Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le bilan de la politique gouvernementale et les relations entre le gouvernement et la majorité, à Paris le 13 juillet 2011.

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Circonstance : Réception avec les parlementaires de la Majorité en clôture de la session parlementaire du printemps, à l'hôtel de Matignon, à Paris le 13 juillet 2011

Texte intégral

Monsieur le président de l’Assemblée Nationale et Monsieur le président du Sénat, qui va nous rejoindre dans quelques instants,
Messieurs les présidents de groupe,
Mes chers amis,
C’est avec beaucoup de plaisir que, comme le veut la coutume, je vous reçois à Matignon pour clore la session parlementaire de printemps, qui sera en même temps la dernière session de printemps du quinquennat.
J’étais, il y a deux semaines au Cambodge, en Indonésie, puis en Afrique du Sud. Ces déplacements m’ont momentanément éloigné de vous, mais comme je vous l’ai dit hier au groupe UMP de l’Assemblée nationale, je sais où se situent mes responsabilités à votre égard et je sais ce que je vous dois.
Ces déplacements m’ont confirmé la puissance du monde nouveau qui se dessine et je veux dire que de là-bas, certaines de nos querelles de clochers et de nos crispations hexagonales apparaissent terriblement décalées.
Quand nous, nous décidons courageusement, sous le flot des critiques, à augmenter la durée de cotisation de retraite de trois mois, conformément à la loi de 2003, en Inde, en Chine, des centaines de millions d’étudiants, de mieux en mieux formés, s’engagent chaque année dans des carrières longues, et sans RTT.
Quand nous, nous avons du mal à renégocier des schémas intercommunaux, en Asie, des villes de 10 millions d’habitants poussent et s’organisent à toute allure.
C’est une image. Mais il est clair que nous devons changer nos logiciels.
Et depuis 2007, la modernisation de notre pays c’est notre marque de fabrique, et cet effort que nous avons enclenché c’est un effort qui est tout simplement vital.
La crise économique et financière, les élections locales et bientôt nationales, beaucoup d’évènements auraient pu nous détourner de la réforme. Mais nous avons gardé notre cap, et je ne vous remercierai jamais assez de votre courage, de votre disponibilité, de votre résistance.
Dans l’Hémicycle comme dans vos circonscriptions, vous avez été en règle avec vos devoirs et avec vos valeurs.
Avec l’adoption du tableau relatif aux Conseillers territoriaux, vous venez de boucler l’ensemble de la réforme territoriale.
Et avec le projet de loi sur les jurys populaires, c’est un engagement supplémentaire du Président de la République qui a été concrétisé.
Cette année, 64 lois dont 23 d’origine parlementaire ont été adoptées.
D’une certaine façon, je crois que l’on peut dire que nous avons bravé les lois de la politique, ces lois qui recommandent la prudence et l’immobilisme à l’approche des élections.
Nous l’avons fait parce que l’intérêt général exige de nous adapter. Et nous l’avons fait parce que nous faisons le pari que le peuple français, malgré ses critiques, malgré ses doutes, nous accordera le crédit de la cohérence et de la détermination.
Depuis quatre ans, j’ai conscience de vous avoir beaucoup demandé.
Chacun de vous a ses convictions, sa sensibilité, et toutes sont légitimes, mais la discipline de la Majorité a ses règles, et j’en suis, avec vos présidents de groupes, le gardien.
Cette année, sur plusieurs sujets, il y eu des débats entre nous.
Sur notre stratégie lors des cantonales, sur le RSA, sur les radars… J’ai jugé nécessaire d’affirmer l’autorité du gouvernement car notre famille ne doit pas se disperser.
Je n’y prends aucun plaisir particulier, et je mesure les blessures que cela peut parfois occasionner, mais je veux vous dire que je tiendrai mon rôle jusqu’au bout parce qu’il en va de la cohérence de l’action fixée par le président de la République.
Plus les échéances de 2012 s’approcheront, plus je vous demande d’être vigilants sur notre unité et sur notre solidité, et plus je demande aux membres du Gouvernement d’être davantage encore à votre écoute.
Notre efficacité collective doit prendre le pas sur toutes les autres considérations.
Avec Christian Jacob, Jean-Claude Gaudin, François Zochetto, Yvan Lachaud, que nous sommes heureux d’accueillir, avec Bernard Accoyer et Gérard Larcher, je vous propose de faire de la Majorité présidentielle l’un des atouts de la prochaine bataille électorale.
Et pour cela, nous avons un double devoir.
D’abord, celui de gouverner et de légiférer sérieusement jusqu’au bout, parce que rien n’est plus méprisable pour les Français que des institutions qui perdent leur boussole et qui se vident de leur sens à l’approche des élections.
Je me souviens, en 2002, des derniers mois erratiques du Gouvernement et de la Majorité de gauche. Le Parlement était devenu le lieu de toutes les querelles entre les courants et les alliés, de toutes les petites tractations, de tous les gages censés assurer la victoire des uns ou des autres.
Ne nous éloignons pas des affaires de l’Etat : c’est le meilleur service que nous puissions rendre à la France, et donc à Nicolas Sarkozy et à chacun d’entre-vous !
L’agenda parlementaire est déjà chargé, et nous avons plusieurs objectifs à remplir.
Je veux en citer deux, de nature législative.
Le premier, c’est de tenir le cap de la réduction des déficits.
C’est désormais une question politique dans tout ce qu’elle a de plus noble, et cette question elle sera au cœur du rendez-vous de 2012.
A l’automne, l’examen du PLF et du PLFFS nous conduira à des efforts supplémentaires pour tenir la trajectoire du retour aux 3 % de déficit en 2013. Ceci passera notamment par la suppression de nouvelles niches fiscales et sociales.
Cette maîtrise des déficits, nous allons l’institutionnaliser avec l’adoption de la règle d’or.
Je sais qu’entre l’Assemblée et le Sénat, il y a eu des débats difficiles, dont certains parfois me sont apparus, comment dirais-je, un peu dérisoires, mais qu’importe, ce qui compte c’est que nous avons trouvé un accord politiques sur les lois cadres, afin de marquer notre volonté de sortir durablement du laxisme budgétaire qui a trop longtemps imprégné notre pays.
Nous verrons si l’opposition est en mesure de prendre ses responsabilités sur ce sujet capital, et si les 3/5e du Parlement sont réunis pour aller au Congrès.
Le second objectif, c’est la réforme de la dépendance.
Un bon travail de préparation a été réalisé, et nous sommes en mesure de présenter aux Français un système fiable, capable de répondre progressivement à la question du vieillissement.
Au tout début de septembre, nous arbitrerons avec le président de la République les modalités de financement, et vous aurez à débattre de ce projet à l’automne.
Premier devoir, donc, gouverner et légiférer sérieusement.
Le second devoir, c’est de redoubler d’efforts sur le terrain.
Vous y êtes constamment. Et moi-même, avec le président de la République, je multiplie les déplacements.
Vous êtes les mieux placés pour écouter, pour expliquer le sens de notre action. Le moment venu, je veux dire que je serai partout où vous le jugerez utile pour défendre à vos côtés nos valeurs et notre bilan.
Alors, on me dit qu’on ne gagne pas sur un bilan. C’est vrai mais les électeurs ne se fient pas non plus uniquement aux promesses, surtout lorsque la France n’a pas les moyens de les financer ! Je crois que le bilan, lorsqu’il est présenté avec sincérité, sans esquiver les difficultés, sans esquiver les revers, constitue un gage de sérieux pour aller plus loin.
Il y a eu récemment une polémique autour du rapport de la Cour des Comptes sur notre politique de sécurité.
Pour moi, ce rapport, qui n’est pas exempt de critiques, ne remet pas en cause trois points essentiels : d’abord, nous avons réussi à casser la spirale de la délinquance qui avait marqué les années Jospin ; ensuite, ce rapport souligne que l’on peut faire mieux, ce qui est pour nous une évidence parce que le combat contre la violence se gagne sur la durée ; enfin, et je suis sûr que vous en conviendrez avec moi, ça n’est pas un rapport qui changera fondamentalement le fait que nous sommes dix fois plus déterminés à poursuivre et à sanctionner les délinquants que la Gauche.
Mes chers amis,
La prochaine élection sera tiraillée entre trois courants qui vont traverser la société française.
D’un côté, il y aura le courant des populismes dont plusieurs Etats européens font déjà les frais. De l’extrême droite à l’extrême gauche, ils seront nombreux à souffler sur les braises de l’exclusion et du protectionnisme.
Et de l’autre côté, il y aura le conservatisme socialiste, mélange de laxisme, de nostalgie, et de déni de la réalité.
Reste le troisième courant, le nôtre, celui des réformistes, j’allais dire, des réformistes pragmatiques parce que nous avons un socle pour agir.
Entre ces trois courants, les Français hésiteront, mais au bout du compte, la question de la crédibilité des candidats devra s’imposer.
Elle devra s’imposer parce que la nouvelle donne mondiale sera dans l’élection, comme elle ne l’a jamais été par le passé !
De la crise financière à la crise de Fukushima, de l’impasse grecque à la révolte des pays arabes, c’est bien la question de la conduite de la France dans la mondialisation qui sera au cœur de la campagne présidentielle.
La question de la crédibilité devra s’imposer car pour aller conquérir chaque point de croissance dans la compétition internationale, pour réduire nos déficits, pour écarter la menace mortelle que fait peser le surendettement des Etats européens, pour tenir notre pacte social et républicain, pour maîtriser les grands enjeux de notre temps - l’énergie, les flux migratoires, la gouvernance mondiale, l’Europe politique - pour faire tout cela, il faut une certaine force, il faut une certaine gravité, bref, il faut une certaine crédibilité.
Dans l’opposition et chez les extrémistes, on mise sur une élection défouloir.
Et le risque existe au premier tour, ce qui au passage nous interdit de multiplier les candidatures.
Mais au-delà, je suis convaincu que nos concitoyens sont lucides, et qu’ils mesureront que le sort du pays doit être placé dans des mains solides.
Et ce faisant, je crois sincèrement que le bilan national et international du Président de la République parle davantage que les postures et les programmes de ces opposants.
Etre rassemblés, gouverner, légiférer sérieusement et sans à-coup, sillonner le terrain, défendre bec et ongle notre bilan, épauler, Jean-François, le Président dans la rédaction et la mise en valeur de son projet, voilà notre feuille de route politique.
Aujourd’hui, personne ne peut dire ce que donnera l’élection de 2012.
Et à ce stade, les sondages n’ont aucun sens.
Ce qui va peser, parmi bien des paramètres, c’est la façon dont chacun se comportera durant les dix prochains mois.
Les primaires socialistes se chargeront de nous renseigner sur la capacité de l’opposition à assumer le destin de la France.
Pour l’heure, les candidats en lice n’ont pas la hauteur de vue qu’une telle charge exige.
Quand on est capable d’introduire dans son programme le retour de la retraite à 60 ans, c’est qu’on n’est pas en mesure de supporter et de dire la vérité, et cela en dit long sur la consistance intime de nos adversaires.
En réalité, ils veulent notre échec. Ce qui est un peu court pour diriger sérieusement la France.
Notre soif de vaincre, ne doit pas et ne peut pas avoir les mêmes ressorts que ceux de l’opposition.
Nous ne combattons personne, nous n’avons de revanche à prendre sur personne. Pour nous, il n’y a jamais eu un peuple de droite contre un peuple de gauche. Nous sommes aux responsabilités, face aux Français, et nous sommes comptables de ce que nous avons fait et bien décidés à en faire plus.
Alors à nous de parcourir ces 10 derniers mois avec dignité, avec unité, et avec sens de l’intérêt national.
C’est en tout cas ainsi que nous servirons au mieux la France, nos concitoyens, et donc notre victoire.
Je vous souhaite donc à tous de bonnes vacances, et à ceux qui sont candidats aux élections sénatoriales, le plein succès à ces élections.Source http://www.gouvernement.fr, le 27 juillet 2011