Texte intégral
Je tiens dabord à saluer le travail accompli par Monsieur le Secrétaire général, mais aussi par Dominique LIBAULT et toute son équipe, qui ont permis de préparer cette Commission avec efficacité et rapidité.
Après les présentations qui vous ont été faites par François BAROIN et Xavier BERTRAND, je souhaiterais pour ma part vous présenter les réflexions que minspire létat des comptes dans le champ de la Sécurité sociale dont jai la charge.
1- Je souhaiterais tout dabord revenir sur la situation de la branche famille.
En ce domaine, comme la rappelé François MONIER, le déficit se stabilise autour de -2,8 milliards deuros cette année, soit environ 100 millions deuros de plus quen 2010.
Cette tendance est en ligne avec les prévisions de la Commission des Comptes pour 2011 et avec celles figurant dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).
Mais au-delà du simple rappel de ces chiffres, je voudrais quon comprenne mieux ce qui est en jeu :
Dabord, il est clair que la situation déficitaire de la branche famille ne permet pas, pour le moment, denvisager des dépenses nouvelles.
Comment envisager de dégrader le solde de la branche famille, alors quune partie de ses dépenses est dores et déjà financée à crédit ?
Jai eu loccasion de mexprimer sur ce sujet à plusieurs reprises comme lors de la discussion, le 1er juin dernier, de la proposition de loi sur la modernisation du congé maternité proposée par Marie-Claire CAMPION, ou encore lors du dernier Conseil européen « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », le 6 décembre dernier.
Nul ne conteste que linstauration dun congé maternité plus long et mieux rémunéré se justifie, notamment dun point de vue de la santé des femmes.
Mais cet allongement représenterait pour la sécurité sociale une charge supplémentaire de 170 millions deuros si nous passions de seize à dix-huit semaines dans le cadre du dispositif actuel dindemnisation.
Elle serait de plus de 1,1 milliard deuros si nous retenions la disposition votée par le Parlement européen tendant à déplafonner lindemnisation en prenant comme référence lintégralité du salaire réel.
Cest évidemment une dépense inenvisageable dans létat actuel de nos finances publiques.
Cela représenterait également une charge pour les employeurs. Cest enfin une mesure qui pourrait constituer un frein à lembauche des femmes, un frein au développement de leur carrière, un frein à leur progression salariale.
Je voudrais rappeler ensuite que ces prévisions de solde de la branche famille ne doivent pas masquer lessentiel : notre politique familiale est une réussite incontestable, comme en témoigne notre taux de natalité qui nous place en tête des pays européens.
Ce sont 828 000 enfants qui ont été accueillis en 2010 dans notre pays. Ce taux de fécondité est dautant plus remarquable quil se conjugue avec un taux dactivité professionnel féminin atteignant 85% !
Nous navons pas souvent loccasion de nous réjouir, alors profitons-en, dautant que ceci est le résultat dune politique familiale ambitieuse, et tout particulièrement depuis le début du quinquennat : les crédits consacrés à la politique familiale représentaient 4,7% en 2007 ; ils représentent, en 2010, 5,1% de la richesse nationale.
Le plan de création de places, qui a été lancé par Nadine MORANO, est tenu : 200 000 solutions de garde en plus, soit 100 000 en collectif, 100 000 en individuel, avec une diversification des modes de garde, grâce à un effort supplémentaire très important en période de crise de plus de 1,3 milliard deuros.
Je pense également au développement des maisons dassistantes maternelles, aux micro-crèches, aux aides directes aux familles, à la PAJE notamment - qui est un véritable congé parental et qui permet à 600 000 personnes, si elles le souhaitent, de rester auprès de leur enfant.
Alors, bien sûr, nous allons continuer à investir dans notre politique familiale.
En premier lieu, nous devons veiller à ce que lamélioration de notre politique familiale ne se fasse pas au détriment du choix des femmes de travailler.
Cest pourquoi je souhaite que nous allions plus loin dans le partage des temps : cest précisément lobjet dune étude que javais demandée à lIGAS sur ce sujet.
Le rapport ma été remis cette semaine par Mme GRESY. Il constituera une contribution très importante pour la prochaine Conférence sur légalité professionnelle et le partage des responsabilités familiales qui se tiendra le 28 juin prochain.
En deuxième lieu, je crois beaucoup, en tant que responsable politique, à lindispensable mise en cohérence de nos moyens daction si lon souhaite véritablement faciliter linsertion dans lemploi des familles qui en sont le plus éloignées.
Car cest la transversalité dans nos politiques publiques, comme jai pu le constater sur le terrain à de très nombreuses reprises, qui peut nous donner les moyens de réinsérer durablement les foyers qui cumulent des difficultés importantes : je pense notamment à certaines familles monoparentales, cest-à-dire très majoritairement des femmes qui élèvent seules leurs enfants.
Pour elles, nous devrions renforcer laccueil des jeunes enfants, cest-à-dire « faire levier » des moyens de notre politique familiale, pour les aider à se réinsérer professionnellement en les rendant économiquement indépendantes.
Cest là lobjectif vers lequel nous devons orienter notre politique dinclusion sociale.
2- Je voudrais maintenant aborder nos politiques médico-sociales, en lien avec le débat sur la dépendance.
Comme vous le savez, une large part du financement de ce secteur est assurée par lassurance-maladie, ce qui permet dassurer une progression importante et régulière de lONDAM médico-social, malgré des contraintes de plus en plus fortes.
Mon propos ne sera pas ici de vous asséner des chiffes, mais plutôt de donner un éclairage sur les évolutions à court terme et à long terme de ce secteur.
Le premier éclairage concerne la progression de lONDAM médico-social cette année au regard des années précédentes.
LONDAM médico-social enregistre toujours la progression la plus importante des sous-objectifs, avec un taux de +3,8%, dans le cadre dun ONDAM à +2,9%.
Cela na rien de surprenant au regard des efforts massifs et continus qui ont été réalisés ces dernières années. Depuis 2006, les crédits consommés de lobjectif global de dépenses (OGD) ont ainsi progressé de +25% pour les personnes handicapées [passant de 6,7 à 8,4 Mds] et de +70% pour les personnes âgées [passant de 4,6 à 7,9 Mds].
En fait, ce nouveau mode de budgétisation garantit le financement de lintégralité des mesures de création de places, la poursuite de leffort de médicalisation des établissements et la mise en uvre des grands plans en faveur des patients atteints de la maladie dAlzheimer et des personnes âgées.
Mais il y a une contrepartie : cette nouvelle approche ne conduira plus à la constitution dexcédents au sein de la Caisse nationale de solidarité et dautonomie (CNSA).
Dun côté mais qui le regrettera ? , nous naurons plus ces délicieux débats sur le bien fondé de la restitution dune partie des excédents de la CNSA à lAssurance maladie.
Mais de lautre, ces nouvelles « règles du jeu », nous devons en mesurer la portée et en tirer les conséquences, notamment sur le pilotage du secteur.
La construction de la campagne 2011 la bien montré, puisque nous avons dû ajuster la programmation 2011 lors du Conseil de la CNSA le 12 avril dernier pour tenir compte tant de la surconsommation de lOGD du secteur « personnes handicapées » en 2010 que du surengagement budgétaire sur lOGD du secteur « personnes âgées ».
Il est donc crucial que les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) puissent piloter pleinement lenveloppe de mesures nouvelles à leur niveau, afin de limiter la sous-consommation de crédits dun côté, mais aussi la surconsommation de lautre, et optimiser lemploi de leur enveloppe limitative au plus près des priorités et des besoins.
Cest la raison pour laquelle javais commandé un « audit flash » à lIGAS en début dannée, dont la principale conclusion a été daméliorer le suivi budgétaire et comptable du secteur.
Cest donc une priorité pour cette année sur laquelle je sais pouvoir compter sur limplication de la directrice générale de la cohésion sociale, Sabine FOURCADE, et sur celle du directeur de la sécurité sociale, Dominique LIBAULT.
Mon deuxième éclairage, sur les évolutions de long terme, porte sur la progression régulière des moyens du secteur médico-social, qui a permis jusque là de faire face à la montée en charge des personnes âgées dépendantes.
Nous disposerons dans les prochains jours des rapports des différents groupes de travail que jai installés en février dernier dans le cadre du débat national voulu par le Président de la République.
Dores et déjà, les premiers résultats en matière de projection démographique et financière sont intéressants : sans surprise, le nombre de personnes dépendantes va croître pour passer de 1 150 000 bénéficiaires de lAllocation personnalisée dautonomie (APA) en 2010 à 1 400 000 en 2020 et 2 300 000 en 2060. Ce qui nétait pas attendu en revanche, cest que cette croissance sera plus importante que celle prévue en 2005.
Ces résultats doivent être lus sous plusieurs angles :
Le premier, cest que nous ne partons pas de rien. Leffort public est en 2010 évalué à 24 milliards deuros, dont 80% sont pris en charge par lEtat et la Sécurité sociale et 20% par les Conseils généraux. La dépense des familles est estimée, en 2010, à 7 milliards : donc, environ 75% des dépenses sont publiques.
Le second angle de lecture ressort du travail du groupe de Jean-Michel CHARPIN : il montre que leffort, à législation constante, donc en maintenant inchangées toutes les règles, est globalement supportable, même sil aura tendance à augmenter plus vite à partir de 2025 avec larrivée au grand âge des « baby boomers ».
En 2025, la croissance de la dépense correspondrait à 0,12 point de PIB. En 2040, la croissance des besoins sera environ de 0,5 point de PIB, correspondant à un besoin de financement supplémentaire de 10 milliards deuros.
Il ne sagit là bien sûr que dune estimation. Elle ne prend pas en compte ni les actions de prévention que nous pourrons décider, ni les éventuelles découvertes médicales à venir.
Elle ne tient pas compte non plus des recherches de gains defficience, obligation qui simpose légitimement à tous les dispositifs sociaux.
Elle ne prend pas en compte non plus limpact des mesures nouvelles qui seront arbitrées par le Président de la République, aussi bien pour aider les familles modestes, dont les restes à charge en maison de retraite (1500 en moyenne) sont difficilement supportables, que pour apporter des solutions aux aidants ou pour développer loffre dans des structures de prise en charge adaptées.
Aussi, une réforme ambitieuse de la dépendance reposant sur un socle solidaire très important est à notre portée.
Le Président rendra ses arbitrages dans le courant de lété. Je pourrai donc vous livrer une présentation du projet de réforme du Gouvernement lors de la Commission des comptes prévue pour lautomne prochain.
Je vous remercie.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 10 juin 2011