Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, au journal "Les Echos" du 5 décembre 2011, sur les enjeux de la conférence de Durban (Afrique du sud) sur le réchauffement climatique.

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Texte intégral

Q - La France a-t-elle respecté ses engagements ?
R - Nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre ont été tenus et, au plan international, nous sommes plutôt en pointe. La France consacre chaque année 420 millions d’euros de crédits «fast start» à la lutte contre le réchauffement : 25 % vont à des actions multilatérales portées par la Banque mondiale et le Fonds mondial pour l’environnement, 75 % concernent des initiatives bilatérales via l’Agence française pour le Développement et le fonds Français pour l’Environnement mondial.
Q - Quel mandat défendrez-vous à Durban ?
R - Ni plus ni moins que le mandat de l’Union européenne élaboré au mois d’octobre dernier par le Conseil des ministres de l’Environnement, «KyotoPlus». L’Union européenne est prête à se mobiliser pour une deuxième période d’engagement dans le cadre du protocole de Kyoto. Mais l’Europe et les pays développés impliqués dans la première période ne représentent que 20 % des émissions de la planète. Nous voulons un consensus général pour qu’une négociation soit lancée en vue d’un accord global.
Q - Au sein de l’Union européenne, tous les États ne semblent pas sur la même ligne ?
R - Il y a eu des divergences tactiques, plus que de fond. La question était de savoir si l’Europe devait opter d’emblée pour une nouvelle période d’engagement ou attendre que les autres décident de commencer à s’y mettre. Sans le paquet climat-énergie adopté par l’Union européenne, il n’y aurait pas eu ce débat. La France était plutôt d’accord avec la première option, qui l’a emporté. Notre position était de dire : faisons de notre paquet climat-énergie notre force. N’ayons pas de fausse pudeur.
Q - Avec la crise, la France peut-elle nourrir de telles ambitions ?
R - Je vous retourne la question. Avec la crise, nous avons plus que jamais besoin de nous engager dans la transition énergétique. Il n’y a pas une crise, mais des crises : crise de la dette, crise économique, crise écologique. Tous les experts assurent que l’on court au-devant d’une catastrophe écologique dont l’impact sera désastreux au plan économique. La situation est mal partie pour contenir la hausse des températures à 2 % d’ici à 2100. On est plutôt sur 3,5 degrés, 4 degrés, voire 6 degrés. Cela signifie qu’une partie de la planète va devenir invivable et incultivable, avec des migrations massives.
Q - Quelles seraient les conséquences d’un échec ?
R - Il ne sert à rien de parler à l’avance d’échec. Je ne suis pas l’oracle de l’apocalypse, même si les choses se présentent difficilement car les positions sont d’emblée très marquées et divergentes. En même temps, les rapports plus qu’alarmants des scientifiques incitent à une mobilisation des énergies. Et puis, cette conférence, quelle que soit son issue, permettra de préciser et de mettre en œuvre les outils décidés à Cancun en matière de transfert de technologie et de lutte contre la déforestation.
Q - La mise en place du Fonds vert semble plutôt mal partie...
R - On a créé un récipient pour unifier les moyens financiers de lutte contre le changement climatique. Mais ce récipient est encore vide : les 100 milliards de dollars prévus ne sont pas là. Le G20 de Cannes a heureusement ouvert des perspectives encourageantes en matière de financements innovants. On a une nouvelle crédibilité vis-à-vis des pays en voie de développement. C’est une bonne nouvelle, certes, un peu gâchée par l’absence de consensus juste avant Durban. J’espère que ce ne sera pas définitif.
Q - Ne vaut-il pas mieux laisser aux États les plus volontaristes leur liberté d’agir ?
R - Je pourrais entendre ce discours si la lutte contre le réchauffement n’était pas un sport d’équipe, si elle n’était pas par essence multilatérale. C’est l’avenir de la planète qui est en jeu. Sur l’eau, il est possible de démarrer sur des négociations bilatérales, quitte à déboucher sur du multilatéral. Les avancées dans la lutte contre les pollutions marines sont parties d’accords régionaux. La défense du climat impose le processus contraire. Ce qui est émis sur une partie de la planète a un impact sur toute la planète.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 2011