Déclaration de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, sur les grands axes de la politique du renouvellement urbain, à la Cité universitaire, à Paris le 11 octobre 2011.

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Circonstance : Clôture du séminaire dédié à l'acte II du Programme national de rénovation urbaine, à Paris le 11 octobre 2011

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis d’être avec vous aujourd’hui dans le cadre de ce séminaire dédié à l’acte II du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU).
Je sais que les réflexions que vous avez menées aujourd’hui ont été nombreuses et fructueuses.
Dans le cadre de cette séquence de clôture, je souhaite vous livrer quelques idées concernant ma vision de l’évolution de la politique portant ce programme.
Quand on fait le bilan du PNRU, on s’attache plus au « PN » qu’au « RU » : on parle de méthode, de gouvernance, d’enveloppes financières, de conventions – bref de l’appareillage institutionnel mis en place pour faire vivre une idée : celle du renouvellement urbain.
Pour aborder les défis urbains des prochaines années, permettez-moi de revenir quelques minutes sur le sens, la portée et l’avenir de cette idée, en posant le sujet différemment.
La question est moins :
- « quel plan devrons-nous mettre en place ? »,
- que « quelles formes la ville de demain revêtira-t-elle, et comment pourrons-nous susciter et accompagner cette métamorphose ? ».
Le renouvellement urbain ne se cantonnera pas aux quartiers d’habitat social, et ne fera pas appel qu’à l’ANRU. Le PNRU I est centré sur les cités ; la nouvelle politique de renouvellement urbain, quelle que soit sa forme, devra être centrée sur la Cité – au sens noble et au sens large.
1) Le passage de la politique des cités à la politique de la Cité, c’est un double élargissement : de nouvelles thématiques et de nouveaux quartiers
* un élargissement à de nouvelles thématiques :
Le PNRU est ciblé sur les situations les plus difficiles, à traiter en urgence. Ne nous voilons pas la face : des quartiers d’habitat social restent à traiter.
Mais nous le savons, d’autres sujets de préoccupation émergent, notamment les copropriétés dégradées et les centres anciens dégradés. C’est pourquoi les expériences du PNRQAD sont importantes ; c’est également la raison pour laquelle j’ai confié à Dominique Braye, Président de l’Anah, une mission sur les copropriétés fragiles ou dégradées. Il s’agit pour nous de pouvoir déceler les symptômes de la déprise et de la déqualification, pour les prévenir ou organiser un traitement précoce.
Cet élargissement nécessitera naturellement, en contrepartie, plus de sélectivité, à travers :
- une réflexion sur les cibles prioritaires,
- une hiérarchisation des urgences,
- une meilleure distinction entre le droit commun et l’exception.
* un élargissement à l’espace urbain global, au-delà des seuls quartiers prioritaires :
Le PNRU s’est essentiellement attaqué aux quartiers villes des années 60-70. Ces quartiers, souvent construits sur eux-mêmes, ont fait la démonstration qu’un quartier isolé ne survit pas. Il faut qu’il « échange », soit un lieu de départ, de passage et d’arrivée. Il est donc essentiel de traiter nos sujets à l’échelle de la ville et de l’intercommunalité. D’où l’importance des PLU intercommunaux et des PLH.
L’intégration nécessite de travailler sur les flux, les transports et sur le parcours des habitants au cours de leur vie. C’est toute la réflexion qui est menée sur le Grand Paris, avec des mesures prises simultanément les transports, l’aménagement, l’environnement et le logement. C’est le sens des réflexions sur les éco-cités, que Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même venons de récompenser avec le Commissariat Général à I’ investissement (CGI), et sur les éco-quartiers, dont nous nous apprêtons à rendre le palmarès public.
Il doit moins y avoir un projet pour un quartier dans une ville, que :
- un projet urbain
- à l’échelle de l’agglomération
- dans lequel les problématiques de renouvellement (de quartiers de logement social, de copropriétés, de centre dégradé etc.)
- sont traitées sous tous les angles (bâti, transport, aménagement etc.),
- en articulant les outils d’intervention exceptionnels et de droit commun.
- en mobilisant les savoir-faire de l’ANRU comme de l’ANAH : il ne doit pas y avoir de concurrence entre les outils de l’Etat, mais de la complémentarité et des synergies.
2) Le passage de la politique des cités à la politique de la Cité, c’est aussi la réintroduction d’une réflexion économique dans la politique urbaine.
* une meilleure prise en compte de la création de valeur :
Le foncier des zones urbaines reléguées prendra demain de la valeur, à la faveur et à proportion des mutations que nous aurons su y provoquer – en rénovant des quartiers, tout autant en y ramenant des réseaux de transport, des commodités, des services ou des commerces. Le modèle économique du renouvellement urbain doit pouvoir reposer, au moins pour partie, sur une appropriation de cette richesse créée.
J’en veux pour exemple les copropriétés dégradées de Clichy sous Bois : il faut moins les voir comme des tonneaux des Danaïdes dans lesquels se perdraient des subventions à fonds perdus, que comme des zones à fort potentiel foncier, à la faveur de l’arrivée du tram et de la gare du Grand Paris, où la densification de l’habitat permettra de capter de la valeur. C’est précisément ce potentiel qui justifie l’intervention publique.
* une meilleure mise en valeur du potentiel humain :
Avant le foncier, la première richesse des espaces urbains, ce sont naturellement les femmes et les hommes qui les occupent. Je sors un peu de mes compétences en l’évoquant, mais la question de la mise en valeur des énergies et des talents des habitants des quartiers déconsidérés, qu’ils soient en banlieue ou dans les centres-villes de nos agglomérations, mérite d’être mise en avant. Renouveler la ville, c’est remobiliser les habitants, leur redonner confiance en eux-mêmes à mesure que leur environnement quotidien évolue.
Je partage pleinement, à ce sujet, la conviction du député Olivier Carré, qui considère que les quartiers sont les réservoirs de croissance de demain - les futurs moteurs de l'économie française.
3) Le passage de la politique des cités à la politique de la Cité, c’est enfin la promotion de l’idée de mixité :
Il ne saurait y avoir de politique urbaine sans réflexion sur la mixité sociale.
La ville durable, la ville soutenable, la ville du bien loger et du bien vivre ensemble sera nécessairement mixte. Et je n’entends pas seulement par là le mélange des cultures.
La mixité, c’est aussi le mélange des générations, avec des actifs, des salariés d’entreprise et des aînés. C’est pour cela qu’il faut créer les conditions d’accueil de cette mixité : liens avec les pôles d’emploi, crèches et écoles pour les familles, accessibilité pour les personnes plus âgées.
La mixité, c’est aussi celle des statuts sociaux et des revenus : les débats sur le relogement des ménages DALO dans les ZUS sont importants – même si j’ai tendance à considérer qu’ils témoignent d’un manque de confiance, à la fois :
- dans les ménages eux-mêmes (pas de raison de considérer qu’ils ne peuvent pas bénéficier de l’ascenseur social)
- dans le renouvellement urbain (pas de raison de considérer que les quartiers renouvelés redeviendront des zones de relégation)
Ils sont importants mais ils n’épuisent pas le sujet. Nous devons aussi créer les conditions pour que les ménages modestes puissent se loger dans le parc privé (d’où l’action de l’ANAH) et hors des ZUS (d’où la loi SRU).
Et la mixité, c’est enfin la diversité des statuts d’occupation : le renouvellement urbain ne pourra pas être exclusivement une politique du locatif public. Il faudra bien sûr au coeur de nos villes du locatif privé, ce que fait déjà l’ANAH dans les quartiers dégradés pour y faire revenir des travailleurs modestes et des familles, mais aussi et surtout de l’accession sociale, et de ce point de vue, le Gouvernement ne ménage pas son soutien : TVA à 5,5 %, PSLA, PTZ+, vente HLM.
Conclusion : changer les modes d’intervention, aller vers la prospective et l’investissement responsable.
L’action publique doit essayer de sortir de l’urgence, et progresser vers le projet de long terme.
Elle doit aussi prioriser ses interventions.
Elle doit également avoir un temps d’avance : vers la ville de demain.
Il est essentiel d’avoir des projets à long terme qui permettent d’intervenir au moment opportun, avec la bonne intensité dans une stratégie bien définie.
« Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va » (Sénèque).
Source http://www.ville.gouv.fr, le 18 octobre 2011