Interview de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, dans "L'informateur Corse nouvelle" le 28 octobre 2011, sur la réforme de l'Etat et les efforts à faire par les collectivités locales pour la réduction de leurs dépenses.

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Média : L'Informateur Corse nouvelle

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- Monsieur le Ministre, votre nouvelle visite dans notre Ile, un peu plus de deux mois après votre séjour en Corse du Sud, se situe dans un climat social qui s’est dégradé. La Corse compte, en effet, 13 000 chômeurs soit 7 % de plus qu’en août 2010 contre 2,3 % sur le Continent.
Dans ces conditions, estimez-vous pouvoir redynamiser le moral des fonctionnaires et leur redonner confiance en l’avenir alors que leurs syndicats demeurent hostiles à la révision générale des politiques publiques prévoyant notamment le non remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la Fonction Publique ?
La révision générale des politiques publiques, c’est d’abord l’ambition de moderniser nos services publics et de les adapter aux nouvelles attentes de nos concitoyens, en les réorganisant pour plus d’efficacité tout en simplifiant les relations avec les usagers.
C’est également, et je veux insister sur ce point, un modèle de réforme dont chacun sort gagnant. Le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux dans la fonction publique, résulte d’un engagement pris devant les Français par le Président de la République lors de sa campagne, c’est une mesure nécessaire pour mieux contrôler l’évolution de nos dépenses publiques. C’est aussi, et je veux insister sur ce point, un moyen de revaloriser les rémunérations des fonctionnaires puisque 50 % des économies générées leur ont été reversées sous forme de revalorisation de grilles indiciaires ou de primes.
- Quel discours tiendrez-vous à l’égard des étudiants de l’Institut Régional d’Administration de Bastia ?
Je vais d’abord les féliciter, car intégrer un IRA c’est réussir un concours à la fois difficile et exigeant. Je leur dirai également qu’ils se sont engagés dans une voie exigeante. Devenir fonctionnaire, c’est faire le choix de servir l’État et à travers lui l’ensemble de nos concitoyens. Ce n’est pas un choix comme un autre, c’est un choix qui doit être reconnu.
C’est tout le sens de la réforme du statut des attachés d’administration qui vient d’être publiée la semaine dernière au Journal officiel. Avec ce texte qui crée le premier corps interministériel à gestion ministériel de l’État, leur carrière sera plus mobile et leur rémunération pourra atteindre la hors échelle A.
J’ai tenu à venir à leur rencontre, car en tant qu’étudiants de l’IRA, ils incarnent l’avenir de notre Fonction publique ; au terme de leur année de formation, ils en constitueront la colonne vertébrale. J’espère donc que nous aurons aussi l’occasion d’échanger autour du service public de demain.
- En août dernier, lors de votre visite à Ajaccio, vous aviez pris l’engagement, vis-à-vis des syndicats, de répondre favorablement à la réévaluation de la prime d’insularité pour les fonctionnaires. Le taux de cette augmentation a-t-il été fixé ? Sinon quel pourrait être son montant ?
J’avais pris l’engagement d’ouvrir une discussion sur ce point, c’est ce que j’ai fait et c’est précisément la raison pour laquelle j’ai reçu, à leur demande, voici quelques jours à Paris, MM. Sauveur Gandolfi-Scheit et Camille de Rocca Serra. A l’occasion de mon déplacement à Bastia, la semaine prochaine, j’indiquerai aux représentants des fonctionnaires corses les mesures qui pourraient être prises par le Gouvernement sur ce sujet.
- A Bastia, vous serez accueilli par celui qui en est son premier magistrat, depuis vingt-deux ans, Emile Zuccarelli l’un des principaux leaders de la gauche en Corse. Il fut, lui aussi, Ministre de la Fonction Publique entre juillet 1997 et mars 2000 dans le gouvernement de Lionel Jospin. Pensez-vous que cette rencontre puisse favoriser un dialogue constructif au-delà de vos divergences politiques et de votre différence de génération ?
L’expérience d’Emile Zuccarelli dans le domaine de la fonction publique est indéniable. Il a exercé les mêmes fonctions que moi, nous aurons donc beaucoup de choses à nous dire, même si les défis auxquels nous faisons face ont bien changé depuis 10 ans.
Nous sommes tous deux des républicains et parce qu’il s’agit de l’avenir de notre pays, il est de l’intérêt de tous, que les responsables politiques dialoguent entre eux, quelles que soient par ailleurs leurs affinités politiques.
- Dès votre entrée en fonction, fin juin 2011, au Ministère de la Fonction Publique, vous avez mis l’accent sur les principaux chantiers que vous entendez mettre en œuvre. Parmi ceux-ci l’égalité professionnelle homme femme. A ce sujet, vous rappeliez, que seulement 20 % des femmes, dans la Fonction Publique de l’État, accédaient à des postes d’encadrement et de direction. Qu’avez-vous prévu afin de mettre un terme à cette injustice ?
L’État, 1er employeur de France, a un devoir d’exemplarité. Pourtant, et alors qu’elles représentent 60 % des effectifs de la fonction publique, les femmes n’occupent aujourd’hui que 10 %, quand ce n’est pas moins, des postes à responsabilité. Cela doit changer et je veux être le ministre qui fera avancer la question de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. J’ouvrirai prochainement un cycle de négociations avec les syndicats pour fixer, ensemble, les mesures à prendre.
- Alors que le gouvernement s’efforce de réduire l’endettement national en s’appuyant, notamment, sur la révision générale des politiques publiques, les collectivités territoriales, pour leur part, en vertu de la décentralisation, poursuivent leur politique d’embauche. Selon vos propres chiffres, 500 000 postes auraient été ainsi créés en l’espace de dix ans. Est-ce cohérent ?
La situation de notre pays implique une mobilisation générale de l’ensemble des collectivités publiques, les collectivités territoriales ne peuvent s’en exempter.
Depuis 1998, les collectivités ont créé plus de 500 000 postes de fonctionnaires territoriaux dont plus de 100 000 non titulaires. Soyons clair, si certaines embauches sont justifiées, notamment du fait de la décentralisation et des transferts de compétences, toutes ne le sont pas. En effet, les emplois transférés par l’État dans le cadre de la décentralisation peuvent être estimés à 117 000. Ils expliquent moins d’un quart de la hausse. Hors décentralisation, l’augmentation des effectifs en 10 ans est donc de près de 400 000 agents, soit en moyenne 40 000 emplois par an.
En tant que Président de conseil général, j’ai moi-même lancé une révision générale de nos politiques, car nous ne pouvons tout pas simplement pas continuer de financer notre quotidien avec des dettes dont s’acquitteront demain nos enfants.
- Finalement, c’est François Hollande qui défendra les couleurs du Parti Socialiste aux présidentielles de mai 2012. Alors quid du Centre ? A Bastia, les représentants de la droite ne manqueront pas de vous interroger à ce propos. Y aura-t-il, en mai 2012, un candidat du Centre parmi les prétendants à l’Elysée sachant que le Président du Nouveau Centre, Hervé Morin, n’a pas caché son souhait de se présenter alors que, de son côté, Jean-Louis Borloo a jeté l’éponge ?
Le parti socialiste a choisi son candidat, c’est son droit, pour autant nous n’avons pas à se laisser imposer leur calendrier. L’élection présidentielle aura lieu dans 6 mois, 6 mois qui devront d’abord être utiles à la France et aux Français. Nous ne connaissons pas aujourd’hui le contexte, notamment économique, dans lequel se déroulera l’élection. Or, c’est précisément de ce contexte que doit découler notre positionnement. Le temps du débat sur l’opportunité d’une candidature centriste viendra. Nous avons entrepris il y a presque un an de créer l’Alliance républicaine, écologiste et sociale avec Jean-Louis BORLOO, Hervé MORIN, Jean-Marie BOCKEL et Hervé de CHARETTE. L’élection présidentielle n’est qu’une étape dans la construction de l’Alliance avant celle déterminante des élections législatives. Pour peser dans le paysage politique, nous devrons être en mesure d’avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale en juin prochain. Hervé MORIN exprime le souhait d’être candidat à l’élection présidentielle, si c’est sa décision, je la respecterai, mais je m’interroge aujourd’hui sur l’opportunité d’une candidature qui ne serait qu’un témoignage et qui risquerait d’annihiler notre travail de rassemblement des centres.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 9 novembre 2011