Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je ne suis pas seulement heureux dêtre ici parmi vous, sur ce site impressionnant de lancienne usine Metaleurop. Je me sens fier. Fier du courage des hommes et des femmes que jai rencontrés ce matin, tout au long de ce déplacement dans le Nord et le Pas-de-Calais. Partout, à Trith Saint-Léger, à Lambersart. Partout, jai vu la même volonté daller de lavant, de refuser la fatalité et de surmonter les difficultés. Je suis fier et heureux, car je ne suis rien venu vous dire dautre : il ny a pas de fatalité au déclin de la France.
Bien sûr, la mondialisation est là. Avec elle, la concurrence internationale sétend jusquà des horizons toujours nouveaux : après la Chine, lInde ou le Brésil. Cest bientôt lhumanité tout entière qui prend part à des échanges toujours croissants.
Dans cette compétition, nous ne manquons pas datouts. Dans le pôle de compétitivité I-Trans que jai visité ce matin, certaines entreprises industrielles réalisent plus de 80% de leur chiffre daffaires à létranger. Lorsque notre pays est le 5ème exportateur mondial. Lorsquun salarié français sur 4 travaille pour lexportation, chacun comprend qu'il est vain de refuser la mondialisation. La seule option qui nous soit ouverte dans le contexte de la mondialisation, c'est de nous battre.
Face à la mondialisation, nous ne manquons ni de courage ni de détermination. Cest tout le sens de ma présence ici dans le Nord Pas-de-Calais : dans une région qui, cent fois frappée, a su cent fois se relever. Lorsque les charbonnages, la sidérurgie et le textile ont connu de terribles difficultés, dautres industries, notamment lautomobile, ont pris le relais, comme Toyota à Valenciennes. Rien nest jamais définitivement gagné, cest vrai. Mais rien nest jamais irrémédiablement perdu. Souvenons-nous qu'il y a 20 ans, beaucoup considéraient qu'il n'y avait plus de place pour deux constructeurs automobiles français. J'observe aujourd'hui que ces deux constructeurs se portent plutôt bien, font des bénéfices et créent des emplois en France. Il en va de même pour Alstom que je ne regrette pas davoir sauvé de la faillite, pour préserver les savoir-faire industriels et technologiques de cette grande entreprise française.
Il faut le reconnaître, la mondialisation suscite aujourdhui dimmenses inquiétudes chez les Français. Il y a bien sûr la crainte dune mise en concurrence par le bas des salariés et des territoires à travers le monde, qui menacerait au bout du compte notre propre modèle de civilisation. Je ne sous-estime pas non plus l'angoisse légitime que suscitent les délocalisations, quand les activités de production disparaissent de notre territoire et sont remplacées par des importations. Lindustrie textile, dans cette région, en a payé hélas le prix fort. Or sur le long terme, nous savons tous que la puissance économique dun pays reste indissociablement liée au dynamisme de ses industries.
Je suis venu ici pour vous dire quil ny a pas de fatalité à la désindustrialisation et aux délocalisations. La mondialisation nest pas le point final du progrès économique et de la justice sociale. Au contraire, je veux laffirmer ici à Noyelles-Godault. La France peut gagner dans la mondialisation, si nous investissons à nouveau dans la politique industrielle et si nous bâtissons ensemble les nouvelles protections capables de rendre confiance aux Français.
Pour gagner les défis de demain, ceux de la société de la connaissance, il est stratégique que la France investisse à nouveau puissamment dans les générations et les savoirs de demain, grâce à une politique dinnovation industrielle déterminée et grâce à une profonde réforme de lenseignement supérieur et de la recherche.
Je suis dabord profondément convaincu que la France a besoin dune grande politique industrielle, tournée vers lobjectif de linnovation. Aujourdhui, 67 pôles de compétitivité ont été créés dans notre pays. Ils sont les instruments essentiels de notre nouvelle politique industrielle, en permettant de rapprocher la recherche publique et privée, les universités et les entreprises, les centres de recherche et lindustrie. Car, dans ces pôles, il sagit de resserrer et de renforcer chacun des maillons de la chaîne qui part de la recherche fondamentale tournée uniquement vers la science, puis passe par la recherche appliquée, par le dépôt dun brevet, pour aboutir au développement et à la commercialisation dun produit et à la création demplois. Cest cette chaîne qui fait aujourdhui la richesse et la compétitivité dun pays. Cest dans les pôles de compétitivité que vous forgez chaque jour les maillons de cette chaîne de linnovation.
En obtenant en juillet 2005, la labellisation de six pôles de compétitivité, réunis ici aujourdhui, le Nord Pas-de-Calais a démontré quil conservait intacte la volonté dêtre une grande région industrielle et une terre dinnovations. Jai visité ce matin le pôle de compétitivité à vocation mondiale « I-Trans ». Jai assisté à la signature dun contrat de recherche entre trois PME et un laboratoire public. Et jai eu limmense satisfaction de voir que dans ce pôle, comme dans tant dautres, on parvient aujourdhui à faire collaborer étroitement la recherche et lindustrie, alors que nous ny étions jamais parvenus à léchelle nationale.
Bien sûr, il faudra accroître encore fortement leffort national en matière de recherche et dinnovation. Vous pourrez compter sur ma persévérance.
Je veux ensuite vous dire combien il est essentiel dimaginer les nouvelles protections économiques et sociales capables rendre confiance aux Français face à la mondialisation.
Pour rendre confiance aux Français, lEurope doit redevenir lespace commun de protection et de croissance, quont voulu les pères fondateurs de la communauté européenne. Je suis convaincu quil nous faut désormais réhabiliter le vieux principe de la préférence européenne. Comprenons-nous bien : il ne sagit pas de renouer avec le protectionnisme. Mais il ny aurait rien danormal à ce que les Etats, les administrations et toutes les collectivités publiques dEurope achètent en priorité des produits ou des services européens. Cest un enjeu économique considérable et cest, de mon point de vue, essentiel pour unifier le grand marché intérieur européen. Jajoute que cela peut être parfaitement compatible avec nos engagements à lOMC.
Enfin, à mes yeux, lEurope doit devenir une force au service dune mondialisation humaine. Dans les négociations à lOMC, lEurope doit mettre sur la table la question du travail forcé, du travail des enfants, du respect de lenvironnement et de la contrefaçon. Utilisons enfin la puissance économique de 1er exportateur et de 1er importateur mondial pour défendre une concurrence internationale plus loyale. Aujourdhui encore, lUnion européenne utilise 2 à 3 fois moins que les Etats-Unis les armes "anti-dumping" prévues par lOMC. Lindustrie du textile est malheureusement bien placée pour le savoir. Nous navons pas le droit dêtre naïfs sur la réciprocité commerciale : les contraintes pour nous, les emplois et les richesses pour les autres.
Par ailleurs, pour nos concitoyens, la mondialisation apparaît d'abord comme une menace tout à la fois pour les hommes, pour les entreprises et pour les territoires. Imaginons ensemble les nouvelles protections quil faut leur offrir, pour que les Français reprennent confiance dans leur modèle social.
Dautres pays que la France affrontent la mondialisation et en tirent profit, en créant des emplois, en profitant du commerce international et en gagnant des parts de marchés. Ces pays ne sont pas meilleurs que nous. Mais à bien y regarder ces pays ont surtout en commun de posséder des systèmes sociaux qui créent la confiance et donnent aux salariés le sentiment dêtre protégés efficacement face à la mondialisation. En France, au contraire, notre droit du travail ne rassure plus personne. Cest vrai que, dans notre pays, nous avons un peu moins de licenciements que les autres, mais nous avons surtout beaucoup moins de créations demploi. Les périodes au chômage sont plus longues en France (17 mois contre 9 mois pour la moyenne des pays du G7) et lessentiel des offres de travail passe par des contrats précaires et lintérim : 70% des embauches aujourdhui. Et ce sont les jeunes et les seniors qui supportent le plus durement cette précarité. La précarité, ce nest hélas pas une nouveauté. Elle est là depuis 20 ans. Elle est là, sous nos yeux, quand on prend la peine de rencontrer des jeunes, qui vous expliquent quaujourdhui, 1 CDD sur 2 dure moins de trois mois.
Au final, notre modèle est social est « perdant-perdant ». Perdant pour les entreprises car labsence de flexibilité de lemploi réduit les embauches et pénalise lattractivité de notre territoire. Perdant pour les salariés dont les emplois ne peuvent être protégés du licenciement mais qui supportent une forte précarité et sont exposés à des périodes de chômage durables.
Je crois, au contraire, quil est possible doffrir aux entreprises et aux salariés français un accord gagnant-gagnant. Ce nest pas rien, il nous faut à la fois libérer les embauches et inventer la protection sociale du salarié du XXIème siècle.
Premièrement, introduisons une plus grande flexibilité dans lemploi, dans le but de libérer les embauches. Il faut aujourdhui libérer les entreprises de la peur dembaucher. Donnons-leur la souplesse dont elles ont besoin pour recruter. Car la meilleure et la première des sécurités de lemploi, cest tout de même la certitude de pouvoir trouver facilement un nouveau travail dans un marché de lemploi dynamique.
Deuxièmement, il nous faut adapter les protections du salarié aux besoins daujourdhui. Alors que les parcours professionnels sont discontinus et marqués par des périodes de chômage plus ou moins longues, par des reconversions et lacquisition de compétences nouvelles, les protections doivent désormais être attachées aux salariés et non aux emplois quils occupent. Cest cela le cur de la Sécurité sociale professionnelle. Quels seraient ces nouveaux droits du salarié ?
Dabord le droit à un reclassement personnalisé par un service public de lemploi performant issu de la fusion de lANPE et de lUNEDIC. Les maisons de lemploi, comme celle que jai vue cet après-midi à Lambersart, sont une étape intéressante de rapprochement entre les acteurs de lemploi. Allons au-delà pour offrir au demandeur demploi un interlocuteur unique, encore plus efficace.
Ensuite le droit à une indemnisation décente du chômage car perdre son emploi peut arriver à chacun dentre nous , en contrepartie dun contrôle assidu de la recherche demploi. Dans mon esprit, la durée de lindemnisation du chômage ne devrait pas être seulement fonction de la durée de cotisation, mais tenir compte avant tout des difficultés de chaque personne à retrouver un emploi. Cest la justice qui commande de faire plus pour ceux qui ont le plus de difficultés.
Afin de doter le service public de lemploi rénové des moyens dun accompagnement de très haut niveau, je propose que les entreprises qui recourent beaucoup au licenciement contribuent davantage que les autres à lassurance-chômage. Ainsi, la flexibilité de lemploi serait équilibrée par des indemnités systématiques en cas de rupture du contrat de travail et par la taxation des licenciements. Tout cela inciterait les entreprises à privilégier les solutions de reclassement interne.
Quel que soit son parcours, un salarié français devrait garder laccès à la formation professionnelle tout au long de la vie. Or aujourdhui, cest quand on en a le plus besoin au cours dune période de chômage que lon a le moins de possibilités de se former. Je propose que chaque salarié puisse disposer dun compte-épargne formation individuel, qui lui resterait attaché en cas de changement de situation professionnelle. Ce compte pourrait être abondé par lEtat, par les collectivités et par les entreprises, afin de permettre aux salariés dacquérir de nouvelles compétences.
Enfin, la sécurité sociale professionnelle passe pour moi, par une protection accrue des salariés face aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Il existe près de 2 000 accidents de travail chaque jour en France. Cest inacceptable. Je veux le dire ici, sur lancien site de Metaleurop, où je sais que plusieurs fondeurs ont jadis perdu la vie. Tout doit être mis en uvre pour rendre plus efficace et plus juste notre système de prévention des accidents de travail.
Cest ce triangle flexibilité, sécurité, justice qui doit guider nos réformes pour revenir au plein emploi dici 10 ans. Cette démarche de « flexi-sécurité » na rien de nouveau, ni doriginal. Elle est appliquée aux Pays-Bas, en Suède et au Danemark dont les taux de chômage oscillent entre 5 et 6%. La « flexi-sécurité » ne suppose pas de changer de modèle de société. Elle est au contraire un moyen de moderniser notre modèle social, tout en restant fidèle à nos idéaux de justice.
Pour nos entreprises, également, affronter la concurrence nest pas sans risque. Si nous voulons préserver notre socle industriel, maintenir certaines technologies clés sur notre sol et développer lemploi, alors non seulement lEtat peut mais doit soutenir les entreprises installées en France. Sortons, enfin, des débats idéologiques du XIXème siècle. Les mêmes qui nous reprochaient de faire trop de cadeaux aux patrons, nous demandent aujourdhui de les aider à attirer de nouvelles entreprises.
Jai proposé pour aider nos PME à grandir quune partie des achats publics leur soit réservée. Cest un moyen puissant pour aider une entreprise à se développer et à gagner en confiance sur leur marché. Je souhaite que nous engagions les négociations communautaires dès que possible, sur ce sujet.
Mais il faut aussi se préoccuper de nos entreprises qui traversent parfois des crises de croissance, ou des difficultés passagères. En France, seule 1 entreprise sur 2 passe le cap des 4 ans dexistence. Alors certes, il ne sagit pas, dans mon esprit, de soutenir, à tout prix, et sur fonds publics, des entreprises sans avenir, en sengageant directement ou indirectement sur la voie de nationalisations rampantes. Je laisse cette proposition à dautres. Chaque contribuable français a ressenti douloureusement la débâcle financière du Crédit Lyonnais et dautres grandes entreprises publiques. Essayons tout de même de tirer une fois pour toutes les leçons de nos erreurs.
Je crois, en revanche, quil faut encore professionnaliser le soutien que ladministration des finances peut apporter aux entreprises qui rencontrent des difficultés. Je crois aussi quil nous faut revoir encore le droit des faillites en France. Chaque année, près de 40 000 entreprises concernant plus de 200 000 salariés déposent leur bilan. Mais il est anormal que pour 95% dentre elles, la procédure judiciaire qui souvre alors aboutit à la liquidation pure et simple. Notre droit mérite dêtre revu dans plusieurs directions.
Dabord, il faut se donner le maximum de chances de parvenir à une résolution « contractuelle » des difficultés, le plus possible en phase amiable. Enfin, lorsque lentreprise disparaît tout de même, il serait imaginable de revoir la rémunération des mandataires de justice, afin de mieux récompenser ceux qui parviennent à indemniser rapidement les salariés et tous les partenaires de lentreprise défaillante. Dans ce contexte, la puissance publique pourrait faciliter encore la résolution de ces difficultés en abandonnant le privilège du Trésor et de la Sécurité sociale.
Enfin, pas plus que le souvenir des mines, nous neffacerons de la mémoire de cette région le souvenir du drame que fut la fin brutale de Metaleurop Nord. Jaffirme quil nous faut absolument tirer les leçons dune pareille catastrophe. LEtat doit se donner les moyens dagir contre ceux qui, sous couvert de la liberté du commerce et des investissements, nont en tête que le pillage des ressources et des technologies de nos entreprises.
Je nadmets pas quun groupe puisse dépouiller une entreprise de ses meilleurs actifs, la priver de sa capacité de gestion, pour ensuite sen débarrasser comme on jette un Kleenex, sans jamais avoir à en assumer ni les conséquences financières, ni les conséquences environnementales, ni surtout les conséquences humaines. Cest la Nation qui a assumé ici le plan social de 40 M. Cest la Nation qui a financé ici la dépollution du site. Tout cela, en lieu et place dun groupe qui avait les moyens et le devoir de le faire. Je naccepte pas quun groupe fuie ses responsabilités et se cache derrière ses filiales alors quil les contrôle complètement. Je crois quil y a une faiblesse dans le droit français à ce sujet et je vais proposer au ministre de la justice et à celui des finances dagir sur ce sujet. La privatisation des profits et la socialisation des pertes, ce nest pas lidée que je me fais de léconomie de marché. Réfléchissons désormais aussi aux moyens de prévention, notamment en termes dintelligence économique, et aux leviers daction nécessaires, y compris juridiques, pour quun tel scandale ne se reproduise jamais, dans dautres territoires de France. Pour notre politique économique, il doit exister un avant, et un après Metaleurop.
Pour finir, je suis convaincu que les territoires sont aussi des lieux cruciaux du combat que je vous propose, pour faire de la France un pays gagnant dans la mondialisation. Et nos territoires doivent aussi pouvoir être protégés des conséquences parfois dévastatrices de certaines mutations économiques.
Le propre des délocalisations est dinfliger localement des dommages économiques et sociaux extrêmement forts. Lorsquune restructuration industrielle intervient, se pose immédiatement le problème aigu de la revitalisation. Face à ces difficultés, je plaiderai toujours pour une approche déquilibre entre la solidarité et la responsabilité.
La solidarité, cest reconnaître que le choc au niveau local dune restructuration industrielle dampleur ne peut être absorbé uniquement par le territoire touché. Quand Metaleurop a fermé, lÉtat a immédiatement engagé une action très volontariste avec les collectivités locales, en investissant 42 millions deuros dans la revitalisation du site, avec pour objectif la création de 1 000 emplois en 4 ans. Cela fait aujourdhui 2 ans et demi que le contrat de site a été signé et déjà 1 177 emplois nouveaux ont été détectés et 635 créés. Le calendrier est respecté et la mobilisation du service public de lemploi, de FINORPA, de la CCI, des fonds européens, a permis le reclassement de 2 salariés de Metaleurop sur 3.
Ces résultats sont encourageants, mais ils ne me suffisent pas. Il faut aller plus loin. Cest pour cela que jai signé aujourdhui la prolongation dun an du contrat de site. Au-delà, il faut continuer à renforcer les atouts de votre territoire. La plate-forme logistique de Dourges utilise votre position stratégique sur un nud de communication exceptionnel. Il faut impérativement la renforcer grâce au canal Seine-Nord Europe. Japporte donc mon plein soutien au président de Voies Navigables de France, ici présent aujourdhui, pour quil lance au plus vite le grand partenariat public-privé qui permettra la construction de ce canal. Enfin, jai le plaisir de vous annoncer que le bassin minier et en particulier les communes de Noyelles-Godault, Courcelles-lès-Lens et Dourges bénéficieront entre 2007 et 2013 de la possibilité daider les moyennes et grandes entreprises à simplanter grâce à la prime à laménagement du territoire. Seuls 15,5 % du territoire métropolitain sont éligibles à cette prime. Mais jai jugé quun territoire comme le vôtre en avait besoin. Cest, vous laurez remarqué, une application concrète de la discrimination positive.
La politique de revitalisation des territoires est fondamentale pour moi. Nous consacrons, lEtat et surtout lUNEDIC, plus de 5 milliards deuros chaque année à indemniser des salariés français de plus de 55 ans, pour les placer en préretraites ou pour quils ne recherchent pas demploi. Non seulement on explique à nos concitoyens quon est fini à 55 ans. Non seulement cela na jamais créé un seul emploi pour les jeunes. Car cest le travail des uns qui crée le travail des autres. Mais ces moyens considérables seraient bien mieux employés à financer la revitalisation des territoires touchés par des restructurations lourdes. Je souhaite que lEtat donne résolument la priorité à la revitalisation en lui affectant le ½ milliard deuros quil dépense chaque année à des mesures de retrait dactivité.
Pour gérer ces sommes, je demande au délégué à laménagement et à la compétitivité des territoires dachever au plus vite la constitution au sein de sa délégation dune véritable agence nationale de revitalisation. Elle sentourera des meilleurs professionnels pour fournir aux élus et acteurs locaux une expertise et un appui dans la reconstruction de leurs territoires.
Quoi quil en soit, tous les renforts ne seront jamais rien sans lénergie et le dynamisme des élus locaux. Dans les différentes régions que jai déjà eu loccasion de visiter, jai vu que cest cela qui fait la différence. La décentralisation des aides économiques aux Régions leur offre désormais les moyens dagir. Que chacun prenne et assume désormais pleinement ses responsabilités dans le développement économique !
Le changement est attendu par les Français, jen suis convaincu. Ils comprennent que limmobilisme serait aujourdhui fatal à notre pays, à nos idéaux et à notre mode de vie. Je veux vous dire ici ma vérité. Les Français ne craignent pas les réformes, mais ils exigent quelles soient justes. Les Français nous lavons montré à travers lhistoire sont prêts à de très grands efforts, mais ils veulent que chacun marche dun même pas. Les Français sont prêts à se laisser convaincre mais ils demandent que lEtat nait pas peur du dialogue social.
Lépreuve que la France vient de traverser doit justement être une chance pour moderniser résolument le dialogue social. La réforme des retraites de 2003 a montré que cela était possible. Le dialogue social peut être un puissant levier de réforme de notre pays, à condition que lEtat sache se montrer à la fois ferme et ouvert.
La fermeté est nécessaire face aux pratiques de certaines organisations indignes dun Etat de droit. Le droit de grève des uns impose le respect de la liberté du travail des autres, dans le secteur privé, dans les entreprises publiques comme dans les universités.
Le dialogue ne peut pas non plus passer par linvective ou par les ultimatums. Les représentants de la Nation, désignés par le peuple souverain, nont dinjonction à recevoir de personne. Cest cela, faut-il le rappeler, la règle de la démocratie. Mais nous devons toujours demeurer ouverts, pédagogues et prêts à la discussion. Dans une société complexe comme la France du 21ème siècle, les décisions publiques ne peuvent plus tomber den-haut et, je le dis comme je le pense, les bonnes réformes nont pas à craindre dêtre soumises à la concertation.
Nous devons tirer tous ensemble les leçons des jours difficiles que nous venons de traverser, non pour écarter les réformes, non pour réviser nos objectifs, mais pour changer profondément de méthode. La vraie rupture dans notre pays, cest que les réformes réussissent. Cest que notre pays se remette en mouvement. Cest que les Français retrouvent confiance dans leur avenir commun.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 avril 2006
Je ne suis pas seulement heureux dêtre ici parmi vous, sur ce site impressionnant de lancienne usine Metaleurop. Je me sens fier. Fier du courage des hommes et des femmes que jai rencontrés ce matin, tout au long de ce déplacement dans le Nord et le Pas-de-Calais. Partout, à Trith Saint-Léger, à Lambersart. Partout, jai vu la même volonté daller de lavant, de refuser la fatalité et de surmonter les difficultés. Je suis fier et heureux, car je ne suis rien venu vous dire dautre : il ny a pas de fatalité au déclin de la France.
Bien sûr, la mondialisation est là. Avec elle, la concurrence internationale sétend jusquà des horizons toujours nouveaux : après la Chine, lInde ou le Brésil. Cest bientôt lhumanité tout entière qui prend part à des échanges toujours croissants.
Dans cette compétition, nous ne manquons pas datouts. Dans le pôle de compétitivité I-Trans que jai visité ce matin, certaines entreprises industrielles réalisent plus de 80% de leur chiffre daffaires à létranger. Lorsque notre pays est le 5ème exportateur mondial. Lorsquun salarié français sur 4 travaille pour lexportation, chacun comprend qu'il est vain de refuser la mondialisation. La seule option qui nous soit ouverte dans le contexte de la mondialisation, c'est de nous battre.
Face à la mondialisation, nous ne manquons ni de courage ni de détermination. Cest tout le sens de ma présence ici dans le Nord Pas-de-Calais : dans une région qui, cent fois frappée, a su cent fois se relever. Lorsque les charbonnages, la sidérurgie et le textile ont connu de terribles difficultés, dautres industries, notamment lautomobile, ont pris le relais, comme Toyota à Valenciennes. Rien nest jamais définitivement gagné, cest vrai. Mais rien nest jamais irrémédiablement perdu. Souvenons-nous qu'il y a 20 ans, beaucoup considéraient qu'il n'y avait plus de place pour deux constructeurs automobiles français. J'observe aujourd'hui que ces deux constructeurs se portent plutôt bien, font des bénéfices et créent des emplois en France. Il en va de même pour Alstom que je ne regrette pas davoir sauvé de la faillite, pour préserver les savoir-faire industriels et technologiques de cette grande entreprise française.
Il faut le reconnaître, la mondialisation suscite aujourdhui dimmenses inquiétudes chez les Français. Il y a bien sûr la crainte dune mise en concurrence par le bas des salariés et des territoires à travers le monde, qui menacerait au bout du compte notre propre modèle de civilisation. Je ne sous-estime pas non plus l'angoisse légitime que suscitent les délocalisations, quand les activités de production disparaissent de notre territoire et sont remplacées par des importations. Lindustrie textile, dans cette région, en a payé hélas le prix fort. Or sur le long terme, nous savons tous que la puissance économique dun pays reste indissociablement liée au dynamisme de ses industries.
Je suis venu ici pour vous dire quil ny a pas de fatalité à la désindustrialisation et aux délocalisations. La mondialisation nest pas le point final du progrès économique et de la justice sociale. Au contraire, je veux laffirmer ici à Noyelles-Godault. La France peut gagner dans la mondialisation, si nous investissons à nouveau dans la politique industrielle et si nous bâtissons ensemble les nouvelles protections capables de rendre confiance aux Français.
Pour gagner les défis de demain, ceux de la société de la connaissance, il est stratégique que la France investisse à nouveau puissamment dans les générations et les savoirs de demain, grâce à une politique dinnovation industrielle déterminée et grâce à une profonde réforme de lenseignement supérieur et de la recherche.
Je suis dabord profondément convaincu que la France a besoin dune grande politique industrielle, tournée vers lobjectif de linnovation. Aujourdhui, 67 pôles de compétitivité ont été créés dans notre pays. Ils sont les instruments essentiels de notre nouvelle politique industrielle, en permettant de rapprocher la recherche publique et privée, les universités et les entreprises, les centres de recherche et lindustrie. Car, dans ces pôles, il sagit de resserrer et de renforcer chacun des maillons de la chaîne qui part de la recherche fondamentale tournée uniquement vers la science, puis passe par la recherche appliquée, par le dépôt dun brevet, pour aboutir au développement et à la commercialisation dun produit et à la création demplois. Cest cette chaîne qui fait aujourdhui la richesse et la compétitivité dun pays. Cest dans les pôles de compétitivité que vous forgez chaque jour les maillons de cette chaîne de linnovation.
En obtenant en juillet 2005, la labellisation de six pôles de compétitivité, réunis ici aujourdhui, le Nord Pas-de-Calais a démontré quil conservait intacte la volonté dêtre une grande région industrielle et une terre dinnovations. Jai visité ce matin le pôle de compétitivité à vocation mondiale « I-Trans ». Jai assisté à la signature dun contrat de recherche entre trois PME et un laboratoire public. Et jai eu limmense satisfaction de voir que dans ce pôle, comme dans tant dautres, on parvient aujourdhui à faire collaborer étroitement la recherche et lindustrie, alors que nous ny étions jamais parvenus à léchelle nationale.
Bien sûr, il faudra accroître encore fortement leffort national en matière de recherche et dinnovation. Vous pourrez compter sur ma persévérance.
Je veux ensuite vous dire combien il est essentiel dimaginer les nouvelles protections économiques et sociales capables rendre confiance aux Français face à la mondialisation.
Pour rendre confiance aux Français, lEurope doit redevenir lespace commun de protection et de croissance, quont voulu les pères fondateurs de la communauté européenne. Je suis convaincu quil nous faut désormais réhabiliter le vieux principe de la préférence européenne. Comprenons-nous bien : il ne sagit pas de renouer avec le protectionnisme. Mais il ny aurait rien danormal à ce que les Etats, les administrations et toutes les collectivités publiques dEurope achètent en priorité des produits ou des services européens. Cest un enjeu économique considérable et cest, de mon point de vue, essentiel pour unifier le grand marché intérieur européen. Jajoute que cela peut être parfaitement compatible avec nos engagements à lOMC.
Enfin, à mes yeux, lEurope doit devenir une force au service dune mondialisation humaine. Dans les négociations à lOMC, lEurope doit mettre sur la table la question du travail forcé, du travail des enfants, du respect de lenvironnement et de la contrefaçon. Utilisons enfin la puissance économique de 1er exportateur et de 1er importateur mondial pour défendre une concurrence internationale plus loyale. Aujourdhui encore, lUnion européenne utilise 2 à 3 fois moins que les Etats-Unis les armes "anti-dumping" prévues par lOMC. Lindustrie du textile est malheureusement bien placée pour le savoir. Nous navons pas le droit dêtre naïfs sur la réciprocité commerciale : les contraintes pour nous, les emplois et les richesses pour les autres.
Par ailleurs, pour nos concitoyens, la mondialisation apparaît d'abord comme une menace tout à la fois pour les hommes, pour les entreprises et pour les territoires. Imaginons ensemble les nouvelles protections quil faut leur offrir, pour que les Français reprennent confiance dans leur modèle social.
Dautres pays que la France affrontent la mondialisation et en tirent profit, en créant des emplois, en profitant du commerce international et en gagnant des parts de marchés. Ces pays ne sont pas meilleurs que nous. Mais à bien y regarder ces pays ont surtout en commun de posséder des systèmes sociaux qui créent la confiance et donnent aux salariés le sentiment dêtre protégés efficacement face à la mondialisation. En France, au contraire, notre droit du travail ne rassure plus personne. Cest vrai que, dans notre pays, nous avons un peu moins de licenciements que les autres, mais nous avons surtout beaucoup moins de créations demploi. Les périodes au chômage sont plus longues en France (17 mois contre 9 mois pour la moyenne des pays du G7) et lessentiel des offres de travail passe par des contrats précaires et lintérim : 70% des embauches aujourdhui. Et ce sont les jeunes et les seniors qui supportent le plus durement cette précarité. La précarité, ce nest hélas pas une nouveauté. Elle est là depuis 20 ans. Elle est là, sous nos yeux, quand on prend la peine de rencontrer des jeunes, qui vous expliquent quaujourdhui, 1 CDD sur 2 dure moins de trois mois.
Au final, notre modèle est social est « perdant-perdant ». Perdant pour les entreprises car labsence de flexibilité de lemploi réduit les embauches et pénalise lattractivité de notre territoire. Perdant pour les salariés dont les emplois ne peuvent être protégés du licenciement mais qui supportent une forte précarité et sont exposés à des périodes de chômage durables.
Je crois, au contraire, quil est possible doffrir aux entreprises et aux salariés français un accord gagnant-gagnant. Ce nest pas rien, il nous faut à la fois libérer les embauches et inventer la protection sociale du salarié du XXIème siècle.
Premièrement, introduisons une plus grande flexibilité dans lemploi, dans le but de libérer les embauches. Il faut aujourdhui libérer les entreprises de la peur dembaucher. Donnons-leur la souplesse dont elles ont besoin pour recruter. Car la meilleure et la première des sécurités de lemploi, cest tout de même la certitude de pouvoir trouver facilement un nouveau travail dans un marché de lemploi dynamique.
Deuxièmement, il nous faut adapter les protections du salarié aux besoins daujourdhui. Alors que les parcours professionnels sont discontinus et marqués par des périodes de chômage plus ou moins longues, par des reconversions et lacquisition de compétences nouvelles, les protections doivent désormais être attachées aux salariés et non aux emplois quils occupent. Cest cela le cur de la Sécurité sociale professionnelle. Quels seraient ces nouveaux droits du salarié ?
Dabord le droit à un reclassement personnalisé par un service public de lemploi performant issu de la fusion de lANPE et de lUNEDIC. Les maisons de lemploi, comme celle que jai vue cet après-midi à Lambersart, sont une étape intéressante de rapprochement entre les acteurs de lemploi. Allons au-delà pour offrir au demandeur demploi un interlocuteur unique, encore plus efficace.
Ensuite le droit à une indemnisation décente du chômage car perdre son emploi peut arriver à chacun dentre nous , en contrepartie dun contrôle assidu de la recherche demploi. Dans mon esprit, la durée de lindemnisation du chômage ne devrait pas être seulement fonction de la durée de cotisation, mais tenir compte avant tout des difficultés de chaque personne à retrouver un emploi. Cest la justice qui commande de faire plus pour ceux qui ont le plus de difficultés.
Afin de doter le service public de lemploi rénové des moyens dun accompagnement de très haut niveau, je propose que les entreprises qui recourent beaucoup au licenciement contribuent davantage que les autres à lassurance-chômage. Ainsi, la flexibilité de lemploi serait équilibrée par des indemnités systématiques en cas de rupture du contrat de travail et par la taxation des licenciements. Tout cela inciterait les entreprises à privilégier les solutions de reclassement interne.
Quel que soit son parcours, un salarié français devrait garder laccès à la formation professionnelle tout au long de la vie. Or aujourdhui, cest quand on en a le plus besoin au cours dune période de chômage que lon a le moins de possibilités de se former. Je propose que chaque salarié puisse disposer dun compte-épargne formation individuel, qui lui resterait attaché en cas de changement de situation professionnelle. Ce compte pourrait être abondé par lEtat, par les collectivités et par les entreprises, afin de permettre aux salariés dacquérir de nouvelles compétences.
Enfin, la sécurité sociale professionnelle passe pour moi, par une protection accrue des salariés face aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Il existe près de 2 000 accidents de travail chaque jour en France. Cest inacceptable. Je veux le dire ici, sur lancien site de Metaleurop, où je sais que plusieurs fondeurs ont jadis perdu la vie. Tout doit être mis en uvre pour rendre plus efficace et plus juste notre système de prévention des accidents de travail.
Cest ce triangle flexibilité, sécurité, justice qui doit guider nos réformes pour revenir au plein emploi dici 10 ans. Cette démarche de « flexi-sécurité » na rien de nouveau, ni doriginal. Elle est appliquée aux Pays-Bas, en Suède et au Danemark dont les taux de chômage oscillent entre 5 et 6%. La « flexi-sécurité » ne suppose pas de changer de modèle de société. Elle est au contraire un moyen de moderniser notre modèle social, tout en restant fidèle à nos idéaux de justice.
Pour nos entreprises, également, affronter la concurrence nest pas sans risque. Si nous voulons préserver notre socle industriel, maintenir certaines technologies clés sur notre sol et développer lemploi, alors non seulement lEtat peut mais doit soutenir les entreprises installées en France. Sortons, enfin, des débats idéologiques du XIXème siècle. Les mêmes qui nous reprochaient de faire trop de cadeaux aux patrons, nous demandent aujourdhui de les aider à attirer de nouvelles entreprises.
Jai proposé pour aider nos PME à grandir quune partie des achats publics leur soit réservée. Cest un moyen puissant pour aider une entreprise à se développer et à gagner en confiance sur leur marché. Je souhaite que nous engagions les négociations communautaires dès que possible, sur ce sujet.
Mais il faut aussi se préoccuper de nos entreprises qui traversent parfois des crises de croissance, ou des difficultés passagères. En France, seule 1 entreprise sur 2 passe le cap des 4 ans dexistence. Alors certes, il ne sagit pas, dans mon esprit, de soutenir, à tout prix, et sur fonds publics, des entreprises sans avenir, en sengageant directement ou indirectement sur la voie de nationalisations rampantes. Je laisse cette proposition à dautres. Chaque contribuable français a ressenti douloureusement la débâcle financière du Crédit Lyonnais et dautres grandes entreprises publiques. Essayons tout de même de tirer une fois pour toutes les leçons de nos erreurs.
Je crois, en revanche, quil faut encore professionnaliser le soutien que ladministration des finances peut apporter aux entreprises qui rencontrent des difficultés. Je crois aussi quil nous faut revoir encore le droit des faillites en France. Chaque année, près de 40 000 entreprises concernant plus de 200 000 salariés déposent leur bilan. Mais il est anormal que pour 95% dentre elles, la procédure judiciaire qui souvre alors aboutit à la liquidation pure et simple. Notre droit mérite dêtre revu dans plusieurs directions.
Dabord, il faut se donner le maximum de chances de parvenir à une résolution « contractuelle » des difficultés, le plus possible en phase amiable. Enfin, lorsque lentreprise disparaît tout de même, il serait imaginable de revoir la rémunération des mandataires de justice, afin de mieux récompenser ceux qui parviennent à indemniser rapidement les salariés et tous les partenaires de lentreprise défaillante. Dans ce contexte, la puissance publique pourrait faciliter encore la résolution de ces difficultés en abandonnant le privilège du Trésor et de la Sécurité sociale.
Enfin, pas plus que le souvenir des mines, nous neffacerons de la mémoire de cette région le souvenir du drame que fut la fin brutale de Metaleurop Nord. Jaffirme quil nous faut absolument tirer les leçons dune pareille catastrophe. LEtat doit se donner les moyens dagir contre ceux qui, sous couvert de la liberté du commerce et des investissements, nont en tête que le pillage des ressources et des technologies de nos entreprises.
Je nadmets pas quun groupe puisse dépouiller une entreprise de ses meilleurs actifs, la priver de sa capacité de gestion, pour ensuite sen débarrasser comme on jette un Kleenex, sans jamais avoir à en assumer ni les conséquences financières, ni les conséquences environnementales, ni surtout les conséquences humaines. Cest la Nation qui a assumé ici le plan social de 40 M. Cest la Nation qui a financé ici la dépollution du site. Tout cela, en lieu et place dun groupe qui avait les moyens et le devoir de le faire. Je naccepte pas quun groupe fuie ses responsabilités et se cache derrière ses filiales alors quil les contrôle complètement. Je crois quil y a une faiblesse dans le droit français à ce sujet et je vais proposer au ministre de la justice et à celui des finances dagir sur ce sujet. La privatisation des profits et la socialisation des pertes, ce nest pas lidée que je me fais de léconomie de marché. Réfléchissons désormais aussi aux moyens de prévention, notamment en termes dintelligence économique, et aux leviers daction nécessaires, y compris juridiques, pour quun tel scandale ne se reproduise jamais, dans dautres territoires de France. Pour notre politique économique, il doit exister un avant, et un après Metaleurop.
Pour finir, je suis convaincu que les territoires sont aussi des lieux cruciaux du combat que je vous propose, pour faire de la France un pays gagnant dans la mondialisation. Et nos territoires doivent aussi pouvoir être protégés des conséquences parfois dévastatrices de certaines mutations économiques.
Le propre des délocalisations est dinfliger localement des dommages économiques et sociaux extrêmement forts. Lorsquune restructuration industrielle intervient, se pose immédiatement le problème aigu de la revitalisation. Face à ces difficultés, je plaiderai toujours pour une approche déquilibre entre la solidarité et la responsabilité.
La solidarité, cest reconnaître que le choc au niveau local dune restructuration industrielle dampleur ne peut être absorbé uniquement par le territoire touché. Quand Metaleurop a fermé, lÉtat a immédiatement engagé une action très volontariste avec les collectivités locales, en investissant 42 millions deuros dans la revitalisation du site, avec pour objectif la création de 1 000 emplois en 4 ans. Cela fait aujourdhui 2 ans et demi que le contrat de site a été signé et déjà 1 177 emplois nouveaux ont été détectés et 635 créés. Le calendrier est respecté et la mobilisation du service public de lemploi, de FINORPA, de la CCI, des fonds européens, a permis le reclassement de 2 salariés de Metaleurop sur 3.
Ces résultats sont encourageants, mais ils ne me suffisent pas. Il faut aller plus loin. Cest pour cela que jai signé aujourdhui la prolongation dun an du contrat de site. Au-delà, il faut continuer à renforcer les atouts de votre territoire. La plate-forme logistique de Dourges utilise votre position stratégique sur un nud de communication exceptionnel. Il faut impérativement la renforcer grâce au canal Seine-Nord Europe. Japporte donc mon plein soutien au président de Voies Navigables de France, ici présent aujourdhui, pour quil lance au plus vite le grand partenariat public-privé qui permettra la construction de ce canal. Enfin, jai le plaisir de vous annoncer que le bassin minier et en particulier les communes de Noyelles-Godault, Courcelles-lès-Lens et Dourges bénéficieront entre 2007 et 2013 de la possibilité daider les moyennes et grandes entreprises à simplanter grâce à la prime à laménagement du territoire. Seuls 15,5 % du territoire métropolitain sont éligibles à cette prime. Mais jai jugé quun territoire comme le vôtre en avait besoin. Cest, vous laurez remarqué, une application concrète de la discrimination positive.
La politique de revitalisation des territoires est fondamentale pour moi. Nous consacrons, lEtat et surtout lUNEDIC, plus de 5 milliards deuros chaque année à indemniser des salariés français de plus de 55 ans, pour les placer en préretraites ou pour quils ne recherchent pas demploi. Non seulement on explique à nos concitoyens quon est fini à 55 ans. Non seulement cela na jamais créé un seul emploi pour les jeunes. Car cest le travail des uns qui crée le travail des autres. Mais ces moyens considérables seraient bien mieux employés à financer la revitalisation des territoires touchés par des restructurations lourdes. Je souhaite que lEtat donne résolument la priorité à la revitalisation en lui affectant le ½ milliard deuros quil dépense chaque année à des mesures de retrait dactivité.
Pour gérer ces sommes, je demande au délégué à laménagement et à la compétitivité des territoires dachever au plus vite la constitution au sein de sa délégation dune véritable agence nationale de revitalisation. Elle sentourera des meilleurs professionnels pour fournir aux élus et acteurs locaux une expertise et un appui dans la reconstruction de leurs territoires.
Quoi quil en soit, tous les renforts ne seront jamais rien sans lénergie et le dynamisme des élus locaux. Dans les différentes régions que jai déjà eu loccasion de visiter, jai vu que cest cela qui fait la différence. La décentralisation des aides économiques aux Régions leur offre désormais les moyens dagir. Que chacun prenne et assume désormais pleinement ses responsabilités dans le développement économique !
Le changement est attendu par les Français, jen suis convaincu. Ils comprennent que limmobilisme serait aujourdhui fatal à notre pays, à nos idéaux et à notre mode de vie. Je veux vous dire ici ma vérité. Les Français ne craignent pas les réformes, mais ils exigent quelles soient justes. Les Français nous lavons montré à travers lhistoire sont prêts à de très grands efforts, mais ils veulent que chacun marche dun même pas. Les Français sont prêts à se laisser convaincre mais ils demandent que lEtat nait pas peur du dialogue social.
Lépreuve que la France vient de traverser doit justement être une chance pour moderniser résolument le dialogue social. La réforme des retraites de 2003 a montré que cela était possible. Le dialogue social peut être un puissant levier de réforme de notre pays, à condition que lEtat sache se montrer à la fois ferme et ouvert.
La fermeté est nécessaire face aux pratiques de certaines organisations indignes dun Etat de droit. Le droit de grève des uns impose le respect de la liberté du travail des autres, dans le secteur privé, dans les entreprises publiques comme dans les universités.
Le dialogue ne peut pas non plus passer par linvective ou par les ultimatums. Les représentants de la Nation, désignés par le peuple souverain, nont dinjonction à recevoir de personne. Cest cela, faut-il le rappeler, la règle de la démocratie. Mais nous devons toujours demeurer ouverts, pédagogues et prêts à la discussion. Dans une société complexe comme la France du 21ème siècle, les décisions publiques ne peuvent plus tomber den-haut et, je le dis comme je le pense, les bonnes réformes nont pas à craindre dêtre soumises à la concertation.
Nous devons tirer tous ensemble les leçons des jours difficiles que nous venons de traverser, non pour écarter les réformes, non pour réviser nos objectifs, mais pour changer profondément de méthode. La vraie rupture dans notre pays, cest que les réformes réussissent. Cest que notre pays se remette en mouvement. Cest que les Français retrouvent confiance dans leur avenir commun.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 avril 2006