Interview de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dans "Estado de Sao Paulo" le 30 août 2011, sur le récent paquet fiscal français, la nécessité de continuer à renforcer la zone euro et la nécessité d'une coopération internationale .

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Q - Les marchés ont accueilli timidement le paquet fiscal français. Est-ce qu’il existe un espace pour de nouvelles mesures ?
R - Ce que le gouvernement français a fait la semaine dernière, c’est un effort important de douze milliards d’euros. Un ensemble de mesures qui permet d’atteindre les objectifs de réduction du déficit public, 4,5 % l’année prochaine, et 3 % en 2013. Avec nos impôts, nous préservons le public le plus fragile, et nous créons un nouvel impôt sur les hauts revenus. Cela a été un choix politique assumé parce qu’il y avait un risque de convalescence si, par exemple, nous augmentions l’impôt sur le revenu ou la TVA.
Nos avons écarté un tel choix parce que le modèle français s’appuie sur la consommation et nous avons décidé de protéger le pouvoir d’achat. Mais il s’agit d’un plan qui s’adapte. Nos mesures n’ont pas eu les mêmes proportions qu’en Italie, en Espagne ou en Grèce, mais nous ne sommes pas dans la même situation.
Q - Le Fond européen de stabilisation financière a considéré que la Zone euro sortira de la crise de la dette en 2014. Êtes-vous d’accord ?
R - Il a évoqué la Grèce pour 2014, et probablement avec raison. Je considère pour ma part que 2013 est une date importante pour la Zone euro. Les pays doivent retrouver des niveaux de déficits inférieurs à la crise. Mais nous ne pouvons oublier qu’il s’agit de la crise la plus importante depuis 1929 et la leçon pour la Zone d’euro est double : nous ne pouvons continuer à vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et nous devons mieux coordonner les échanges sur un plan mondial afin d’éviter les éléments déstructurants, en y associant des nouvelles puissances économiques comme la Chine et le Brésil. La France et l’Allemagne vont formuler des propositions pour rendre la gouvernance de la Zone euro plus efficace. Nous allons essayer d’aller le plus rapidement possible afin que le Fond européen soit déjà opérationnel en septembre.
Q - La possibilité d’une récession aux États-Unis affecte-t-elle l’Europe ?
R - Il est incontestable qu’un impact négatif aux États-Unis provoque des réflexes partout dans le monde et en Europe. Nous allons rester attentifs comme nous le sommes à l’égard de tous les autres problèmes qui peuvent arriver. En commençant par la volatilité des prix des matières premières et par les taux de changes, l’impact des mesures de consolidation budgétaire était nécessaire.
Q - Quelle est la perspective pour l’Europe si la Banque centrale des États-Unis n’adopte pas un troisième round d’achat de bons du Trésor, les «quantitative easing» ?
R - La situation américaine est marquée par le caractère symbolique de la rétrogradation de la note de la dette américaine. Mais il y a également des points positifs sur lesquels nous devons nous appuyer. La création d’emplois a été supérieure aux espérances aux États-Unis et en France. Mais la question principale, au-delà de l’intervention souveraine de la Banque centrale, est la mise place d’un agenda de réduction des dettes. Nos devons adopter ces mesures, mais sans interrompre la croissance.
Q - La stagnation de l’Europe et des États-Unis a amené des entreprises à baisser leurs coûts et à se disputer les marchés émergents. En réponse, des pays comme le Brésil ont adopté des mesures protectionnistes…
R - Les mesures protectionnistes peuvent apporter une réponse nationale à court terme, mais ne peuvent être une réponse dans un cadre international. Tout est lié. Aucun pays au monde, qui a des ambitions pour son peuple, pour augmenter les niveaux de revenus, les niveaux de protection sociale, le niveau d’éducation, ne peut agir avec une économie basée sur un réflex interne. C’est la raison pour laquelle notre préoccupation au G20 sera de faire de ce sommet un sommet d’action. Nous allons insister sur les points qui nous unissent et non sur les points qui peut faire l’objet de contestation.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er septembre 2011