Texte intégral
Je suis très heureuse de pouvoir lancer, ici à l'hôtel de Roquelaure, avec Bertrand Fournier, Président du Forum de l'Investissement Responsable, la deuxième édition de la semaine de l'Investissement Socialement Responsable qui démarrera le lundi 10 octobre prochain.
Lorsque le Forum de l'Investissement Responsable, qui organise cette semaine, m'a proposé de tenir cet événement de lancement au ministère, j'ai immédiatement accepté, tant je considère que le développement de ce compartiment de la finance est essentiel au regard des enjeux du développement durable.
* L'ISR : donner du sens à l'un des outils fondamental de l'économie
Comme ministre en charge du développement durable, j'ai la conviction que nous ne pourrons réussir la nécessaire transformation de nos modèles de développement qu'en mobilisant le plus grand nombre et en jouant sur de nombreux leviers. La finance, parce qu'elle constitue un moteur fondamental de l'économie en même temps qu'elle peut fournir les outils et les fonds nécessaires au « verdissement » de nos modèles, joue à mes yeux un rôle tout à fait central.
Je suis donc très intéressée par tous les outils qui permettent d'orienter l'épargne sur des projets de développement durable : l'ISR joue donc un rôle tout à fait central à mes yeux.
Plus généralement, comme responsable politique, je suis frappée par la crise de sens que semble traverser la finance. Ce sentiment est probablement accentué par les crises bien réelles que nous connaissons depuis quelques années (crise des subprimes, crise de la dette souveraine). Mais les critiques peuvent être assez fondamentales : on peut entendre qu'elle est insuffisamment orientée sur le long terme, qu'elle est insuffisamment connectée avec les enjeux industriels ou, plus largement, « l'économie réelle ».
Pourtant, la finance poursuit fondamentalement un objectif qui devrait la mettre à l'abri de bien des critiques : qui pourrait contester que l'on a besoin d'outils pour permettre que l'épargne dégagée par certains puisse être utilisée, en générant une rémunération, par d'autres, porteurs de projets, pour investir (et, ainsi, créer des emplois, innover, développer de nouvelles activité) ?
Je crois y déceler le besoin chez certains de plus de responsabilité, de plus de traçabilité sur l'usage concret fait des sommes investies (pour s'assurer que l'on n'est pas simplement dans des démarches spéculatives et pour comprendre comment fonctionne « le système »). D'une certaine façon, il peut y avoir le souhait de devenir, avec son épargne, un acteur du changement.
C'est pourquoi je crois aussi fermement dans l'Investissement Socialement Responsable :
- il peut contribuer à réconcilier les citoyens avec la finance, dans son acception la plus fondamentale.
- c'est un mouvement qui est de nature à mettre la finance sur des sentiers de développement plus durables, en s'inscrivant notamment davantage dans le long terme et en restant maîtrisable par l'homme (la finance reste un outil au service d'un projet de société)
- c'est une façon d'orienter les fonds sur la mutation écologique (ex. : certaines éco-industries) et ainsi contribuer à financer le passage à l'économie verte.
* L'ISR est un segment dynamique des marchés financiers
L'ISR n'est pas un repère de doux idéalistes. Plusieurs études montrent que la performance des fonds ISR est au moins aussi bonne que celle des fonds classiques : cela montre que cela ne coûte pas d'être responsable dans ses choix d'investissements.
On y trouve ainsi de nombreux investisseurs très sérieux - peut-être plus soucieux du long terme - comme le fonds de réserve des retraites, le fonds stratégique d'investissement (FSI), la MAIF, AG2R La Mondiale.
L'ISR connaît un développement dynamique en France. Entre 2009 et fin 2010, le marché ISR des résidents français est passé de 50,7 Md d'euros à 68,3 Md d'euros, soit une croissance de 35% qui est à comparer avec la croissance du marché global des encours français qui a crû de 1,7%.
La France est ainsi le marché européen le plus dynamique d'Europe, qui est lui-même le plus gros marché du monde (5 000 Md d'euros selon une étude Eurosif contestée en France car elle s'appuie sur une définition beaucoup trop lâche de l'ISR, en tout cas beaucoup moins restrictive que ce qui est pratiqué en France. Avec une définition plus restrictive, on a un marché de 1200 Md d'euros; cette définition reste toutefois moins exigeante que ce qui est pratiqué en France)
Il ne faut néanmoins pas nier que cela continue à représenter un petit compartiment du marché des encours, qu'il convient donc de développer : la part de marché moyenne est de l'ordre de 2,5% en Europe.
Aujourd'hui, l'ISR reste un support d'investissement essentiellement prisé des institutionnels qui représentent 70% des encours. Il faut les féliciter en même temps qu'encourager les particuliers et ceux qui sont en interface directe avec eux à se diriger encore plus vers ces produits d'épargne (les particuliers ont accès à l'ISR notamment via des supports comme l'assurance vie et l'épargne salariale)
* Avec le Grenelle de l'Environnement, nous donnons une impulsion nouvelle pour le développement de l'ISR
Ma stratégie est claire : à l'instar de ce que nous faisons dans le domaine des biens de consommation courante avec l'affichage environnemental, il s'agit d'apporter aux épargnants une information claire et compréhensible pour qu'ils puissent, en responsabilité, exercer ses choix et demander de l'ISR.
Cette stratégie se décline sur trois axes :
- Favoriser la transparence et l'information des épargnants pour que ceux-ci soient en capacité en toute responsabilité de choisir des investissements responsables. C'est l'esprit du code de transparence du Forum de l'Investissement Responsable et de l'Association Française de Gestion Financière ou du label Novethic sur lesquels Bertrand Fournier et Anne-Catherine Husson-Traoré pourront revenir. C'est également toute la logique de la mesure issue du Grenelle de l'Environnement qui prévoit que toutes les sociétés de gestion diffusent l'information, tout notamment en mettant en ligne sur leur site Internet, sur la façon dont sont pris en compte les critères du développement durable dans la politique d'investissement de chacun des fonds qu'elle gère. Cette disposition a été instituée dans la loi Grenelle 2 (article 224). Son décret d'application est préparé avec Bercy, en concertation avec toutes les parties prenantes et notamment les acteurs de la place de Paris, dans un très bon esprit. Le projet est aujourd'hui dans sa phase ultime d'élaboration (une dernière réunion de concertation a eu lieu le 5 octobre dernier) : il devrait pouvoir être publiés dans les prochaines semaines. Avec cette disposition, les épargnants disposeront d'une information précise, leur permettant de faire leur choix de placement en toute responsabilité.
- Informer et promouvoir l'investissement socialement responsable : Il s'agit de mieux faire connaître les produits ISR aux Français. Les sondages [notamment celui qui sera présenté par Bertrand Fournier] montrent une forte attente des Français pour la prise en compte des critères environnementaux sociaux et éthiques dans leurs placements en même temps qu'une notoriété assez faible de l'ISR (4 % en 2010) même si elle progresse (8 % en 2011 selon un sondage sous embargo).Il convient donc de mieux faire connaître ce produit qui connaît une croissance très importante en France. C'est tout l'esprit de cette semaine de l'ISR et je remercie le Forum pour l'Investissement Responsable pour son initiative.
- Mobiliser les relais (notamment bancaires) pour qu'investir responsable soit simple et spontanément proposé. L'engagement en faveur de l'ISR pourrait être une traduction de la volonté des banques à s'inscrire dans un mouvement de responsabilisation de la finance. Le réseau des agences bancaires pourrait être mobilisé pour informer / diffuser plus encore ce type de produit. C'est par exemple, je crois, la démarche engagée par la Banque Postale qui sera présentée par son Président Philippe Wahl. J'aimerais une campagne de communication dont le slogan serait « demandez l'ISR à votre banquier ! »
(1) Les méta-études sur l'efficience du couple Rendement / Risque de l'ISR sont légion ; toutes tendent à démontrer un lien positif entre la prise en compte des facteurs ESG dans la politique d'investissement et la performance financière du portefeuille dans le long terme (Les méta-études effectuées par Mercer en 2007 et 2009 montrent que 55 % des études couvertes démontrent un lien positif, 28 % un lien neutre ou neutre-positif et 17 % un lien négatif ou neutre-négatif)
source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 10 octobre 2011