante et des problèmes de délinquance plus graves ;
* 129 communes disposent en outre de dispositifs inspirés de lesprit de la loi de 2007 et adaptés à leur taille plus restreinte. Je pense, en particulier aux cellules de citoyenneté et de tranquillité publique développées par Bernard REYNÈS dans sa ville de Chateaurenard. Jai pu me rendre compte personnellement, au cours dun déplacement sur le terrain, de la pertinence de ce dispositif qui conjugue habilement souplesse du fonctionnement et grande rigueur administrative et juridique. Je note, dailleurs, que cette heureuse initiative se diffuse, déjà, dans plusieurs dizaines de communes des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse. Ces exemples, ils sont nombreux. Nous les soutenons et nous les accompagnons.
- deuxième exemple, le dispositif de rappel à lordre qui permet au maire de donner une réponse rapide à tous ces comportements qui ne relèvent pas de la justice mais traduisent un mépris dangereux pour les règles informelles de la vie en société, connaît un rapide essor : 543 maires en font désormais usage contre seulement 126 à la fin de lannée 2010. Limplication des Parquets au travers de protocoles locaux apparaît décisive pour le développement de cette formule ;
- troisième et dernier exemple, la transaction qui permet de faire réparer un dommage aux biens communaux par une participation financière ou un travail dintérêt général de lauteur de la dégradation connaît, elle aussi, une progression rapide : 140 communes lutilisent désormais contre seulement 10 à la fin de lannée 2010.
Encourageants, ces chiffres ne sont naturellement pas encore suffisants. Jai néanmoins bon espoir que, portée par la dynamique positive que créent les premiers retours dexpériences qui nous parviennent, de plus en plus de communes semparent des outils proposés par la loi de 2007.
(3) Si lEtat veille à la bonne mise en oeuvre de la loi de 2007, il est également très attentif aux autres piliers de la prévention de la délinquance rappelés par le plan national doctobre 2009.
Je pense, naturellement, aux efforts consentis par lEtat pour accompagner léquipement de notre pays en matière de vidéoprotection. Fin 2010, 37 000 caméras étaient en service à travers le territoire. Pour cette année, lEtat maintient son investissement :
- investissement financier, dabord, avec une enveloppe de 30 millions deuros de soutien aux différents projets locaux ;
- investissement humain et technique, ensuite, puisque jai demandé aux préfectures, avec lappui des référents sûreté police et gendarmerie, damplifier leurs efforts dincitation des élus et de leur apporter leur aide dans lélaboration de leurs projets.
Je pense, également, à la politique de rénovation urbaine menée par le Gouvernement. En la matière, nous avançons avec une conviction simple : sil ny a aucune excuse à la délinquance, il y a, en revanche, des environnements qui, de par leur aspect dégradé, favorisent les comportements antisociaux ou illégaux. Si ce versant de notre politique relève plutôt du ministère de la ville, je voulais néanmoins souligner lapport des policiers et des gendarmes à ces programmes de rénovation : tirant parti de leur expérience, ils conseillent en effet les responsables pour entraver, dans la configuration même des lieux, les trafics et les attroupements de bandes qui pourrissent la vie de ces quartiers.
Je pense, enfin, aux efforts faits en matière déducation pour empêcher les enfants les plus fragiles de décrocher du système scolaire. Jai eu loccasion, récemment, de me déplacer au Havre pour mettre en valeur le dispositif de valorisation de lexclusion temporaire développé par cette commune. Les initiatives de ce type se multiplient dans nombre de communes et nous leur apportons toujours, via le FIPD, notre soutien. Cest, je le sais, un sujet qui tient particulièrement au coeur de Jean-Marie BOCKEL dont le rapport 2010 sur la prévention de la délinquance des mineurs consacrait une partie complète à la restauration de la citoyenneté par lécole.
La prévention de la délinquance fait désormais lobjet dune véritable mobilisation générale : laction du Gouvernement est relayée par limplication croissante des maires, nourrie par les réflexions de plusieurs parlementaires et notamment de Jean-Marie BOCKEL et renforcée par le développement de nombreuses coopérations ville/Etat que ce soit en matière de sécurité avec les coopération police nationale/police municipale, en matière de justice avec le dialogue ville/Parquet ou encore en matière déducation nationale.
Ces efforts vont dans la bonne direction, celle dune politique tournée non seulement vers le recul de la délinquance mais aussi vers la promotion de la citoyenneté. La prévention de la délinquance est au coeur de la promotion du vivre-ensemble républicain, fondé sur le respect entre les citoyens.
Je ne doute pas que vos travaux daujourdhui et le travail mené en amont depuis un an ne nous permettent encore dajuster et de développer cette politique. Cest en tout cas dans cette optique que je prendrai connaissance, le 14 juillet prochain, du rapport que vous remettrez, cher Jean-Marie BOCKEL, au Premier ministre.
La prévention de la délinquance est un enjeu régalien majeur que le ministère de lintérieur prend avec le plus grand sérieux. Mais cest surtout une politique indispensable pour la construction de notre société qui doit, de ce fait, entraîner limplication de tous.
Source http://www.lagazettedescommunes.com, le 5 juillet 2011