Déclaration de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, sur la réforme de l'Etat et ses implications pour la fonction publique et les fonctionnaires, Paris le 19 octobre 2011.

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Circonstance : 3èmes rencontres de la transformation publique : le management de l'innovation dans le secteur public, à Paris le 19 octobre 2011

Texte intégral

Madame la Directrice,
Mesdames et Messieurs,
C’est un réel plaisir pour moi que de revenir aujourd’hui à l’Ecole nationale d’Administration, quelques jours après avoir rencontré, dans ces mêmes murs, les élèves de votre Classe préparatoire intégrée. Je voudrais à ce titre féliciter une nouvelle fois les équipes de l’ENA, car je garde de cette rencontre un souvenir fort, celui de jeunes hommes et femmes qui m’ont dit à la fois leur vocation et leurs ambitions pour le service public. J’en garde également la conviction que lorsqu’elle franchit le cap des simples slogans, lorsqu’elle rejoint le concret, l’égalité des chances est porteuse de promesses, pas seulement pour ces quelques jeunes, mais bien pour l’ensemble de la société. Cette classe préparatoire, c’est un bel exemple d’une fonction publique en mouvement, qui sait faire corps avec les évolutions et les nouvelles aspirations de la société française.
Je veux remercier Eurogroup Consulting et l’Association des Anciens élèves de l’ENA qui, en partenariat avec la Direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP), ont permis d’organiser cette 3ème édition des Rencontres de la transformation publique.
Discuter, débattre, échanger les regards et partager les bonnes pratiques comme vous l’avez fait cet après-midi, c’est un exercice essentiel pour le service public, qui, je veux insister sur ce point, est tout sauf une organisation figée. Je l’évoquais à l’instant, notre société évolue, de nouvelles attentes et de nouveaux besoins apparaissent de manière continue et pour y répondre, le service public et la fonction publique se doivent également de changer, de bouger, de se réformer.
Vous avez choisi d’organiser vos débats autour d’un thème ambitieux, le management de l’innovation dans le secteur public, qui ne surprendra, il me semble, que ceux qui ont du service public une image caricaturale, celle d’administrations sclérosées, irréformables et donc largement inadaptées aux enjeux d’aujourd’hui.
La vérité, vous la connaissez pour en être des acteurs, c’est que la réforme de l’Etat, si longtemps ajournée, est désormais une réalité.
Depuis 4 ans, et conformément en cela au mandat reçu des Français, nous avons engagé un mouvement sans précédent de réorganisation de nos services publics. Des administrations ont fusionné pour donner corps à de nouvelles entités plus cohérentes. C’est le cas notamment de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP). Des réseaux ont été repensés pour tenir compte des nouveaux besoins comme des évolutions de la population, je pense à la carte judiciaire qui n’avait pas été mise à jour depuis plus de 50 ans. Des services ont été réorganisés pour plus de lisibilité et d’efficacité, c’est l’exemple des services de l’Etat à l’échelon territorial, désormais composés de directions régionales et départementales interministérielles, qui améliorent la lisibilité et l’efficacité du service public local.
Ces réformes, nous les avons menées avec une ambition, celle de développer, partout, la qualité du service rendu aux usagers tout en tenant compte du contexte budgétaire dans lequel nous nous trouvons. Celui-ci, vous le savez, restera durablement contraint pour nos finances publiques, et il impose, sous peine d’hypothéquer l’avenir, d’utiliser de manière optimale l’ensemble de nos ressources.
Cette ambition, c’est donc celle de regarder devant nous, d’identifier chacune des solutions innovantes qui nous permettront demain, de répondre toujours plus efficacement aux attentes de nos concitoyens.
Mesdames et Messieurs, cette ambition d’innover, c’est d’abord une méthode construite autour du dialogue et de l’ouverture aux regards extérieurs de nos services publics.
C’est le sens du travail mené en 2007 et 2008, sous l’autorité de mon prédécesseur, André SANTINI, autour du Livre Blanc sur l’avenir de la Fonction publique. Ces travaux, qui ont reposé sur une consultation nationale associant l’ensemble des acteurs du service public, agents comme usagers, nous ont également permis d’étudier et de tirer les conséquences des réformes intervenues ces dernières années chez nos principaux partenaires, confrontés pour la plupart d’entre eux à des enjeux très proches des nôtres.
Poursuivant cette logique nous avons souhaité donner la parole aux usagers par des initiatives telles que le lancement d’« ensemble simplifions », (www.ensemble-simplifions.fr), un site internet à vocation collaborative qui permet à chacun d’émettre des propositions pour la simplification de certaines démarches mais également de soutenir celles qui paraissaient les plus pertinentes.
Parallèlement, le Gouvernement a lancé en octobre 2009 le « challenge administration 2020 », initiative qui offre aux étudiants et aux fonctionnaires en formation dans les écoles du service public la possibilité d’imaginer et de défendre des projets novateurs de modernisation de l’Etat.
Cette démarche d’innovation, nous y avons également associé le secteur privé, en sollicitant les analyses de cabinets de consultants pour la préparation de certaines réformes, dans le cadre des marchés de la Direction générale de la modernisation de l’Etat, mais aussi en installant dans la durée un dialogue continu avec les responsables de grandes entreprises privées. C’est le principe du Comité des DRH public-privé, que j’ai réuni voici quelques semaines pour identifier les moyens de faire progresser, dans le secteur public, l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Sur ce point je veux être clair, je crois au dialogue entre le secteur public et le secteur privé parce que j’estime que nous avons chacun à apprendre de l’autre. Opposer, comme le font certains, public et privé, renvoyer chacun à sa culture et à ses méthodes, c’est faire le choix du dogmatisme et au final du statu quo. Il ne s’agit pas, en disant cela, de nier l’identité et la spécificité du service public. Nous avons nos différences et nous en garderons. Le service public ne peut pas obéir au critère de la rentabilité financière, ce n’est ni son rôle ni sa mission, mais il a, vis-à-vis de chacun de nos concitoyens un devoir d’efficacité.
J’ajouterai, pour être complet, que cette démarche d’innovation voit dans le dialogue social un prolongement naturel et un point de passage obligé. Je le dis d’autant plus volontiers à la veille des élections professionnelles, il n’est pas question d’imposer aux agents du service public des réformes pensées hors de nos administrations sans en passer par une phase, là aussi, de dialogue. A titre d’exemple, j’ai souhaité ouvrir avec les organisations syndicales une concertation sur le développement du télétravail dans la fonction publique. Le télétravail, c’est une chance, pour celui qui le souhaite, de travailler un à deux jours par semaine de son domicile et ainsi de mieux concilier son travail avec sa vie personnelle. L’accord de l’agent sera la règle et je souhaite que nous lui garantissions la possibilité de se rétracter. Pour autant, c’est une évidence, le télétravail ne se développera dans la fonction publique que si les agents eux-mêmes s’approprient cette réforme, ce qui implique d’y associer chacune de leurs organisations syndicales.
J’irai plus loin, car dans la modernisation de nos services publics, nous ne sommes pas contentés d’associer les fonctionnaires aux réformes, nous en avons fait des acteurs au sens fort du terme, en menant une politique globale visant à valoriser et à tirer parti de leur implication dans le service public.
Le principe sur lequel nous nous sommes appuyés est par ailleurs très simple : premier employeur de France, l’Etat dispose également, avec ses agents, du premier vivier d’idées et de propositions innovantes pour mieux répondre aux attentes de la société et développer la qualité du service public.
Je veux le dire ici et leur en rendre hommage. Ministre de la Fonction publique depuis désormais quelques mois, j’ai l’occasion, dans chacun de mes déplacements, de rencontrer des fonctionnaires engagés au quotidien au service de leur concitoyens, des agents qui se font, chacun, une haute idée de leur mission. Devenir fonctionnaire ce n’est pas un choix comme un autre, c’est faire le choix de servir et de placer sa carrière professionnelle sous le signe de valeurs au premier rang desquelles figure l’intérêt général.
Ces valeurs, l’adhésion qu’elles suscitent chez les agents et l’ambition que nourrit chaque fonctionnaire pour le service public sont autant d’atouts qu’il importe pour le Gouvernement de valoriser.
C’est dans cet esprit que nous avons engagé la réforme des mécanismes de rémunération de l’ensemble des fonctionnaires.
Notre premier objectif consistait à remettre de la clarté et de la justice dans un système devenu au fil des années parfaitement illisible et de surcroit largement inégalitaire, avec plus de 1800 primes, bonifications et avantages statutaires.
Au-delà des revalorisations permises en reversant aux agents la moitié des économies générées par le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux dans la fonction publique, nous avons également approfondi la prise en compte du mérite dans la rémunération des fonctionnaires.
La prime de fonctions et de résultat (PFR), qui porte sur les performances individuelles des agents, et dont les premiers versements sont intervenus à l’été 2009 pour la filière administrative, est désormais une réalité.
Ce nouvel outil de rémunération, nous l’avons complété par un second dispositif, d’intéressement collectif aux performances d’un service. Cette prime, c’est l’esprit d’équipe.
En fédérant les agents autour d’objectifs concrets et mesurables se répercutant sur la qualité du service rendu, la prime d’intéressement collectif est le modèle d’une réforme dont chacun, agent comme usager, doit sortir gagnant. C’est aussi, et je veux insister sur ce point, un outil de management puisque le montant sera le même, quel que soit le niveau de responsabilité exercé.
L’implication des agents dans le fonctionnement du service, nous l’avons également valorisée en remplaçant progressivement le système de la notation individuelle, trop impersonnel, par un véritable entretien professionnel annuel, mécanisme plus responsabilisant et mieux à même d’identifier les pistes de progression de chaque agent, et d’instaurer un véritable dialogue entre chaque agent et son responsable qui, c’est un point essentiel de la politique que nous menons, n’est plus seulement un chef de service mais bien un véritable manager de proximité.
Valoriser l’implication des agents, c’est enfin leur offrir de nouvelles opportunités de carrière, plus conformes à leurs attentes. C’est la levée des entraves statutaires à la mobilité professionnelle, offrir à chaque agent la possibilité de faire reconnaitre ses compétences et de construire sa carrière sur la base de ses aspirations. C’est également la mise en place d’une véritable politique de formation professionnelle, et je veux en cela saluer le travail réalisé par les plates-formes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines (PFRH), qui ont permis, non seulement de structurer notre réseau mais également de démultiplier ses capacités au profit des agents.
Mesdames et Messieurs, l’implication des agents dans le service public est un atout déterminant pour la fonction publique.
La démarche que nous avons suivie est donc une démarche globale, qui vise avant toute chose à stimuler l’émergence, le traitement et la mise en oeuvre d’idées innovantes proposées par l’ensemble des agents sur des thématiques variées.
L’innovation vient du terrain, à condition bien sûr de donner aux agents publics les moyens d’exprimer et de tester leurs idées. C’est tout le sens de la généralisation, vingt ans après, de l’initiative prise par le Ministère de la Défense qui, en créant le « Prix de l’Audace », entendait récompenser les propositions les plus innovantes de ses agents.
Après le Ministère de l’Intérieur et son prix « Intérieurêka », le Ministère de la Justice et les « prix initiatives Justice », le lancement, voici à peine quelques jours, du site Adm’Innov (www.adminnov.modernisation.gouv.fr) a marqué notre ferme volonté d’aller plus loin et d’enraciner la culture de l’innovation au coeur de nos administrations.
Ce site vise ainsi à offrir à tous les agents qui le souhaitent un espace où ils pourront proposer leurs idées innovantes et évaluer toutes celles qui auront été soumises. Notre objectif, c’est tout naturellement de mettre en oeuvre les meilleurs projets en les intégrant à notre programme des « 100 simplifications » mais, au-delà, de créer chez les agents une véritable communauté de l’innovation.
Enfin, nous mettrons en place, dans les prochaines semaines, un Club de l’innovation, qui rassemblera les acteurs et les décideurs publics les plus impliqués dans ce chantier. Sa mission consistera à faire émerger les grands chantiers de demain mais aussi à identifier les rapidement les propositions les plus innovantes pour y répondre.
Mesdames et Messieurs,
Ouvrir l’administration aux regards extérieurs et miser sur le potentiel de nos agents pour stimuler l’innovation dans le secteur public, tel est le sens de la politique conduite depuis désormais plus de quatre ans par le Gouvernement.
Je veux, avant de conclure, rendre une nouvelle fois hommage aux agents publics et à leurs encadrements intermédiaire et dirigeant. Si la Fonction publique peut se réformer, si le service public est en mesure de se moderniser, c’est d’abord le fait des fonctionnaires eux-mêmes, de leur compétence et de leur implication constante au service du public.
L’innovation est au coeur de notre politique car c’est par elle que nous pourrons, demain, répondre aux attentes de la société et assurer, toujours plus efficacement, un service public de qualité.
C’est par elle que se dessine le visage de la fonction publique de demain.
Une Fonction publique mieux organisée, concentrée sur ses missions, mieux rémunérée et prenant mieux en compte la construction du parcours individuel de chaque agent.
Une Fonction publique soucieuse du service rendu, efficace et efficiente.
Mais surtout, une Fonction publique au service des Français.
Je vous remercie.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 20 octobre 2011