Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à Europe 1 le 4 octobre 2011, sur l'abrogation de trois permis d'exploration de gaz de schistes et l'annonce de Jean-Louis Borloo de ne pas se présenter à l'élection présidentielle de 2012.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT Bonjour Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Bonjour.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous êtes ministre de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement. Pourquoi ce revirement sur l’exploitation du gaz de schiste ? Hier le gouvernement a abrogé les trois permis de recherche dans le sud de la France, notamment accordés à TOTAL, alors que vous aviez auparavant accordé ces permis ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ce n’est pas un revirement, c’est la suite depuis un an de la montée en conscience des conséquences écologiques, notamment en Amérique du Nord, États-Unis et Canada, de l’utilisation des technologies de la fracturation hydraulique.
 
BRUCE TOUSSAINT C’est ce qui permet d’aller exploiter, d’aller forer ce gaz.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, c’est une technologie de rupture de la roche puisque le gaz est capturé dans la roche. On a vu arriver depuis un an des images, des informations sur ce qui se passait aux États-Unis. Alors il y a des dévastations paysagères qui sont un peu liées à leur manière de faire, mais il y a aussi des risques pour l’environnement notamment, pour les nappes phréatiques. Ça nous a amené l’hiver dernier à proposer un moratoire sur les projets en France, un travail d’expert et puis au printemps dernier, les parlementaires ont choisi de faire voter une loi pour interdire la fracturation hydraulique, la seule technologie aujourd'hui disponible pour exploiter le gaz de schiste. La suite logique, pardon, c’était d’abroger les permis qui étaient exclusivement consacrés à l’exploitation du gaz de schiste, c'est-à-dire les trois permis de Nantes, Villeneuve-de- Berg et Montélimar.
 
BRUCE TOUSSAINT TOTAL se dit très surpris par cette décision et vous demande des explications.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET L’explication c’est qu’il y a un ensemble géologique dans lequel il y avait ces trois permis – Nantes, Villeneuve-de-Berg et Montélimar. Deux permis étaient détenus par une société américaine qui disait clairement : « Nous utiliserons la fracturation hydraulique ». Ils avaient donc vocation à être abrogés. Pour le troisième, TOTAL a produit un rapport pour dire ce qui était son projet d’exploitation que nous avons jugé peu crédible sur deux motifs. D’abord TOTAL disait : « Finalement on va faire du conventionnel, du pétrole et pas que du schiste » dans une région dans laquelle, on le sait, il y en a peu et ce qui n’a jamais été la vocation de TOTAL dans la partie métropolitaine en France. Et puis TOTAL disait : « On fera du schiste mais avec une autre technologie que la fracturation hydraulique », or aujourd'hui c’est la seule technologie opérationnelle, donc nous avons choisi d’abroger quand même ce permis.
 
BRUCE TOUSSAINT Donc ça veut dire qu’on n’exploitera pas le gaz de schiste en France a priori. C’est quand même une porte qui se ferme.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET C’est inscrit dans la loi : la fracturation hydraulique est interdite. Si un jour il y avait une technologie propre, on pourrait en reparler, mais aujourd'hui la fracturation hydraulique nous apparaît comme quelque chose de dangereux pour l’environnement.
 
BRUCE TOUSSAINT Alors il reste encore 61 permis.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non mais là je vous arrête tout de suite : je pense qu’il y a une mécompréhension.
 
BRUCE TOUSSAINT C’est vrai que c’est un dossier qui est un peu complexe.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET C’est complexe mais j’essaye de le faire direct, de le faire cash. Il y a toujours eu de l’exploitation pétrolière en France. Ça se passe dans le bassin parisien et en Aquitaine, et donc il y a des permis d’exploration pétrolière. Il y en a, il y en a toujours eu. Sur les 64 permis dont vous parlez, en fait il y en a 49 qui sont strictement des permis d’exploration pétrolière. Ça a toujours existé. Pour vous donner – parce que je sais bien qu’ils vont essayer de faire croire le contraire – pour vous donner une idée, entre 97 et 2002, du temps où les Verts étaient au ministère de l’Écologie, il y a eu 21 permis de ce type délivrés. Ces permis-là, évidemment, n’ont pas vocation à être abrogés. Pour la forme, on demandait aux détenteurs s’il voulait utiliser la fracturation hydraulique : c’est non. Ils font l’exploitation pétrolière, voilà.
 
BRUCE TOUSSAINT Donc là, ça continue : il n’y a pas d’abrogation pour ces permis-là.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il n’y a pas l’abrogation. Après dans les quinze restants, il y en a huit qui sont du gaz de houille. C’est quelque chose qu’on trouve dans les anciennes mines. Il n’y aura pas de fracturation hydraulique non plus, il y a un engagement et on peut faire du gaz de houille sans fracturation hydraulique. Et puis il reste quatre permis d’huile de schiste qui sont des permis mixtes. On peut faire du traditionnel, et on peut faire du non conventionnel avec de la fracturation. Ils s’engagent à le faire, pas de fracturation, et on vérifiera et ce sera contrôlé et donc ils ont le droit de garder la partie conventionnelle.
 
BRUCE TOUSSAINT Donc le travail continue, très bien.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Donc les seuls permis qui sont abrogés ce sont ceux qui étaient strictement sur le non conventionnel, sur le gaz de schiste, mais les autres seront contrôlés et il n’y aura de fracturation hydraulique nulle part en France pour du schiste.
 
BRUCE TOUSSAINT À propos de fracturation, Jean-Louis BORLOO : on n’a toujours pas compris les vraies raisons de sa décision. Vous qui le connaissez bien, qui vous êtes souvent opposée à lui, vous avez une conviction ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Écoutez, moi j’ai posé la question directement à Jean-Louis BORLOO.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous l’avez appelé ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, pour savoir, pour en parler.
 
BRUCE TOUSSAINT Et alors ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je crois tout simplement que Jean-Louis BORLOO, il n’avait pas envie d’une aventure personnelle, il avait envie d’une aventure collective. Et il s’est rendu compte que…
 
BRUCE TOUSSAINT Il était un peu seul.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, le collectif ne se créait pas, la dynamique ne se créait pas. Il l’a dit lui-même d’ailleurs à la télévision : il voulait faire quelque chose de collectif, qui ait une certaine ampleur, il voulait fédérer les centres. Bon, il a fait le constat que les centres étaient fragmentés - il l’a dit, c’est le mot qu’il a utilisé – comme jamais. À partir de là, comme lui ce qu’il ne cherchait pas, ce que lui il cherchait, ce n’est pas une aventure collective, il a renoncé et je le redis, je trouve que c’est la sagesse.
 
BRUCE TOUSSAINT Bon, donc comme le disait Laurent NEUMANN : c’est bon, le champ libre à Nicolas SARKOZY. Cette fois-ci, il n’y a plus de doutes.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je n’ai pas compris la chronique de Laurent NEUMANN.
 
BRUCE TOUSSAINT Pourquoi ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je ne crois pas que Nicolas SARKOZY attendait la décision ou pas de Jean-Louis BORLOO pour savoir ce qu’il voulait faire.
 
BRUCE TOUSSAINT C’est quand même quelqu'un qui était crédité de 7 à 10 % dans les sondages. Ça compte quand même.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non mais ça compte au résultat, mais je ne suis pas sûre que ce soit ça qui aurait profondément modifié la décision du président SARKOZY dans un sens ou dans l’autre, décision que je ne connais pas, naturellement.
 
BRUCE TOUSSAINT Un tout dernier mot de la présidentielle de 2017.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET  Oui.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous êtes candidate ou pas ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Pas du tout. Je ne sais pas du tout pourquoi cet article…
 
BRUCE TOUSSAINT Ah, vous n’êtes pas candidate ? C’est une information ce matin sur Europe 1. Parce qu’un sondage vous place quand même dans les personnalités qui incarnent l’avenir à droite pour 2017.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non mais attendez. Je trouve ce questionnement absurde. Vous voulez savoir ? Moi je ne suis même pas obsédée par 2012 : je suis obsédée par 2011. Là, vous voyez, vous m’avez interrogée longuement sur le gaz de schiste et vous avez raison. C’est ça mon actualité et j’en ai plein d’autres : les assises du ferroviaire, le logement, le budget, la fiscalité environnementale. Je peux vous en faire longtemps, donc ma tête est assez pleine. J’ai assez à faire. [rires]
 
BRUCE TOUSSAINT Donc vous n’y pensez pas le matin en vous coiffant. Ça n’arrive jamais. Merci Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 4 octobre 2011