Extraits d'un entretien de M. Jean Leonetti, ministre des affaires européennes, avec Itélé le 15 septembre 2011, sur le déplacement du président de la République en Libye et sur le plan d'aide à la Grèce.

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Média : Itélé

Texte intégral

Q - On va parler Europe, mais on va parler d’abord Méditerranée. Nicolas Sarkozy se rend à Tripoli aujourd’hui, est-ce bien utile de déplacer 160 policiers, de mettre Cameron dans les bagages, et d’aller à Tripoli, pour quoi faire ?
R - C’est un tournant historique dans la politique française et européenne vis-à-vis des pays arabes. Rendez-vous compte : c’est la première fois que des troupes européennes permettent à un peuple arabe de se libérer d’un dictateur.
Q - On fait un peu la nique aux Américains, quoi !
R - On ne fait pas la nique aux Américains, on dit simplement que la politique a changé. Avant, on disait : dans un pays arabe, il y a une dictature ou bien un fanatisme islamique. Eh bien non, il y a une troisième voie : celle de la démocratie. L’Europe appuie cette démocratie : elle l’appuie par les armes pour libérer les peuples, elle l’appuie par le soutien démocratique. C’est la raison de la visite de David Cameron et de Nicolas Sarkozy : elle l’appuie aussi parce qu’elle dit : on va vous aider à évoluer vers un État démocratique.
Q - Les Américains s’inquiètent de l’installation d’Al Qaïda dans le sud libyen, et Abdel Jalil, le président du CNT, a dit lundi : notre loi, ce sera la charia, il y a un risque islamiste quand même.
R - Je crois que si l’on reste dans cette vision un peu manichéenne, un dictateur, cela rassure. Eh bien non, un dictateur, cela ne rassure pas. Un dictateur, c’est l’oppression et le développement de l’islamisme. La seule voie, c’est celle de la démocratie. Le printemps arabe est un printemps démocratique : les peuples se libèrent, la France est à leurs côtés.
Q - Et on cherche aussi des contrats, c’est la règle.
R - Quand les Américains sont venus libérer le sol européen de l’oppression nazie, il y a eu le plan Marshall, et des entreprises américaines ont bénéficié de ce plan Marshall. Il n’est pas tout à fait illégitime que les choses se passent ainsi.
Q - Alors, la Grèce restera dans l’euro, l’Allemagne et la France le réaffirment. Comment pouvez-vous croire encore les Grecs quand ils disent : on fera ce qu’il faut, on appliquera le plan ?
R - Nous avons élaboré un nouveau mécanisme et un plan d’aide qui ont été décidés, non pas par une seule personne, mais, à l’initiative du président de la République, par dix-sept chefs d’État et de gouvernement. Ce mécanisme n’est pas anodin : il s’agit de 440 milliards d’euro, avec une échéance en octobre, lorsque tous les Parlements auront été sollicités et auront voté. Il y a surtout un élément nouveau, un mécanisme de surveillance. Nous avons la générosité, la solidarité, il y a aussi la discipline.
Q - Vous avez confiance dans les Grecs, ils vont faire les efforts nécessaires ?
R - J’ai d’autant plus confiance que - M. Papandreou l’a réaffirmé - le gouvernement a pris des mesures qui sont dures, mais qui sont nécessaires et courageuses. La dette grecque représente 4 % de la dette de la zone euro ; le PIB de la Grèce représente 2 % du PIB de l’ensemble de la zone euro. Cela veut donc dire que ce n’est pas insurmontable. C’est dur pour le peuple grec, mais ce n’est pas insurmontable. On doit appliquer une nouvelle méthode, solidarité et discipline.
Q - Et si le FMI stoppe ses versements à la Grèce ?
R - Le FMI n’arrêtera pas ses versements à la Grèce, mais ce n’est pas la partie la plus importante. Il faut que nous fassions ce fonds monétaire européen, qu’appelle le président de la République de ses vœux, c’est-à-dire que, comme le FMI, nous disposions d’un « FME « : un Fonds monétaire qui réagit et qui empêche le spéculateur de dicter sa loi à l’ensemble des marchés financiers, comme c’est le cas actuellement.
Q - Avec une banque publique européenne et des euro-obligations, cela serait encore mieux !
R - Les euro-obligations, c’est mettre la « charrue avant les bœufs «. Qu’est-ce que cela veut dire l’euro-obligation ? Cela veut dire que l’on mutualise tout de suite la dette. Vous avez posé une bonne question tout à l’heure : « les Grecs vont-ils appliquer le plan de rigueur ? «. Eh bien oui si nous exigeons d’abord de la discipline. Une fois que nous seront harmonisés, nous pourrons réfléchir à créer des obligations européennes qui stabiliseront l’ensemble. Le faire avant, c’est déstabiliser les économies fortes comme celles de la France et l’Allemagne.
(…)source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 septembre 2011