Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, sur les conditions qui permettraient à la France et à l'Europe de faire face à la mondialisation, notamment la mise en oeuvre de la "flexi-sécurité", Noyelles-Godault le 13 avril 2006.

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Circonstance : Visite sur le site de l'ancienne usine Metaleurop à Noyelles-Godault, dans le Pas-de-Calais le 13 avril 2006

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je ne suis pas seulement heureux d’être ici parmi vous, sur ce site impressionnant de l’ancienne usine Metaleurop. Je me sens fier. Fier du courage des hommes et des femmes que j’ai rencontrés ce matin, tout au long de ce déplacement dans le Nord et le Pas-de-Calais. Partout, à Trith Saint-Léger, à Lambersart. Partout, j’ai vu la même volonté d’aller de l’avant, de refuser la fatalité et de surmonter les difficultés. Je suis fier et heureux, car je ne suis rien venu vous dire d’autre : il n’y a pas de fatalité au déclin de la France.

Bien sûr, la mondialisation est là. Avec elle, la concurrence internationale s’étend jusqu’à des horizons toujours nouveaux : après la Chine, l’Inde ou le Brésil. C’est bientôt l’humanité tout entière qui prend part à des échanges toujours croissants.

Dans cette compétition, nous ne manquons pas d’atouts. Dans le pôle de compétitivité I-Trans que j’ai visité ce matin, certaines entreprises industrielles réalisent plus de 80% de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Lorsque notre pays est le 5ème exportateur mondial. Lorsqu’un salarié français sur 4 travaille pour l’exportation, chacun comprend qu'il est vain de refuser la mondialisation. La seule option qui nous soit ouverte dans le contexte de la mondialisation, c'est de nous battre.

Face à la mondialisation, nous ne manquons ni de courage ni de détermination. C’est tout le sens de ma présence ici dans le Nord Pas-de-Calais : dans une région qui, cent fois frappée, a su cent fois se relever. Lorsque les charbonnages, la sidérurgie et le textile ont connu de terribles difficultés, d’autres industries, notamment l’automobile, ont pris le relais, comme Toyota à Valenciennes. Rien n’est jamais définitivement gagné, c’est vrai. Mais rien n’est jamais irrémédiablement perdu. Souvenons-nous qu'il y a 20 ans, beaucoup considéraient qu'il n'y avait plus de place pour deux constructeurs automobiles français. J'observe aujourd'hui que ces deux constructeurs se portent plutôt bien, font des bénéfices et créent des emplois en France. Il en va de même pour Alstom que je ne regrette pas d’avoir sauvé de la faillite, pour préserver les savoir-faire industriels et technologiques de cette grande entreprise française.

Il faut le reconnaître, la mondialisation suscite aujourd’hui d’immenses inquiétudes chez les Français. Il y a bien sûr la crainte d’une mise en concurrence par le bas des salariés et des territoires à travers le monde, qui menacerait au bout du compte notre propre modèle de civilisation. Je ne sous-estime pas non plus l'angoisse légitime que suscitent les délocalisations, quand les activités de production disparaissent de notre territoire et sont remplacées par des importations. L’industrie textile, dans cette région, en a payé hélas le prix fort. Or sur le long terme, nous savons tous que la puissance économique d’un pays reste indissociablement liée au dynamisme de ses industries.

Je suis venu ici pour vous dire qu’il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation et aux délocalisations. La mondialisation n’est pas le point final du progrès économique et de la justice sociale. Au contraire, je veux l’affirmer ici à Noyelles-Godault. La France peut gagner dans la mondialisation, si nous investissons à nouveau dans la politique industrielle et si nous bâtissons ensemble les nouvelles protections capables de rendre confiance aux Français.

Pour gagner les défis de demain, ceux de la société de la connaissance, il est stratégique que la France investisse à nouveau puissamment dans les générations et les savoirs de demain, grâce à une politique d’innovation industrielle déterminée et grâce à une profonde réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Je suis d’abord profondément convaincu que la France a besoin d’une grande politique industrielle, tournée vers l’objectif de l’innovation. Aujourd’hui, 67 pôles de compétitivité ont été créés dans notre pays. Ils sont les instruments essentiels de notre nouvelle politique industrielle, en permettant de rapprocher la recherche publique et privée, les universités et les entreprises, les centres de recherche et l’industrie. Car, dans ces pôles, il s’agit de resserrer et de renforcer chacun des maillons de la chaîne qui part de la recherche fondamentale tournée uniquement vers la science, puis passe par la recherche appliquée, par le dépôt d’un brevet, pour aboutir au développement et à la commercialisation d’un produit et à la création d’emplois. C’est cette chaîne qui fait aujourd’hui la richesse et la compétitivité d’un pays. C’est dans les pôles de compétitivité que vous forgez chaque jour les maillons de cette chaîne de l’innovation.

En obtenant en juillet 2005, la labellisation de six pôles de compétitivité, réunis ici aujourd’hui, le Nord Pas-de-Calais a démontré qu’il conservait intacte la volonté d’être une grande région industrielle et une terre d’innovations. J’ai visité ce matin le pôle de compétitivité à vocation mondiale « I-Trans ». J’ai assisté à la signature d’un contrat de recherche entre trois PME et un laboratoire public. Et j’ai eu l’immense satisfaction de voir que dans ce pôle, comme dans tant d’autres, on parvient aujourd’hui à faire collaborer étroitement la recherche et l’industrie, alors que nous n’y étions jamais parvenus à l’échelle nationale.

Bien sûr, il faudra accroître encore fortement l’effort national en matière de recherche et d’innovation. Vous pourrez compter sur ma persévérance.

Je veux ensuite vous dire combien il est essentiel d’imaginer les nouvelles protections économiques et sociales capables rendre confiance aux Français face à la mondialisation.

Pour rendre confiance aux Français, l’Europe doit redevenir l’espace commun de protection et de croissance, qu’ont voulu les pères fondateurs de la communauté européenne. Je suis convaincu qu’il nous faut désormais réhabiliter le vieux principe de la préférence européenne. Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de renouer avec le protectionnisme. Mais il n’y aurait rien d’anormal à ce que les Etats, les administrations et toutes les collectivités publiques d’Europe achètent en priorité des produits ou des services européens. C’est un enjeu économique considérable et c’est, de mon point de vue, essentiel pour unifier le grand marché intérieur européen. J’ajoute que cela peut être parfaitement compatible avec nos engagements à l’OMC.

Enfin, à mes yeux, l’Europe doit devenir une force au service d’une mondialisation humaine. Dans les négociations à l’OMC, l’Europe doit mettre sur la table la question du travail forcé, du travail des enfants, du respect de l’environnement et de la contrefaçon. Utilisons enfin la puissance économique de 1er exportateur et de 1er importateur mondial pour défendre une concurrence internationale plus loyale. Aujourd’hui encore, l’Union européenne utilise 2 à 3 fois moins que les Etats-Unis les armes "anti-dumping" prévues par l’OMC. L’industrie du textile est malheureusement bien placée pour le savoir. Nous n’avons pas le droit d’être naïfs sur la réciprocité commerciale : les contraintes pour nous, les emplois et les richesses pour les autres.

Par ailleurs, pour nos concitoyens, la mondialisation apparaît d'abord comme une menace tout à la fois pour les hommes, pour les entreprises et pour les territoires. Imaginons ensemble les nouvelles protections qu’il faut leur offrir, pour que les Français reprennent confiance dans leur modèle social.

D’autres pays que la France affrontent la mondialisation et en tirent profit, en créant des emplois, en profitant du commerce international et en gagnant des parts de marchés. Ces pays ne sont pas meilleurs que nous. Mais à bien y regarder ces pays ont surtout en commun de posséder des systèmes sociaux qui créent la confiance et donnent aux salariés le sentiment d’être protégés efficacement face à la mondialisation. En France, au contraire, notre droit du travail ne rassure plus personne. C’est vrai que, dans notre pays, nous avons un peu moins de licenciements que les autres, mais nous avons surtout beaucoup moins de créations d’emploi. Les périodes au chômage sont plus longues en France (17 mois contre 9 mois pour la moyenne des pays du G7) et l’essentiel des offres de travail passe par des contrats précaires et l’intérim : 70% des embauches aujourd’hui. Et ce sont les jeunes et les seniors qui supportent le plus durement cette précarité. La précarité, ce n’est hélas pas une nouveauté. Elle est là depuis 20 ans. Elle est là, sous nos yeux, quand on prend la peine de rencontrer des jeunes, qui vous expliquent qu’aujourd’hui, 1 CDD sur 2 dure moins de trois mois.

Au final, notre modèle est social est « perdant-perdant ». Perdant pour les entreprises car l’absence de flexibilité de l’emploi réduit les embauches et pénalise l’attractivité de notre territoire. Perdant pour les salariés dont les emplois ne peuvent être protégés du licenciement mais qui supportent une forte précarité et sont exposés à des périodes de chômage durables.

Je crois, au contraire, qu’il est possible d’offrir aux entreprises et aux salariés français un accord gagnant-gagnant. Ce n’est pas rien, il nous faut à la fois libérer les embauches et inventer la protection sociale du salarié du XXIème siècle.

Premièrement, introduisons une plus grande flexibilité dans l’emploi, dans le but de libérer les embauches. Il faut aujourd’hui libérer les entreprises de la peur d’embaucher. Donnons-leur la souplesse dont elles ont besoin pour recruter. Car la meilleure et la première des sécurités de l’emploi, c’est tout de même la certitude de pouvoir trouver facilement un nouveau travail dans un marché de l’emploi dynamique.

Deuxièmement, il nous faut adapter les protections du salarié aux besoins d’aujourd’hui. Alors que les parcours professionnels sont discontinus et marqués par des périodes de chômage plus ou moins longues, par des reconversions et l’acquisition de compétences nouvelles, les protections doivent désormais être attachées aux salariés et non aux emplois qu’ils occupent. C’est cela le cœur de la Sécurité sociale professionnelle. Quels seraient ces nouveaux droits du salarié ?

D’abord le droit à un reclassement personnalisé par un service public de l’emploi performant issu de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC. Les maisons de l’emploi, comme celle que j’ai vue cet après-midi à Lambersart, sont une étape intéressante de rapprochement entre les acteurs de l’emploi. Allons au-delà pour offrir au demandeur d’emploi un interlocuteur unique, encore plus efficace.

Ensuite le droit à une indemnisation décente du chômage – car perdre son emploi peut arriver à chacun d’entre nous –, en contrepartie d’un contrôle assidu de la recherche d’emploi. Dans mon esprit, la durée de l’indemnisation du chômage ne devrait pas être seulement fonction de la durée de cotisation, mais tenir compte avant tout des difficultés de chaque personne à retrouver un emploi. C’est la justice qui commande de faire plus pour ceux qui ont le plus de difficultés.

Afin de doter le service public de l’emploi rénové des moyens d’un accompagnement de très haut niveau, je propose que les entreprises qui recourent beaucoup au licenciement contribuent davantage que les autres à l’assurance-chômage. Ainsi, la flexibilité de l’emploi serait équilibrée par des indemnités systématiques en cas de rupture du contrat de travail et par la taxation des licenciements. Tout cela inciterait les entreprises à privilégier les solutions de reclassement interne.

Quel que soit son parcours, un salarié français devrait garder l’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie. Or aujourd’hui, c’est quand on en a le plus besoin – au cours d’une période de chômage – que l’on a le moins de possibilités de se former. Je propose que chaque salarié puisse disposer d’un compte-épargne formation individuel, qui lui resterait attaché en cas de changement de situation professionnelle. Ce compte pourrait être abondé par l’Etat, par les collectivités et par les entreprises, afin de permettre aux salariés d’acquérir de nouvelles compétences.

Enfin, la sécurité sociale professionnelle passe pour moi, par une protection accrue des salariés face aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Il existe près de 2 000 accidents de travail chaque jour en France. C’est inacceptable. Je veux le dire ici, sur l’ancien site de Metaleurop, où je sais que plusieurs fondeurs ont jadis perdu la vie. Tout doit être mis en œuvre pour rendre plus efficace et plus juste notre système de prévention des accidents de travail.

C’est ce triangle – flexibilité, sécurité, justice – qui doit guider nos réformes pour revenir au plein emploi d’ici 10 ans. Cette démarche de « flexi-sécurité » n’a rien de nouveau, ni d’original. Elle est appliquée aux Pays-Bas, en Suède et au Danemark dont les taux de chômage oscillent entre 5 et 6%. La « flexi-sécurité » ne suppose pas de changer de modèle de société. Elle est au contraire un moyen de moderniser notre modèle social, tout en restant fidèle à nos idéaux de justice.

Pour nos entreprises, également, affronter la concurrence n’est pas sans risque. Si nous voulons préserver notre socle industriel, maintenir certaines technologies clés sur notre sol et développer l’emploi, alors non seulement l’Etat peut mais doit soutenir les entreprises installées en France. Sortons, enfin, des débats idéologiques du XIXème siècle. Les mêmes qui nous reprochaient de faire trop de cadeaux aux patrons, nous demandent aujourd’hui de les aider à attirer de nouvelles entreprises.

J’ai proposé pour aider nos PME à grandir qu’une partie des achats publics leur soit réservée. C’est un moyen puissant pour aider une entreprise à se développer et à gagner en confiance sur leur marché. Je souhaite que nous engagions les négociations communautaires dès que possible, sur ce sujet.

Mais il faut aussi se préoccuper de nos entreprises qui traversent parfois des crises de croissance, ou des difficultés passagères. En France, seule 1 entreprise sur 2 passe le cap des 4 ans d’existence. Alors certes, il ne s’agit pas, dans mon esprit, de soutenir, à tout prix, et sur fonds publics, des entreprises sans avenir, en s’engageant directement ou indirectement sur la voie de nationalisations rampantes. Je laisse cette proposition à d’autres. Chaque contribuable français a ressenti douloureusement la débâcle financière du Crédit Lyonnais et d’autres grandes entreprises publiques. Essayons tout de même de tirer une fois pour toutes les leçons de nos erreurs.

Je crois, en revanche, qu’il faut encore professionnaliser le soutien que l’administration des finances peut apporter aux entreprises qui rencontrent des difficultés. Je crois aussi qu’il nous faut revoir encore le droit des faillites en France. Chaque année, près de 40 000 entreprises – concernant plus de 200 000 salariés – déposent leur bilan. Mais il est anormal que pour 95% d’entre elles, la procédure judiciaire qui s’ouvre alors aboutit à la liquidation pure et simple. Notre droit mérite d’être revu dans plusieurs directions.

D’abord, il faut se donner le maximum de chances de parvenir à une résolution « contractuelle » des difficultés, le plus possible en phase amiable. Enfin, lorsque l’entreprise disparaît tout de même, il serait imaginable de revoir la rémunération des mandataires de justice, afin de mieux récompenser ceux qui parviennent à indemniser rapidement les salariés et tous les partenaires de l’entreprise défaillante. Dans ce contexte, la puissance publique pourrait faciliter encore la résolution de ces difficultés en abandonnant le privilège du Trésor et de la Sécurité sociale.

Enfin, pas plus que le souvenir des mines, nous n’effacerons de la mémoire de cette région le souvenir du drame que fut la fin brutale de Metaleurop Nord. J’affirme qu’il nous faut absolument tirer les leçons d’une pareille catastrophe. L’Etat doit se donner les moyens d’agir contre ceux qui, sous couvert de la liberté du commerce et des investissements, n’ont en tête que le pillage des ressources et des technologies de nos entreprises.

Je n’admets pas qu’un groupe puisse dépouiller une entreprise de ses meilleurs actifs, la priver de sa capacité de gestion, pour ensuite s’en débarrasser comme on jette un Kleenex, sans jamais avoir à en assumer ni les conséquences financières, ni les conséquences environnementales, ni surtout les conséquences humaines. C’est la Nation qui a assumé ici le plan social de 40 M€. C’est la Nation qui a financé ici la dépollution du site. Tout cela, en lieu et place d’un groupe qui avait les moyens et le devoir de le faire. Je n’accepte pas qu’un groupe fuie ses responsabilités et se cache derrière ses filiales alors qu’il les contrôle complètement. Je crois qu’il y a une faiblesse dans le droit français à ce sujet et je vais proposer au ministre de la justice et à celui des finances d’agir sur ce sujet. La privatisation des profits et la socialisation des pertes, ce n’est pas l’idée que je me fais de l’économie de marché. Réfléchissons désormais aussi aux moyens de prévention, notamment en termes d’intelligence économique, et aux leviers d’action nécessaires, y compris juridiques, pour qu’un tel scandale ne se reproduise jamais, dans d’autres territoires de France. Pour notre politique économique, il doit exister un avant, et un après Metaleurop.

Pour finir, je suis convaincu que les territoires sont aussi des lieux cruciaux du combat que je vous propose, pour faire de la France un pays gagnant dans la mondialisation. Et nos territoires doivent aussi pouvoir être protégés des conséquences parfois dévastatrices de certaines mutations économiques.

Le propre des délocalisations est d’infliger localement des dommages économiques et sociaux extrêmement forts. Lorsqu’une restructuration industrielle intervient, se pose immédiatement le problème aigu de la revitalisation. Face à ces difficultés, je plaiderai toujours pour une approche d’équilibre entre la solidarité et la responsabilité.

La solidarité, c’est reconnaître que le choc au niveau local d’une restructuration industrielle d’ampleur ne peut être absorbé uniquement par le territoire touché. Quand Metaleurop a fermé, l’État a immédiatement engagé une action très volontariste avec les collectivités locales, en investissant 42 millions d’euros dans la revitalisation du site, avec pour objectif la création de 1 000 emplois en 4 ans. Cela fait aujourd’hui 2 ans et demi que le contrat de site a été signé et déjà 1 177 emplois nouveaux ont été détectés et 635 créés. Le calendrier est respecté et la mobilisation du service public de l’emploi, de FINORPA, de la CCI, des fonds européens, a permis le reclassement de 2 salariés de Metaleurop sur 3.

Ces résultats sont encourageants, mais ils ne me suffisent pas. Il faut aller plus loin. C’est pour cela que j’ai signé aujourd’hui la prolongation d’un an du contrat de site. Au-delà, il faut continuer à renforcer les atouts de votre territoire. La plate-forme logistique de Dourges utilise votre position stratégique sur un nœud de communication exceptionnel. Il faut impérativement la renforcer grâce au canal Seine-Nord Europe. J’apporte donc mon plein soutien au président de Voies Navigables de France, ici présent aujourd’hui, pour qu’il lance au plus vite le grand partenariat public-privé qui permettra la construction de ce canal. Enfin, j’ai le plaisir de vous annoncer que le bassin minier et en particulier les communes de Noyelles-Godault, Courcelles-lès-Lens et Dourges bénéficieront entre 2007 et 2013 de la possibilité d’aider les moyennes et grandes entreprises à s’implanter grâce à la prime à l’aménagement du territoire. Seuls 15,5 % du territoire métropolitain sont éligibles à cette prime. Mais j’ai jugé qu’un territoire comme le vôtre en avait besoin. C’est, vous l’aurez remarqué, une application concrète de la discrimination positive.

La politique de revitalisation des territoires est fondamentale pour moi. Nous consacrons, l’Etat et surtout l’UNEDIC, plus de 5 milliards d’euros chaque année à indemniser des salariés français de plus de 55 ans, pour les placer en préretraites ou pour qu’ils ne recherchent pas d’emploi. Non seulement on explique à nos concitoyens qu’on est fini à 55 ans. Non seulement cela n’a jamais créé un seul emploi pour les jeunes. Car c’est le travail des uns qui crée le travail des autres. Mais ces moyens considérables seraient bien mieux employés à financer la revitalisation des territoires touchés par des restructurations lourdes. Je souhaite que l’Etat donne résolument la priorité à la revitalisation en lui affectant le ½ milliard d’euros qu’il dépense chaque année à des mesures de retrait d’activité.

Pour gérer ces sommes, je demande au délégué à l’aménagement et à la compétitivité des territoires d’achever au plus vite la constitution au sein de sa délégation d’une véritable agence nationale de revitalisation. Elle s’entourera des meilleurs professionnels pour fournir aux élus et acteurs locaux une expertise et un appui dans la reconstruction de leurs territoires.

Quoi qu’il en soit, tous les renforts ne seront jamais rien sans l’énergie et le dynamisme des élus locaux. Dans les différentes régions que j’ai déjà eu l’occasion de visiter, j’ai vu que c’est cela qui fait la différence. La décentralisation des aides économiques aux Régions leur offre désormais les moyens d’agir. Que chacun prenne et assume désormais pleinement ses responsabilités dans le développement économique !

Le changement est attendu par les Français, j’en suis convaincu. Ils comprennent que l’immobilisme serait aujourd’hui fatal à notre pays, à nos idéaux et à notre mode de vie. Je veux vous dire ici ma vérité. Les Français ne craignent pas les réformes, mais ils exigent qu’elles soient justes. Les Français – nous l’avons montré à travers l’histoire – sont prêts à de très grands efforts, mais ils veulent que chacun marche d’un même pas. Les Français sont prêts à se laisser convaincre mais ils demandent que l’Etat n’ait pas peur du dialogue social.

L’épreuve que la France vient de traverser doit justement être une chance pour moderniser résolument le dialogue social. La réforme des retraites de 2003 a montré que cela était possible. Le dialogue social peut être un puissant levier de réforme de notre pays, à condition que l’Etat sache se montrer à la fois ferme et ouvert.

La fermeté est nécessaire face aux pratiques de certaines organisations indignes d’un Etat de droit. Le droit de grève des uns impose le respect de la liberté du travail des autres, dans le secteur privé, dans les entreprises publiques comme dans les universités.

Le dialogue ne peut pas non plus passer par l’invective ou par les ultimatums. Les représentants de la Nation, désignés par le peuple souverain, n’ont d’injonction à recevoir de personne. C’est cela, faut-il le rappeler, la règle de la démocratie. Mais nous devons toujours demeurer ouverts, pédagogues et prêts à la discussion. Dans une société complexe comme la France du 21ème siècle, les décisions publiques ne peuvent plus tomber d’en-haut et, je le dis comme je le pense, les bonnes réformes n’ont pas à craindre d’être soumises à la concertation.

Nous devons tirer tous ensemble les leçons des jours difficiles que nous venons de traverser, non pour écarter les réformes, non pour réviser nos objectifs, mais pour changer profondément de méthode. La vraie rupture dans notre pays, c’est que les réformes réussissent. C’est que notre pays se remette en mouvement. C’est que les Français retrouvent confiance dans leur avenir commun.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 avril 2006