Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi de finances de l'action extérieure de l'Etat, à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2011.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Juppé - Ministre des affaires étrangères et européennes

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur spécial,
Madame et Messieurs les Rapporteurs pour avis,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Avant de répondre aux différents orateurs, que je tiens à remercier pour l'attention qu'ils ont portée à l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », je souhaite rappeler très brièvement le contexte dans lequel s'est déroulée la préparation de ces crédits.
Les crédits pour l'année 2012 s'inscrivent, je n'y reviens pas car les rapporteurs l'ont dit, dans un triennium budgétaire qui ne permettait par nature que des évolutions mesurées au regard de celles définies par la loi de programmation. Ce cadrage pluriannuel, contraignant, n'en est pas moins nécessaire dans un contexte où la trajectoire de nos finances publiques ne peut s'accommoder de revirements incessants.
Je tiens plutôt à souligner la responsabilité qui - dans les troubles financiers auquel notre pays, comme l'ensemble de la zone euro, fait face - nous incombe collectivement. L'économie mondiale traverse, depuis près de trois ans, une crise d'une extrême gravité, inédite depuis celle qui a marqué l'entre-deux-guerres. À une crise financière d'une grande violence succède désormais une crise de l'endettement, qui affecte durement la confiance et se traduit par une révision des perspectives de croissance, avec les conséquences que chacun connaît sur l'équilibre de nos finances publiques.
Dans ce contexte que je n'hésite pas à qualifier de chaotique, je tiens à redire ma conviction que la solution aux défis auxquels nous sommes confrontés passe par des efforts collectifs au niveau européen comme au niveau national. Tirant les conséquences de la révision des hypothèses de croissance pour 2012, le Premier ministre a annoncé hier un nouveau plan d'économies de 18,6 milliards d'euros sur 2012 et 2013, dont 7 milliards au titre de 2012. En complément de ce que l'on a appelé le « coup de rabot » d'un milliard d'euros sur les dépenses 2012, auquel ce ministère doit contribuer à hauteur de 13 millions d'euros, le nouveau plan comprend 500 millions d'euros d'économies nouvelles, dont les modalités de répartition entre les ministères n'ont pas encore été établies.
C'est un effort important, qui illustre bien la détermination du gouvernement à prendre les mesures qui s'imposent pour garantir que nos finances publiques demeurent soutenables.
Lorsque j'ai pris mes fonctions au Quai d'Orsay au mois de février 2011, la situation n'était pas celle que nous connaissons aujourd'hui ; elle n'en était pas moins déjà marquée par une forte contrainte budgétaire. J'ai ainsi indiqué d'emblée que je n'avais pas de baguette magique, mais que je m'attacherais à défendre au mieux les moyens de notre outil diplomatique.
Cette question des moyens de notre action extérieure me tient en effet, vous le savez, particulièrement à cœur. Je considère qu'elle est par nature solidaire des objectifs politiques que poursuit notre diplomatie, et j'ai d'ailleurs constaté, devant la commission des Affaires étrangères de votre assemblée comme devant celle du Sénat, combien cette préoccupation était partagée par le Parlement et transcendait les clivages politiques.
À de nombreuses reprises au cours des dernières années, j'ai eu l'occasion d'indiquer les raisons pour lesquelles notre outil diplomatique doit se voir garantir des moyens à la hauteur des ambitions de notre pays dans le monde. J'observe avec satisfaction que l'un des textes que j'ai cosignés avec Hubert Védrine me vaut une popularité extrême dans cette assemblée. Jamais je n'ai entendu citer aussi souvent un modeste papier publié dans la presse nationale.
Cette position, je l'ai défendue lors des travaux du Livre blanc consacré à notre politique étrangère ; je l'ai évidemment maintenue lorsque ce ministère s'est trouvé en butte à des critiques, voire à des attaques, qui ont injustement altéré la confiance de notre pays dans l'efficacité de son outil diplomatique.
Certains d'entre vous m'ont rappelé, au cours des dernières semaines, que la fragilisation de notre outil diplomatique n'était pas nouvelle, qu'elle résultait d'une longue décroissance des moyens humains et budgétaires dédiés à notre action diplomatique. J'ai moi-même partagé, je le rappelle, ce diagnostic avec Hubert Védrine. En réponse à M. Vauzelle ; je voudrais d'ailleurs souligner, malgré toute l'amitié et la considération que j'ai pour Hubert Védrine, et sans enfreindre les règles de cette amitié, qu'il a lui-même été ministre des Affaires étrangères pendant cinq ans dans le gouvernement de M. Jospin, et que la décroissance des crédits et des effectifs du ministère des Affaires étrangères a commencé il y a quinze ans. Il est donc aussi bien placé que moi pour porter ce diagnostic. Et je serais tenté de dire à M. Vauzelle, à la lumière de ce petit rappel historique : pas vous, pas ça !
Cette rigueur, je l'ai dit, est manifeste lorsqu'on se penche sur l'évolution des emplois de ce ministère : ils ont diminué de 20% en quinze ans - en quinze ans, Monsieur Loncle ; et pas depuis 2007 - alors que, durant la même période, les effectifs des ministères civils de l'État ont augmenté de 5%. Il est donc vrai que le ministère des Affaires étrangères a été particulièrement touché sur cette longue période.
C'est tout aussi vrai s'agissant de nos moyens de fonctionnement, qui ont enregistré une baisse corrélative.
Légitime dans son principe, la contribution de ce ministère à l'effort d'assainissement de nos finances publiques s'est toutefois avérée d'autant plus douloureuse que les attentes formulées à son égard n'ont cessé de s'accroître.
Alors que notre réseau se redéploie en permanence pour s'adapter aux évolutions du monde, alors que la croissance des communautés françaises à l'étranger accroît chaque année les attentes de nos compatriotes, il a fallu que ce ministère fasse preuve de toujours plus d'inventivité pour affronter des défis croissants avec des dotations en diminution.
Je veux rendre ici hommage aux personnels du ministère des Affaires étrangères et européennes, à nos diplomates, et à tous ceux qui les entourent, car ils ont été capables de faire des progrès de productivité exceptionnels. J'en donnerai un seul exemple : à Shanghai, un agent du consulat de France délivre 7 000 visas par an, alors que la moyenne européenne est de 4 000 seulement. Je salue donc cette efficacité. Cela présente par ailleurs un certain nombre d'inconvénients, je le reconnais bien volontiers.
Je voudrais maintenant répondre plus précisément à l'intervention de M. le rapporteur spécial de la commission des Finances pour les crédits de la mission.
Monsieur Mancel, je vous remercie pour votre rapport qui, s'il fait part de certaines inquiétudes auxquelles je tiens à répondre, n'en salue pas moins les efforts très importants accomplis par ce ministère pour moderniser et rationaliser son action.
S'agissant des grands équilibres qui caractérisent les crédits de la mission pour 2012, je sais que votre commission a exprimé certaines inquiétudes quant à la révision à la baisse - en raison d'un effet «volume» comme d'un effet «change» - des crédits prévus pour les opérations de maintien de la paix et les contributions internationales. Je tiens à vous donner sur ce point les éclaircissements nécessaires, cette révision ne relevant pas d'un quelconque pari sur l'avenir mais bien d'une programmation sincère de nos besoins.
Nous avons engagé la préparation de ce projet de loi de finances autour d'un double objectif, apparemment contradictoire : renforcer notre outil diplomatique tout en contribuant à l'effort collectif. Bien que délicate, cette équation a pu être résolue à la faveur d'économies de constatation que nous avons redéployées sous les plafonds prévus dans le cadre du plan triennal 2011-2013, nos crédits respectant ainsi la discipline budgétaire et les engagements de réduction des dépenses pris dans le cadre de la RGPP.
Si l'année 2012 doit ainsi permettre d'amorcer une correction de trajectoire s'agissant des moyens de notre diplomatie, c'est dans un cadre dont je souhaite rappeler le caractère tout à fait responsable.
Je précise que l'évolution favorable de nos contributions obligatoires recouvre plusieurs évolutions.
Tout d'abord, la baisse, de l'ordre de 65 millions d'euros, du budget des opérations de maintien de la paix tient en grande partie à la fermeture de la MINURCAT, la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, en 2011 : cela représente une économie de 40 millions d'euros qui n'était pas prévue au moment du triennal.
Cette évolution favorable procède également de la diminution des besoins pour d'autres opérations et d'une hypothèse de change dollar-euro plus favorable en 2012 : 1,40 dollar pour un euro contre 1,35. Sur ce point et puisque la question m'a été posée à diverses reprises, j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un choix du ministère des Affaires étrangères et européennes mais de l'hypothèse retenue pour l'ensemble du projet de loi de finances. Si les conditions de marché le permettent, nous veillerons évidemment - en 2012 comme en 2011 - à sécuriser ce taux de change en achetant à terme des dollars.
Enfin, ce solde prend en compte une hausse d'environ 25 millions d'euros des contributions au budget des organisations internationales et de la justice internationale. Le budget triennal était sous-calibré sur ce point, et nous devons faire face - vous l'avez rappelé, Monsieur Marcel - à des dépenses exceptionnelles non anticipées, par exemple la rénovation du siège de la Cour pénale internationale. Ce budget 2012 des contributions ne se limite donc pas à prendre en compte des dépenses à la baisse ; il incorpore évidemment l'évolution à la hausse de certains postes.
Comme le souligne votre rapport, au total, l'enveloppe des contributions obligatoires représente désormais à elle seule 40%, hors dépenses de personnel, des crédits de la mission «Action extérieure de l'État».
Je ne peux évidemment que partager l'analyse de votre rapport selon laquelle nous ne sommes jamais à l'abri d'une évolution des opérations de maintien de la paix qui rendrait ce budget insuffisant. Mais je veux rappeler que la règle constante, et partagée avec le ministère du Budget, veut que nous ne provisionnions pas d'opérations nouvelles.
À ce même sujet, je tiens à réagir à votre proposition de création d'un programme budgétaire dédié aux contributions internationales et opérations de maintien de la paix. Vous le savez, nous sommes favorables à cette idée qui n'a jusqu'à présent pas fait l'objet d'un consensus avec le ministère du budget. Elle aura néanmoins vocation à être réexaminée lors de la préparation du prochain budget triennal.
Je retiens également de vos conclusions sur le pilotage d'ensemble des crédits du ministère un intérêt marqué pour la question des effectifs et de la masse salariale qui y est associée.
Pour ce qui concerne la masse salariale, votre rapport relève à juste titre une progression de ses crédits. Une part importante des économies constatées en 2012 a en effet été redéployée au profit de ce poste : essentiellement lié à la couverture de l'effet change-prix, cet effort représente 17 millions d'euros pour la seule mission «Action extérieure de l'État».
Je précise néanmoins que nous respectons strictement nos plafonds de masse salariale, hors effets change-prix qui sont financés en exécution de la loi de finances et pris en compte avec un décalage de deux ans : le projet de loi qui vous est soumis pour 2012 intègre ainsi l'effet change-prix constaté en 2010.
S'agissant des effectifs, vous avez souligné une originalité du ministère des Affaires étrangères et européennes pour la mise en œoeuvre de la règle du «un sur deux». Je suis tenté de dire que l'application qui en est faite dans ce ministère est à l'image de la structure atypique de ses effectifs. Ainsi, lors de la définition puis de l'ajustement de son schéma d'emplois dans le cadre de la RGPP, il a été tenu compte de la spécificité de cette structure qui se caractérise, vous l'avez rappelé, par une proportion d'agents titulaires particulièrement faible, de l'ordre de 40 % des effectifs globaux du ministère - 6.000 titulaires et CDI pour 15.000 agents au total.
Si la règle du «un sur deux» avait été appliquée à la hache, elle se serait traduite par des restitutions d'emplois de titulaires de plus de 600 équivalents temps plein au cours de la période 2009-2013. Compte tenu de l'impossibilité, pour des raisons de sécurité, de confier à des agents contractuels ou de recrutement local certaines fonctions dans le réseau diplomatique et consulaire, il a donc été décidé d'aménager cette mise en œoeuvre du «un sur deux». Sur 1 150 ETP restitués au cours de la période 2009-2013, ce sont donc 340 emplois de titulaires qui seront supprimés.
Je tiens à préciser que l'aménagement de cette règle a été compensé par un effort plus important sur les autres catégories de personnels que constituent les agents de droit local et les agents contractuels.
Je comprends évidemment le souci de certains de s'assurer d'une application plus rigoureuse de la règle du «un sur deux». Je considère cependant que son aménagement pour le ministère des Affaires étrangères et européennes est légitime au regard de ses missions comme de son organisation.
S'agissant du nécessaire redéploiement des effectifs, je partage l'analyse de votre rapport selon laquelle la cartographie de nos emplois n'est pas toujours en phase avec nos priorités politiques d'aujourd'hui et de demain. Ce travail de redéploiement géographique est engagé dans le cadre de la RGPP comme dans le cadre de l'exercice de programmation des effectifs des postes.
Le repli de nos dispositifs dans un certain nombre de pays étant, vous le savez, contraint par des considérations politiques, ce redéploiement ne peut pas être mis en œoeuvre du jour au lendemain. Soyez toutefois assuré qu'il sera poursuivi. L'évolution dynamique de notre réseau consulaire au cours des dix dernières années me paraît à cet égard témoigner de la capacité du Quai d'Orsay à accompagner les évolutions du monde qui nous entoure.
Au-delà de ces questions d'effectifs, vous soulevez, Monsieur Mancel, bien d'autres questions centrales pour notre action extérieure.
Vous avez rappelé votre attachement à une poursuite résolue de la modernisation du ministère, dans le prolongement du Livre Blanc et de la réforme qui en a découlé.
S'agissant de son organisation, je ne peux évidemment que partager l'analyse de la commission des finances quant à l'utilité du centre de crise, qui a fait la preuve de son efficacité dans la gestion des multiples crises auxquelles nous avons été récemment confrontés. Ce service a pleinement trouvé sa place au sein du ministère comme en interministériel, et personne ne lui conteste la légitimité qu'il a acquise au fil des crises. Comme vous, je voudrais rendre un hommage particulièrement appuyé à son directeur et à l'ensemble de ses agents.
S'agissant de la gouvernance du ministère, je connais vos interrogations sur les opérateurs et la capacité de l'administration centrale à assurer une tutelle efficace sur ces derniers dans le contexte de la réforme du réseau culturel et de coopération.
Je tiens à redire que la réforme de ce réseau n'est ni une construction technocratique ni un instrument de gestion de la contrainte budgétaire. Elle était nécessaire car notre réseau, dans sa configuration actuelle, n'est pas assez lisible, ni pour nos partenaires étrangers, ni pour le Parlement, ni pour Bercy. Or un réseau qui n'est pas lisible est un réseau fragile.
La réforme de ce réseau procède d'une démarche cohérente. Qu'il s'agisse de la fusion entre les services de coopération des ambassades, les SCAC, et nos centres et instituts culturels ayant le statut d'autonomie financière, ou de l'expérimentation du rattachement à l'Institut français, nos ambitions sont les mêmes : construire dans chaque pays, sur la base d'un périmètre d'activité commun, un dispositif unique, doté d'une même marque et fondé sur le principe de l'autonomie budgétaire.
La fusion entre services de coopération et établissements à autonomie financière en est la première modalité. Engagé en 2009, ce processus est conduit avec pragmatisme, en nous donnant le temps nécessaire pour ne pas déstabiliser les réseaux les plus complexes. Quatre-vingt-deux pays auront mis en œoeuvre cette réforme au 1er janvier prochain, l'objectif étant qu'elle soit achevée au 1er janvier 2013.
Parallèlement, et comme le prévoit la loi, l'Institut français a commencé à travailler à titre expérimental sur le rattachement du réseau culturel extérieur de la France. Cette expérimentation sera effective dans douze postes du réseau au 1er janvier 2012. L'histoire n'est pas encore écrite. Un choix structurant sera fait en 2013 au terme d'une évaluation soignée. J'ai bien indiqué aux responsables de l'Institut français, et notamment à son président, Xavier Darcos, que le processus devait être le cas échéant réversible.
Dans toutes ses dimensions, cette réforme est respectueuse d'un principe essentiel, et je rejoins votre souci sur ce point, celui de l'autorité de l'ambassadeur. Comme l'ensemble de notre réseau, le dispositif de coopération et d'action culturelle est d'abord au service d'une politique étrangère, et c'est l'ambassadeur, dans son pays de résidence, qui est le garant de cette cohérence. Je suis profondément convaincu que cela dépend au moins autant de l'engagement de l'ambassadeur et de sa personnalité que de la qualité des textes. Partout où les ambassadeurs s'intéressent à l'action culturelle de la France, ce qui est la très grande majorité des cas, ils ne laissent pas échapper cet instrument, quelle que soit la structure juridique correspondante.
Tels sont, Monsieur le Rapporteur spécial, les principaux éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Je ne reviens pas à un certain nombre de points sur lesquels la commission des Finances a salué la direction prise par le ministère. Qu'il s'agisse de la priorité accordée aux crédits du programme 151, quasiment exonérés du coup de rabot d'un milliard d'euros, de la progression de l'autofinancement dans le réseau de coopération ou bien encore de l'équilibre du programme dédié à la présidence française du G8 et du G20, je me réjouis que les vues de votre commission rejoignent celles du gouvernement et je vous remercie de l'avis favorable que vous avez exprimé.
Madame Colot, en tant que rapporteure pour avis des crédits des programmes 105, 151 et 332, je vous remercie tout d'abord de votre appréciation globale. Comme vous l'avez souligné, les circonstances ont aidé à boucler une copie permettant de conjuguer discipline budgétaire et redéploiement des moyens au profit d'un certain nombre de priorités ciblées. C'est évidemment un résultat important dans le contexte difficile auquel nous sommes confrontés. Je pense toutefois que ce résultat excède la seule force de conviction que l'on veut bien me prêter et traduit surtout les progrès de l'idée que notre outil diplomatique mérite bien des moyens raisonnables lui permettant d'être à la hauteur des ambitions de notre pays.
En ce qui concerne les marges de redéploiement qui ont été au cœur de la préparation de ce projet, je ne reprends pas les éléments développés à l'instant en réponse aux conclusions de la commission des finances. Ces marges de manœoeuvre, nous avons en effet souhaité les consacrer au financement de dépenses qui avaient été insuffisamment budgétées dans le cadre du plan triennal 2011-2013.
Vous l'avez dit, notre masse salariale a consommé une partie de ces marges en raison de l'effet change, je n'y insiste pas.
S'agissant des effectifs, je vous remercie d'avoir rappelé l'arbitrage obtenu du Premier ministre afin qu'il soit pris acte des efforts déjà consentis par anticipation par le ministère, notamment en 2010, année au cours de laquelle une avance avait été prise.
Notre effort pour 2012 en matière de réductions d'emplois a pu être revu de 226 à 140 ETP. Il demeure élevé, mais il permet en tout état de cause de ne pas aller au-delà de la cible des 1 150 suppressions d'emplois assignée à ce ministère pour la période 2009-2013.
Conformément aux engagements pris à l'égard de nos compatriotes résidant à l'étranger, ce budget conforte les crédits d'aide à la scolarité : bourses et prise en charge. La dotation prévue dans le plan triennal ayant été, de l'avis de tous, sous-calibrée, ce sont ainsi 13,5 millions d'euros qui sont redéployés au profit de l'aide à la scolarité. Vous l'avez rappelé, au sein de cette enveloppe, ce sont les bourses qui connaissent la dynamique la plus forte, puisque leur coût passe de 84 à 93 millions d'euros entre 2011 et 2012.
En revanche, Monsieur Rochebloine, le coût de la mesure de prise en charge a été stabilisé à la faveur du plafonnement introduit par le législateur lors du débat budgétaire précédent, dans le prolongement du rapport que vous aviez consacré à cette question avec Mme Joissains. J'y reviendrai lors de la discussion de votre amendement. Le terme de stabilisation est d'ailleurs en deçà de la réalité puisque cette mesure coûtera en 2012 moins qu'en 2011, l'effet en année pleine du plafonnement limitant son coût à 31,9 millions d'euros en 2012 contre 33,7 cette année. On ne peut donc plus parler de dérapage à propos d'une mesure dont la soutenabilité budgétaire est désormais garantie par un dispositif législatif et réglementaire rigoureux, mais nous y reviendrons.
Vous avez également évoqué, Madame Colot, certains des secteurs prioritaires au profit desquels nous avons opéré des redéploiements. L'impératif de sécurisation de nos implantations dans les zones sensibles nous a en effet conduits à prévoir une hausse de 3 millions d'euros des crédits dédiés à ce poste de dépenses. C'est la responsabilité de l'État employeur que d'assurer la sécurité de ses agents qui servent dans des zones à risques, dont le nombre, malheureusement, se multiplie.
S'agissant des élections, outre 8 millions d'euros de crédits transférés du ministère de l'intérieur, l'effort 2012 du ministère des Affaires étrangères et européennes à ce titre sera complété par un million d'euros affectés aux actions d'information et de communication à destination des communautés françaises. Ces élections étant une nouveauté, il me paraît essentiel de faire passer le message auprès de tous les Français de l'étranger. Vous avez évoqué la mise en place du vote électronique pour les élections législatives qui se tiendront pour la première fois à l'étranger. Je vous sais gré d'avoir mis l'accent sur le véritable défi juridique et technique que constitue cette nouvelle modalité de vote.
Enfin, je suis sensible à votre analyse de la stratégie poursuivie par le ministère en matière de dépenses de fonctionnement.
Si la contribution des Affaires étrangères à l'effort de maîtrise des finances publiques doit être globalement conforme à la norme gouvernementale de baisse des crédits de fonctionnement de 10 % sur trois ans, il convient en effet de noter que son application se heurte à plusieurs difficultés : certains de nos services, dont le centre de crise, sont très sensibles aux aléas de l'actualité internationale et ne peuvent absorber sans dommages une telle diminution de leurs dotations ; les dépenses de fonctionnement des postes à l'étranger sont soumises à des facteurs non maîtrisables tels que la hausse des loyers locaux, des dépenses d'énergie et de fluides ou bien encore des tarifs aériens, qui affectent le coût des transports statutaires.
C'est ce constat qui nous a conduits à renoncer à une nouvelle diminution des budgets de fonctionnement des postes en 2012, qui resteront donc au même niveau qu'en 2011, à défaut de pouvoir faire plus, ce qui serait évidemment souhaitable dans bien des cas.
Ce choix est contrebalancé par un effort sur d'autres dépenses plus aisées à encadrer : crédits de communication, informatique, frais de représentation et de mission, dotation de fonctionnement des établissements culturels. Sur ces lignes, l'effort du ministère ira au-delà de la norme gouvernementale.
S'agissant du programme 332 «Présidence française du G20 et du G8», je n'ai guère à ajouter, Madame Colot, aux conclusions de votre rapport. Nous comptons bien, en effet, maintenir la dépense dans l'enveloppe qui avait été calibrée au plus juste pour cette double présidence marquée par des enjeux internationaux considérables. S'il semble que le Sommet de Cannes, comme celui de Deauville, doive voir son coût excéder la dotation initialement programmée, ces dépassements ont vocation à être couverts par des sous-consommations sur d'autres lignes ainsi que par les financements complémentaires que vous avez évoqués. Au total, et même si nous ne disposons pas encore de l'ensemble des éléments permettant d'apprécier l'exécution de ce programme, nous espérons donc bien limiter d'éventuels dépassements au strict minimum.
Monsieur Rochebloine, j'ai été très sensible au fait que vous ayez souligné, en tant que rapporteur pour avis du programme 185, que ses crédits étaient relativement préservés. Cela tient à la pérennisation de la rallonge culturelle de 20 millions d'euros sur l'ensemble du triennium budgétaire mais aussi, s'agissant de 2012, à une augmentation de l'enveloppe consacrée aux bourses dans le cadre de notre politique d'influence et d'attractivité en direction de nos partenaires méditerranéens et des émergents. Initialement prévu à 3,3 millions d'euros, cet effort complémentaire est hélas ramené à 2 millions en raison de la contribution du ministère au plan d'économies du gouvernement annoncé le 24 août dernier.
Vous avez rappelé l'ampleur des réformes engagées par notre réseau culturel et de coopération : transformation de l'ex-direction générale de la coopération en une direction générale de la mondialisation aux compétences élargies, fusion des services de coopération et d'action culturelle et des établissements à autonomie financière, augmentation de l'autofinancement du réseau. Tous ces chantiers traduisent l'incontestable capacité d'adaptation de ce ministère aux nouveaux enjeux et doivent nous rendre optimistes pour l'avenir.
Les opérateurs créés par la loi relative à l'action extérieure de l'État joueront évidemment un rôle décisif dans cette mutation de notre outil d'influence. Vous avez salué l'excellent départ de l'Institut français, qui a pris depuis bientôt un an la relève de CulturesFrance. Je souscris à cette appréciation et je rends hommage à l'action déterminée et ambitieuse de son président, Xavier Darcos. L'expérimentation du rattachement d'une partie du réseau à l'Institut français est une opération complexe, c'est vrai. Je tiens toutefois à rappeler une fois encore le caractère réversible de cette opération, qui ne préjuge en rien de l'avenir.
Je suis frappé par votre inquiétude s'agissant d'une possible «guerre des marques» entre Alliances françaises et Institut français. Ce n'est pas du tout ce que je ressens chaque fois que je me déplace à l'étranger, où je constate au contraire une excellente complémentarité et un travail en commun très confiant entre notre réseau culturel et l'Alliance française. L'Alliance française est un outil extraordinaire dans bien des régions du monde, comme le sous-continent latino-américain.
Cette articulation entre un volet public et un volet associatif fait la force de notre outil d'influence et doit être préservée. Le ministère continuera ainsi de consacrer plus de 40 millions d'euros et 350 équivalents temps plein au réseau des Alliances en 2012. Si des questions venaient à se poser ici ou là quant au vecteur d'influence le plus adapté à la situation locale, elles seraient résolues de façon pragmatique et en bonne intelligence avec le réseau des Alliances. La réforme en cours vise à valoriser les complémentarités et à éviter les doublons contre-productifs. Je ne pense pas que l'on puisse parler dans ces conditions de tentation hégémonique de la part de l'Institut français. Le tempérament de Xavier Darcos ne le porte d'ailleurs pas à l'hégémonie.
Vous avez rappelé l'importance de l'opérateur France Expertise. Je ne peux que vous rejoindre et souligner combien il est essentiel pour notre pays de se positionner sur le véritable marché international de l'expertise qui existe aujourd'hui.
Quant à CampusFrance, vous avez souligné le caractère stratégique de cet opérateur ainsi que les difficultés liées au transfert des activités de bourses actuellement assurées par le CNOUS. Vous l'avez dit, la question des transferts d'ETP et de masse salariale n'a pu encore faire l'objet d'un accord entre le ministère des Affaires étrangères et européennes et le ministère de l'Enseignement supérieur. J'ai donc sollicité l'arbitrage du Premier ministre mais, je l'annonce clairement, je ne ferai pas CampusFrance si je n'ai pas les ETP nécessaires. Une réunion interministérielle doit se tenir demain sous l'égide du cabinet du Premier ministre. J'ai bon espoir que cette question des transferts nécessaires fera l'objet d'un règlement rapide, et je m'appuierai évidemment sur votre demande à cet égard.
S'agissant enfin de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, je partage votre sentiment quant à l'importance des défis auxquels est confronté cet incomparable outil d'influence de notre pays dans le monde.
Vous avez rappelé la stabilisation de la subvention à l'AEFE à l'échelle du triennium. Dans le contexte que nous connaissons, cette sanctuarisation témoigne de l'importance accordée à l'enseignement français à l'étranger.
L'augmentation continue des effectifs scolarisés doit d'ailleurs être interprétée comme le signe du dynamisme de cet opérateur, qui voit ainsi ses ressources propres augmenter.
Je rappelle que le plan d'orientation stratégique de l'AEFE a réaffirmé une volonté politique forte de garantir l'excellence de cet enseignement, à travers le maintien d'une proportion de 50% de personnels titulaires de l'éducation nationale.
Vous avez évoqué la contribution de 6% prélevée sur les frais de scolarité. Celle-ci permet de faire face à l'augmentation des charges pour les pensions civiles jusqu'en 2013 et de couvrir des besoins importants en matière immobilière.
J'ai veillé à ce que la question du financement de la politique immobilière de l'AEFE soit traitée avec le plus grand sérieux dans la discussion budgétaire. Nous avons ainsi obtenu que l'agence puisse bénéficier en 2012 d'avances du Trésor dans la limite de 12,6 millions d'euros…

Q - À titre exceptionnel !
R - Certes, mais l'exceptionnel peut se répéter, monsieur le rapporteur pour avis !
Ces 12,6 millions viennent en contrepartie de l'interdiction du recours à l'emprunt de long terme auprès du secteur bancaire. Le dispositif permettra de financer tous les projets prévus en 2012. Si elle est temporaire, cette solution nous permet de préparer des solutions durables dans le cadre du prochain budget triennal. Il faudra en particulier évaluer le montant et les modalités de l'apport de l'État au financement de la politique immobilière de l'AEFE.
Je ne m'attarderai pas sur la prise en charge des frais de scolarité, la PEC. J'ai déjà dit comment le gouvernement, avec le Parlement, avait veillé à encadrer cette mesure, et nous y reviendrons à l'occasion de votre amendement.
Enfin, à M. le Rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, je souhaite dire que je suis sensible à la préoccupation qu'il a exprimée s'agissant de notre politique d'influence et d'attractivité.
Je partage votre souci, Monsieur Roatta, que la France demeure l'un des pays les plus attractifs en termes d'enseignement supérieur. Nous sommes le troisième pays du monde pour l'accueil des étudiants étrangers. Cessons de dire que la France est barricadée derrière ses frontières ! Nous accueillons chaque année 200.000 étrangers supplémentaires, parmi lesquels de nombreux étudiants.
J'ai veillé, dans la circulaire cosignée avec le ministre de l'Intérieur, à ce qu'il n'y ait pas d'objectifs quantitatifs d'éventuelles réductions du nombre des étudiants accueillis. Ce serait une erreur considérable. J'ai l'habitude de dire qu'un étranger qui étudie un an ou deux chez nous est, à de rarissimes exceptions près, un ami de la France pour toujours. C'est donc pour nous un facteur d'influence tout à fait important. Ce n'est pas au moment où nous essayons de conférer à nos universités un rayonnement international qu'il serait judicieux de renoncer à l'accueil d'étudiants étrangers. Il nous faut au contraire - c'est un point de vue partagé par le ministère de l'Enseignement supérieur - favoriser la venue d'étudiants de haut niveau, en master ou en doctorat, présentant des cursus utiles à leurs pays d'origine : cette stratégie est gagnante à la fois pour l'État d'envoi et pour notre pays.
Sur l'accès des étudiants au marché du travail, je partage votre point de vue sur la nécessité d'une approche plus simple. Il faut permettre aux diplômés de haut niveau de travailler en France. C'est une condition de leur venue et de l'attractivité de notre pays, et c'est ainsi que doit être interprétée la politique du gouvernement en la matière.
Je vous remercie, Monsieur Roatta, pour l'avis instructif que vous avez consacré cette année aux saisons culturelles. Il s'agit en effet d'outils précieux permettant un véritable échange entre les cultures, en conformité avec le message que porte notre pays s'agissant du rôle clef de la culture dans les relations internationales. Vous avez raison de souligner que ces événements permettent désormais d'établir ou de renforcer durablement les liens entre pays amis. L'investissement humain et financier des collectivités territoriales et des institutions culturelles est, à cet égard, déterminant dans le succès de ces saisons.
J'ai pris bonne note des recommandations inscrites dans votre rapport s'agissant de ces saisons culturelles, et je partage votre souhait qu'elles soient programmées de telle sorte qu'elles disposent d'une visibilité renforcée. L'idée d'une programmation permettant à ces saisons de s'insérer dans la programmation normale des opérateurs culturels me semble ainsi devoir être encouragée,
Au-delà de la problématique de limitation des coûts induits par ces événements, c'est la cohérence et la lisibilité d'ensemble de notre action qui sont ici en jeu. Je ne peux donc que vous rejoindre dans cette analyse, dont j'espère qu'elle sera partagée par le ministre de la Culture et de la Communication.
Je prendrai à présent un peu de temps, Monsieur le Président, pour répondre aux orateurs.
Je remercie tout d'abord M. André Schneider pour le soutien du groupe UMP. Je m'associe tout particulièrement à l'hommage qu'il a rendu au travail du centre de crise.
M. Boucheron a parlé d'un budget contraint et évoqué un certain nombre d'éléments, non de consensus, mais de dialogue entre la majorité et l'opposition sur notre politique étrangère.
Vous avez ainsi affirmé, Monsieur le Député, que l'une des lignes de clivage était l'alignement sur la politique américaine. Je ne pense pas que l'on puisse dire que nous nous alignons sur la politique américaine. Les États-Unis sont nos amis et alliés, mais nous avons parfois des divergences d'intérêts et nous discutons dans la plus totale franchise de nos intérêts respectifs.
Vous avez parlé en particulier de l'Afghanistan. Je ne crois pas que, dans le cadre de notre politique au Proche-Orient, nous soyons alignés. L'initiative que nous avons prise de proposer le passage à l'Assemblée générale des Nations unies pour débloquer la situation, ce n'est pas de l'alignement sur la diplomatie américaine, Monsieur le Député !
En ce qui concerne la politique vis-à-vis d'Israël, vous en appelez à une position équilibrée. Je crois pouvoir dire que c'est le cas de la nôtre. Dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies, le président de la République a fait savoir de façon très claire que, si la sécurité d'Israël était en cause, nous serions à ses côtés, mais il a dit en même temps qu'il n'était plus possible, après tant de décennies, que l'Autorité palestinienne ne se voie pas petit à petit reconnaître le statut d'État. Vous savez que nous avons été les seuls à mettre sur la table une alternative au blocage actuel en proposant le passage à l'Assemblée générale qui permettrait de reconnaître à la Palestine un statut d'observateur.
De même, j'y reviendrai, la position que nous avons adoptée sur l'admission de la Palestine à l'UNESCO a été très fortement et positivement ressentie dans le monde arabe.
Vous avez également parlé de volontarisme européen. Je pense - je le dis aussi à l'intention de M. Myard - que ce sera un point de clivage fort dans la prochaine campagne pour les élections présidentielles. D'aucuns considèrent qu'il faut, sinon se retirer - c'est pourtant bien ce que d'autres préconisent -, du moins faire du sur-place dans la construction européenne. Il est vrai que nous assistons à une montée du souverainisme en France, aussi bien à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche. Je pense, et je m'engagerai très fortement sur ce point, qu'il faut au contraire aller un coup plus loin dans la construction européenne. L'un des enjeux sera de proposer aux Français une véritable politique d'intégration de la zone euro autour de notre monnaie commune. Il faudra en discuter longuement, ce dont nous n'avons pas le temps aujourd'hui. Pour moi, ce sera un enjeu essentiel.
Enfin, Monsieur Boucheron, en ce qui concerne l'Afrique, nous avons une ligne de conduite très claire. Pour nous, ce qui est prépondérant, c'est d'assurer à l'Afrique des élections claires, transparentes, garanties par une surveillance internationale et qui permettent de faire émerger des régimes véritablement démocratiques. C'est le combat que nous avons mené en Côte-d'Ivoire ; c'est ce qui s'est passé au Niger et en Guinée ; c'est ce que nous souhaitons voir en République démocratique du Congo. Ce sera le fil conducteur de notre politique africaine.
M. Braouezec a parlé d'un échec du G20. Voilà un point sur lequel je suis en total désaccord, car nous avons au contraire obtenu au G20 des percées extrêmement importantes. Faute de temps, je n'en citerai que deux.
D'abord, nous avons fait accepter pour la première fois, y compris par les pays émergents, l'idée que la mondialisation devait avoir une dimension sociale, que tous les pays devaient accepter l'idée d'un socle social minimum s'appuyant sur les grandes conventions de l'Organisation internationale du travail. C'est une percée conceptuelle et politique de très grande ampleur.
De même, sur la taxation des transactions financières, si la taxe n'a pas été définie et n'entrera pas en vigueur dès demain, nous avons toutefois obtenu un soutien très large, et, pour la première fois, un président des États-Unis a dit explicitement à la tribune que son pays était prêt à demander au secteur bancaire une contribution financière à la résolution de la crise. C'est très important, et, contrairement à ce qu'a affirmé M. Braouezec ou un autre orateur du groupe GDR, cela n'a pas été un facteur de clivage entre les pays émergents et les autres. Le Brésil a très explicitement soutenu la France, de même que l'Argentine, l'Allemagne aussi d'ailleurs.
Le G20 a donc permis des progrès très importants. Je souligne aussi le climat dans lequel s'est déroulé ce sommet. Souvenez-vous de Gênes, avec les manifestations des altermondialistes. Il y avait eu des morts. Souvenez-vous de Toronto, l'année dernière, avec les violences qui se sont produites. A contrario, aucune violence n'a eu lieu à l'occasion du G20 en France. Une manifestation a bien eu lieu, qui a réuni beaucoup moins de participants que prévu, mais elle s'est déroulée dans une atmosphère relativement bonne. Ce n'est pas un hasard : c'est parce que nous avons veillé très personnellement, avec le président de la République, à développer avec les ONG une relation suivie dans la préparation du sommet. Les ONG qui manifestaient dans les rues demandaient la dimension sociale de la mondialisation et la taxe sur les transactions financières, et elles ont bien perçu que la France se battait pour cela. C'est pourquoi ce G20 s'est déroulé dans un climat pacifié et très positif. C'est à mettre au crédit de la France.
M. Braouezec a par ailleurs affirmé que l'ingérence était une violation des principes des Nations unies. Permettez-moi de manifester un désaccord total sur ce point. En 2005, le sommet des chefs d'État et de gouvernement des Nations unies a en effet adopté le principe de la responsabilité de protéger. Cela signifie que les gouvernements ont la responsabilité de protéger leurs populations et que, s'ils ne le font pas, la communauté internationale est fondée à se substituer à eux. C'est une forme d'ingérence, Monsieur Loncle, même si cela n'en porte pas le nom. La résolution 1973 sur la Libye a été la première traduction concrète de cette responsabilité de protéger, à laquelle nous attachons une grande importance.
Je remercie M. Pascal Brindeau d'avoir apporté le soutien de son groupe à ce budget et d'avoir signalé la nécessité de poursuivre la réforme en profondeur du Quai d'Orsay. Nous avons déjà beaucoup progressé, avec la mise en place de la direction générale de la mondialisation, la restructuration de notre réseau culturel,… je n'y reviens pas.
M. Robert Lecou a évoqué la prise en charge des frais de scolarité. Je lui répondrai plus longuement lorsque nous discuterons de l'amendement de M. Rochebloine.
J'avoue que la violente charge de M. Paul Giacobbi contre l'UNESCO m'a surpris, pour ne pas utiliser un mot plus fort. Cette institution est certes perfectible dans son fonctionnement ; son actuelle directrice générale, Mme Bokova, conduit d'ailleurs depuis son élection, à notre demande, une profonde réorganisation de son administration. Mais comment se priver d'une organisation qui est le seul endroit du monde où l'on parle d'éducation et de culture ?
Je rappelle que la France a utilisé le canal de l'UNESCO pour faire voter ce texte extrêmement important qu'est la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Si, aujourd'hui, les biens culturels dans le monde ne sont pas traités comme des patates ou des machines à laver, mais comme des biens incorporant l'identité culturelle même des pays qui s'expriment par ce biais, c'est grâce à la France et au Québec, et à la ratification de cette convention par l'UNESCO.
Il faut donc être présent dans cette institution et la réformer, sans considérer qu'il s'agit d'un lieu de corruption et d'inefficacité, comme le fait M. Giacobbi.
Je n'ai pas compris non plus son propos sur la Palestine. La question ayant été évoquée par plusieurs autres orateurs, dont M. Pinte, j'en profite pour rappeler brièvement la cohérence de notre politique.
L'articulation entre notre position au Conseil de sécurité et notre position à l'UNESCO n'a pas été bien comprise. Nous avons dit à nos amis palestiniens que le recours au Conseil de sécurité les conduirait à une impasse, qu'ils n'obtiendraient rien de cette procédure, tout simplement parce que, même si neuf voix se dégageaient pour voter une résolution, les États-Unis avaient annoncé qu'ils opposeraient leur veto. Que se passe-t-il, dès lors, le lendemain du jour où le Conseil de sécurité a refusé la demande palestinienne ? Nous pensons que rien de positif ne peut être construit sur ces bases. C'est pourquoi nous avons fait savoir à nos amis palestiniens, comme à nos amis israéliens, que nous nous abstiendrions sur ce vote au Conseil de sécurité.
En revanche, la France, je l'ai rappelé, a mis sur la table une proposition alternative qui est aujourd'hui la seule qui permettrait de sortir de l'impasse. Elle consiste à passer par l'Assemblée générale pour essayer de franchir une première étape dans la reconnaissance du statut d'État de plein exercice de l'Autorité palestinienne, en lui garantissant la reconnaissance d'un statut d'observateur. Sur ce point, à condition que la résolution soit équilibrée, nous pourrions obtenir un large consensus. Pour l'instant, l'Autorité palestinienne n'est pas dans cette disposition d'esprit, et les Israéliens comme les Américains ne veulent pas en entendre parler, mais nous n'avons pas abandonné l'idée.
En cohérence avec cette démarche qui consiste à franchir des étapes en direction de la reconnaissance d'un État de plein exercice à l'Assemblée générale des Nations unies, nous avons pensé que la France ne pouvait pas s'abstenir ni, a fortiori, voter contre l'accueil de l'Autorité palestinienne à l'UNESCO, dans cette enceinte internationale où l'on parle d'éducation et de culture pour la paix entre les peuples. Je vois, pour ma part, une grande cohérence et une parfaite lisibilité dans cette politique.
M. Asensi m'a rappelé notre exercice commun de littérature avec M. Védrine. J'ai commencé à en dire quelques mots tout à l'heure. La question revient souvent en ce moment : avons-nous ouvert la boîte de Pandore en Libye et en Tunisie ? L'actualité a des retournements qui ne cessent de me surprendre. Il y a encore quelques mois, nous entendions dire que nous avions tardé à soutenir les Printemps arabes. À présent, nous aurions ouvert la boîte de Pandore.
Il y a des moments où il faut faire preuve de confiance. C'est pourquoi je ne peux pas accepter le principe préétabli selon lequel l'islam serait incompatible avec la démocratie. Il y a dans l'islam des extrémistes, des radicaux, qui ont une vision théocratique de la politique, ils constituent une ligne rouge que nous ne franchissons pas, mais il y a aussi des hommes et des femmes désireux de concilier leur religion avec l'exercice d'une démocratie moderne. Ainsi, j'ai reçu hier, et cela a été pour moi un grand moment d'émotion, Mme Karman, le nouveau prix Nobel de la paix : elle m'a expliqué le combat qu'elle menait pour la jeunesse yéménite et pour la démocratie dans son pays, précisant qu'elle ne se laisserait pas confisquer ce combat même si elle est musulmane et qu'elle croit en l'islam.
Notre devoir est d'essayer d'entretenir des liens avec les forces modérées au sein de l'islam et des mouvements islamiques - je préfère dire «islamiques» qu' «islamistes» - pour développer avec eux un débat.
De même, j'ai appelé hier au téléphone M. Ghannouchi, le leader d'Ennahda, car j'avais lu son interview dans Le Monde, il y a quelque temps, où il affirmait que non seulement il ne remettrait pas en cause le statut de la femme en Tunisie, mais qu'il essaierait de l'améliorer. Je vous rappelle que, dans les élections à la Constituante tunisienne, le principe des listes chabada - un homme, une femme, - a été respecté : il y a aujourd'hui à l'Assemblée constituante autant d'hommes que de femmes. Là aussi, tendons la main à ceux qui acceptent de partager nos principes fondamentaux.
Monsieur Garrigue, vous m'avez fait part de votre insatisfaction vis-à-vis du G20 : je ne reprends pas ce que j'ai dit à ce sujet.
Quant à l'entente entre la France et l'Allemagne, elle n'a jamais été un chemin de roses. On a l'air de considérer que tout allait bien entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer ; certes, ils ont reconstruit la paix sur le continent, fondée sur l'entente franco-allemande, mais quand le général de Gaulle est sorti de l'OTAN, ce n'était pas exactement l'approche allemande. Nous avons toujours eu des divergences d'appréciation, et aujourd'hui, il n'est pas vrai que nos deux pays se retrouvent spontanément et dans tous les cas sur la même ligne. Mais ce qu'il y a de formidable, c'est que nous en parlons entre nous et que nous arrivons à bâtir des consensus et des positions communes, ce dont l'Europe a besoin. Quand nous ne le faisons pas, tout le monde s'émeut en Europe de voir le moteur franco-allemand en panne. Je tiens à vous dire qu'il ne l'est pas aujourd'hui, et qu'entre la chancelière Merkel et le président Sarkozy, il y a un vrai travail de fond pour dégager des positions communes et faire avancer l'Europe.
Vous avez également regretté, Monsieur Garrigue, l'ambiguïté de notre politique palestinienne. J'espère vous avoir rassuré. Ce n'est pas une politique ambiguë : c'est une politique équilibrée. Le rôle de la France n'est pas de dire voici qui a raison et voici qui a tort. Notre rôle, c'est de rappeler que nous sommes les amis d'Israël, attachés bien sûr à son intégrité territoriale et à sa sécurité, et que nous nous rangerions à ses côtés, le président de la République l'a réaffirmé, si sa sécurité était mise en cause, mais que nous sommes aussi les amis des Palestiniens et que nous considérons inacceptable qu'après autant de décennies de promesses, ils ne puissent pas accéder au statut d'État internationalement reconnu, et c'est l'objet du combat que nous menons.
S'agissant de la Turquie, je partage votre avis. Vous connaissez ma position sur l'élargissement de l'Union européenne. Mais la Turquie est un acteur majeur sur la scène non seulement régionale mais internationale, et nous avons tout intérêt à entretenir avec elle des relations aussi étroites que possible. Je serai très bientôt à Istanbul et à Ankara, à l'invitation de mon homologue avec lequel j'ai de très bonnes relations de travail.
Monsieur Jacques Myard, vous vous demandez quelle politique étrangère est possible pour la France dans le cadre d'une Europe puissance. C'est un dialogue que j'ai avec vous depuis quarante ans peut-être. Je salue votre constance et vous connaissez la mienne.
Certes, notre avenir est en Afrique et en Méditerranée, et vous savez les efforts que nous faisons pour relancer l'Union pour la Méditerranée et pour développer notre politique africaine. Je serai ainsi cette semaine en Afrique du Sud et au Nigeria. L'Afrique francophone est absolument essentielle pour nous, mais il y a également l'Afrique non francophone. Pour autant, cela ne nous dispense pas de renforcer notre coopération européenne car je pense, monsieur le député, que notre avenir est aussi en Europe, et qu'il faut aller un coup plus loin dans la construction d'une zone euro intégrée. Je n'ai pas dit «fédérale». Vous voyez que je suis prudent. En effet, le mot est ambigu. Aux États-Unis et en Allemagne, États fédéraux, fédéralisme signifie décentralisation, renforcement des pouvoirs locaux. Alors que, quand nous parlons de fédéralisme, nous pensons au changement du centre de gravité de la souveraineté nationale. Il faut une Europe plus intégrée.
Vous me suggérez de créer un institut de haute réflexion sur le monde arabo-musulman, mais il existe déjà : l'Institut du monde arabe joue ce rôle. Depuis le colloque que j'ai organisé au mois de mars dernier, de nombreuses rencontres et des cycles de conférences se développent à l'Institut du monde arabe, auquel notre ami Renaud Muselier donnera, je l'espère, une nouvelle impulsion.
Mme Crozon m'a reparlé de ma tribune avec M. Védrine, best-seller de l'année. Je n'y reviens pas, j'ai déjà répondu. Je parlerai de la PEC à l'occasion de l'amendement. Quant à l'affaire des étudiants, j'ai déjà réagi.
Monsieur Pinte, vous m'avez posé plusieurs questions sur la Syrie. Il est vrai que la communauté chrétienne est inquiète, et à raison. Pendant des années, elle a attaché, elle aussi, plus de prix à la stabilité qu'à l'évolution du régime. Nous sommes bien sûr très soucieux des minorités chrétiennes en Orient. Un rapport a d'ailleurs été demandé à M. Gouteyron, qui m'a remis ses premières conclusions. La diplomatie française est très attentive à la protection des minorités chrétiennes, nous ne cessons de faire passer le message. Nous sommes intervenus à plusieurs reprises, en particulier en Égypte, auprès des autorités pour que tous les droits de la minorité copte soient reconnus. C'est ce que vous souhaitez.
Par ailleurs, je sais que vous connaissez parfaitement les responsables tunisiens, en particulier ceux d'Ennahda, et je serai très heureux de poursuivre l'échange avec vous pour voir sur qui nous pouvons nous appuyer. Je compte me rendre prochainement à nouveau en Tunisie, et ce sera pour moi l'occasion de développer des contacts.
S'agissant de la Palestine, je réaffirme, Monsieur Pinte, la cohérence, que je crois forte, entre notre position au Conseil de sécurité, notre position à l'Assemblée générale des Nations unies et notre position à l'UNESCO.
M. Michel Vauzelle m'a dit : «Pas ça, pas vous !», et je lui ai rétorqué : «Pas vous, pas ça !». N'oublions pas que l'attrition des crédits du Quai d'Orsay a quinze ans d'âge. Elle a commencé en 1994-1995. J'étais ministre des Affaires étrangères, je le reconnais bien volontiers, mais elle ne s'est pas arrangée par la suite. Il faut aujourd'hui stabiliser les choses.
Monsieur Kucheida, vous avez longuement évoqué l'Afghanistan. Sans aucun esprit polémique, je veux rappeler que l'engagement de la France a été décidé par le gouvernement de M. Jospin. Sous la présidence de M. Chirac mais, je le répète, par le gouvernement de M. Jospin. M. Jospin aurait parfaitement pu s'y opposer et M. Védrine était ministre des Affaires étrangères. Par conséquent, ne réinterprétez pas l'histoire à votre convenance.
Certes, nous avons depuis renforcé notre présence, mais nous engageons le retrait. Nous avons déjà retiré un premier contingent de 400 hommes. Nous attendons, dans les prochaines semaines, le transfert de responsabilités aux autorités afghanes dans la région de Surobi, ce qui permettra de retirer le quart de notre contingent, et nous allons continuer. Rien ne serait pire que de paniquer et de procéder à un retrait précipité d'un pays où…

Q - Il ne s'agit pas de panique, mais de cohérence !
R - Je n'ai pas dit que vous paniquiez, Monsieur le Député - si vous vous sentez visé, j'en suis désolé -, mais je réponds à ceux qui nous demandent d'accélérer le retrait qu'il faut veiller à garder son sang-froid et à ne pas aller trop loin.
Monsieur le Président, peut-être ai-je été un peu long, mais j'ai tenu à répondre aux principales interventions.
En conclusion, je tiens à dire que je ne mets certainement pas à mon seul crédit tout ce que nous entreprenons : c'est une action collective, le résultat des initiatives du président de la République et du travail de l'excellent outil diplomatique dont nous disposons. Je peux ici porter témoignage que la voix de la France est attendue et entendue dans le monde, et que nous avons pris, dans bien des domaines, des initiatives importantes, qu'il s'agisse des printemps arabes, de la situation au Proche-Orient, du G8, qui a été un succès, ou encore du G20, qui a permis des percées très importantes sur le plan de l'organisation et de la gouvernance de la mondialisation.
C'est pourquoi je rejoindrai parfaitement, pour terminer, la conclusion de M. Mancel : on peut faire de grandes choses avec des budgets limités !

Q - (à propos du dossier de l'adoption)
R - Monsieur le Député, vous le savez puisque vous m'avez accompagné en Haïti, nous avons essayé d'y faire progresser le dossier de l'adoption. Nous avons ainsi obtenu que les nouvelles autorités haïtiennes s'engagent à ratifier rapidement la Convention de La Haye. Le décret présidentiel qui devrait permettre à Haïti de renoncer aux adoptions individuelles pour ne procéder qu'à des adoptions collectives est prêt ; il devrait déjà être signé mais la situation dans ce pays n'est pas simple en ce moment. J'ai donc donné pour instruction à mes services d'accélérer la reprise des adoptions. C'est déjà fait pour les quelques dizaines de cas dont la procédure était bloquée à la suite du tremblement de terre. Je souhaite maintenant que nous réengagions un programme d'adoptions dans ce cadre nouveau - sans attendre peut-être la signature formelle du décret puisque c'est une question de jours.
Quant à la kafala, c'est-à-dire l'adoption musulmane, qui n'est pas une adoption de plein exercice mais qui peut permettre de répondre aux attentes de familles, c'est une question difficile. Nous y avons travaillé avec nos services. J'ai donné pour consigne à nos postes consulaires de permettre l'inscription sur le registre de protection consulaire des enfants recueillis sous kafala. En outre, je vais demander à Mme Bachelot de veiller à ce qu'ils ne soient pas défavorisés en termes de droits sociaux par rapport aux autres enfants et de réfléchir à la création d'un agrément spécifique pour assurer leur bon accueil sur le sol national.

Q - (à propos du Yémen)
R - Monsieur le Député, j'ai dit dans mon intervention combien j'ai été très impressionné par la personnalité de Mme Karman, qui est très engagée, très résolue et très rayonnante. Je l'ai assurée du soutien de la France au mouvement des jeunes et plus généralement au mouvement des forces démocratiques au Yémen. Vous savez que la France a soutenu dès le départ le plan proposé par le Conseil de coopération des États arabes du Golfe. Il nous paraît fournir une issue à cette crise en demandant au président Saleh de s'écarter du pouvoir afin d'organiser la transition. Nous avons aussi soutenu l'évocation de cette question au Conseil de sécurité. La résolution 2014 a été votée en ce sens. J'ai assuré Mme Karman que nous étions prêts à soutenir les efforts de la commission d'enquête prévue par la résolution pour désigner les responsabilités pénales éventuelles. Je lui ai également indiqué que j'évoquerai la semaine prochaine avec mes collègues européens la possibilité de mettre en place des sanctions individuelles à l'encontre des personnalités du régime yéménite qui contreviennent aux résolutions du Conseil de sécurité et aux propositions de la communauté internationale.
Conformément à notre politique, nous faisons donc tout ce que nous pouvons pour soutenir le mouvement de libération du peuple yéménite.

Q - (à propos de la Libye)
R - Monsieur le Député, inutile de vous dire que je ne partage absolument pas votre point de vue : nous avons agi dans le cadre de la légalité internationale et nous avons respecté l'esprit et la lettre de la résolution 1973. D'ailleurs, le Conseil de sécurité n'a pas pris de position inverse sur ce sujet, même si la Russie ou certains pays émergents ont une interprétation différente, qui n'est pas la nôtre.
Cette opération a été conduite de façon extrêmement maîtrisée par l'OTAN. Il n'y a pratiquement pas eu de dommages collatéraux. Nous sommes donc inscrits dans cette ligne-là.
Nous n'avons jamais souhaité la mort de M. Kadhafi. Nous avons dit très clairement que nous souhaitions qu'il soit capturé et jugé selon des modalités qu'il appartenait aux autorités libyennes de définir, soit en Libye, soit devant la Cour pénale internationale. Les choses ne se sont pas passées ainsi, mais ce n'est pas l'OTAN qui a procédé à l'élimination de M. Kadhafi.
Rappelons qu'il a fait preuve d'une obstination criminelle. À plusieurs reprises, lorsqu'il était réfugié à Syrte, il lui a été proposé des conditions de reddition qui lui auraient permis de quitter la ville et d'être jugé pacifiquement, si je puis dire, ou démocratiquement. Il a refusé, voulant se battre jusqu'au bout.
La sanction est arrivée dans les conditions que l'on sait et que l'on peut regretter, mais qui sont, je le répète, de son fait.
Nous pensons qu'il nous faut soutenir les efforts du Conseil national de transition. C'est difficile. Je ne connais pas de processus révolutionnaire qui, du jour au lendemain, aboutisse à stabiliser tranquillement la situation d'un pays qui n'a jamais connu la démocratie, mais notre devoir est de rester constant sur notre ligne et de continuer à aider la Libye.

Q - (à propos de la politique de rayonnement culturel de la France)
R - Monsieur le Député, ma réponse est oui : la France est parfaitement en mesure de continuer à mener une politique de rayonnement culturel très ambitieuse et très intense.
Vous avez dit que notre réseau était le plus ancien, le plus dense et, si ma mémoire est bonne, le plus étendu au monde. C'est vrai, et il le reste.
Je ne peux pas vous suivre lorsque vous parlez de privatisation. Essayer de confier l'action culturelle à un opérateur qui est un établissement public, financé sur fonds publics, sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes, dans le cadre d'un contrat qui lui fixe ses objectifs, ce n'est pas privatiser.
En revanche, je suis très favorable à la recherche de partenariats. L'Alliance française est une institution privée et elle mène un travail remarquable. Je ne pense pas que vous ayez dans vos projets l'intention de diminuer ses moyens ou son rayonnement. La synergie entre le réseau de l'Alliance française et nos instituts culturels est très positive.
Il est très positif également, dans le cadre des saisons culturelles auxquelles M. Roatta a rendu hommage tout à l'heure, de développer le partenariat avec certains acteurs privés qui peuvent aussi soutenir notre action culturelle à l'étranger.
Comme je vous l'ai dit, Monsieur Lecoq, mon métier me conduit à me déplacer beaucoup : j'ai parcouru quelque 60 000 kilomètres au mois de septembre dernier et je plante des arbres autant que possible pour compenser ce terrifiant bilan carbone. J'ai visité beaucoup d'installations culturelles françaises à l'étranger et je peux vous dire qu'elles sont un élément de rayonnement extraordinaire.
Prenons un seul exemple : à Addis Abeba, le seul lieu où des acteurs culturels, quelle que soit leur nationalité d'ailleurs - allemande, américaine ou autre -, puissent se retrouver, c'est l'Alliance française, au cœur de la ville avec notre conseiller culturel.
C'est donc un réseau qu'il faut préserver. Nous ne le démantelons pas ; nous essayons de le rendre plus efficace et plus productif. C'est pour moi un objectif essentiel de notre diplomatie dans son ensemble.

Q - (à propos de l'universalité du réseau diplomatique français)
R - Monsieur le Député, vous avez raison de rappeler que notre réseau est l'un des plus étendus au monde, sans doute après le réseau américain : 160 ambassades bilatérales, 17 missions multilatérales, 100 consulats généraux.
Faut-il garder cette universalité ? Nous y avons beaucoup réfléchi dans le cadre du Livre blanc et le gouvernement a apporté une réponse positive à cette question : il faut que la France reste présente sur la planète.
Nous avons hiérarchisé notre réseau : une trentaine d'ambassades à missions élargies, les plus importantes ; les ambassades dites à missions prioritaires, de taille moyenne ; les plus petites, appelées postes de présence diplomatique où l'ambassadeur est souvent seul, avec une secrétaire et parfois, mais pas toujours, un adjoint diplomate.
Faut-il supprimer ces trente petites ambassades ? Citons un seul chiffre : si l'on met de côté les frais de personnels - des titulaires qui resteront dans les effectifs du ministère -, ces trente ambassades représentent 1 % des crédits de fonctionnement du ministère des Affaires étrangères et européennes. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Comme M. Myard, je réponds non à cette question. La présence d'un diplomate, même s'il n'est pas entouré d'effectifs nombreux, est absolument irremplaçable, d'abord pour informer Paris de ce qui se passe sur le terrain, ensuite pour faire passer le message de la France dans de nombreux pays du monde.
(Discussion de l'amendement du gouvernement n°446)
Le présent amendement a pour objet de réévaluer le plafond des crédits de la mission «Action extérieure de l'État» inscrits dans le projet de loi de finances initial pour 2012 au titre de la mise en œuvre du plan d'économies supplémentaires d'un milliard d'euros - parfois appelé le rabot - annoncé par le Premier ministre le 24 août dernier.
Il est proposé de réduire de 13 millions d'euros le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de cette mission. Cette diminution se décompose de la manière suivante.
Premièrement, il est prévu de minorer de 4,5 millions d'euros les crédits du programme «Action de la France en Europe et dans le monde». Cet ajustement résulte d'économies supplémentaires sur les dépenses de soutien - 2,5 millions d'euros au titre de l'entretien immobilier, un million d'euros sur le fonctionnement courant, 500 000 euros au titre de l'informatique - et d'une reprogrammation, à hauteur de 500 000 euros également, des dépenses de la coopération de sécurité et de défense.
Deuxièmement, l'amendement propose une diminution de 8,4 millions d'euros des crédits du programme «Diplomatie culturelle et d'influence».
Enfin, il propose une minoration de 100 000 euros des crédits du programme «Français à l'étranger et affaires consulaires», résultant d'une baisse de ses dépenses de fonctionnement.
Nous avons veillé à ce que ces économies s'imputent largement sur le fonds de roulement de certains organismes tels que l'Institut français et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, sans que cela porte atteinte à leur capacité d'intervention.
(Interventions de parlementaires)
Je sais que mes arguments ne convaincront pas Jacques Myard ; je connais sa détermination. Je veux simplement l'adjurer de bien réfléchir. Treize millions d'euros, c'est moins que proportionnel au poids du budget des Affaires étrangères et européennes dans le budget total de l'État ; nous avons obtenu que ces crédits bénéficient d'un traitement raisonnable. Je pense donc que cet amendement doit être voté.
Par ailleurs, je ne comprends pas cette polémique, Monsieur Loncle. J'ai très clairement dit, tout à l'heure, qu'en 2001 M. Chirac était président de la République, cela ne m'avait pas échappé, et que M. Jospin était Premier ministre.
J'étais ministre des Affaires étrangères durant une cohabitation - pas la même : lorsque M. Mitterrand était président de la République et M. Balladur Premier ministre - et je peux vous dire que, lorsque le Premier ministre était opposé à une mesure, cela ne se faisait pas. J'en conclus que M. Jospin ne s'est pas opposé à la décision prise en 2001. J'étais moi-même parlementaire, et je ne m'y suis pas opposé non plus.
Je rappelais simplement un fait, ce n'était pas une attaque personnelle contre qui que ce soit./.
(L'amendement n° 446 est adopté)

source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2011