Interview de M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, à La Chaîne Info le 23 septembre 2011, sur la nécessité de préserver le secret de l'instruction dans l'affaire liée au financement de la campagne de l'élection présidentielle de 1995 et les élections au Sénat de 2012.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

JULIEN ARNAUD Bonjour à tous. L’invité politique ce matin, c’est Patrick OLLIER. Bonjour.
 
PATRICK OLLIER Bonjour.
 
JULIEN ARNAUD Et merci d’être là. L’Élysée a contre-attaqué hier dans l’affaire Karachi. Dans un communiqué, il est dit que le nom de Nicolas SARKOZY n’apparaît pas. Comment il le sait, ça, Nicolas SARKOZY ?
 
PATRICK OLLIER Écoutez, le secret de l’instruction dont j’entends parler malheureusement n’existe quasiment plus dans ce pays et on voit dans de nombreux procès apparaître les pièces des dossiers.
 
JULIEN ARNAUD Et vous le regrettez.
 
PATRICK OLLIER Et je le regrette parce que je suis personnellement soucieux de voir le secret de l’instruction préservé.
 
JULIEN ARNAUD Donc vous regrettez que l’Élysée ait accès au dossier alors qu’elle n’est pas censée y avoir accès.
 
PATRICK OLLIER Non, pas du tout. Je constate simplement que le nom de Nicolas SARKOZY n’a été cité nulle part et que personne n’a dit en tout cas l’avoir cité. Point final.
 
JULIEN ARNAUD Le fait que le secret de l’instruction visiblement soit violé dans cette affaire, c’est moins choquant que dans d’autres affaires ?
 
PATRICK OLLIER Il n’est pas violé le secret de l’instruction. Personne ne viole le secret de l’instruction. On dit simplement, ce qui est la vérité, qu’à la connaissance de ce qui est aujourd'hui su, jamais le nom de Nicolas SARKOZY n’a été cité par qui que ce soit.
 
JULIEN ARNAUD Ça veut dire que l’Élysée a accès au dossier.
 
PATRICK OLLIER Ça veut dire que le nom de Nicolas SARKOZY n’a jamais été cité. Et puis écoutez, il faut arrêter ces histoires. Nicolas SARKOZY n’était pas le directeur de campagne d’Édouard BALLADUR, il était ministre du Budget, et à ce titre il a été hostile à ce fameux contrat. Et ça, ce n’est pas un problème de secret de l’instruction : ce sont des pièces administratives qui démontrent ce que je dis. Il a été hostile, il n’était pas directeur de la campagne, il était porte-parole, il s’occupait de la communication de la campagne. Il n’a jamais été associé à ce genre de problème.
JULIEN ARNAUD Sur ce point précis…
 
PATRICK OLLIER Qu’on interroge ceux qui étaient associés au financement de la campagne et qui l’ont organisée, qui ont organisée la campagne, c’est légitime, mais Nicolas SARKOZY n’a rien à voir là-dedans.
 
JULIEN ARNAUD Son nom apparaît, en fait. Quand on lit le journal Libération ce matin, le journal explique qu’en tant que ministre du Budget, il a notamment validé la création d’une société offshore baptisée HEINE, pour dispatcher les commissions et ça, c’est un rapport policier qui le dit, rapport cité par Libération, et à l’époque il était ministre du Budget.
 
PATRICK OLLIER Alors vous voyez, vous voyez ce que je vous dis : tout est dans la presse. Bien. Le nom de Nicolas SARKOZY n’a pas été cité dans le problème de ce qu’on appelle l’affaire Karachi des rétro-commissions.
 
JULIEN ARNAUD Bon, ce n’est pas ce que dit Libération ce matin.
 
PATRICK OLLIER Libération, non, non, non ! il ne faut pas faire d’amalgame là-dessus. Il ne faut pas faire d’amalgame. Libération dit que le ministre du Budget a à un certain moment donné son accord pour cet achat. Le ministre du Budget, c’est une décision qui est d’ordre administratif puisqu’il doit prendre des décisions, ça n’a rien à voir avec l’attitude personnelle de certaines personnes qui ont pu éventuellement avoir à connaître de rétro-commissions. C’est deux choses distinctes, il ne faut pas mélanger, il ne faut pas faire d’amalgame. Il ne faut pas dire, puisque le ministre du Budget a pu dire à un certain moment : « Oui, on peut créer une société », que brutalement parce qu’il a fait ça, quelques années après il est responsable de manipulations financières. C’est détestable, ce genre d’amalgame.
 
JULIEN ARNAUD Est-ce qu’il faut publier les auditions de la mission parlementaire sur Karachi ?
 
PATRICK OLLIER Je suis pour la transparence la plus totale.
 
JULIEN ARNAUD Bernard ACCOYER pour l’instant ne le souhaite pas spécialement.
 
PATRICK OLLIER Oui, mais s’il ne le souhaite pas, c’est parce qu’il y a une notion de secret-défense, il y a une notion – alors ça, c’est un domaine qui change complètement la donne. Le secret-défense, le problème de la communication de certaines informations qui sont secrètes, peuvent mettre la vie de certaines personnes en danger, peuvent créer des troubles avec certains gouvernements. C’est une matière sensible. Le président de l’Assemblée, lui, a les moyens de savoir ce qui s’est dit donc il est dans son rôle de dire : « Je ne souhaite pas que ce rapport soit communiqué » mais je suis pour la transparence totale sous réserve que la communication d’un rapport ne mette pas en cause la vie de certaines personnes, les responsabilités de certains États. Voilà, la notion de secret existe aussi dans ce domaine.
 
JULIEN ARNAUD Autre sujet important de la matinée, c’est cette petite phrase de François FILLON sur la convergence avec l’Allemagne et notamment sur le sujet des retraites. En Allemagne, la retraite c’est à 67 ans ; est-ce que ça veut dire qu’on va en France rapidement vers une retraite à 67 ans ?
 
PATRICK OLLIER Je suis stupéfait de voir la réaction des médias. Stupéfait. De quoi s’agit-il ? Le président de la République, avec beaucoup de courage, est rentré dans un travail de conviction vis-à-vis de l’Allemagne avec Angela MERKEL pour convaincre les 17 pays de la zone euro d’aller vers de la convergence économique et forcément sociale. On crée - l’initiative d’un gouvernement européen au niveau économique pour les 17.
 
JULIEN ARNAUD Donc la retraite à 67 ans.
 
PATRICK OLLIER Pour que la convergence permette d’avoir une politique industrielle identique, pour qu’on puisse avoir une fiscalité qui se rapproche. On a décidé de rapprocher notre fiscalité sur l’impôt des entreprises par exemple avec l’Allemagne.
 
JULIEN ARNAUD Et sur la retraite.
 
PATRICK OLLIER Et le Premier ministre est parfaitement dans ce rôle parce qu’il y a des conséquences entre l’économie, le travail, de prévoir qu’un jour il faut aussi une convergence sur le plan social et, sans fixer de date, il pose la question de savoir s’il ne faut pas aller jusqu’à 67 ans pour les retraites. C’est légitime qu’il pose ce genre de question. Ce n’est pas demain qu’on va le faire. La convergence, ce n’est malheureusement pas demain qu’on pourra la faire ; il faut du temps et fixer des perspectives dans ce temps-là, dans plusieurs années, c’est tout à fait logique.
 
JULIEN ARNAUD Le moment n’est peut-être pas très bien choisi parce que c’est une dernière ligne droite avant les élections sénatoriales – vous êtes évidemment très impliqué sur ce sujet. Ce week-end, c’est à peu près acquis, la gauche va progresser. Est-ce que le Sénat va basculer à gauche d’après vous ? Vous comptez siège par siège mais ça va se jouer à très peu de choses.
 
PATRICK OLLIER Oui, on compte ; on n’a pas tous les mêmes décomptes et on se base sur les comptes – on verra dimanche soir. Moi je suis raisonnablement optimiste.
 
JULIEN ARNAUD Oui, d’accord.
 
PATRICK OLLIER Raisonnablement. Je veux dire par- là que les conséquences des élections municipales de 2008 forcément auront des conséquences sur l’élection au Sénat et je pense que compte tenu de ce qu’on risque d’avoir comme résultat, le président LARCHER a toutes les chances de rester président du Sénat. Il n’en demeure pas moins que si nous ne mobilisons pas dans les 150 000 électeurs du grand corps électoral sénatorial nos électeurs, eh bien nous risquons d’avoir une déception. Il faut être prudent. Il faut être prudent parce que pour contrôler l’ensemble de la direction du Sénat, présidence de commission, etc, il faut avoir huit sièges d’avance, donc la question se pose-là. Et les listes dissidentes n’arrangent pas les choses : nous sommes Gaulois et le problème est là. Les listes dissidentes risquent de faire perdre des voix pour rien, donc de faire perdre des sièges. Le corps électoral est très, très fragile et connaître par avance le vote de certains maires ruraux est très compliqué. Et je pense même qu’on soit obligé d’attendre dimanche soir et même peut-être plus tard pour savoir comment se trouvera le prochain Sénat. Oui, je pense que Gérard LARCHER sera réélu président ; pour le reste je souhaite que notre corps électoral se mobilise. Sans sa mobilisation, nous risquons d’avoir des déconvenues.
 
JULIEN ARNAUD Est-ce qu’il ne faut pas une bonne fois pour toutes réformer le Sénat ? Parce que tout ça donne une image un petit peu de tripatouillage auquel les Français ne comprennent pas grand-chose.
 
PATRICK OLLIER Pourquoi vous employez ce mot ?
 
JULIEN ARNAUD Parce que c’est le sentiment général de négociations de liste à liste. Le grand public n’y comprend rien, vous le savez bien.
 
PATRICK OLLIER Plus vous employez ce mot, plus il est employé par tout le monde. « Tripatouillage », qu’est-ce que ça veut dire ? Il n’y a pas de tripatouillage !
 
JULIEN ARNAUD Ça veut dire par exemple des listes dissidentes à droite et des postes qui sont distribués à droite et à gauche pour éviter que les élus présentent ces listes. Il y a plein d’exemples !
 
PATRICK OLLIER Mais le fait qu’il y ait des dissidents à gauche comme à droite – parce qu’il y en a aussi à gauche – ce n’est pas du tripatouillage : c’est la liberté de chacun de se présenter. Les partis politiques ne sont pas contents qu’il y ait des dissidents ; ils ne sont pas contents. Tripatouillage, ça veut dire qu’on se met tous d’accord sur quelque chose, mais c’est qu’on n’est justement pas d’accord et c’est pour ça qu’il y a des listes dissidentes, donc moi j’exclus ce mot. Cela étant, la réforme du Sénat a permis d’avoir plus de sénateurs cette fois-ci et la réforme du Sénat ne porte pas sur l’élection au deuxième degré. S’il y a une deuxième chambre en France, ce n’est pas pour qu’il y ait deux fois l’Assemblée nationale : c’est pour que le Sénat représente les collectivités territoriales, donc l’électorat du Sénat se trouve dans les collectivités territoriales. Là est le problème parce que pour les maires ruraux, il est extrêmement difficile de savoir pour qui ils vont voter.
 
JULIEN ARNAUD Patrick OLLIER, optimiste mesuré si j’ai bien compris.
 
PATRICK OLLIER Mesuré, mesuré. Merci.
 
JULIEN ARNAUD Merci beaucoup.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 23 septembre 2011