Interview de M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, à RTL le 9 décembre 2011, sur la modification des horaires de train organisée par la SNCF et Réseau ferré de France (RFF).

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE Dans deux jours, dimanche 11 décembre, 85 % des horaires de trains seront modifiés, 100 000 horaires sont concernés. C’est colossal ! Et c’est aussi effrayant. 3 raisons à ce bouleversement : le cadencement de certaines lignes, ce qui veut dire que les trains partiront tous les jours à heure fixe, ça fluidifie le réseau, et ça facilite, paraît-il les arrivées à l’heure, on verra bien ! Deuxièmement, une rénovation importante du réseau ferré, 1000 kilomètres par an. Et enfin, troisième raison, la mise en service dimanche du TGV Rhin-Rhône, la ligne Dijon – Mulhouse, ce qui se répercute sur des lignes secondaires. Donc voilà, les causes ! Ce qui nous intéresse, ce matin, Thierry MARIANI, ce sont les conséquences. Est-ce que vous êtes inquiet à deux jours de ce Big Bang ?
 
THIERRY MARIANI Ecoutez, quand on change 100 000 horaires, on est forcément inquiet. Les services de la SNCF et de RFF ont travaillé d’arrache-pied, d’autre part, on est inquiet aussi, parce que, on le voit bien dans les réactions et j’écoute ce qui se dit, quand on change ses habitudes, ça bouleverse la vie des gens.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Beaucoup d’usagers. Beaucoup, beaucoup, beaucoup, disent : voilà, mon train bouge d’un quart d’heure, et ça me fera arriver plus tard au travail ?
 
THIERRY MARIANI Oui, c’est vrai.
 
JEAN-MICHEL APHATIE C’est un problème.
 
THIERRY MARIANI Oui, voilà, sauf qu’on rajoute aussi 200 trains, ce qui est logique, les milliers d’abonnés qui sont satisfaits, ne viennent pas vous dire : ça va mieux ! Il y a quand même des améliorations significatives, je rappelle que tout ça est fait, pour améliorer la situation. Par exemple, sur la ligne TER Lille – Arras, on passe de 2 à 5 TER. Sur les TER Lyon – Saint-Étienne, 18 000 clients par jour, la ligne la plus chargée au monde, il y aura 15 % de TER de plus. Donc forcément, ce qui est enlevé à un endroit et rajouté à un autre. D’autre part, vous l’avez très bien, on a un problème de travaux. En réalité, c’est un peu, pardonnez-moi, comme la dette. Si on ne peut rien faire, un jour, ça pète ! Les travaux ça fait des années qu’on doit les faire…
 
JEAN-MICHEL APHATIE On a trop tardé !
 
THIERRY MARIANI On a trop tardé. Alors je vais prendre un exemple très concret, la ligne Paris – Bordeaux, pour des raisons que je n’évoque pas, mais que vous devinez, comme vos auditeurs, vous pensez que cette ligne, j’ai fait un peu plus attention, encore que les autres. Paris – Bordeaux, le temps de trajet va être rajouté de 15 minutes. Pourquoi ? Parce qu’aussi, l’objectif final après les travaux, c’est de gagner 1 heure, sur le temps global. Oui, on va rajouter 15 minutes, jusqu’en 2016. Mais après on va passer de 3 heures à 2 heures 05.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Oui, il y a beaucoup de situations très complexes. Je voudrais juste vous citer un responsable du Collectif National des Usagers, il y en a beaucoup, qui se sont crées à cette occasion, lui, il dit ceci : Il n’y a eu aucune étude d’impact de la part de la SNCF sur les conséquences de ces changements d’horaires dans la vie des usagers. La gestion de cette affaire a été purement technocratique, et sans aucun pragmatisme. Pas assez de dialogue avec les usagers. Vous en convenez, Thierry MARIANI ?
 
THIERRY MARIANI Non, je n’en conviens pas, c’est un dossier qui est préparé depuis des mois, à la fois par la SNCF et RFF et mon ministère. C’est un dossier sur lequel on est en dialogue avec les élus, de toute façon, écoutez, j’ai bien conscience qu’à partir du moment, où on change les habitudes, forcément, le dialogue n’est pas respecté. Et puis très souvent, excusez-moi, ma franchise, mais par moment, la concertation, pour les gens ça consiste à dire, si vous faites ce que je vous demande, vous avez fait une bonne concertation, et si vous m’écoutez, mais que vous n’y arrivez pas, votre concertation elle ne marche pas. Alors il y a 67 millions de Français, on n’a pas fait 67 millions d’horaires à la carte. Vous savez, moi, pendant des années, quand j’étais jeune et que je préparais ma campagne électorale, je prenais le 5040 à Montélimar, il partait à 23 heures 59, il arrivait à 6 heures 35. Des fois, il peut changer.
 
JEAN-MICHEL APHATIE C’est décidé, plus rien, ne peut changer ?
 
THIERRY MARIANI Non, on peut encore changer des choses. Mais très peu. D’abord à la SNCF…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Très peu de choses peuvent changer, trop compliqué.
 
THIERRY MARIANI Oui, bah oui, parce que c’est un immense domino où chaque train qui passe sur un sillon impacte celui d’après, celui d’avant, parce qu’au milieu de tout ça, il y a la sécurité, qu’il faut absolument respecter. La SNCF a nommé un médiateur avec RFF qui est Nicole NOTAT, et en plus, je le dis tout de suite, elle l’a acceptée bénévolement, je la remercie. Et donc elle a pris à bras-le-corps toute une série de problème. Il y a une centaine de cas qui ont été identifiés, 80 ont pu être résolus grâce à son action, il en reste encore une vingtaine. Je le reconnais !
 
JEAN-MICHEL APHATIE Une autre critique est faite à la SNCF, donc au ministère que vous dirigez Thierry MARIANI, c’est la critique qui concerne la rentabilité. Par exemple, le train de 22 heures 52 qui partait tous les soirs, depuis, très, très, très longtemps, de Paris Austerlitz qui allait de nuit jusqu’à Tarbes en passant par Bordeaux, ce train-là est supprimé et on dit : voilà ! C’est la rentabilité qui domine, le service public aujourd’hui. Vrai ? Faux ?
 
THIERRY MARIANI Faux, faux, parce que l’exemple que vous citez…
 
JEAN-MICHEL APHATIE 22 heures 52, vous ne connaissiez pas celui-là ?
 
THIERRY MARIANI Non, je ne connaissais pas le 22 heures 52, je pourrais vous parlez, si vous voulez du TGV de 21 heures 25, entre Paris et Le Mans. Je répète…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Rentabilité, la SNCF en profite.
 
THIERRY MARIANI Non, non, ce n’est pas rentabilité, bien sûr, qu’il y a des notions quand même, de gestion saine de la SNCF. Je vous rappelle que les finances de la SNCF sont bonnes. Mais il y a surtout des notions d’efficacité et puis de savoir où est-ce qu’on met les trains, j’allais dire à l’endroit où ils sont les plus efficaces et le plus utiles. Cette année, c’est le Big Bang, mais chaque année, au mois de décembre, on changeait à peu près 10 à 15 % des horaires. Pourquoi ? Parce qu’il y avait de nouvelles gares, de nouveaux arrêts, il y avait des arrêts qui étaient supprimés, etc. Donc en réalité, je pourrais multiplier les exemples, j’en ai, oui, il y a des endroits effectivement où le service est abaissé, mais oui, il y a beaucoup plus d’endroits où le service est augmenté. Permettez par exemple, un dernier exemple, les TER en Picardie, l’offre à Compiègne vient d’être amélioré de 18 %, mais les trains seront un peu plus longs pour certains d’entre eux. Pourquoi ? Parce qu’il y aura par exemple, deux arrêts de plus, Creil et Chantilly. On a 100 000 exemples comme ça.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Voilà, les fiches étaient bien faites. Alors vous serez sans doute confronter à des cas particuliers, puisque vous restez avec les auditeurs de RTL, qui entre 8 heures 30 et 8 heures 50, pourront dialoguer avec vous. Un autre problème, qui apparaît dans cette gestion compliquée du rail français, dimanche, je ne sais pas si c’est un hasard, mais le premier train privé, géré par la compagnie Tello, reliera Paris à Venise, et il s’agit là, d’une mise en concurrence de la SNCF qui découle des traités européens, que la France a signés. Du coup, se pose pour la SNCF, la question de sa compétitivité par rapport à la concurrence. Et du coup, se repose la question du statut des cheminots, puisque des études semblent montrer, je ne sais pas si vous validez ceci, Thierry MARIANI, qu’un agent de la SNCF avec son statut aujourd’hui, coûte 30 % de plus, que quelqu’un qui est employé par une compagnie privée. La question est : le statut des cheminots doit-il être remis en cause dans les prochaines années, Thierry MARIANI ?
 
THIERRY MARIANI La réponse est non, ce n’est pas d’actualité. La réponse aujourd’hui, c’est d’avoir un service efficace qui marche. Est-ce qu’il y aura une ouverture à la concurrence ?
 
JEAN-MICHEL APHATIE Elle y est !
 
THIERRY MARIANI Elle y est, bien sûr. Non, non, mais je dis, en plus, on sait tous très bien, que les règles européennes, font qu’il doit y avoir de plus en plus de concurrence. La SNCF doit s’y préparer. Vous savez, l’Allemagne…
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Et donc le coût de la SNCF va devenir une question importante ?
 
THIERRY MARIANI Oui, donc la rentabilité, doit être améliorée. Il y a un moment où il faut le dire.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Donc le statut des cheminots peut être menacé ?
 
THIERRY MARIANI Non, mais attendez ! On peut aussi faire des efforts, moi, je crois, j’ai trouvé dans les dernières crises, notamment, le préavis de grève, déposé par certains conducteurs, la majorité des candidats, la majorité pardon, des syndicats, excusez-moi, très responsable. Je pense qu’effectivement le personnel de la SNCF voit qu’ils vont devoir rentrer progressivement dans un autre monde. Ils s’y préparent, ils savent qu’ils devront faire des efforts. Mais on peut tout à fait essayer de garder ce statut.
 
JEAN-MICHEL APHATIE On peut essayer de le garder au moins, jusqu’à l’élection présidentielle.
 
THIERRY MARIANI Non, mais…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Avant l’heure, ce n’est pas l’heure. Et après l’heure, ce n’est pas l’heure, c’est ça ?
 
THIERRY MARIANI Non, non, pas du tout, je ne parle pas pour les 6 prochains mois.
 
JEAN-MICHEL APHATIE D’accord !
 
THIERRY MARIANI Je parlais pour plus.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 9 décembre 2011