Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à France Info le 2 novembre 2011, sur l'incendie des locaux du journal "Charlie Habdo", l'annonce de l'organisation par la Grèce d'un référendum sur l'accord européen du 26 octobre et la polémique au sujet des moyens mis en oeuvre dans la lutte contre le feu à La Réunion.

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Média : France Info

Texte intégral

MATHILDE MUNOS D’abord une réaction sur cet incendie et sur le site Internet de Charlie Hebdo piraté cette nuit par un groupe islamiste. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ceux qui font ça… Bon, je ne sais pas par qui ça a été piraté, il y aura une enquête ; je ne sais pas par qui le site de Charlie Hebdo a été attaqué, là aussi il y aura une enquête, mais ceux qui font ça se désignent eux-mêmes comme des ennemis de la démocratie. Attaquer un journal physiquement dans ses locaux et sur son site Internet, c’est se désigner comme un ennemi de la démocratie et je crois que – vous savez, c’est VOLTAIRE qui disait : « Je ne partage pas vos idées mais je ferai tout pour que vous puissiez les défendre ». Voilà, on n’est pas forcément lecteur de Charlie Hebdo mais si on attaque Charlie Hebdo, on doit être tous, tous ceux qui croient en la démocratie, unis pour dire que ce n’est pas acceptable et on ne laissera pas accepter.
 
MATHILDE MUNOS Et on peut tout dire dans un journal satirique puisque ce journal, Charlie Hebdo, s’est rebaptisé cette semaine Charia Hebdo ? Est-ce qu’il y a des limites à ne pas franchir ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Écoutez, c’est un autre débat. Il y a un droit de la presse et si on n’est pas content de ce qui est dit dans un journal, on attaque en justice mais on ne met pas une bombe de toute façon. Donc là, je veux dire la question ne se pose même pas en ces termes : on ne peut pas accepter d’entrer dans ce débat et de dire : « Ah oui, il y a eu une bombe mais peut-être qu’ils ont écrit des trucs, etc ». Je veux dire moi je refuse absolument d’entrer dans ce débat. On ne négocie pas le droit de la presse à coups de bombe. Ce n’est pas possible.
 
MATHILDE MUNOS Il y a quelques jours, on en a beaucoup parlé sur France Info, il y a une pièce de théâtre au Châtelet à Paris sur le visage du Christ qui a fait réagir violemment, là c’est des catholiques intégristes. Est-ce que vous sentez en ce moment une crispation des fondamentalistes plus importante actuellement ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui. Il y a en ce moment des tensions qui traversent la société d’une manière générale sur tous les sujets et qui peuvent amener à des réactions fortes. Mais je crois que c’est justement dans les périodes de crise, dans les périodes de tension qu’on doit chercher les voies du dialogue et redire avec force qu’on est dans un État de droit, que quand on n’est pas d’accord, quand on n’est pas content, on a des voies de droit pour l’exprimer et on n’est pas obligé de passer à des actions physiques rigoureuses.
 
MATHILDE MUNOS Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, le sommet du G20 s’ouvre demain à Cannes mais des réunions sont déjà prévues aujourd'hui. Il va beaucoup être question de ce référendum qui aura lieu en Grèce à la demande du Premier ministre, référendum sur l’accord conclu la semaine dernière au sommet de Bruxelles. Nicolas SARKOZY va rencontrer aujourd'hui Georges PAPANDRÉOU. Qu’est-ce que le président français va dire au Premier ministre grec ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Le président de la République l’a dit hier : chacun est bien libre d’organiser sa politique intérieure comme il le souhaite et le recours à un référendum relève de la responsabilité du choix d’une majorité politique. Il n’est pas question, si vous voulez, de contester ça. Simplement il y a un accord, un accord international, un accord européen auquel la Grèce est partie et cet accord-là vise à sauver la Grèce. Aujourd'hui s’il n’y avait pas cet accord, la Grèce ne peut plus fonctionner, la Grèce n’a plus de budget. Et je rappelle les termes de cet accord : il s’agit à la fois de prêts à la Grèce, de nouveaux prêts ; il s’agit d’une forme d’aide directe au sens où on abat une partie de la dette grecque – 50 % - et il s’agit en contrepartie de nouveaux efforts de la part des Grecs. C’est un tout, c’est vraiment un tout. Encore une fois, il relève des choix politiques grecs de savoir comment ils le mettent en oeuvre mais la mise en oeuvre est bien un tout : on ne peut pas prendre une partie et pas l’autre.
 
MATHILDE MUNOS Vous disiez qu’il ne s’agissait pas de contester le fait d’organiser un référendum mais avec tout ce que vous venez de dire juste derrière, on voit bien quand même que ça gêne la France et les autres pays européens, l’organisation de ce référendum.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je vais vous dire : c’est presque plus un problème de méthode et de calendrier. Encore une fois, chaque pays est bien libre de son organisation et le recours à un référendum est bien de la responsabilité de chaque majorité, de chaque gouvernement, mais c’est vrai que ça aurait été plus simple si on avait pu en parler peut-être en amont avec les Grecs et si les Grecs choisissant de faire un référendum avaient pu l’organiser plus vite par exemple. Et d’ailleurs…
 
MATHILDE MUNOS Décembre c’est beaucoup trop tard. Apparemment ce serait en décembre d’après les dernières informations.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Écoutez, c’est mieux – c’est mieux que janvier. Donc c’est une bonne nouvelle dans une nouvelle très surprenante qui elle-même n’en était pas une bonne, que l’annonce d’un référendum. Elle n’est pas une bonne. Encore une fois, moi je ne porte pas de jugement sur le fond ; c’est un problème de calendrier de mise en oeuvre.
 
MATHILDE MUNOS Mais ce n’est pas gênant de demander l’avis d’un peuple quand même.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non mais ce n’est pas gênant de demander l’avis d’un peuple. Je le redis : c’est un problème de principe. On ne pourra jamais dire que c’est gênant de demander l’avis d’un peuple mais il y a un accord européen qui engage tous les Européens et c’est un accord pour sauver la Grèce et c’est un accord auquel la Grèce est partie. Cet accord n’est pas imposé à la Grèce : il est négocié avec les Grecs pour sauver leur économie, pour qu’ils puissent continuer à avoir un budget, pour qu’ils puissent continuer à payer leurs fonctionnaires par exemple. Il est négocié avec eux. Et l’accord est un tout : on ne peut pas en prendre une partie et pas l’autre.
 
MATHILDE MUNOS Est-ce qu’on peut y voir aussi un lien avec le dernier référendum qui a été organisé en Europe ? C’était en 2005, c’était sur la constitution européenne et il avait été rejeté, ce référendum, par plusieurs pays notamment par la France. Est-ce que ça a laissé des traces ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je ne vois pas le rapport. Je ne pense pas que ça ait de rapport. MATHILDE MUNOS Peut-être qu’on est échaudé maintenant à l’idée d’organiser un référendum qui nous oblige après à tout recommencer, à repartir à zéro.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Si vous voulez, bon, le problème des référendums c’est la question. C’est comment vous posez la question, comment vient la question. On l’avait bien vu d’ailleurs au moment du référendum de 2005. Il y avait ce texte de constitution qui était très long, qui était très complexe, qui avait donné lieu à des débats sur tout. C'est-à-dire que dans les « non » au référendum, il y avait des choses très, très différentes et là, quelle est la question que les Grecs vont poser et dans quel calendrier ? En fait le plan grec, c’était un plan d’urgence et à l’intérieur d’un plan d’urgence on dit : « Tiens ! il y a une partie qui va être soumise à un référendum qui pourrait avoir lieu dans deux ou trois mois, finalement plutôt deux mois que trois » et c’est un problème en soi.
 
MATHILDE MUNOS Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, vous êtes ministre de l’??cologie. Un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO est en ce moment ravagé par un incendie, c’est sur l’île de La Réunion. Un premier Dash 8, c’est un avion bombardier d’eau, va arriver ce soir sur l’île pour aider les pompiers qui luttent contre cet incendie depuis huit jours. Pourquoi avoir attendu huit jours pour envoyer un Dash 8 ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET D’abord, ce feu est un vrai désastre. Il est un vrai désastre pas seulement à cause de l’ampleur de l’espace ravagé -à peu près 2 8000 hectares, la surface est fixée depuis trois jours environ – mais à cause du lieu. Ça se passe pour l’essentiel dans le coeur du parc de La Réunion, c'est-à-dire dans la partie la plus riche du parc de La Réunion. Après, il y a des moyens en place qui ont été mobilisés tout de suite et des moyens qui ont été envoyés de la métropole. Aujourd'hui ce sont plus de 800 personnes qui se battent contre le feu et auxquelles je veux rendre hommage, 800 dont 420 qui viennent de la métropole. Ce que disent les experts de la sécurité civile – moi je ne suis pas experte de la sécurité civile – c’est que dans la phase d’attaque du feu, pour l’essentiel ça se passe au sol et avec des hélicoptères qui peuvent être très précis. Et ils disaient eux-mêmes que dans cette phase d’attaque, les Dash 8, ces fameux avions, n’avaient pas toute la pertinence qu’on leur prête.
 
MATHILDE MUNOS Mais l’an dernier sur ce même lieu, pour un autre incendie, le Dash 8 était venu beaucoup plus tôt.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non. Le Dash 8 l’année dernière a été utilisé exactement de la même façon.
 
MATHILDE MUNOS Au bout de six jours au lieu de huit.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui mais il a été utilisé exactement de la même façon comme il va l’être – comme il va l’être une fois que le feu est fixé et qu’il s’agit de le réduire. Le problème si vous voulez, c’est une géographie très, très accidentée qui fait qu’on est obligé de travailler au sol dans des conditions qui sont extrêmement pénibles pour les personnes qui le font et qui ont une part de grande dangerosité et il faut le faire au sol. Et on va faire cette année ce qu’on avait dû faire malheureusement déjà en 2010, qui est d’abord de circonscrire le feu par le sol et puis ensuite de l’attaquer en effet avec des bombardiers d’eau. Ça va être fait de la même manière qu’en 2010.
 
MATHILDE MUNOS Et pourquoi ne pas laisser un bombardier d’eau tout le temps sur place à La Réunion ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Parce que j’imagine – encore une fois, moi je ne suis pas experte de la sécurité civile. La question si vous voulez de l’attaque du feu et de l’extinction du feu est gérée au ministère de l’Intérieur et j’imagine qu’il a été jugé plus utile notamment pendant les mois d’été de les avoir sur la côte méditerranéenne. Une chose : autant je ne suis pas experte de la partie sécurité civile et du feu, autant il relève de mon ministère la restauration de ce parc une fois que le feu a eu lieu malheureusement. Je vais annoncer tout de suite sans attendre une expertise sur les mesures de restauration à prendre. J’ai une grande inquiétude qui porte sur les espèces envahissantes. Un des problèmes quand il y a le feu dans une région comme celle-là, c’est que ce sont des espèces endémiques, des espèces spécifiques à la région qui sont fragiles, qui sont très particulières, qui disparaissent et derrière il y a un risque à ce qu’elles soient remplacées par des espèces envahissantes qui ont beaucoup moins de qualité, beaucoup moins d’intérêt du point de vue environnemental. C’est contre ça maintenant que nous allons devoir lutter.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 3 novembre 2011