Texte intégral
Editorial de Arlette Laguiller
Lutte Ouvrière (20/04/2001)
REQUISITION DES ENTREPRISES QUI FONT
DES PROFITS ET QUI LICENCIENT
Après l'annonce des licenciements et des fermetures d'usines chez Danone et des magasins chez Marks et Spencer, c'est Valéo qui prévoit un plan de restructuration avec fermeture d'usines à la clé. Et la liste s'allonge tous les jours.
Quelles que soient les raisons invoquées, qu'il s'agisse d'augmenter la rentabilité, de résister à la concurrence internationale, ou au ralentissement de tel ou tel secteur de l'économie, le but dans tous les cas est de permettre au patronat et aux actionnaires de maintenir ou d'augmenter leurs profits.
Car, bien entendu, il n'est pas question pour le patronat, et les financiers qui sont derrière, de perdre de l'argent. Rien d'autre ne compte pour eux. Tant pis pour les milliers de travailleurs jetés à la rue ! Tant pis pour les villes et les régions frappées par le chômage.
C'est ainsi que depuis des dizaines d'années, la part des travailleurs dans le revenu national va en diminuant alors que celle du patronat et des actionnaires ne cesse d'augmenter.
Aussi le patronat se croit-il tout permis. Il sait que le gouvernement ne fera rien pour changer cette situation, qu'il respectera les règles du jeu capitaliste. C'est ainsi que Jospin, Premier ministre d'un gouvernement dit de la gauche plurielle, agit comme ses prédécesseurs de droite. Face à l'émotion soulevée par les licenciements annoncés dans des entreprises qui font des profits, il ne propose que des demi-mesures, des pistes, comme il dit. Il réfléchit à la façon de rendre les licenciements soi-disant plus coûteux pour les entreprises. Il ne s'agit pas d'interdire ces licenciements mais de les accompagner de mesures de reclassement ou de formation. Bref, il entérine le scandale des licenciements dans les entreprises qui annoncent des bénéfices en hausse !
En fait, le gouvernement ne veut pas affronter les grands groupes capitalistes. Il respecte le fonctionnement de leur économie. Au lieu de prendre sur les super-bénéfices des entreprises, il prend dans les caisses de l'Etat, c'est-à-dire dans l'argent public de quoi compenser un peu les ravages de la politique du tout profit. Il parle d'augmenter les minima sociaux, et peut-être même de faire un geste pour les jeunes qui, avant 25 ans, n'ont pas droit au RMI. Il parle de doubler la prime pour l'emploi. Mais rien que sur le plan des impôts il a déjà fait plus de cadeaux aux riches qu'il n'en fera aux faibles revenus.
Non ce n'est pas sur ce gouvernement que les travailleurs peuvent compter pour voir leurs intérêts défendus.
Face à l'arrogance des patrons, à leur insatiable avidité de profits, la seule réponse efficace sera celle du monde du travail. Les travailleurs ont la force de taper du poing sur la table et de dire : cela suffit. Bien sûr cette riposte nécessaire ne se fera pas en un jour, mais elle se prépare, ce sont les patrons eux-mêmes qui la préparent avec leur avidité et leur mépris.
Aujourd'hui la population - les sondages le montrent - est choquée par les directions de Danone et de Marks et Spencer. Mais le relatif succès que rencontre l'idée du boycott est tel que même les politiciens, des députés de la gauche plurielle, se sont cru obligés de signer une motion de soutien au boycott. Sans doute pour faire oublier qu'ils ne font rien par ailleurs et qu'il n'y a toujours aucune loi proposée pour interdire aux entreprises qui font des profits de licencier sous peine de sanction y compris jusqu'à la réquisition.
Le samedi 21 avril une manifestation nationale est organisée à Calais. Dans bien des villes dans tout le pays, des manifestations locales sont prévues pour exprimer la solidarité avec les licenciés et la colère contre les patrons et l'immobilisme du gouvernement. Il est de l'intérêt de tous les travailleurs que ces manifestations soient massivement suivies, et qu'elles soient le prélude à d'autres mobilisations, d'autres mouvements.
Car patronat et gouvernement ne sont sensibles qu'au langage de la force et ce n'est que sous la pression des travailleurs qu'ils pourront reculer.
Arlette Laguiller
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 25 avril 2001)
Editorial d'Arlette Laguiller,
Lutte ouvrière
Après la manifestation de Calais - ET MAINTENANT ?
Le 27 avril 2001
La manifestation de Calais a été un succès. Elle a confirmé le soutien de la population travailleuse à ceux de Danone qui n'acceptent pas d'être jetés à la rue par une entreprise qui réalise des bénéfices énormes.
Mais une manifestation ne peut suffire à faire reculer Danone et, à plus forte raison, le reste du grand patronat. Or, bien au-delà de Danone, pas un jour sans qu'on n'annonce de nouveaux plans dits sociaux. A ceux prévus de longue date chez Alstom, Aventis, Michelin, Moulinex, Bull, Delphi, Valéo ou Bosch, viennent s'ajouter ceux de Philips, Ericsson, Nestlé, Péchiney, des compagnies d'aviation AOM et Air Liberté, des chaussures André et des bas Dim. Si ces plans sont exécutés, cela fera des dizaines de milliers d'emplois supprimés, des usines fermées, des villes dévastées.
Les suppressions d'emplois annoncées concernent aussi bien la prétendue "nouvelle économie" que l'électro-ménager ; les équipements automobiles que l'industrie pharmaceutique ou l'habillement. Il s'agit bien d'un mode d'existence général du capitalisme.
Et il s'agit de grands trusts qui brassent des milliards et qui veulent tous dégager encore plus de profit en jetant dans la détresse des milliers de familles ouvrières. C'est inhumain, c'est inacceptable. Et, à entendre la morgue avec laquelle le baron Seillière rejette ses responsabilités de principal actionnaire dans les licenciements annoncés chez AOM, ils finiront par transformer l'indignation en révolte !
On ne doit pas compter sur le gouvernement Jospin pour arrêter l'avalanche. Il veut juste tenter d'anesthésier l'indignation de l'opinion publique.
Mais les "mesures" envisagées sont bidon. Comme si le doublement des indemnités de licenciement par exemple pouvait arrêter les licencieurs ! Deux dixièmes de mois par année de présence au lieu d'un, cela fait six mois de salaire au lieu de trois après trente ans de maison. Et que valent les promesses de reclassement pour tous les salariés jetés à la rue ? Des emplois moins payés et, au bout, une retraite amputée au prorata.
Non, le gouvernement Jospin ne fera rien contre les licenciements et ne veut rien faire ! Il est pour le fonctionnement capitaliste de l'économie, pour le marché, pour les profits, même si le monde du travail crève des conséquences. Jospin, comme ses prédécesseurs de droite, est un serviteur du patronat.
Face à l'offensive patronale, responsable du chômage massif, de la précarité, du recul général des conditions d'existence de la classe ouvrière, nous répétons depuis des années, notamment depuis la présidentielle de 1995, qu'il est vital d'interdire les licenciements, sous peine de réquisition, dans les entreprises qui font du profit. Six ans après, Robert Hue vient de découvrir cela. Mieux vaudrait tard que jamais, mais ce n'est pas ce projet de loi qu'il a déposé à l'Assemblée.
Il envisage une nouvelle manifestation, cette fois-ci à Paris. Très bien ! Mais est-ce que les députés communistes déposeront une loi interdisant réellement les licenciements ? Ils pourraient le faire car, sans les députés du PC, le gouvernement n'a pas la majorité à l'Assemblée. Mais, en répétant qu'il n'est pas question de compromettre l'existence du gouvernement, Hue montre que, s'il fait semblant de ruer dans les brancards, il reste attelé à la charrue gouvernementale ! Mais à quoi servent alors les ministres communistes ?
Mais la colère des travailleurs sera peut-être assez forte pour obliger le gouvernement à agir.
Alors, qu'ils se méfient tous ceux qui, même lorsqu'ils prétendent s'opposer aux licenciements, ne cherchent qu'à dégager leur propre responsabilité !
Les mesures qu'eux-mêmes ne veulent pas prendre, les travailleurs en colère finiront par les imposer.
Arlette Laguiller
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 mai 2001)
Lutte Ouvrière (20/04/2001)
REQUISITION DES ENTREPRISES QUI FONT
DES PROFITS ET QUI LICENCIENT
Après l'annonce des licenciements et des fermetures d'usines chez Danone et des magasins chez Marks et Spencer, c'est Valéo qui prévoit un plan de restructuration avec fermeture d'usines à la clé. Et la liste s'allonge tous les jours.
Quelles que soient les raisons invoquées, qu'il s'agisse d'augmenter la rentabilité, de résister à la concurrence internationale, ou au ralentissement de tel ou tel secteur de l'économie, le but dans tous les cas est de permettre au patronat et aux actionnaires de maintenir ou d'augmenter leurs profits.
Car, bien entendu, il n'est pas question pour le patronat, et les financiers qui sont derrière, de perdre de l'argent. Rien d'autre ne compte pour eux. Tant pis pour les milliers de travailleurs jetés à la rue ! Tant pis pour les villes et les régions frappées par le chômage.
C'est ainsi que depuis des dizaines d'années, la part des travailleurs dans le revenu national va en diminuant alors que celle du patronat et des actionnaires ne cesse d'augmenter.
Aussi le patronat se croit-il tout permis. Il sait que le gouvernement ne fera rien pour changer cette situation, qu'il respectera les règles du jeu capitaliste. C'est ainsi que Jospin, Premier ministre d'un gouvernement dit de la gauche plurielle, agit comme ses prédécesseurs de droite. Face à l'émotion soulevée par les licenciements annoncés dans des entreprises qui font des profits, il ne propose que des demi-mesures, des pistes, comme il dit. Il réfléchit à la façon de rendre les licenciements soi-disant plus coûteux pour les entreprises. Il ne s'agit pas d'interdire ces licenciements mais de les accompagner de mesures de reclassement ou de formation. Bref, il entérine le scandale des licenciements dans les entreprises qui annoncent des bénéfices en hausse !
En fait, le gouvernement ne veut pas affronter les grands groupes capitalistes. Il respecte le fonctionnement de leur économie. Au lieu de prendre sur les super-bénéfices des entreprises, il prend dans les caisses de l'Etat, c'est-à-dire dans l'argent public de quoi compenser un peu les ravages de la politique du tout profit. Il parle d'augmenter les minima sociaux, et peut-être même de faire un geste pour les jeunes qui, avant 25 ans, n'ont pas droit au RMI. Il parle de doubler la prime pour l'emploi. Mais rien que sur le plan des impôts il a déjà fait plus de cadeaux aux riches qu'il n'en fera aux faibles revenus.
Non ce n'est pas sur ce gouvernement que les travailleurs peuvent compter pour voir leurs intérêts défendus.
Face à l'arrogance des patrons, à leur insatiable avidité de profits, la seule réponse efficace sera celle du monde du travail. Les travailleurs ont la force de taper du poing sur la table et de dire : cela suffit. Bien sûr cette riposte nécessaire ne se fera pas en un jour, mais elle se prépare, ce sont les patrons eux-mêmes qui la préparent avec leur avidité et leur mépris.
Aujourd'hui la population - les sondages le montrent - est choquée par les directions de Danone et de Marks et Spencer. Mais le relatif succès que rencontre l'idée du boycott est tel que même les politiciens, des députés de la gauche plurielle, se sont cru obligés de signer une motion de soutien au boycott. Sans doute pour faire oublier qu'ils ne font rien par ailleurs et qu'il n'y a toujours aucune loi proposée pour interdire aux entreprises qui font des profits de licencier sous peine de sanction y compris jusqu'à la réquisition.
Le samedi 21 avril une manifestation nationale est organisée à Calais. Dans bien des villes dans tout le pays, des manifestations locales sont prévues pour exprimer la solidarité avec les licenciés et la colère contre les patrons et l'immobilisme du gouvernement. Il est de l'intérêt de tous les travailleurs que ces manifestations soient massivement suivies, et qu'elles soient le prélude à d'autres mobilisations, d'autres mouvements.
Car patronat et gouvernement ne sont sensibles qu'au langage de la force et ce n'est que sous la pression des travailleurs qu'ils pourront reculer.
Arlette Laguiller
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 25 avril 2001)
Editorial d'Arlette Laguiller,
Lutte ouvrière
Après la manifestation de Calais - ET MAINTENANT ?
Le 27 avril 2001
La manifestation de Calais a été un succès. Elle a confirmé le soutien de la population travailleuse à ceux de Danone qui n'acceptent pas d'être jetés à la rue par une entreprise qui réalise des bénéfices énormes.
Mais une manifestation ne peut suffire à faire reculer Danone et, à plus forte raison, le reste du grand patronat. Or, bien au-delà de Danone, pas un jour sans qu'on n'annonce de nouveaux plans dits sociaux. A ceux prévus de longue date chez Alstom, Aventis, Michelin, Moulinex, Bull, Delphi, Valéo ou Bosch, viennent s'ajouter ceux de Philips, Ericsson, Nestlé, Péchiney, des compagnies d'aviation AOM et Air Liberté, des chaussures André et des bas Dim. Si ces plans sont exécutés, cela fera des dizaines de milliers d'emplois supprimés, des usines fermées, des villes dévastées.
Les suppressions d'emplois annoncées concernent aussi bien la prétendue "nouvelle économie" que l'électro-ménager ; les équipements automobiles que l'industrie pharmaceutique ou l'habillement. Il s'agit bien d'un mode d'existence général du capitalisme.
Et il s'agit de grands trusts qui brassent des milliards et qui veulent tous dégager encore plus de profit en jetant dans la détresse des milliers de familles ouvrières. C'est inhumain, c'est inacceptable. Et, à entendre la morgue avec laquelle le baron Seillière rejette ses responsabilités de principal actionnaire dans les licenciements annoncés chez AOM, ils finiront par transformer l'indignation en révolte !
On ne doit pas compter sur le gouvernement Jospin pour arrêter l'avalanche. Il veut juste tenter d'anesthésier l'indignation de l'opinion publique.
Mais les "mesures" envisagées sont bidon. Comme si le doublement des indemnités de licenciement par exemple pouvait arrêter les licencieurs ! Deux dixièmes de mois par année de présence au lieu d'un, cela fait six mois de salaire au lieu de trois après trente ans de maison. Et que valent les promesses de reclassement pour tous les salariés jetés à la rue ? Des emplois moins payés et, au bout, une retraite amputée au prorata.
Non, le gouvernement Jospin ne fera rien contre les licenciements et ne veut rien faire ! Il est pour le fonctionnement capitaliste de l'économie, pour le marché, pour les profits, même si le monde du travail crève des conséquences. Jospin, comme ses prédécesseurs de droite, est un serviteur du patronat.
Face à l'offensive patronale, responsable du chômage massif, de la précarité, du recul général des conditions d'existence de la classe ouvrière, nous répétons depuis des années, notamment depuis la présidentielle de 1995, qu'il est vital d'interdire les licenciements, sous peine de réquisition, dans les entreprises qui font du profit. Six ans après, Robert Hue vient de découvrir cela. Mieux vaudrait tard que jamais, mais ce n'est pas ce projet de loi qu'il a déposé à l'Assemblée.
Il envisage une nouvelle manifestation, cette fois-ci à Paris. Très bien ! Mais est-ce que les députés communistes déposeront une loi interdisant réellement les licenciements ? Ils pourraient le faire car, sans les députés du PC, le gouvernement n'a pas la majorité à l'Assemblée. Mais, en répétant qu'il n'est pas question de compromettre l'existence du gouvernement, Hue montre que, s'il fait semblant de ruer dans les brancards, il reste attelé à la charrue gouvernementale ! Mais à quoi servent alors les ministres communistes ?
Mais la colère des travailleurs sera peut-être assez forte pour obliger le gouvernement à agir.
Alors, qu'ils se méfient tous ceux qui, même lorsqu'ils prétendent s'opposer aux licenciements, ne cherchent qu'à dégager leur propre responsabilité !
Les mesures qu'eux-mêmes ne veulent pas prendre, les travailleurs en colère finiront par les imposer.
Arlette Laguiller
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 2 mai 2001)