Texte intégral
Le projet de loi que j'ai présenté en conseil des ministres le 1er août dernier, et sur lequel vous m'auditionnez aujourd'hui, est l'aboutissement d'importants travaux d'évaluation et de débats avec les acteurs des produits de santé, en particulier dans le cadre des Assises du médicament. Je tiens à saluer également les contributions de grande qualité de chacune des missions parlementaires. Ce texte a été élaboré à la suite du drame du Mediator, pour qu'il y ait u avant et un après Mediator.
Ce projet de loi refonde le système de sécurité sanitaire des produits de santé pour concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique.
Cette réforme doit redonner confiance aux Français dans notre système du médicament. Pour la bonne compréhension de l'ensemble de la réforme, je vais donc aussi évoquer des mesures qui relèvent du domaine réglementaire, sur lesquelles j'ai déjà sollicité les services du ministère afin qu'elles soient concomitantes avec ce projet de loi. J'évoquerai également des questions d'organisation et de gouvernance, qui relèvent elles aussi de la bonne intelligence de la réforme.
1. Premier pilier de notre réforme, la lutte contre les conflits d'intérêt et la transparence des décisions.
Cela passe par deux voies : l'indépendance des experts et l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale.
L'indépendance des experts, d'abord. La lutte contre les conflits d'intérêt est notre priorité.
Tous les acteurs du domaine de la santé, les experts externes, internes ou les associations de patients, devront remplir, un formulaire unique de déclaration publique d'intérêts (DPI).
Chaque institution devra assumer ses responsabilités : elle disposera d'une cellule de déontologie pour gérer et contrôler les DPI des acteurs qu'elle sollicite. Toutes les DPI pourront être consultées sur une base de données publique.
L'ensemble de ces mesures seront mises en place par voie réglementaire.
Les règles de transparence doivent être strictement appliquées. Quand un expert présent dans une séance est concerné par un conflit d'intérêt, les décisions et les avis pris lors de cette séance doivent être frappés de nullité : cette obligation sera partie intégrante des règlements intérieurs des commissions. Ainsi les choses seront claires et sans ambiguïté.
La transparence totale, c'est aussi l'obligation, pour l'industrie pharmaceutique, de rendre publiques l'existence des conventions conclues avec les parties prenantes intervenant dans le champ de la santé, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients.
Cela concerne aussi les avantages en nature ou en espèce que l'industrie pharmaceutique leur procure, au-delà d'un certain seuil.
C'est la transposition du système américain du « Sunshine Act ». Chaque industriel aura la responsabilité de publier sur son site internet, en annexe de ses comptes, l'intégralité de ces informations.
Le non respect de ces obligations de déclaration sera sanctionné pénalement.
J'ai parlé de la lutte contre les conflits d'intérêt, j'en viens à la transparence des décisions et la collégialité des travaux des commissions de l'Agence du médicament.
Le projet de loi oblige à rendre publics les ordres du jour, ainsi que les comptes rendus assortis des détails et explications de vote, y compris les opinions minoritaires. Ces informations seront mises à disposition du public dans le respect tant du secret médical que du secret industriel et commercial.
La composition et le fonctionnement des commissions de l'agence seront définis par voie réglementaire sur les principes suivants : ouverture à la pluridisciplinarité, limitation du nombre de membres et de mandats.
Dominique Maraninchi, par ailleurs, est en train de refonder l'organisation de l'agence. Celle-ci verra ses moyens renforcés afin de pouvoir mieux répondre à ses missions.
La transparence des décisions, c'est aussi un système où chaque institution a sa place, avec des rôles et missions clairement définis, pour que le public s'y retrouve. C'est pourquoi il est indispensable que l'institution en charge de notre police du médicament soit clairement identifiée, et cela commence d'abord par son nom : l'Afssaps s'appellera désormais l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Le projet de loi dote l'agence d'un arsenal de sanctions proportionnées, réellement dissuasives, tel qu'un pouvoir de sanction administrative financière. Je serai particulièrement attentif à la mise en œuvre rapide de ce dispositif.
La transparence totale, c'est aussi que le financement de l'agence soit désormais directement assuré par les subventions de l'Etat, qui percevra les taxes et les redevances de l'industrie pharmaceutique. C'est une mesure incluse dans le projet de loi de finances pour 2012 et également dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 que vous examinerez prochainement.
2. Deuxième pilier de notre réforme, le doute doit bénéficier systématiquement au patient.
Cela vaut dès l'autorisation de mise sur le marché du médicament (AMM) et tout au long de sa vie. Il ne faut pas que le médicament soit juste un peu mieux que rien, il faut un réel bénéfice pour le patient.
C'est un combat que je mène au niveau européen : disposer, dès l'AMM, de données comparatives avec le médicament de référence s'il existe. J'ai déjà échangé sur ce point avec le commissaire européen John Dalli en février dernier, ainsi que lors de la réunion informelle des ministres européens de la santé en avril. Je l'ai bien vu, garantir la sécurité des patients, c'est un sujet de préoccupation pour tous nos partenaires.
J'ai à nouveau saisi M. Dalli dès la présentation de ce projet de loi en conseil des ministres, afin que la réflexion sur la prise en compte du critère de la valeur ajoutée thérapeutique pour l'octroi d'une AMM soit initiée au niveau européen.
En attendant, au plan national, nous allons adopter par voie réglementaire des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité : pour être remboursé, le produit devra démontrer qu'il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable.
Enfin, pour les médicaments présentant un Service Médical Rendu Insuffisant (SMRI), de nouvelles règles sont applicables : aucune prise en charge par la collectivité, donc pas de remboursement, sauf s'il y a un avis contraire du ministre, mais cet avis devra alors être motivé.
Par ailleurs, l'AMM ne sera plus scellée dans le marbre. Avec ce projet de loi, des études complémentaires d'efficacité et de sécurité pourront être exigées à tout moment, en cas de suspicion de modification du rapport bénéfice/risque, par les autorités sanitaires. En cas de non réalisation de ces études, l'AMM pourra être suspendue ou retirée et le titulaire de l'AMM pourra faire l'objet d'une sanction financière de l'agence.
Pour garantir efficacement la sécurité sanitaire, il faut pouvoir disposer de l'ensemble des informations relatives à la sécurité des produits. C'est pourquoi le projet de loi oblige les exploitants à informer l'agence de toute mesure d'interdiction, de restriction ou de modification du rapport bénéfice risque d'un médicament commercialisé dans un pays tiers.
Les prescriptions hors AMM, bien qu'indispensables dans certains cas comme ceux des maladies orphelines, doivent rester des situations réellement exceptionnelles : elles doivent être encadrées et leurs risques associés maîtrisés. C'est ce que propose le projet de loi : un encadrement par l'agence de l'utilisation hors AMM des médicaments sous la forme de recommandations temporaires d'utilisation. La prescription hors AMM pour perdre quelques kilos ne sera plus possible.
Les logiciels d'aide à la prescription seront là pour aider les professionnels de santé à distinguer les indications relevant de l'AMM et celles hors AMM. Ils pourront donc en informer leurs patients et le mentionner sur l'ordonnance.
En amont de l'AMM, l'évaluation des médicaments sera également mieux encadrée. Les patients, avec le dispositif proposé dans le projet de loi, bénéficieront de traitements mieux évalués parce que nous favoriserons l'octroi d'Autorisations temporaires d'utilisation (ATU) de cohorte.
Ils seront mieux surveillés et ce dispositif incitera à la réalisation d'essais cliniques sur le territoire national.
Les ATU nominatives continueront à être accessibles en sus des ATU de cohorte.
Il s'agit bien de sécuriser la chaîne des médicaments ne disposant pas d'AMM. Il s'agit bien également de favoriser la recherche en France.
Tout au long de sa vie, un médicament doit être suivi.
La notification des effets indésirables a été élargie.
Dorénavant, avec ce projet de loi, tout effet indésirable suspecté devra être notifié, et non plus seulement les effets indésirables graves ou inattendus. Chaque notification donnera lieu à un retour systématique de la suite donnée au signalement et la confidentialité des données sera respectée. Ces mesures seront mises en place par voie réglementaire.
Les patients et les associations agréées de patients ont maintenant une place reconnue dans le processus de notification des effets indésirables. Ils peuvent directement notifier tout effet indésirable suspecté d'être dû à un médicament, et cela depuis ce début d'année.
Les alertes ne pourront plus rester lettre morte : un dispositif de médiation sera mis en place au sein de chaque institution pour permettre un recours en cas de non traitement d'une demande ou d'un dossier.
S'agissant de l'évaluation, il faut un effort tout particulier sur le développement des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie. C'est dans ce sens que le projet de loi qui vous est présenté institue la réalisation d'études conjointement entre l'ANSM, la HAS, l'INVS et l'Assurance maladie. L'accès aux données de l'assurance maladie sera facilité, tout en étant strictement encadré.
Concernant la problématique spécifique des dispositifs médicaux, il me semble important d'accroître l'obligation d'évaluation des données cliniques et de pouvoir conditionner, à terme, la prise en charge de ces dispositifs médicaux à une évaluation positive de l'intérêt thérapeutique.
Il faut également encadrer la publicité sur les dispositifs médicaux.
Enfin, à l'instar de la pharmacovigilance, la vigilance sur les dispositifs médicaux, qu'on appelle la matériovigilance, doit aussi être améliorée et mieux coordonnée.
3. Troisième axe de cette réforme, des patients mieux informés et des professionnels de santé mieux formés et mieux informés.
Une information publique, indépendante et de qualité, cela passe par la création d'un portail public du médicament, qui devra regrouper les informations à la fois de l'ANSM, de la HAS et de l'Assurance maladie. Ce site internet, qui ne nécessite pas une intervention du législateur, sera mis en place dans les meilleurs délais, avec l'objectif de le rendre visible, lisible et compréhensible.
Pour être bien informé, le professionnel de santé doit avant tout être bien formé, et cela tout au long de sa vie de praticien. Il faut donc renforcer la connaissance du médicament et de la pharmacovigilance dans les formations initiales, mais également au cours de la formation continue. Ces réformes seront réalisées au niveau réglementaire, et je suis aussi prêt à en parler avec vous lors des débats parlementaires.
Pour les étudiants en médecine et en odontologie, qui sont les prescripteurs de demain, il faut une plus grande clarté des aides qui leur sont octroyées par les entreprises pharmaceutiques. En pratique, il est interdit aux entreprises de délivrer des avantages en nature ou en espèces aux étudiants. Néanmoins, la possibilité de subvention des thèses de recherche par les entreprises est maintenue.
Cette absence de liens directs, qui permettra d'éviter toute suspicion, nous devons aussi la retrouver dans le cadre de la formation continue. C'est pourquoi je souhaite que la formation continue des libéraux et des hospitaliers soit pour partie financée par un prélèvement provenant de l'industrie pharmaceutique. C'est une des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Avec ce nouveau cadre, les professionnels de santé pourront disposer d'une information publique, indépendante et de qualité.
L'information qui est faite aux prescripteurs par le biais de la publicité des entreprises pharmaceutiques doit être de qualité irréprochable, et ce, dès sa première diffusion. Voilà pourquoi je souhaite que nous puissions revoir les modalités de contrôle des publicités faites aux professionnels. 12/13 La visite médicale, telle qu'elle existe aujourd'hui, doit évoluer. S'il ne s'agit que de promotion, cela pose problème. Si cela peut être de l'information, cela se regarde.
C'est pourquoi, outre la concertation que j'ai lancée avec les représentants du secteur, le projet de loi instaure l'expérimentation de la visite médicale collective à l'hôpital. Si l'on commence par l'hôpital, c'est parce que c'est bien souvent l'hôpital qui donne la tendance de la prescription, et c'est à l'hôpital que s'initient beaucoup de traitements qui sont ensuite poursuivis en ville.
Il reste un point, et non des moindres, que je souhaite aborder maintenant : celui du pilotage de la politique du médicament.
Je souhaite la création d'un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire : il se réunira chaque semaine en comité opérationnel avec un représentant du ministre, et en comité stratégique tous les trimestres sous la présidence du ministre lui-même. Toutes les agences et les directions d'administration centrale concernées seront parties prenantes.
Je l'ai déjà dit, la responsabilité politique ne se partage pas, elle ne se délègue pas.
Vous le voyez, c'est une réforme d'ampleur. Elle doit s'accompagner de l'adoption d'un certain nombre de décrets et d'arrêtés, comme par exemple la gouvernance et le fonctionnement de l'ANSM, le système d'admission au remboursement des médicaments, ou bien de mesures d'organisation qui ne nécessitent pas de textes réglementaires.
Nous sommes, avec Nora Berra, particulièrement attentifs à la mise en œuvre effective de cette réforme. Dès à présent, je souhaite que l'on puisse prévoir, d'ici deux ou trois ans, une évaluation complète de cette réforme. Car ce texte n'est pas un texte comme les autres : il concerne la santé de nos concitoyens. Sous l'impulsion du Président de la République, nous avons voulu une réforme en profondeur, qui ait du sens, dans un seul et unique objectif, protéger le patient : la santé de chacun est l'affaire de tous.
Je vous remercie.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 septembre 2011