Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les initiatives prises notamment sous l'impulsion de la France dans le cadre du G7 ou du G20 pour réagir à la crise économique et financière internationale et soutenir la zone euro, Paris le 12 septembre 2011.

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Circonstance : Colloque du Centre d'analyse stratégique (CAS) sur "La croissance de demain". Participation du ministre à une table ronde consacrée à "l'impact de la crise sur les instruments de politique économique", à Paris le 12 septembre 2011

Texte intégral

Intervention de Monsieur François BAROIN
Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie
Maison de la Chimie - 12 septembre 2011
Monsieur le Directeur Général du Centre d’Analyse Stratégique,
cher Vincent CHRIQUI,
Monsieur le député, cher Gilles CARREZ,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d’être aujourd'hui parmi vous pour participer à ce colloque du Centre d’Analyse Stratégique. Comme chaque année, il réunit un grand nombre d’économistes de premier plan et de professionnels dont l’expertise est reconnue.
Avant d’ouvrir mon propos, je souhaite remercier Vincent CHRIQUI, pour m’avoir convié à l’ouverture de cette troisième et dernière table ronde de la journée. Une table ronde qui a pour thème « l’impact de la crise sur les instruments de politique économique ».
Il y a évidemment beaucoup à dire et je dois reconnaître que c’est un sujet particulièrement d’actualité, car cela pose la question des modalités de retour à la normale dans la conduite de notre politique économique, après une période de forts déséquilibres : la sortie de crise est une ligne de crête entre d’un côté, le soutien à apporter à une économie encore convalescente et de l’autre, le nécessaire rééquilibrage de nos comptes publics.
François FILLON prendra ce soir le temps de vous détailler la situation française et les mesures d’ajustement pour 2011 et 2012 qui ont été proposées et adoptées la semaine dernière.
C’est la raison pour laquelle j’aimerais pour ma part évoquer la situation actuelle d’un point de vue international. On critique souvent l’inertie, voire l’immobilisme, des instances multilatérales en période de crise ; bien au contraire, de nombreuses avancées ont déjà été réalisées, que ce soit dans le cadre du G7, du G20 ou de l’Union européenne.
I. Pour commencer, je voudrais revenir sur le rôle prépondérant de certaines enceintes de coordination, comme le G7 et le G20, depuis que la crise a éclaté.
Vendredi et samedi dernier, à Marseille, j’ai reçu mes homologues des finances ainsi que les gouverneurs des banques centrales. Nous avons longuement échangé sur les causes de la nervosité des marchés financiers, sur ses conséquences et sur les moyens d’améliorer la situation économique et financière mondiale.
Dans ce contexte difficile, je veux tenir un discours de vérité et vous délivrer un message de confiance.
Nous rencontrons effectivement des difficultés, qui sont de plusieurs ordres :
- Première difficulté : les marchés anticipent un effort de consolidation important aux Etats-Unis, ce qui les pousse à interpréter les chiffres de l’activité de façon prudente. Ils estiment que cela pourrait avoir des répercussions négatives sur la croissance mondiale.
- Seconde difficulté : les investisseurs mettent en doute la capacité de certains Etats de la zone euro à honorer leurs dettes. Cette situation se traduit par une prudence vis-à-vis des titres obligataires des Etats de la zone Euro. Dans le même temps, elle pèse sur cours en bourse des banques qui portent à leur bilan une partie de cette dette.
Face à ce constat, je veux vous délivrer un message de confiance.
1) S’agissant de la croissance, tout d’abord, je dois vous dire que les réunions du G7 ont été fructueuses. Nous nous sommes accordés sur :
- la situation économique mondiale ;
- la coordination optimale de nos politiques économiques nationales face à la crise financière, qu’il s’agisse de nos politiques budgétaires, monétaires et de change ;
- la nécessité d’un soutien coordonné à la croissance mondiale ;
- et enfin, sur le renforcement de la régulation des marchés (instruments comme acteurs des marchés).
Je voudrais évoquer trois conclusions majeures qui ont émergé de nos travaux :
- Premièrement, les gouverneurs des banques centrales réunis à Marseille ont délivré un message fort : ils s’engagent à veiller à la fois à la stabilité des prix et au soutien à la reprise économique ;
- Les banquiers centraux se sont par ailleurs engagés à fournir autant de liquidités aux banques qu’il serait nécessaire. Le Gouverneur de la Banque de France a rappelé ce matin que l’Eurosystème refinance actuellement les banques pour environ 500 milliards d’euros, mais que le collatéral mobilisable au niveau de l’Eurosystème est de 5 000 milliards d’Euros.
- Troisième point : j’ai constaté une réelle convergence de vues autour de la politique budgétaire. L'enjeu actuel n'est pas de s'accorder sur une relance ; il n'en est question dans aucun Etat du G7. L'enjeu est le rythme de consolidation : ce rythme peut être differencié selon la situation des finances publiques des Etats. Prenez l'exemple du plan annoncé la semaine dernière par le Président des Etats-Unis : il se fait à objectifs de déficit inchangés, et gage les dépenses par des économies nouvelles.
2) S’agissant de la dette des pays de la zone Euro, il me semble important de rétablir quelques vérités :
- Je veux tout d’abord rappeler que les fondamentaux de la zone Euro sont bons. Si l’on cumule les niveaux de dette privée et de dette publique, la zone Euro est d’ailleurs moins endettée que les Etats-Unis ou, a fortiori, que le Japon. Les déficits en zone euro sont également plus faibles.
- Durant le mois de juillet, les banques de la zone euro ont passé avec succès les tests de résistances les plus exigeants qui soient. Seules 9 banques aux dimensions modestes, sur 91, ont échoué ; et aucune d’entre elles n’était française. Les résultats des établissements bancaires français sont très satisfaisants. Les banques françaises n’ont ni souci de liquidité, ni problème de solvabilité, comme Christian NOYER l’a redit ce matin.
En deux ans, elles ont déjà ajouté 50 milliards d’euros à leurs fonds propres et vont continuer à les augmenter en vue de l’application de Bâle 3. Quel que soit le scénario grec et donc quelles que soient les provisions à passer, les banques françaises ont les moyens d’y faire face.
Sur les liquidités, je rappelle que Jean-claude Tichet nous a rappelé au G7 qu’il y a 5000 milliards d’euros de collatéraux qui sont mobilisables auprès de la BCE.
- Enfin, les chefs d’Etat et de Gouvernement ont décidé le 21 juillet dernier d’un plan d’action complet en faveur de la Grèce et de la zone euro. Nous devons à présent montrer aux marchés que nous sommes crédibles dans la mise en oeuvre de ce plan.
Je voudrais également revenir sur l’importance du rôle du G20 dans la gestion de la crise. Depuis 2008, cette enceinte est devenue l’organe essentiel de concertation et de prise de décision internationale. Il représente, je le rappelle, 80 % du commerce mondial, 85 % du PIB mondial et 66 % de la population mondiale.
Dès le mois de novembre 2008, c’est dans ce cadre qu’ont été prises des mesures coordonnées de soutien à l’économie mondiale. C’est également dans ce cadre que les Etats ont cherché à s’attaquer aux racines de la crise.
Grâce au G20, la communauté internationale a d’abord su éviter les erreurs du passé : la crise n’a pas conduit à la montée des protectionnismes, au repli sur soi.
Les Etats ne se sont pas engagés dans des politiques économiques incompatibles entre elles, ce qui aurait eu pour conséquence d’aggraver le ralentissement économique.
Le G20 a ensuite agi pour renforcer significativement la régulation financière et jeter les bases d’une croissance globale plus équilibrée, plus riche en emplois. A ce titre, la présidence française a parfaitement repris le flambeau et a eu le courage de mettre à l’ordre du jour des priorités que je qualifierais de particulièrement ambitieuses.
Les deux réunions du G20 Finances qui se sont tenues en février à Paris et en avril à Washington ont permis de grandes avancées, dans de multiples domaines :
1) Tout d’abord, au sujet du Cadre pour la croissance : pour la première fois, nous avons adopté des indicateurs de déséquilibre macroéconomique et de références indicatives chiffrées. Sur ce fondement, 7 pays dont l’économie est de taille critique pour l’économie mondiale (Chine, Etats-Unis, Japon, Allemagne, RU, France, Inde) ont été soumis à une analyse approfondie du FMI. Le dialogue avec les autorités de ces pays portera ensuite sur les réformes à engager pour remédier aux déséquilibres qui ont pu être identifiés.
2) En ce qui concerne le système monétaire international, le G20 s’est accordé sur 9 axes précis de réforme. Vous les connaissez certainement : parmi ces axes figurent l’élargissement au Yuan du panier des Droits de Tirage Spéciaux, l’élaboration d’un cadre de référence pour la gestion des flux de capitaux, ou encore le durcissement de la surveillance macroéconomique multilatérale.
3) Les travaux techniques portant sur les matières premières ont pour leur part bien progressé
- La transparence des marchés de matières énergétiques sera accrue ;
- La régulation des échanges de produits dérivés fondés sur les cours des matières premières a également fait partie de nos avancées techniques. Nous souhaitons les encadrer par des règles analogues à celles qui existent déjà sur les autres marchés financiers, mais nous voulons aussi lutter contre les abus de marché, notamment par l’introduction de ce que l’on appelle des « limites de position ». A cet égard, l’Organisation internationale des Commissions de valeurs a produit un ensemble de recommandations utiles, autour desquelles nous cherchons à faire converger nos partenaires.
4) En matière de régulation financière, parmi les avancées majeures, je citerai :
- Les grandes lignes d’un accord pour l’adoption de mesures renforcées qui s’appliqueront aux banques de taille systémique ;
- La meilleure coordination en matière de lutte contre les paradis fiscaux. C’était, souvenez-vous, l’une des priorités du Président de la République ;
- Et enfin, l’extension de la régulation financière aux entités et activités non-bancaires, un point qui n’est pour le moment pas finalisé – et qui reste conflictuel – mais sur lequel nous enregistrons des avancées.
5) Sur l’agenda climat/développement, les travaux du G20 porteront sur le financement de la lutte contre le changement climatique. Cela passe par la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, par la mobilisation de l’ensemble des ressources disponibles pour le financement des infrastructures, et aussi par l’aboutissement des travaux en cours sur l’inclusion financière.
Bien entendu, des négociations sont toujours en cours, et notamment dans l’enceinte du G7, comme je vous le disais il y a un instant.
Ces deux derniers jours ont été importants pour la préparation du sommet du G20 de Cannes ; il y a encore deux étapes-clef que je voudrais évoquer avec vous :
- En marge des assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale à Washington, entre les 22 et 24 septembre 2011, je mobiliserai mes homologues du G20 sur la question de la croissance mondiale. Je présiderai à cet effet avec Henri de RAINCOURT une réunion des Ministres des Finances et de la Coopération du G20 qui sera consacrée au développement ;
- Le G20 Finances se tiendra les 14 et 15 octobre à Paris et conclura les travaux de la filière Finances, en vue du Sommet de Cannes.
Vous le voyez, c’est un agenda chargé, à la mesure des étapes qui nous restent à franchir pour permettre de faire du Sommet de Cannes un sommet de l’action et de la décision. C’est l’engagement qui est le mien.
II. La crise économique a aussi conduit les pays de l’Union européenne, et en particulier ceux de la zone Euro, à mettre sur pied de nouveaux instruments de politique économique.
Je sais que les eurosceptiques voient dans la crise une sorte de mal nécessaire, qui conduira au délitement du projet européen qu’ils appellent de leurs voeux. Devant les difficultés que nous traversons nous devons répondre avec responsabilité et pragmatisme.
C’est pour cela que nous faisons le choix de construire une gouvernance plus puissante et plus solidaire pour la zone euro.
En mai 2010, les premières décisions des chefs d’Etat de la zone euro ont été de deux natures :
- Ils ont formulé une réponse d’urgence à la crise, avec le plan initial d’assistance à la Grèce.
- Ils ont également mis en place les instruments chargés d’assurer la stabilité financière de la zone euro. Une capacité d’intervention a donc été créée, en lien avec le FMI : une structure à la fois communautaire et intergouvernementale, via le Fonds européen de stabilité financière. Ceci a par la suite rendu possible le soutien de l’Irlande (en novembre 2010) et du Portugal (en mai 2011).
Comme vous le savez, ces mécanismes provisoires seront remplacés par une institution permanente dotée du statut d’organisation internationale et d’une structure plus stable en capital. Le Mécanisme européen de stabilité prendra ainsi la succession du FESF à partir du milieu de l’année 2013.
Face à une situation de marché devenue très difficile en juillet, et devant le constat d’un retour très incertain de la Grèce sur les marchés à l’horizon prévu, sous l’impulsion du Chef de l’Etat et de la Chancelière allemande, les Chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro ont, le 21 juillet, complété ces dispositifs par de nouvelles mesures fortes.
- A la situation grecque, ils ont apporté une réponse crédible qui associe financements du secteur public, dans le cadre d’un programme plus long, et participation du secteur privé sur une base volontaire.
- En ce qui concerne le Portugal et l’Irlande, les chefs d’Etat et de gouvernement ont également fait preuve d’une grande responsabilité. Ils ont assoupli leurs conditions de prêt et les ont alignées sur celles de la Grèce, afin de ne pas alourdir davantage leur niveau d’endettement.
- Afin de remédier aux risques de contagion au sein de la zone euro, les chefs d’Etat et de gouvernement ont fait le choix d’élargir les capacités d’intervention du Fonds Européen de Stabilité Financière.
Le Fonds pourra intervenir sur les marchés primaires et secondaires de dette souveraine. Il pourra intervenir à titre de précaution, ainsi que sous la forme de prêts pour la recapitalisation d’institutions financières.
Dans un contexte de fortes turbulences des marchés financiers, cet ensemble de décisions a démontré la détermination des dirigeants de la zone euro. L’année qui s’est écoulée a donc vu le rythme d’intégration de l’union monétaire s’accélérer considérablement. Les réponses formulées sont allées bien au-delà de ce qui était initialement envisagé par le Traité.
Bien entendu, nous souhaitons poursuivre nos efforts :
- Dans les jours prochains, nous devrions parvenir à un accord avec le Parlement européen sur le « Paquet Gouvernance », qui nous permettra notamment de renforcer la surveillance des déséquilibres macroéconomiques au sein de la zone Euro.
- Mais l’un de nos chantiers reste également la convergence fiscale, en particulier avec l’Allemagne. Les mesures prises dans le cadre du dernier collectif budgétaire vont dans ce sens.
- Et à terme, lorsque de nouvelles étapes auront été franchies en matière de coordination des politiques économiques et de discipline budgétaire, nous pourrons éventuellement envisager la mise en place de nouveaux instruments tels que les « euro-obligations ». Pas comme une baguette magique pour résoudre la crise actuelle de la dette, contrairement à ce que certains prétendent, mais comme le visage d’une gouvernance européenne toujours mieux coordonnée et toujours plus solidaire.
Mesdames et Messieurs,
La crise économique et financière a fait naître son lot d’incertitudes et de difficultés, mais elle a également conduit les Etats à élaborer des solutions innovantes et audacieuses.
Au cours des derniers mois, la France, sous l’impulsion du Président de la République, a su prendre toutes ses responsabilités au sein du G20, du G7 et de la zone euro, en état à la fois force de rassemblement et de proposition.
Dans un contexte économique encore contraint, à l’heure où beaucoup s’interrogent en particulier sur l’issue de la crise grecque, je veux vous redire que je ne suis ni optimiste, ni pessimiste, mais pragmatique et déterminé à préserver la stabilité de la zone euro.
Pour la France, cela signifie deux choses :
- D’une part, que nous devons faire preuve d’une solidarité indéfectible avec les Etats sous programme ;
- D’autre part, que nous devons respecter notre programme de réduction des déficits publics. C’est la raison pour laquelle suite à nos prévisions de croissance, nous avons décidé d’engager de nouvelles mesures que le Premier ministre a annoncées le 24 août dernier, et qui nous permettront d’être au rendez-vous de nos engagements.
Je vous souhaite d’excellents travaux, je ne doute pas que vos échanges apporteront des éléments d’analyse des plus pertinents pour éclairer l’intense actualité financière et économique que nous traversons.
Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 16 septembre 2011