Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Cest pour moi un grand honneur de mexprimer aujourdhui devant vous. Je suis venu vous apporter un message de confiance.
Confiance en mon pays, qui se réforme en profondeur et agit plus que jamais en faveur de la paix et de la coopération internationale.
Confiance en votre pays, lInde, une grande puissance démocratique qui saffirme chaque jour davantage.
Confiance, enfin, dans ce que nos deux grandes nations peuvent faire ensemble si elles unissent leurs efforts au service de la sécurité, de la liberté et de la prospérité du monde.
La France se mobilise activement pour construire un monde plus sûr, plus stable et plus libre.
En Afghanistan, dabord, avec nos alliés et le peuple afghan, nous uvrons au transfert aux Afghans de la responsabilité de la sécurité de leur pays en 2014. Dix ans après la chute du régime criminel des talibans, Oussama Ben Laden est mort. Partout où la situation le permet, les troupes de la coalition se retirent et les forces de sécurité nationales afghanes prennent le relais.
Mais la situation reste dangereuse et le restera encore. Chacun sait que les Talibans bénéficient encore de complicités et de soutiens inacceptables hors dAfghanistan.
Cest pourquoi la France est déterminée à rester engagée dans la durée aux côtés du peuple afghan. À linstar de lInde, nous négocions un traité damitié et de coopération avec lAfghanistan. Nous proposons aussi que tous les pays voisins de lAfghanistan sengagent, dans un cadre régional soutenu par la communauté internationale, à respecter son indépendance et sa sécurité.
Dans le monde arabe, la France soutient sans réserve laspiration des peuples à la démocratie. Trop longtemps, on a opposé la liberté des peuples et la sécurité internationale. Trop longtemps, on a soutenu des dictatures comme rempart contre lislamisme.
Il ne sagit pas pour la France dexporter la démocratie par les armes. Ce sont les peuples arabes qui ont dit quils voulaient le changement. Il sagit pour la France de répondre aux attentes des peuples quand ils réclament, parfois au prix du sang, la démocratie. Il sagit aussi de la «responsabilité de protéger», entérinée par lONU en 2005.
Cest dans cet esprit que nous soutenons les transitions politiques en Tunisie et en Égypte. Cest aussi dans cet esprit que nous soutenons les réformes sages décidées par le Maroc et la Jordanie, et que nous avons mobilisé le G8 pour aider les pays en transition, avec des financements à hauteur de 40 milliards de dollars. Cest encore dans cet esprit quavec plusieurs pays arabes, nous avons soutenu militairement le peuple libyen face à Kadhafi, qui promettait de faire couler «des rivières de sang».
Aujourdhui, nous soutenons le peuple syrien dans sa quête de démocratie, en nous opposant à la répression féroce dont il est victime.
Sur la Libye, le Conseil national de transition a annoncé la mort de Kadhafi durant le siège de Syrte. Cela met un terme à 42 ans de tyrannie et de terreur. Les opérations militaires se termineront bientôt. Cela ouvre aussi un nouveau chapitre pour une Libye libre. La France et lInde sont toutes deux résolues à appuyer les efforts du Conseil national de transition, afin quil mette en place des institutions démocratiques stables et reconstruise le pays.
Reste la Syrie. Face aux crimes contre lhumanité perpétrés par le régime, la France demande que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités et sanctionne la répression sanglante. Jespère que nous trouverons bientôt un accord sur une action multilatérale qui puisse accroître la pression sur le régime syrien. Certains craignent que ce soit la porte ouverte à une action militaire unilatérale. Ce nest en aucune mesure notre intention. Lorsque la France et ses alliés agissent militairement, cest dans le strict respect du droit international.
Répondre aux attentes des peuples, cest aussi soutenir avec détermination la relance du processus de paix israélo-palestinien. Les aspirations des Palestiniens à un État ne sont pas moins légitimes que celles des autres peuples arabes à la liberté.
Après tant dannées de conflit, il est plus que temps de trouver le chemin de la paix. La France est plus que jamais engagée en faveur de la mise en uvre de la solution des deux États, vivant en paix et en sécurité dans des frontières sûres et reconnues. Il ny aura pas de paix juste et durable sans négociations entre les parties.
La France soutient les efforts du Quartet pour relancer les négociations. Les termes exposés dans sa dernière déclaration sont cohérents avec lapproche proposée par le président de la République à lAssemblée générale des Nations unies. Mais si ces efforts échouent à nouveau, nous devrons, tous ensemble, nous poser la question de la méthode. Une approche plus collective, impliquant davantage les membres du Conseil de sécurité, lUnion européenne et certains pays arabes, serait un atout pour la paix.
Mon pays comprend la demande légitime exprimée par le président Abbas de voir la Palestine reconnue au nombre des membres des Nations unies. Comme la indiqué le président de la République, une solution intermédiaire pourrait passer par la reconnaissance par lAssemblée générale des Nations unies du statut dÉtat observateur à la Palestine.
Enfin, la France est pleinement mobilisée sur la question iranienne. Comment imaginer que le Moyen-Orient, mais aussi lAsie du sud, seront durablement en sécurité et en paix si lIran poursuit ses projets de prolifération nucléaire, nés dune coopération avec le père de la bombe nucléaire pakistanaise Abdul Qadeer Khan ? Si nous laissons lIran poursuivre dans cette voie sans réagir avec fermeté, les risques de crise ouverte vont saccroître inexorablement.
Personne, ni lEurope, ni lInde, na intérêt à une crise militaire. Nous navons pas dautre choix quune attitude ferme et responsable fondée sur des sanctions croissantes.
La récente révélation selon laquelle lIran aurait fomenté un attentat contre lambassadeur dArabie saoudite aux États-Unis est un nouveau signe de mépris pour le droit international. Sil savère que les autorités iraniennes sont à lorigine dune telle opération, elles devront répondre de leurs actes devant la communauté internationale.
Agir pour la paix, cest aussi, pour la France, agir pour la croissance économique mondiale.
Léconomie internationale est aujourdhui profondément interdépendante. Les effets des crises économiques se répandent sur toute la planète. Après la crise financière de 2008, nous faisons face aujourdhui à une nouvelle crise, celle des dettes souveraines de nombreux États.
Cest la raison pour laquelle la France se mobilise pour permettre à lUnion européenne de surmonter la crise.
Je sais quici en Inde, certains considèrent avec scepticisme la vieille Europe. Quen est-il en vérité?
Dabord, lEurope est toujours la première puissance économique du monde et leuro sest imposé comme une des monnaies les plus fortes.
Bien sûr, la situation de la dette publique dans la zone euro est préoccupante, mais elle lest beaucoup moins quaux États-Unis ou au Japon. Bien sûr, la croissance y est plus faible que dans les pays émergents. Mais cette différence est naturelle. Elle est due pour une bonne part à un rattrapage progressif du niveau de développement.
Ceci posé, chacun doit faire ce quil a à faire chez lui. Les États-Unis doivent réduire leurs déficits budgétaires massifs. La Chine doit accroître sa demande intérieure. LInde doit poursuivre avec détermination sa modernisation et son ouverture internationale. En Europe, nous devons régler des problèmes de surendettement et de sous-compétitivité.
Pour remettre la zone euro sur la voie de la stabilité, le président Sarkozy et la chancelière Merkel ont pris linitiative. Au-delà des mouvements sur les marchés, il y a un sujet de fond qui est celui de lintégration économique de la zone euro.
Partager la même monnaie crée une très forte interdépendance, où le laxisme de lun met en cause la prospérité de tous. Cela implique de mettre en uvre des politiques économiques, budgétaires et fiscales convergentes.
Dabord, entre la France et lAllemagne. La France et lAllemagne travaillent activement à assurer la convergence de leurs deux économies. Le président et la chancelière ont ainsi fixé lobjectif de mettre en place un impôt commun sur les sociétés dici 2013.
Au-delà de ce travail bilatéral, la France et lAllemagne agissent de concert pour mettre en place le véritable gouvernement économique dont la zone euro a besoin, avec une coordination et une surveillance accrues des politiques économiques et budgétaires, et avec un projet de Fonds monétaire européen face aux risques de crises systémiques.
Les chefs dÉtat et de gouvernement européens se réuniront à brève échéance et prendront les décisions nécessaires. Ils adresseront ainsi un message de détermination et de confiance dans la solidité de la zone euro et de lUnion européenne toute entière. Cela permettra aux Européens daborder le prochain Sommet du G20, à Cannes, en ayant apporté toute leur contribution à la stabilisation de léconomie mondiale.
À Cannes, nous voulons répondre à la crise de confiance des marchés et au ralentissement de la croissance mondiale. Il nous faut envoyer un message fort dunité et de coopération économique.
Il nous faut montrer que nous soutenons la croissance mondiale et limitons la volatilité des marchés financiers. Il nous faut apporter la preuve que la consolidation budgétaire et la réduction de la dette ne doivent pas se faire au détriment de la croissance.
La réunion des ministres des Finances du G20, qui a eu lieu les 14 et 15 octobre à Paris, a permis de poser des jalons importants dans la perspective de ce sommet, avec la pleine participation de lInde.
- Sur la réponse à la crise, avec la préparation dun plan daction pour la croissance, ambitieux et précis ;
- Sur la régulation financière, avec un accord sur les limitations de positions en ce qui concerne les dérivés de matières premières ;
- Sur la réforme du système monétaire international, avec des accords sur la gestion des flux de capitaux, un plan daction sur le développement des marchés dobligations en monnaies locales, et les principes de coopération entre le Fonds monétaire international et les arrangements financiers régionaux ;
- Et enfin sur le développement, avec une discussion sur les financements innovants, notamment le projet de taxe sur les transactions financières, et avec une liste dune dizaine de projets prioritaires dinfrastructures sélectionnés.
Les pays du G20 représentent 85 % de léconomie mondiale. Si nous nous mettons daccord sur de nouveaux progrès pour la coopération économique et financière, cest le monde entier qui en sera le bénéficiaire. La Présidence française du G20 a mis sur la table des propositions ambitieuses. Nous sommes sur la bonne voie. Je peux vous dire que le Premier ministre Singh et le ministre des Finances Mukherjee ont fait part de la détermination de lInde à cet égard.
Agir pour la paix, cest enfin pour la France agir pour un monde plus équilibré et plus juste, fondé sur le dialogue entre les grandes puissances.
Chacun voit bien que face à des défis politiques et militaires qui nous concernent tous, la concertation entre toutes les grandes puissances du monde est indispensable.
Reconnaissons-le, entre les Occidentaux, la Russie et les émergents, il y a encore bien des différences dapproche. Elles nempêchent cependant pas le développement de relations bilatérales fortes et confiantes, comme celles que la France et lInde entretiennent à travers leur « partenariat stratégique».
La facilité, ce serait de garder lancien système, avec les cinq permanents du Conseil de sécurité et le G8 dun côté, et les «BRICS» ou les «IBSA» de lautre, qui se concertent en-dehors de cette enceinte. Ce serait une erreur politique et stratégique. Quand le monde change, il faut changer les institutions. Un monde juste, cest un monde où chacun est à sa juste place.
Cest la raison pour laquelle la France a proposé de créer le G20, où les grands émergents jouent désormais un rôle majeur à la hauteur de leur puissance économique croissante.
Cest aussi dans cet esprit que la France soutient lélargissement du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous soutenons notamment lattribution dun siège permanent pour lInde. Nous avons donc apporté notre appui à linitiative du G4, dont lInde fait partie.
Vous laurez compris, dans ce monde en plein bouleversement, la France et lInde doivent unir leurs efforts.
Le partenariat stratégique entre la France et lInde est pour nous un choix de raison.
Avec la fin de lère coloniale et la fondation de lInde moderne, nous avons vu une civilisation millénaire entrer de plain pied dans la modernité, sans jamais renier ses racines ni sa sagesse. Nous avons vu votre peuple ajouter lhumanisme et la démocratie à un riche héritage de langues, de religions et de traditions culturelles. Jamais lInde ne sest écartée de cette voie, malgré les guerres et malgré le terrorisme qui la frappe aujourdhui.
La France et lInde partagent les valeurs universelles de démocratie, de respect des droits de lHomme et de tolérance. Et comme lInde, la France entend rester elle-même et préserver son âme, la richesse de son identité, loriginalité de sa culture.
À lissue de mes entretiens avec les autorités indiennes, je crois pouvoir vous dire que nous sommes prêts pour franchir de nouvelles étapes dans nos relations.
Il y a dabord ce que nous appelons les « trois piliers « de notre partenariat stratégique : lutte contre le terrorisme, coopération nucléaire civile, relations de défense.
Sur le terrorisme, nous sommes en accord profond. La menace est toujours présente. Lattentat qui a encore frappé récemment votre capitale le montre. La lutte contre le terrorisme nest pas le combat dune civilisation contre une autre. Cest la lutte de la civilisation contre la barbarie. Nous allons donc renforcer notre coopération. Et nous demandons au Pakistan de tout mettre en uvre pour empêcher les terroristes de frapper depuis son territoire.
Sur le nucléaire civil, la France et lInde sont déterminées à continuer à travailler ensemble, car il demeurera pour longtemps un élément clef de lapprovisionnement énergétique. Le désastre de Fukushima au Japon ne remet pas en cause ce choix stratégique. Il nous conforte dans notre conviction que la sûreté nucléaire est un impératif absolu. Nous navions pas attendu Fukushima pour développer les réacteurs de dernière génération les plus sûrs du monde - qui sont ceux que nous proposons à lInde.
La France est également fière davoir été parmi les tout premiers pays qui ont soutenu la réforme des règles internationales en faveur dun accès de lInde aux technologies nucléaires.
Enfin sur la coopération de défense, nous progressons bien. Nos marines et nos forces aériennes sentraînent ensemble et se consultent régulièrement. Pour la première fois nous venons de mettre en place des exercices terrestres conjoints. En matière déquipements militaires, nous avons plusieurs grands projets en perspective, quil sagisse de laéronautique, des hélicoptères, des missiles, des armements terrestres ou navals. Bien sûr, il y a une compétition l??gitime. Dans cette compétition, la France propose à lInde deux éléments à mon avis essentiels : dabord une logique de partenariat et non pas de relation commerciale. Ensuite, la certitude davoir avec la France un partenaire fiable et constant, qui sinscrit dans la durée et a fait pour lui-même le choix de lindépendance technologique et politique.
Au-delà de ces trois piliers, je suis convaincu que nous pourrons rendre nos coopérations toujours plus dynamiques et nos liens toujours plus denses.
Je pense au secteur spatial. Notre coopération vient de sillustrer par le lancement du satellite franco-indien «Megha-Tropiques». Cest une magnifique réussite. Jespère que nous pourrons bientôt lancer dautres projets ambitieux pour les prochaines décennies.
Je pense aussi aux échanges universitaires. À vous, les jeunes ici rassemblés, je voudrais dire que la France vous attend. Parallèlement, nous allons inciter plus de jeunes Français à venir étudier en Inde.
En matière déchanges économiques et industriels, nous progressons vers lobjectif de 12 milliards deuros en 2012, mais nous pouvons faire mieux encore. La conclusion dun accord de libre échange équilibré et mutuellement profitable entre lUnion européenne et lInde serait un atout majeur.
Cette relation bilatérale dense et forte entre lInde et la France, nous devons la mettre au service de toute la communauté internationale. Nous en aurons loccasion dès le mois de novembre, avec la conférence de Durban sur le changement climatique et avec le sommet du G20 sur léconomie mondiale. Ce sera aussi le cas au Conseil de sécurité, et nous allons renforcer notre concertation en amont sur toutes les questions qui y sont traitées.
Mesdames, Messieurs,
«Il y a une responsabilité de lInde dans le destin du monde». Aujourdhui, à lheure de la mondialisation, du réveil des peuples arabes et du défi planétaire quest le développement durable, ces mots dAndré Malraux résonnent avec un écho particulier.
Je crois à lavenir de lInde et à la force du message quelle a à porter au monde. Je crois à la vocation de nos deux pays à unir leurs efforts au service dune humanité plus juste. Je crois à la grandeur de ce que nous pouvons construire ensemble.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2011
Cest pour moi un grand honneur de mexprimer aujourdhui devant vous. Je suis venu vous apporter un message de confiance.
Confiance en mon pays, qui se réforme en profondeur et agit plus que jamais en faveur de la paix et de la coopération internationale.
Confiance en votre pays, lInde, une grande puissance démocratique qui saffirme chaque jour davantage.
Confiance, enfin, dans ce que nos deux grandes nations peuvent faire ensemble si elles unissent leurs efforts au service de la sécurité, de la liberté et de la prospérité du monde.
La France se mobilise activement pour construire un monde plus sûr, plus stable et plus libre.
En Afghanistan, dabord, avec nos alliés et le peuple afghan, nous uvrons au transfert aux Afghans de la responsabilité de la sécurité de leur pays en 2014. Dix ans après la chute du régime criminel des talibans, Oussama Ben Laden est mort. Partout où la situation le permet, les troupes de la coalition se retirent et les forces de sécurité nationales afghanes prennent le relais.
Mais la situation reste dangereuse et le restera encore. Chacun sait que les Talibans bénéficient encore de complicités et de soutiens inacceptables hors dAfghanistan.
Cest pourquoi la France est déterminée à rester engagée dans la durée aux côtés du peuple afghan. À linstar de lInde, nous négocions un traité damitié et de coopération avec lAfghanistan. Nous proposons aussi que tous les pays voisins de lAfghanistan sengagent, dans un cadre régional soutenu par la communauté internationale, à respecter son indépendance et sa sécurité.
Dans le monde arabe, la France soutient sans réserve laspiration des peuples à la démocratie. Trop longtemps, on a opposé la liberté des peuples et la sécurité internationale. Trop longtemps, on a soutenu des dictatures comme rempart contre lislamisme.
Il ne sagit pas pour la France dexporter la démocratie par les armes. Ce sont les peuples arabes qui ont dit quils voulaient le changement. Il sagit pour la France de répondre aux attentes des peuples quand ils réclament, parfois au prix du sang, la démocratie. Il sagit aussi de la «responsabilité de protéger», entérinée par lONU en 2005.
Cest dans cet esprit que nous soutenons les transitions politiques en Tunisie et en Égypte. Cest aussi dans cet esprit que nous soutenons les réformes sages décidées par le Maroc et la Jordanie, et que nous avons mobilisé le G8 pour aider les pays en transition, avec des financements à hauteur de 40 milliards de dollars. Cest encore dans cet esprit quavec plusieurs pays arabes, nous avons soutenu militairement le peuple libyen face à Kadhafi, qui promettait de faire couler «des rivières de sang».
Aujourdhui, nous soutenons le peuple syrien dans sa quête de démocratie, en nous opposant à la répression féroce dont il est victime.
Sur la Libye, le Conseil national de transition a annoncé la mort de Kadhafi durant le siège de Syrte. Cela met un terme à 42 ans de tyrannie et de terreur. Les opérations militaires se termineront bientôt. Cela ouvre aussi un nouveau chapitre pour une Libye libre. La France et lInde sont toutes deux résolues à appuyer les efforts du Conseil national de transition, afin quil mette en place des institutions démocratiques stables et reconstruise le pays.
Reste la Syrie. Face aux crimes contre lhumanité perpétrés par le régime, la France demande que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités et sanctionne la répression sanglante. Jespère que nous trouverons bientôt un accord sur une action multilatérale qui puisse accroître la pression sur le régime syrien. Certains craignent que ce soit la porte ouverte à une action militaire unilatérale. Ce nest en aucune mesure notre intention. Lorsque la France et ses alliés agissent militairement, cest dans le strict respect du droit international.
Répondre aux attentes des peuples, cest aussi soutenir avec détermination la relance du processus de paix israélo-palestinien. Les aspirations des Palestiniens à un État ne sont pas moins légitimes que celles des autres peuples arabes à la liberté.
Après tant dannées de conflit, il est plus que temps de trouver le chemin de la paix. La France est plus que jamais engagée en faveur de la mise en uvre de la solution des deux États, vivant en paix et en sécurité dans des frontières sûres et reconnues. Il ny aura pas de paix juste et durable sans négociations entre les parties.
La France soutient les efforts du Quartet pour relancer les négociations. Les termes exposés dans sa dernière déclaration sont cohérents avec lapproche proposée par le président de la République à lAssemblée générale des Nations unies. Mais si ces efforts échouent à nouveau, nous devrons, tous ensemble, nous poser la question de la méthode. Une approche plus collective, impliquant davantage les membres du Conseil de sécurité, lUnion européenne et certains pays arabes, serait un atout pour la paix.
Mon pays comprend la demande légitime exprimée par le président Abbas de voir la Palestine reconnue au nombre des membres des Nations unies. Comme la indiqué le président de la République, une solution intermédiaire pourrait passer par la reconnaissance par lAssemblée générale des Nations unies du statut dÉtat observateur à la Palestine.
Enfin, la France est pleinement mobilisée sur la question iranienne. Comment imaginer que le Moyen-Orient, mais aussi lAsie du sud, seront durablement en sécurité et en paix si lIran poursuit ses projets de prolifération nucléaire, nés dune coopération avec le père de la bombe nucléaire pakistanaise Abdul Qadeer Khan ? Si nous laissons lIran poursuivre dans cette voie sans réagir avec fermeté, les risques de crise ouverte vont saccroître inexorablement.
Personne, ni lEurope, ni lInde, na intérêt à une crise militaire. Nous navons pas dautre choix quune attitude ferme et responsable fondée sur des sanctions croissantes.
La récente révélation selon laquelle lIran aurait fomenté un attentat contre lambassadeur dArabie saoudite aux États-Unis est un nouveau signe de mépris pour le droit international. Sil savère que les autorités iraniennes sont à lorigine dune telle opération, elles devront répondre de leurs actes devant la communauté internationale.
Agir pour la paix, cest aussi, pour la France, agir pour la croissance économique mondiale.
Léconomie internationale est aujourdhui profondément interdépendante. Les effets des crises économiques se répandent sur toute la planète. Après la crise financière de 2008, nous faisons face aujourdhui à une nouvelle crise, celle des dettes souveraines de nombreux États.
Cest la raison pour laquelle la France se mobilise pour permettre à lUnion européenne de surmonter la crise.
Je sais quici en Inde, certains considèrent avec scepticisme la vieille Europe. Quen est-il en vérité?
Dabord, lEurope est toujours la première puissance économique du monde et leuro sest imposé comme une des monnaies les plus fortes.
Bien sûr, la situation de la dette publique dans la zone euro est préoccupante, mais elle lest beaucoup moins quaux États-Unis ou au Japon. Bien sûr, la croissance y est plus faible que dans les pays émergents. Mais cette différence est naturelle. Elle est due pour une bonne part à un rattrapage progressif du niveau de développement.
Ceci posé, chacun doit faire ce quil a à faire chez lui. Les États-Unis doivent réduire leurs déficits budgétaires massifs. La Chine doit accroître sa demande intérieure. LInde doit poursuivre avec détermination sa modernisation et son ouverture internationale. En Europe, nous devons régler des problèmes de surendettement et de sous-compétitivité.
Pour remettre la zone euro sur la voie de la stabilité, le président Sarkozy et la chancelière Merkel ont pris linitiative. Au-delà des mouvements sur les marchés, il y a un sujet de fond qui est celui de lintégration économique de la zone euro.
Partager la même monnaie crée une très forte interdépendance, où le laxisme de lun met en cause la prospérité de tous. Cela implique de mettre en uvre des politiques économiques, budgétaires et fiscales convergentes.
Dabord, entre la France et lAllemagne. La France et lAllemagne travaillent activement à assurer la convergence de leurs deux économies. Le président et la chancelière ont ainsi fixé lobjectif de mettre en place un impôt commun sur les sociétés dici 2013.
Au-delà de ce travail bilatéral, la France et lAllemagne agissent de concert pour mettre en place le véritable gouvernement économique dont la zone euro a besoin, avec une coordination et une surveillance accrues des politiques économiques et budgétaires, et avec un projet de Fonds monétaire européen face aux risques de crises systémiques.
Les chefs dÉtat et de gouvernement européens se réuniront à brève échéance et prendront les décisions nécessaires. Ils adresseront ainsi un message de détermination et de confiance dans la solidité de la zone euro et de lUnion européenne toute entière. Cela permettra aux Européens daborder le prochain Sommet du G20, à Cannes, en ayant apporté toute leur contribution à la stabilisation de léconomie mondiale.
À Cannes, nous voulons répondre à la crise de confiance des marchés et au ralentissement de la croissance mondiale. Il nous faut envoyer un message fort dunité et de coopération économique.
Il nous faut montrer que nous soutenons la croissance mondiale et limitons la volatilité des marchés financiers. Il nous faut apporter la preuve que la consolidation budgétaire et la réduction de la dette ne doivent pas se faire au détriment de la croissance.
La réunion des ministres des Finances du G20, qui a eu lieu les 14 et 15 octobre à Paris, a permis de poser des jalons importants dans la perspective de ce sommet, avec la pleine participation de lInde.
- Sur la réponse à la crise, avec la préparation dun plan daction pour la croissance, ambitieux et précis ;
- Sur la régulation financière, avec un accord sur les limitations de positions en ce qui concerne les dérivés de matières premières ;
- Sur la réforme du système monétaire international, avec des accords sur la gestion des flux de capitaux, un plan daction sur le développement des marchés dobligations en monnaies locales, et les principes de coopération entre le Fonds monétaire international et les arrangements financiers régionaux ;
- Et enfin sur le développement, avec une discussion sur les financements innovants, notamment le projet de taxe sur les transactions financières, et avec une liste dune dizaine de projets prioritaires dinfrastructures sélectionnés.
Les pays du G20 représentent 85 % de léconomie mondiale. Si nous nous mettons daccord sur de nouveaux progrès pour la coopération économique et financière, cest le monde entier qui en sera le bénéficiaire. La Présidence française du G20 a mis sur la table des propositions ambitieuses. Nous sommes sur la bonne voie. Je peux vous dire que le Premier ministre Singh et le ministre des Finances Mukherjee ont fait part de la détermination de lInde à cet égard.
Agir pour la paix, cest enfin pour la France agir pour un monde plus équilibré et plus juste, fondé sur le dialogue entre les grandes puissances.
Chacun voit bien que face à des défis politiques et militaires qui nous concernent tous, la concertation entre toutes les grandes puissances du monde est indispensable.
Reconnaissons-le, entre les Occidentaux, la Russie et les émergents, il y a encore bien des différences dapproche. Elles nempêchent cependant pas le développement de relations bilatérales fortes et confiantes, comme celles que la France et lInde entretiennent à travers leur « partenariat stratégique».
La facilité, ce serait de garder lancien système, avec les cinq permanents du Conseil de sécurité et le G8 dun côté, et les «BRICS» ou les «IBSA» de lautre, qui se concertent en-dehors de cette enceinte. Ce serait une erreur politique et stratégique. Quand le monde change, il faut changer les institutions. Un monde juste, cest un monde où chacun est à sa juste place.
Cest la raison pour laquelle la France a proposé de créer le G20, où les grands émergents jouent désormais un rôle majeur à la hauteur de leur puissance économique croissante.
Cest aussi dans cet esprit que la France soutient lélargissement du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous soutenons notamment lattribution dun siège permanent pour lInde. Nous avons donc apporté notre appui à linitiative du G4, dont lInde fait partie.
Vous laurez compris, dans ce monde en plein bouleversement, la France et lInde doivent unir leurs efforts.
Le partenariat stratégique entre la France et lInde est pour nous un choix de raison.
Avec la fin de lère coloniale et la fondation de lInde moderne, nous avons vu une civilisation millénaire entrer de plain pied dans la modernité, sans jamais renier ses racines ni sa sagesse. Nous avons vu votre peuple ajouter lhumanisme et la démocratie à un riche héritage de langues, de religions et de traditions culturelles. Jamais lInde ne sest écartée de cette voie, malgré les guerres et malgré le terrorisme qui la frappe aujourdhui.
La France et lInde partagent les valeurs universelles de démocratie, de respect des droits de lHomme et de tolérance. Et comme lInde, la France entend rester elle-même et préserver son âme, la richesse de son identité, loriginalité de sa culture.
À lissue de mes entretiens avec les autorités indiennes, je crois pouvoir vous dire que nous sommes prêts pour franchir de nouvelles étapes dans nos relations.
Il y a dabord ce que nous appelons les « trois piliers « de notre partenariat stratégique : lutte contre le terrorisme, coopération nucléaire civile, relations de défense.
Sur le terrorisme, nous sommes en accord profond. La menace est toujours présente. Lattentat qui a encore frappé récemment votre capitale le montre. La lutte contre le terrorisme nest pas le combat dune civilisation contre une autre. Cest la lutte de la civilisation contre la barbarie. Nous allons donc renforcer notre coopération. Et nous demandons au Pakistan de tout mettre en uvre pour empêcher les terroristes de frapper depuis son territoire.
Sur le nucléaire civil, la France et lInde sont déterminées à continuer à travailler ensemble, car il demeurera pour longtemps un élément clef de lapprovisionnement énergétique. Le désastre de Fukushima au Japon ne remet pas en cause ce choix stratégique. Il nous conforte dans notre conviction que la sûreté nucléaire est un impératif absolu. Nous navions pas attendu Fukushima pour développer les réacteurs de dernière génération les plus sûrs du monde - qui sont ceux que nous proposons à lInde.
La France est également fière davoir été parmi les tout premiers pays qui ont soutenu la réforme des règles internationales en faveur dun accès de lInde aux technologies nucléaires.
Enfin sur la coopération de défense, nous progressons bien. Nos marines et nos forces aériennes sentraînent ensemble et se consultent régulièrement. Pour la première fois nous venons de mettre en place des exercices terrestres conjoints. En matière déquipements militaires, nous avons plusieurs grands projets en perspective, quil sagisse de laéronautique, des hélicoptères, des missiles, des armements terrestres ou navals. Bien sûr, il y a une compétition l??gitime. Dans cette compétition, la France propose à lInde deux éléments à mon avis essentiels : dabord une logique de partenariat et non pas de relation commerciale. Ensuite, la certitude davoir avec la France un partenaire fiable et constant, qui sinscrit dans la durée et a fait pour lui-même le choix de lindépendance technologique et politique.
Au-delà de ces trois piliers, je suis convaincu que nous pourrons rendre nos coopérations toujours plus dynamiques et nos liens toujours plus denses.
Je pense au secteur spatial. Notre coopération vient de sillustrer par le lancement du satellite franco-indien «Megha-Tropiques». Cest une magnifique réussite. Jespère que nous pourrons bientôt lancer dautres projets ambitieux pour les prochaines décennies.
Je pense aussi aux échanges universitaires. À vous, les jeunes ici rassemblés, je voudrais dire que la France vous attend. Parallèlement, nous allons inciter plus de jeunes Français à venir étudier en Inde.
En matière déchanges économiques et industriels, nous progressons vers lobjectif de 12 milliards deuros en 2012, mais nous pouvons faire mieux encore. La conclusion dun accord de libre échange équilibré et mutuellement profitable entre lUnion européenne et lInde serait un atout majeur.
Cette relation bilatérale dense et forte entre lInde et la France, nous devons la mettre au service de toute la communauté internationale. Nous en aurons loccasion dès le mois de novembre, avec la conférence de Durban sur le changement climatique et avec le sommet du G20 sur léconomie mondiale. Ce sera aussi le cas au Conseil de sécurité, et nous allons renforcer notre concertation en amont sur toutes les questions qui y sont traitées.
Mesdames, Messieurs,
«Il y a une responsabilité de lInde dans le destin du monde». Aujourdhui, à lheure de la mondialisation, du réveil des peuples arabes et du défi planétaire quest le développement durable, ces mots dAndré Malraux résonnent avec un écho particulier.
Je crois à lavenir de lInde et à la force du message quelle a à porter au monde. Je crois à la vocation de nos deux pays à unir leurs efforts au service dune humanité plus juste. Je crois à la grandeur de ce que nous pouvons construire ensemble.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2011