Texte intégral
Q - Un think tank européen a estimé que la note de la France nest plus justifiée. Lécart de taux avec lAllemagne a pulvérisé un nouveau record : les investisseurs ne considèrent-ils pas que le triple A est déjà perdu ?
R - La France na pas perdu son triple A et elle bénéficie dune perspective stable de la part de toutes les agences. Moodys a indiqué quelle regarderait dans les prochaines semaines si cette perspective doit être confirmée ou pas. Nous mettons tout en uvre pour démontrer notre très grande réactivité pour faire face aux perturbations exceptionnelles que traverse la zone euro. La croissance de 0,4% observée au troisième trimestre garantit nos objectifs dévolution de lactivité et de réduction du déficit public en 2011, et elle renforce la crédibilité du plan du 7 novembre. Ce plan sappuie sur des réformes structurelles, équitables et qui pèseront le moins possible sur le pouvoir dachat, moteur essentiel de notre croissance.
Q - La Commission européenne prévoit une croissance de seulement 0,6% en 2012 (1% selon Paris) et estime que la France devra faire plus de rigueur. Excluez-vous toujours un nouveau plan cet hiver ?
R - Nous ne travaillons pas sur un troisième plan. Aucun gouvernement dans lhistoire na pris des mesures aussi courageuses que celles que nous allons faire voter, dans une période pré-présidentielle. La Commission navait pas intégré les annonces du 7 novembre dans ses prévisions de déficit et elle a salué la bonne direction prise par la France.
Jajoute que nous avons, dans le budget, prévu les marges de manuvre nécessaires pour tenir notre objectif de déficit en 2012 en cas de ralentissement plus prononcé de léconomie, avec 6 milliards deuros de crédits mis en réserve. Même à 0,5% de croissance, nous pourrions faire face.
Q - Les députés de la majorité pourraient être tentés de durcir le plan pour garantir la note de la France...
R - Si léquité est respectée, si léconomie nest pas pénalisée, je ne verrais aucune objection à ce que les parlementaires aillent dans le sens dune plus grande consolidation.
Q - En dépit de ce plan, la France emprunte aujourdhui à un taux deux fois plus élevé que lAllemagne...
R - À un peu plus de 3,5%, la France se finance à des conditions qui restent bonnes. Mais nous devons faire davantage que lAllemagne pour réduire nos déficits et cest ce que nous faisons. LAllemagne constitue la référence en matière de niveau de taux dintérêts, ses titres sont un peu plus liquides que les nôtres et elle est un refuge dans le climat général dincertitude au sein de la zone euro. Les investisseurs doutent des dettes souveraines.
La clef, cest de sortir ce doute de la tête des marchés, de faire la preuve de notre capacité à réduire les déficits tout en construisant une zone monétaire optimale, ce qui est loin dêtre le cas aujourdhui. Et tout ceci sans casser la reprise de la croissance.
Q - Sommes-nous victimes de la dictature des marchés ?
R - Personnaliser les marchés na pas de sens : il ny a pas déminence grise qui se cache derrière un rideau ! Il y a des investisseurs qui sinterrogent sur notre crédibilité et nous devons leur apporter des réponses. Nous sommes en guerre contre les spéculateurs, contre les marchés dérégulés, mais nous noublions pas que les marchés financent léconomie et les États.
Q - Les banques françaises ont vendu récemment de la dette française, augmentant la pression sur les taux. Est-ce un mauvais signal ?
R - Il est fondamental que les investisseurs européens continuent dinvestir dans la zone euro. Mais il faut remettre en perspective tout ce qui est demandé aux banques. Elles doivent démontrer leur capacité à résister à des chocs sur les dettes souveraines, renforcer leurs fonds propres tout en finançant léconomie et en jouant toujours leur rôle dinvestisseur institutionnel. Nous sommes très attentifs à cette situation.
Q - Allez-vous vous investir personnellement pour convaincre les agences de notation de la solidité de la France ?
R - Je lai fait et je continuerai de le faire. Par ailleurs, il faut certainement aussi mieux réguler les agences. Suite à lerreur de Standard & Poors, jai demandé une enquête, elle est en cours et il faudra en tirer les conséquences, car cette affaire a semé un doute préjudiciable. Nous appuyons les propositions de la Commission européenne dans ce domaine.
Q - LAssociation française des entreprises privées a écrit lundi aux candidats à la présidentielle. Elle estime quil faut diminuer le coût du travail pour renforcer la compétitivité...
R - La question du coût du travail et du financement du modèle social sera au cur des débats de 2012. Pour ne plus financer notre modèle à crédit, pour ne plus pénaliser lactivité, il faudra trouver une assiette fiscale plus large. Est-ce la TVA, la CSG, ou un mixte des deux ? Cest un débat incontournable, parce que cest aussi un choix de société et de solidarité.
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Q - On assiste en Europe à une frénésie de rigueur en Europe. Nest-on pas rentré dans un cercle vicieux qui mène tout droit à la récession ?
R - Au Sommet du G20, à Cannes, il a été décidé que les pays en situation dexcédent participeraient à la relance tandis que les pays qui doivent procéder à une consolidation budgétaire devaient annoncer rapidement leurs mesures de correction. Nous ne sommes plus comme à Londres, en avril 2009, dans une logique de relance tous azimuts.
Q - Quattendez-vous de lItalie ?
R - Nous avons pris acte du changement de gouvernement, nous attendons des mesures déconomies et de réduction de la dette dans le respect du calendrier proposé. Tout ce qui se passe depuis 15 jours va dans le bon sens. LItalie a une économie puissante et solide mais qui est victime dune défiance.
Q - Les taux montent sur la dette italienne, qui va avoir besoin dune aide du Fonds européen de stabilité ou de la BCE...
R - Nous sommes favorables à lintervention de toutes les institutions européennes y compris la BCE pour apporter les meilleures réponses à la crise. La Banque centrale, dont je rappelle lindépendance, a pris des engagements pour expliquer quelle répondrait présente en cas de difficulté. LAllemagne, pour des raisons historiques, a fermé la porte à une implication directe de la BCE.
Q - «Y compris la BCE»... Vous voulez dire que Berlin refuse quelle soit le prêteur en dernier ressort des pays de la zone euro, comme le font pourtant les autres banques centrales ?
R - Il est vrai que la Réserve fédérale américaine intervient et que cela ne remet pas en cause son indépendance, la Banque du Japon et la Banque dAngleterre le font aussi. Mais lAllemagne a une histoire, une mémoire sur linflation, le surendettement... Avant laccord du 27 octobre, nous avons défendu la demande dun statut bancaire pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Doté dune licence bancaire, ce fonds pourrait sappuyer sur la BCE. Mais celle-ci sy est opposée et lAllemagne a souhaité dautres options. Cest pourquoi nous travaillons aussi sur dautres modalités que sont leffet de levier et les garanties sur les obligations dÉtat.
Q - Hier encore, le gouverneur de la Bundesbank a redit fortement que ce nest pas à la BCE de faire le travail des États. Alors que lon entend peu celui de la Banque de France...
R - Nous respectons lhistoire allemande et les États doivent naturellement faire leur travail mais nous continuons de considérer que la BCE est une réponse et probablement même un élément important de la réponse à cette crise. Dans le communiqué de laccord du 27 octobre, la BCE a pris lengagement de jouer complètement son rôle pour garantir la stabilité de la zone euro. Nous lui faisons confiance.
Q - Aujourdhui, personne ne croit à la nouvelle puissance de feu du Fond européen de stabilité financière. Il emprunte à des taux supérieurs à ceux de la France !
R - Wolfgang Schauble et moi-même avons beaucoup pesé la semaine dernière pour accélérer le calendrier opérationnel du Fonds. Son président, Klaus Régling a une feuille de route très précise. Sur un plan technique, il sagit notamment de savoir à quel niveau on place le rehaussement de crédit, plus on laugmente, moins leffet de levier est important. Il faut a minima atteindre lobjectif de 1.000 milliards fixé dans laccord du 27 octobre. Lobjectif du pare-feu est déviter la contagion. Pour cela, il faut que notre force de frappe soit suffisamment dissuasive pour empêcher une contamination.
Les nouvelles modalités dintervention seront prêtes avant la première quinzaine de décembre. La protection des banques avec leur recapitalisation, la montée en puissance du Fonds européen et la modernisation de la gouvernance constituent notre réponse à la crise.
Si la question est «va-t-on vers plus de fédéralisme», la réponse est «oui» et le gaulliste que je suis nest nullement gêné par lexpression. Il y a des enseignements à tirer de la crise. Nous devons aller vers plus de convergence, avec une probable modification des traités. Le président de la République aura loccasion de présenter la contribution française à cet important débat.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 novembre 2011
R - La France na pas perdu son triple A et elle bénéficie dune perspective stable de la part de toutes les agences. Moodys a indiqué quelle regarderait dans les prochaines semaines si cette perspective doit être confirmée ou pas. Nous mettons tout en uvre pour démontrer notre très grande réactivité pour faire face aux perturbations exceptionnelles que traverse la zone euro. La croissance de 0,4% observée au troisième trimestre garantit nos objectifs dévolution de lactivité et de réduction du déficit public en 2011, et elle renforce la crédibilité du plan du 7 novembre. Ce plan sappuie sur des réformes structurelles, équitables et qui pèseront le moins possible sur le pouvoir dachat, moteur essentiel de notre croissance.
Q - La Commission européenne prévoit une croissance de seulement 0,6% en 2012 (1% selon Paris) et estime que la France devra faire plus de rigueur. Excluez-vous toujours un nouveau plan cet hiver ?
R - Nous ne travaillons pas sur un troisième plan. Aucun gouvernement dans lhistoire na pris des mesures aussi courageuses que celles que nous allons faire voter, dans une période pré-présidentielle. La Commission navait pas intégré les annonces du 7 novembre dans ses prévisions de déficit et elle a salué la bonne direction prise par la France.
Jajoute que nous avons, dans le budget, prévu les marges de manuvre nécessaires pour tenir notre objectif de déficit en 2012 en cas de ralentissement plus prononcé de léconomie, avec 6 milliards deuros de crédits mis en réserve. Même à 0,5% de croissance, nous pourrions faire face.
Q - Les députés de la majorité pourraient être tentés de durcir le plan pour garantir la note de la France...
R - Si léquité est respectée, si léconomie nest pas pénalisée, je ne verrais aucune objection à ce que les parlementaires aillent dans le sens dune plus grande consolidation.
Q - En dépit de ce plan, la France emprunte aujourdhui à un taux deux fois plus élevé que lAllemagne...
R - À un peu plus de 3,5%, la France se finance à des conditions qui restent bonnes. Mais nous devons faire davantage que lAllemagne pour réduire nos déficits et cest ce que nous faisons. LAllemagne constitue la référence en matière de niveau de taux dintérêts, ses titres sont un peu plus liquides que les nôtres et elle est un refuge dans le climat général dincertitude au sein de la zone euro. Les investisseurs doutent des dettes souveraines.
La clef, cest de sortir ce doute de la tête des marchés, de faire la preuve de notre capacité à réduire les déficits tout en construisant une zone monétaire optimale, ce qui est loin dêtre le cas aujourdhui. Et tout ceci sans casser la reprise de la croissance.
Q - Sommes-nous victimes de la dictature des marchés ?
R - Personnaliser les marchés na pas de sens : il ny a pas déminence grise qui se cache derrière un rideau ! Il y a des investisseurs qui sinterrogent sur notre crédibilité et nous devons leur apporter des réponses. Nous sommes en guerre contre les spéculateurs, contre les marchés dérégulés, mais nous noublions pas que les marchés financent léconomie et les États.
Q - Les banques françaises ont vendu récemment de la dette française, augmentant la pression sur les taux. Est-ce un mauvais signal ?
R - Il est fondamental que les investisseurs européens continuent dinvestir dans la zone euro. Mais il faut remettre en perspective tout ce qui est demandé aux banques. Elles doivent démontrer leur capacité à résister à des chocs sur les dettes souveraines, renforcer leurs fonds propres tout en finançant léconomie et en jouant toujours leur rôle dinvestisseur institutionnel. Nous sommes très attentifs à cette situation.
Q - Allez-vous vous investir personnellement pour convaincre les agences de notation de la solidité de la France ?
R - Je lai fait et je continuerai de le faire. Par ailleurs, il faut certainement aussi mieux réguler les agences. Suite à lerreur de Standard & Poors, jai demandé une enquête, elle est en cours et il faudra en tirer les conséquences, car cette affaire a semé un doute préjudiciable. Nous appuyons les propositions de la Commission européenne dans ce domaine.
Q - LAssociation française des entreprises privées a écrit lundi aux candidats à la présidentielle. Elle estime quil faut diminuer le coût du travail pour renforcer la compétitivité...
R - La question du coût du travail et du financement du modèle social sera au cur des débats de 2012. Pour ne plus financer notre modèle à crédit, pour ne plus pénaliser lactivité, il faudra trouver une assiette fiscale plus large. Est-ce la TVA, la CSG, ou un mixte des deux ? Cest un débat incontournable, parce que cest aussi un choix de société et de solidarité.
( )
Q - On assiste en Europe à une frénésie de rigueur en Europe. Nest-on pas rentré dans un cercle vicieux qui mène tout droit à la récession ?
R - Au Sommet du G20, à Cannes, il a été décidé que les pays en situation dexcédent participeraient à la relance tandis que les pays qui doivent procéder à une consolidation budgétaire devaient annoncer rapidement leurs mesures de correction. Nous ne sommes plus comme à Londres, en avril 2009, dans une logique de relance tous azimuts.
Q - Quattendez-vous de lItalie ?
R - Nous avons pris acte du changement de gouvernement, nous attendons des mesures déconomies et de réduction de la dette dans le respect du calendrier proposé. Tout ce qui se passe depuis 15 jours va dans le bon sens. LItalie a une économie puissante et solide mais qui est victime dune défiance.
Q - Les taux montent sur la dette italienne, qui va avoir besoin dune aide du Fonds européen de stabilité ou de la BCE...
R - Nous sommes favorables à lintervention de toutes les institutions européennes y compris la BCE pour apporter les meilleures réponses à la crise. La Banque centrale, dont je rappelle lindépendance, a pris des engagements pour expliquer quelle répondrait présente en cas de difficulté. LAllemagne, pour des raisons historiques, a fermé la porte à une implication directe de la BCE.
Q - «Y compris la BCE»... Vous voulez dire que Berlin refuse quelle soit le prêteur en dernier ressort des pays de la zone euro, comme le font pourtant les autres banques centrales ?
R - Il est vrai que la Réserve fédérale américaine intervient et que cela ne remet pas en cause son indépendance, la Banque du Japon et la Banque dAngleterre le font aussi. Mais lAllemagne a une histoire, une mémoire sur linflation, le surendettement... Avant laccord du 27 octobre, nous avons défendu la demande dun statut bancaire pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Doté dune licence bancaire, ce fonds pourrait sappuyer sur la BCE. Mais celle-ci sy est opposée et lAllemagne a souhaité dautres options. Cest pourquoi nous travaillons aussi sur dautres modalités que sont leffet de levier et les garanties sur les obligations dÉtat.
Q - Hier encore, le gouverneur de la Bundesbank a redit fortement que ce nest pas à la BCE de faire le travail des États. Alors que lon entend peu celui de la Banque de France...
R - Nous respectons lhistoire allemande et les États doivent naturellement faire leur travail mais nous continuons de considérer que la BCE est une réponse et probablement même un élément important de la réponse à cette crise. Dans le communiqué de laccord du 27 octobre, la BCE a pris lengagement de jouer complètement son rôle pour garantir la stabilité de la zone euro. Nous lui faisons confiance.
Q - Aujourdhui, personne ne croit à la nouvelle puissance de feu du Fond européen de stabilité financière. Il emprunte à des taux supérieurs à ceux de la France !
R - Wolfgang Schauble et moi-même avons beaucoup pesé la semaine dernière pour accélérer le calendrier opérationnel du Fonds. Son président, Klaus Régling a une feuille de route très précise. Sur un plan technique, il sagit notamment de savoir à quel niveau on place le rehaussement de crédit, plus on laugmente, moins leffet de levier est important. Il faut a minima atteindre lobjectif de 1.000 milliards fixé dans laccord du 27 octobre. Lobjectif du pare-feu est déviter la contagion. Pour cela, il faut que notre force de frappe soit suffisamment dissuasive pour empêcher une contamination.
Les nouvelles modalités dintervention seront prêtes avant la première quinzaine de décembre. La protection des banques avec leur recapitalisation, la montée en puissance du Fonds européen et la modernisation de la gouvernance constituent notre réponse à la crise.
Si la question est «va-t-on vers plus de fédéralisme», la réponse est «oui» et le gaulliste que je suis nest nullement gêné par lexpression. Il y a des enseignements à tirer de la crise. Nous devons aller vers plus de convergence, avec une probable modification des traités. Le président de la République aura loccasion de présenter la contribution française à cet important débat.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 novembre 2011