Interview de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, dans "Libération" le 18 octobre 2011, sur les réformes engagées dans la fonction publique comme la lutte contre la précarité, la santé et la sécurité au travail et sur les enjeux des élections professionnelles.

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Texte intégral

1/ Dans les grandes lignes, en quoi consiste le projet de loi pour lutter contre la précarité et les discriminations dans la fonction publique ?
Le projet de loi que j’ai présenté le 7 septembre dernier en Conseil des Ministres est d’abord la concrétisation d’un engagement pris en janvier 2010 par le Président de la République en direction de l’ensemble des contractuels de la Fonction publique. Il s’agissait de mettre fin aux situations de précarité, parfois extrêmement choquantes, de certains agents publics dont le CDD se voyait artificiellement, et pour tout dire, abusivement reconduit alors que leur emploi répondait à un besoin permanent du service public.
Au terme d’un processus de négociation, nous sommes tombés d’accord avec les organisations syndicales pour inscrire dans la loi un principe simple : tout agent en CDD, occupant depuis 6 ans un emploi répondant à un besoin permanent de son service se verra dorénavant proposer automatiquement un CDI.
A la différence de ce que nous avons connu par le passé, ces grands plans de titularisations qui ne visaient qu’à réduire à un instant précis le nombre de contractuels présents dans nos administrations, ce projet de loi viendra poser pour l’avenir des mécanismes durables de lutte contre la précarité.
Au-delà, ce texte ouvrira aux agents contractuels qui le souhaitent des perspectives de titularisation avec l’ouverture de concours réservés sur une période de 4 ans. Il ne s’agit pas de remettre en cause la place du contrat dans nos administrations, mais de mieux encadrer le recours aux agents non titulaires en définissant les conditions de durée et les termes du renouvellement de leurs contrats.
Enfin, j’attends du débat parlementaire qu’il nous permette d’avancer sur la question des discriminations et notamment de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Si nous voulons que ses interventions soient comprises et acceptées de tous, la fonction publique doit être à l’image de la population qu’elle sert.
2/ Quelles avancées pour la santé et la sécurité au travail ?
En 2009, nous avons signé avec les organisations syndicales un accord inédit, tant par son caractère novateur, il s’agit du premier accord relatif à l’amélioration des conditions de travail dans la fonction publique, que par le caractère consensuel dont il a fait l’objet.
Avec cet accord, nous avons développé une véritable culture de la prévention des risques. Celle-ci passe par des actions de formation, ainsi que par l’élaboration d’outils permettant de s’assurer du respect du nombre de visites médicales auquel a droit chaque agent. Une attention toute particulière a également été portée à l’évaluation et à la prévention des risques psychosociaux. Pour la première fois, il a été prévu de définir un plan d’action national de lutte contre ces risques et d’ici la fin de l’année, j’organiserai un bilan d’étape de la mise en œuvre de ces accords.
3/ Le 20 octobre prochain sera un temps fort pour le dialogue social dans la fonction publique : Quels sont précisément les enjeux ?
Le 20 octobre sera un rendez-vous majeur pour notre démocratie sociale, mais ce sera aussi une grande première. Pour la première fois, ce sont plus de 3 000 000 agents, titulaires et contractuels, qui seront appelés, le même jour, à désigner leurs représentants au sein de quelques 5 700 commissions ou comités de concertation et de dialogue.
Autre nouveauté et conformément aux accords de Bercy, la légitimité des syndicats cessera de reposer sur une simple présomption pour ne plus s’appuyer que sur l’élection. C’est un changement qui déterminera la représentativité des syndicats au sein des instances, leur capacité à négocier et l’attribution des moyens humains et financiers dont ils disposeront.
Enfin, nous ouvrirons aux instances issues de ces élections de nouveaux champs de négociation. Nous dialoguerons plus et nous dialoguerons mieux, c’est essentiel pour la vitalité de notre démocratie sociale surtout en cette période de réformes. C’est pourquoi je veux appeler chacun à se mobiliser, pour faire de ce rendez-vous un succès.
4/ A l’heure actuelle, quel bilan tirer du projet de modernisation de la fonction publique ?
L’ambition en 2007 était forte : moderniser la fonction publique et faire de nos services publics des atouts pour la France. Conformément aux engagements pris par le Président de la République et sur la base du Livre blanc consacré à l’avenir de la fonction publique, nous avons entrepris de profondes réformes destinées à mieux recruter, mieux gérer et mieux rémunérer l’ensemble des agents de la fonction publique.
Les ambitions d’hier ont depuis été traduites en actes. Les concours ont été réformés et, là où ils se focalisaient sur les strictes connaissances académiques des candidats, ils donnent désormais toute leur place aux compétences et aptitudes professionnelles de chacun. La mobilité professionnelle a été encouragée, et la loi du 6 août 2009 a ouvert à l’ensemble des fonctionnaires la possibilité de construire leur propre parcours professionnel et de mieux faire reconnaitre leurs compétences. De nouveaux outils de rémunération ont été mis en place pour prendre en compte les résultats obtenus par chaque agent, que ce soit au plan individuel ou collectif. C’est à mon sens l’exemple même d’une réforme dont chacun sort gagnant, les agents, qui voient leur rémunération augmenter, et les usagers, qui accèdent ainsi à un service public dont la qualité se trouve renforcée.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 9 novembre 2011