Texte intégral
Je voulais vous rendre compte, dans la période actuelle de turbulences au niveau européen, de lactivité du ministre en charge des Affaires européennes. Bien entendu, je suis allé rapidement rencontrer mes homologues européens. Prioritairement jai rencontré Werner Hoyer, mon homologue allemand, avec qui nous avons convenu dune série de contacts dans les jours et les semaines à venir. Ce matin, je me suis rendu à Sopot, en remplacement de Claude Guéant, et nous avons évoqué les problèmes de lasile et les problèmes de limmigration. Cet après-midi, après un entretien avec M. Dowgielewicz, nous avons eu une rencontre fructueuse et importante. Nous avons balayé beaucoup de sujets sur la Présidence polonaise : ses priorités, nos points de convergence, quelques points de divergence qui ne sont pas pour autant des fins de non-recevoir. Nous avons ensuite évoqué les perspectives financières. Je me rendrai par ailleurs après-demain à Londres pour rencontrer mon homologue anglais. Il sagit dun partenaire très important, notamment dans le cadre du partenariat que nous avons aujourdhui dans les actions militaires. Enfin, nous attendons tous, la réunion de jeudi qui devrait donner une stabilité financière à lEurope, poursuivre la défense de leuro et permettre de trouver une solution pour la Grèce qui soit une solution pérenne et stable.
En ce qui concerne les perspectives financières, je dirais simplement que, bien sûr, il y a de fortes réticences françaises sur les perspectives qui ont été proposées cette après-midi.
Dabord parce quil y a une augmentation budgétaire significative et que la France considère quau moment où on demande des restrictions budgétaires à lensemble des États membres, il nest pas légitime de défendre avec un budget européen en très forte augmentation.
Le deuxième point cest que, bien entendu, la France tient à ce que lon stabilise le budget de la Politique agricole commune. La France considère quainsi elle défend lintérêt de lEurope au moment où il y a une volatilité importante des prix agricoles et où la sécurité sanitaire des produits agricoles est majeure.
Enfin, nous demandons une évaluation des politiques de cohésion et de recherche. Il ne sagit pas de les remettre en cause ; nous pensons simplement que nous pourrions dépenser à la fois mieux et pas forcément plus.
Il sagit là de la stratégie que nous proposons et que nous proposerons à Sopot à la fin du mois, lors de la réunion informelle qui sy tiendra avec mes homologues européens.
Q - Est-ce quon se parle encore entre Français et Allemands à trois jours du Sommet de leurozone ?
R - Plus que jamais. La solution passera bien sûr par un accord franco-allemand et la volonté de sauver et de donner une stabilité financière à lEurope est une volonté commune. Que les stratégies soient quelque fois divergentes, cela semble normal. Un certain nombre de questions se posent, il est légitime den discuter. Il sagit en particulier de savoir si lintervention du secteur financier privé pourrait aboutir ou non à un défaut partiel et entraîner un effet de contamination ; donc, ce sont des questions qui sont tout à fait légitimes et qui méritent dêtre approfondies. Je suis bien persuadé que, comme toujours, il y aura une période où lon évoquera les éventuelles dissensions entre la France et lAllemagne en amont et que celles-ci seront résolues pour le sommet. On verra alors que cest sur un compromis efficace, portée notamment par lentente franco-allemande, que lEurope sortira renforcée de la crise.
Q - Pensez-vous que le Sommet se jouera autour dun axe franco-allemand ou par la résolution des divergences entre lAllemagne et la BCE ?
R - Lintervention de la Banque centrale européenne apparaît aux yeux des Français comme indispensable. Elle rentre donc obligatoirement dans le cadre des réflexions que lon doit avoir. Il ne sagit pas dune discussion entre lAllemagne et la Banque centrale européenne ; il sagit, comme toujours, dune discussion entre les États mais qui tient bien sûr compte des positions du FMI et de la BCE qui jouent pleinement leur rôle dans la phase de redressement que nous abordons.
Q - Mais le FMI et la BCE ont des avis opposés ?
R - Ils ne sont pas franchement opposés. Je nai pas eu cette limpression. Il y a une réflexion et cest normal. Les interrogations sont légitimes. Tout le monde réfléchit à lhypothèse dune intervention financière privée, aux côtés du Fonds européen de solidarité. En dehors de cet élément précis, la discussion est plus une discussion technique quune discussion politique. Lobjectif commun est de ne pas aboutir à un défaut, même partiel, qui pourrait fragiliser la zone euro. Cette réflexion est au cur de nos échanges. Je ne crois pas quil y ait de divergences profondes. Il y a une volonté commune de la part du FMI, de la part de la BCE, de la part de la France, de lAllemagne et de lensemble de nos partenaires, dapporter une aide pérenne à la Grèce, de sortir de cette crise et de conforter leuro.
Q - Lune des solutions évoquées par la presse allemande serait une taxe sur les banques. La France serait-elle daccord avec cela ?
R - Cest lune des solutions qui est envisagée. Elle aurait lavantage de ne pas faire intervenir directement les banques et donc de ne pas potentiellement créer de défaut et de ne pas créer un événement négatif. Cette solution mérite dêtre étudiée comme les autres. Ce quil faut surtout retenir, cest la volonté commune de la part des deux pays daboutir à une solution. Il ny a pas de différence dans lobjectif : il y a quelquefois des différences dappréciation dans les stratégies, mais il sagit toujours de parvenir au même résultat.
Q - LAllemagne a dit que lobjectif jeudi était dobtenir, je crois, un répit. Quelle est la position de la France ?
R - Tout le monde a constaté une grande nervosité des milieux financiers, qui crée une instabilité. Il faut donc quil y ait une réponse. Cette réponse, si elle est temporaire, apportera au moins un apaisement. Si elle est temporaire avec une vision à plus long terme, elle apportera un apaisement encore plus fort. Je ne peux pas vous prédire ce sur quoi aboutira le sommet de jeudi. Ce dont je suis intimement convaincu, cest quil aboutira à une solution, que cette solution sera une solution concertée et quelle calmera une situation dinstabilité qui ne peut pas durer sans déstabiliser lensemble de la zone euro et entraîner des fragilités dautres pays, comme on la vu par exemple sur lItalie.
Q - Envisagez-vous une réunion des ministres des Finances après le Sommet de jeudi ?
R - Je ne suis pas président de la République, donc ce nest pas moi qui vais proposer une réunion des ministres des Finances. Les ministres des Finances ont déjà, le 11 juillet, émis un certain nombre de propositions qui sont concrètes et ces propositions concrètes servent de base à la réunion qui a lieu jeudi. Donc, bien évidemment, les ministres de lÉconomie et des Finances de la zone euro sont associés étroitement à la recherche des solutions que vous évoquez.
Q - La contribution des investisseurs privés doit elle être importante ou peut-elle être petite ?
R - Il ne mappartient pas de e vous dire le «bon» niveau de la contribution privée par rapport au niveau de la contribution des États. Ce qui est important cest que lon recherche la bonne solution, pour trouver une stabilité pérenne à leuro et sortir la Grèce de la situation actuelle. Cela passe par un nouveau plan dappui et daide. Cest donc tout lobjet de cette négociation.
Mais vos questions montrent bien que nous sommes sur la recherche de stratégies et de dispositifs et non plus sur des divergences dobjectifs. Il ny a jamais eu de divergence dobjectifs. Il ny a jamais eu lidée que la Grèce sortirait de leuro ou que la Grèce pourrait avoir un défaut partiel au niveau de sa dette. Cela prouve bien quon est dans la recherche dun dispositif équilibré. La France a toujours proposé effectivement quil y ait un dispositif daide de lÉtat, de la Banque centrale, en concertation avec la Banque centrale européenne, et avec une contribution du secteur privé.
Q - Pensez-vous quil serait temps daller vers des eurobonds ?
R - Non, pas du tout. Non, non, je disais simplement : la question qui ma été posée cétait de savoir, au fond, si on résolvait le problème pour passer lété, si jai bien compris la question, ou si cétait une solution totalement définitive. Permettez-moi de dire que ce nest ni lun ni lautre.
Si, jeudi, il sortait une position totalement définitive qui règle définitivement les problèmes des dettes souveraines des pays de leuro, vous en seriez étonnés, vous en seriez même excessivement admiratifs, je nen doute pas une seconde. Et si on proposait une solution qui dise : à partir du 20 août, il faut quon se rencontre à nouveau parce quon a réglé uniquement la période estivale et on reprend les choses immédiatement après, vous trouveriez que la réponse est légèrement disproportionnée par rapport à la rencontre de jeudi.
Donc, peut-être que la réponse va être intermédiaire et quelle va à la fois répondre à la nervosité et à linstabilité des agences de notation et des marchés financiers actuels, mais quen même temps elle va tracer quand même une voie davenir qui nest pas non plus à inventer aujourdhui. Il y a quand même eu un certain nombre déléments que vous connaissez aussi bien que moi, le Fonds européen de solidarité financière, cest quand même quelque chose qui doit, un jour, devenir les mécanismes européens de solidarité qui vont faire évidemment une stabilité, une capacité dintervenir de la part de lensemble des États membres de la zone euro.
Q - Que pensez-vous de la proposition de Michel Barnier qui veut interdire aux agences de notation de se prononcer sur un pays qui fait lobjet dun plan de soutien ?
R - Lanalyse de Michel Barnier, à propos de laquelle nous avons discuté lors de notre entrevue, est une piste qui mérite dêtre évaluée. On ne peut pas ne pas sinterroger sur le rôle des agences de notation. Les plans de redressement se mettent en place doivent être ainsi clairement intégrés dans leurs évaluation. Le Portugal, malgré son plan fiable et sérieux, qui va au-delà des demandes de la Banque centrale européenne et du FMI, voit sa note dégradée.
Cela crée un effet daggravation de la situation dÉtats qui, pourtant, répondent très positivement aux demandes qui leur sont faites en termes de rigueur budgétaire. Cest la raison pour laquelle Michel Barnier évoquait la mise entre parenthèses des agences de notation sur les pays qui bénéficient dune aide.
Je pense que cest une piste quil faut étudier, elle nest pas la seule. Peut-être que dautres pistes permettent déviter quon se trouve dans ces situations dinstabilité. Il est en tout cas légitime de rechercher des mécanismes qui évitent cette instabilité permanente qui provoque quelquefois des attaques sur des pays qui non pas lieu dêtre.
Q - Croyez-vous réellement quaprès jeudi, si une solution était trouvée pour la Grèce, les marchés ne se tourneraient pas immédiatement vers lItalie ou vers lEspagne ?
R - Je crois que le fait quil y ait une réponse et que cette réponse soit coordonnée et quelle soit réfléchie, apportera une stabilité à lensemble des marchés financiers. Dans cette action, le gouvernement français, le président de la République et la chancelière ont raison de ne pas réagir avec précipitation, mais néanmoins avec rapidité. La réunion de jeudi naboutira pas à un constat de divergence, mais au contraire à une position qui pourra rassurer lensemble des marchés financiers.
Q - Vous venez de prendre vos fonctions alors que lEurope rencontre des difficultés. Quelle est votre réflexion là-dessus ?
R - Je suis un Européen convaincu et je suis persuadé que lEurope sort toujours grandie des crises quelle affronte. Cest donc pour moi une chance de me trouver au cur de cette période passionnante où lon voit les problèmes se poser mais, en même temps, les solutions émerger.
Je suis aussi un passionné du compromis et je pense que les solutions européennes passent toujours par un premier constat de divergences puis par celui de lobligation, lardente obligation pour sauver lEurope, de trouver un compromis. Nous allons arriver bientôt dans cette situation qui montrera que lEurope, après une période difficile, aura franchi une nouvelle étape qui aura rendu lEurope plus forte et plus légitime.
Q - Une des difficultés de lEurope est quelle est peut être aujourdhui une somme dégoïsme plus quune somme de solidarités et, parmi les égoïsmes, ny a-t-il pas le budget européen, finalement on demande toujours plus à Bruxelles sans vouloir financer plus ? Dépenser mieux daccord, mais est ce quon peut aller plus loin ?
R - Votre question est à la fois justifiée, ce qui ne signifie pas que vous ayez raison. Elle est justifiée parce que, dans une période de crise, la tendance de tous les États cest dessayer de préserver leurs concitoyens et donc davoir une attitude plutôt de repli quune attitude de solidarité européenne. Pour autant, cest par cette voie quil faut sortir de cette crise. La crise, il nous faut en sortir par le haut.
La position française sur les perspectives financières est justement une position déquilibre, de rigueur et même temps de solidarité. Oui, il faut dépenser mieux et ne pas forcément dépenser plus. Comment pourrait-on expliquer à des pays qui ont des plans de rigueur - regardez celui que vient dadopter lItalie, courageusement, après celui du Portugal, après les décisions qui ont été prises courageusement aussi, en Grèce - quon peut augmenter indéfiniment le budget européen ? Quel est lexemple, le message envoyé ?
Lorsque nous disons que le budget de la Politique agricole commune doit être stabilisé en euro courant, il ne sagit pas de lintérêt de la France, mais de lintérêt de lEurope. Face à linstabilité des prix des produits agricoles, face aux exigences de sécurité sanitaire sur les produits alimentaires, comment pourrait-on se départir de ce pilier fondamental de lEurope ?
Ensuite, il nest pas question de remettre en cause les politiques de cohésion. Il faut par contre les évaluer. Comment ne pas se poser la question ? Le fait quun certain nombre de régions sortent de leur objectif de convergence et continuent à bénéficier dune aide de même type que celle des régions en grande difficulté interroge. La solidarité, ce nest pas la pérennisation dun système, cest une évaluation et ensuite une dynamique à destination de ceux qui en ont le plus besoin. Je constate dailleurs que cest une préoccupation partagée avec la Présidence polonaise.
Le dernier point cest sur la recherche. On a un peu tendance à opposer le fait que la France fasse un plan de dépense davenir, en particulier vers la recherche, et refuserait un développement accru de la recherche niveau européen. Or, la France avait un retard à combler en matière de recherche. Il était indispensable de le faire. Mais la France a dabord fait une évaluation avant de déterminer vers quelle cible il fallait porter les efforts. En revanche, lEurope a depuis longtemps une politique très dynamique en faveur de la recherche. Et nous ne demandons rien dautre quune évaluation des cibles nécessaires, pour faire en sorte que lEurope, comme la France, à lissue de cette crise se trouve renforcée.
Donc il ny a pas d«égoïsme national» de la part de la France. La France est simplement rigoureuse avec elle-même et défend logiquement que la même rigueur sapplique partout.
Q - Sur le chèque britannique quelle est votre position ?
R - La France est défavorable à lidée des rabais tels quils ont été institués. Lidée a fait son chemin. Cest une politique qui nest pas dénuée dune certaine opacité. Il faut donc travailler sur ce sujet. Un certain nombre de propositions qui, sans léser personne, permettrait de trouver une formule plus élégante pour pérenniser léquilibre tout en lui donnant une certaine souplesse.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2011
En ce qui concerne les perspectives financières, je dirais simplement que, bien sûr, il y a de fortes réticences françaises sur les perspectives qui ont été proposées cette après-midi.
Dabord parce quil y a une augmentation budgétaire significative et que la France considère quau moment où on demande des restrictions budgétaires à lensemble des États membres, il nest pas légitime de défendre avec un budget européen en très forte augmentation.
Le deuxième point cest que, bien entendu, la France tient à ce que lon stabilise le budget de la Politique agricole commune. La France considère quainsi elle défend lintérêt de lEurope au moment où il y a une volatilité importante des prix agricoles et où la sécurité sanitaire des produits agricoles est majeure.
Enfin, nous demandons une évaluation des politiques de cohésion et de recherche. Il ne sagit pas de les remettre en cause ; nous pensons simplement que nous pourrions dépenser à la fois mieux et pas forcément plus.
Il sagit là de la stratégie que nous proposons et que nous proposerons à Sopot à la fin du mois, lors de la réunion informelle qui sy tiendra avec mes homologues européens.
Q - Est-ce quon se parle encore entre Français et Allemands à trois jours du Sommet de leurozone ?
R - Plus que jamais. La solution passera bien sûr par un accord franco-allemand et la volonté de sauver et de donner une stabilité financière à lEurope est une volonté commune. Que les stratégies soient quelque fois divergentes, cela semble normal. Un certain nombre de questions se posent, il est légitime den discuter. Il sagit en particulier de savoir si lintervention du secteur financier privé pourrait aboutir ou non à un défaut partiel et entraîner un effet de contamination ; donc, ce sont des questions qui sont tout à fait légitimes et qui méritent dêtre approfondies. Je suis bien persuadé que, comme toujours, il y aura une période où lon évoquera les éventuelles dissensions entre la France et lAllemagne en amont et que celles-ci seront résolues pour le sommet. On verra alors que cest sur un compromis efficace, portée notamment par lentente franco-allemande, que lEurope sortira renforcée de la crise.
Q - Pensez-vous que le Sommet se jouera autour dun axe franco-allemand ou par la résolution des divergences entre lAllemagne et la BCE ?
R - Lintervention de la Banque centrale européenne apparaît aux yeux des Français comme indispensable. Elle rentre donc obligatoirement dans le cadre des réflexions que lon doit avoir. Il ne sagit pas dune discussion entre lAllemagne et la Banque centrale européenne ; il sagit, comme toujours, dune discussion entre les États mais qui tient bien sûr compte des positions du FMI et de la BCE qui jouent pleinement leur rôle dans la phase de redressement que nous abordons.
Q - Mais le FMI et la BCE ont des avis opposés ?
R - Ils ne sont pas franchement opposés. Je nai pas eu cette limpression. Il y a une réflexion et cest normal. Les interrogations sont légitimes. Tout le monde réfléchit à lhypothèse dune intervention financière privée, aux côtés du Fonds européen de solidarité. En dehors de cet élément précis, la discussion est plus une discussion technique quune discussion politique. Lobjectif commun est de ne pas aboutir à un défaut, même partiel, qui pourrait fragiliser la zone euro. Cette réflexion est au cur de nos échanges. Je ne crois pas quil y ait de divergences profondes. Il y a une volonté commune de la part du FMI, de la part de la BCE, de la part de la France, de lAllemagne et de lensemble de nos partenaires, dapporter une aide pérenne à la Grèce, de sortir de cette crise et de conforter leuro.
Q - Lune des solutions évoquées par la presse allemande serait une taxe sur les banques. La France serait-elle daccord avec cela ?
R - Cest lune des solutions qui est envisagée. Elle aurait lavantage de ne pas faire intervenir directement les banques et donc de ne pas potentiellement créer de défaut et de ne pas créer un événement négatif. Cette solution mérite dêtre étudiée comme les autres. Ce quil faut surtout retenir, cest la volonté commune de la part des deux pays daboutir à une solution. Il ny a pas de différence dans lobjectif : il y a quelquefois des différences dappréciation dans les stratégies, mais il sagit toujours de parvenir au même résultat.
Q - LAllemagne a dit que lobjectif jeudi était dobtenir, je crois, un répit. Quelle est la position de la France ?
R - Tout le monde a constaté une grande nervosité des milieux financiers, qui crée une instabilité. Il faut donc quil y ait une réponse. Cette réponse, si elle est temporaire, apportera au moins un apaisement. Si elle est temporaire avec une vision à plus long terme, elle apportera un apaisement encore plus fort. Je ne peux pas vous prédire ce sur quoi aboutira le sommet de jeudi. Ce dont je suis intimement convaincu, cest quil aboutira à une solution, que cette solution sera une solution concertée et quelle calmera une situation dinstabilité qui ne peut pas durer sans déstabiliser lensemble de la zone euro et entraîner des fragilités dautres pays, comme on la vu par exemple sur lItalie.
Q - Envisagez-vous une réunion des ministres des Finances après le Sommet de jeudi ?
R - Je ne suis pas président de la République, donc ce nest pas moi qui vais proposer une réunion des ministres des Finances. Les ministres des Finances ont déjà, le 11 juillet, émis un certain nombre de propositions qui sont concrètes et ces propositions concrètes servent de base à la réunion qui a lieu jeudi. Donc, bien évidemment, les ministres de lÉconomie et des Finances de la zone euro sont associés étroitement à la recherche des solutions que vous évoquez.
Q - La contribution des investisseurs privés doit elle être importante ou peut-elle être petite ?
R - Il ne mappartient pas de e vous dire le «bon» niveau de la contribution privée par rapport au niveau de la contribution des États. Ce qui est important cest que lon recherche la bonne solution, pour trouver une stabilité pérenne à leuro et sortir la Grèce de la situation actuelle. Cela passe par un nouveau plan dappui et daide. Cest donc tout lobjet de cette négociation.
Mais vos questions montrent bien que nous sommes sur la recherche de stratégies et de dispositifs et non plus sur des divergences dobjectifs. Il ny a jamais eu de divergence dobjectifs. Il ny a jamais eu lidée que la Grèce sortirait de leuro ou que la Grèce pourrait avoir un défaut partiel au niveau de sa dette. Cela prouve bien quon est dans la recherche dun dispositif équilibré. La France a toujours proposé effectivement quil y ait un dispositif daide de lÉtat, de la Banque centrale, en concertation avec la Banque centrale européenne, et avec une contribution du secteur privé.
Q - Pensez-vous quil serait temps daller vers des eurobonds ?
R - Non, pas du tout. Non, non, je disais simplement : la question qui ma été posée cétait de savoir, au fond, si on résolvait le problème pour passer lété, si jai bien compris la question, ou si cétait une solution totalement définitive. Permettez-moi de dire que ce nest ni lun ni lautre.
Si, jeudi, il sortait une position totalement définitive qui règle définitivement les problèmes des dettes souveraines des pays de leuro, vous en seriez étonnés, vous en seriez même excessivement admiratifs, je nen doute pas une seconde. Et si on proposait une solution qui dise : à partir du 20 août, il faut quon se rencontre à nouveau parce quon a réglé uniquement la période estivale et on reprend les choses immédiatement après, vous trouveriez que la réponse est légèrement disproportionnée par rapport à la rencontre de jeudi.
Donc, peut-être que la réponse va être intermédiaire et quelle va à la fois répondre à la nervosité et à linstabilité des agences de notation et des marchés financiers actuels, mais quen même temps elle va tracer quand même une voie davenir qui nest pas non plus à inventer aujourdhui. Il y a quand même eu un certain nombre déléments que vous connaissez aussi bien que moi, le Fonds européen de solidarité financière, cest quand même quelque chose qui doit, un jour, devenir les mécanismes européens de solidarité qui vont faire évidemment une stabilité, une capacité dintervenir de la part de lensemble des États membres de la zone euro.
Q - Que pensez-vous de la proposition de Michel Barnier qui veut interdire aux agences de notation de se prononcer sur un pays qui fait lobjet dun plan de soutien ?
R - Lanalyse de Michel Barnier, à propos de laquelle nous avons discuté lors de notre entrevue, est une piste qui mérite dêtre évaluée. On ne peut pas ne pas sinterroger sur le rôle des agences de notation. Les plans de redressement se mettent en place doivent être ainsi clairement intégrés dans leurs évaluation. Le Portugal, malgré son plan fiable et sérieux, qui va au-delà des demandes de la Banque centrale européenne et du FMI, voit sa note dégradée.
Cela crée un effet daggravation de la situation dÉtats qui, pourtant, répondent très positivement aux demandes qui leur sont faites en termes de rigueur budgétaire. Cest la raison pour laquelle Michel Barnier évoquait la mise entre parenthèses des agences de notation sur les pays qui bénéficient dune aide.
Je pense que cest une piste quil faut étudier, elle nest pas la seule. Peut-être que dautres pistes permettent déviter quon se trouve dans ces situations dinstabilité. Il est en tout cas légitime de rechercher des mécanismes qui évitent cette instabilité permanente qui provoque quelquefois des attaques sur des pays qui non pas lieu dêtre.
Q - Croyez-vous réellement quaprès jeudi, si une solution était trouvée pour la Grèce, les marchés ne se tourneraient pas immédiatement vers lItalie ou vers lEspagne ?
R - Je crois que le fait quil y ait une réponse et que cette réponse soit coordonnée et quelle soit réfléchie, apportera une stabilité à lensemble des marchés financiers. Dans cette action, le gouvernement français, le président de la République et la chancelière ont raison de ne pas réagir avec précipitation, mais néanmoins avec rapidité. La réunion de jeudi naboutira pas à un constat de divergence, mais au contraire à une position qui pourra rassurer lensemble des marchés financiers.
Q - Vous venez de prendre vos fonctions alors que lEurope rencontre des difficultés. Quelle est votre réflexion là-dessus ?
R - Je suis un Européen convaincu et je suis persuadé que lEurope sort toujours grandie des crises quelle affronte. Cest donc pour moi une chance de me trouver au cur de cette période passionnante où lon voit les problèmes se poser mais, en même temps, les solutions émerger.
Je suis aussi un passionné du compromis et je pense que les solutions européennes passent toujours par un premier constat de divergences puis par celui de lobligation, lardente obligation pour sauver lEurope, de trouver un compromis. Nous allons arriver bientôt dans cette situation qui montrera que lEurope, après une période difficile, aura franchi une nouvelle étape qui aura rendu lEurope plus forte et plus légitime.
Q - Une des difficultés de lEurope est quelle est peut être aujourdhui une somme dégoïsme plus quune somme de solidarités et, parmi les égoïsmes, ny a-t-il pas le budget européen, finalement on demande toujours plus à Bruxelles sans vouloir financer plus ? Dépenser mieux daccord, mais est ce quon peut aller plus loin ?
R - Votre question est à la fois justifiée, ce qui ne signifie pas que vous ayez raison. Elle est justifiée parce que, dans une période de crise, la tendance de tous les États cest dessayer de préserver leurs concitoyens et donc davoir une attitude plutôt de repli quune attitude de solidarité européenne. Pour autant, cest par cette voie quil faut sortir de cette crise. La crise, il nous faut en sortir par le haut.
La position française sur les perspectives financières est justement une position déquilibre, de rigueur et même temps de solidarité. Oui, il faut dépenser mieux et ne pas forcément dépenser plus. Comment pourrait-on expliquer à des pays qui ont des plans de rigueur - regardez celui que vient dadopter lItalie, courageusement, après celui du Portugal, après les décisions qui ont été prises courageusement aussi, en Grèce - quon peut augmenter indéfiniment le budget européen ? Quel est lexemple, le message envoyé ?
Lorsque nous disons que le budget de la Politique agricole commune doit être stabilisé en euro courant, il ne sagit pas de lintérêt de la France, mais de lintérêt de lEurope. Face à linstabilité des prix des produits agricoles, face aux exigences de sécurité sanitaire sur les produits alimentaires, comment pourrait-on se départir de ce pilier fondamental de lEurope ?
Ensuite, il nest pas question de remettre en cause les politiques de cohésion. Il faut par contre les évaluer. Comment ne pas se poser la question ? Le fait quun certain nombre de régions sortent de leur objectif de convergence et continuent à bénéficier dune aide de même type que celle des régions en grande difficulté interroge. La solidarité, ce nest pas la pérennisation dun système, cest une évaluation et ensuite une dynamique à destination de ceux qui en ont le plus besoin. Je constate dailleurs que cest une préoccupation partagée avec la Présidence polonaise.
Le dernier point cest sur la recherche. On a un peu tendance à opposer le fait que la France fasse un plan de dépense davenir, en particulier vers la recherche, et refuserait un développement accru de la recherche niveau européen. Or, la France avait un retard à combler en matière de recherche. Il était indispensable de le faire. Mais la France a dabord fait une évaluation avant de déterminer vers quelle cible il fallait porter les efforts. En revanche, lEurope a depuis longtemps une politique très dynamique en faveur de la recherche. Et nous ne demandons rien dautre quune évaluation des cibles nécessaires, pour faire en sorte que lEurope, comme la France, à lissue de cette crise se trouve renforcée.
Donc il ny a pas d«égoïsme national» de la part de la France. La France est simplement rigoureuse avec elle-même et défend logiquement que la même rigueur sapplique partout.
Q - Sur le chèque britannique quelle est votre position ?
R - La France est défavorable à lidée des rabais tels quils ont été institués. Lidée a fait son chemin. Cest une politique qui nest pas dénuée dune certaine opacité. Il faut donc travailler sur ce sujet. Un certain nombre de propositions qui, sans léser personne, permettrait de trouver une formule plus élégante pour pérenniser léquilibre tout en lui donnant une certaine souplesse.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2011