Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, sur la stratégie gouvernementale de réduction des déficits de l'Etat et les divergences d'appréciation des priorités budgétaires entre la majorité et l'opposition, à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2011.

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Circonstance : Nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2012, à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2011

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les députés,
Ce projet de loi de finances marque une étape décisive sur notre chemin de désendettement. Avec ce budget, la France va en effet ramener son déficit public de 5,7 % de la richesse nationale en 2011 à 4,5 % en 2012, comme elle s’y était engagée.
Et je veux avant toute chose saluer le courage et la détermination dont a fait preuve la majorité tout au long des derniers mois. Malgré le ralentissement de l’économie, ensemble, nous avons gardé le cap et pris toutes les mesures nécessaires pour réduire les déficits sans peser sur la croissance.
Et garder le cap, vous le savez, cela veut dire poursuivre nos efforts d’économies sur les dépenses. C’est notre priorité absolue. Vous venez de le constater lors de la discussion du collectif, nous avons d’ores et déjà pris un an d’avance sur notre objectif de réduction des dépenses de l’Etat. Et pour aller plus loin encore en 2012, nous avons uni nos efforts, dans un esprit de totale coresponsabilité. J’y reviendrai.
Le résultat, c’est un déficit de l’Etat réduit de 2 milliards d’euros à l’issue de vos travaux, avec un solde budgétaire ramené à 78,8 milliards d’euros, avant que le Sénat ne se penche à son tour sur ce texte, dans un esprit bien différent.
I. Car l’examen de ce budget 2012 a mis en lumière l’ampleur des divergences qui séparent la majorité de l’opposition, l’Assemblée nationale du Sénat.
L’échec – prévisible - de la commission mixte paritaire est venu le confirmer. Car le Sénat a choisi de défaire plutôt que de faire : il aurait pu participer à l’élaboration du budget de la France et renforcer ainsi l’unité nationale face à la crise. Il a préféré pratiquer la politique du contre-pied systématique et transformer ainsi la Haute assemblée en tribune de l’opposition.
Cette décision, je la regrette, car la France aurait été plus forte si nous avions pu forger un consensus fort sur la réduction des déficits. Mais cette décision aura au moins eu le mérite de le démontrer : il n’existe aucune alternative sérieuse à la stratégie du Gouvernement. Le texte qui vous est transmis en est la meilleure preuve.
Le budget adopté par le Sénat, c’est en effet un budget factice, un budget un peu surréaliste puisqu’il ne donne même pas à l’Etat les moyens de remplir ses missions essentielles : sur 32 missions, 22 ont vu leurs crédits purement et simplement rejetés. Le Sénat aurait pu redéployer des dépenses au sein des missions, faire des choix, bref, affirmer une stratégie. Il s’est contenté de s’opposer purement et simplement : le résultat, c’est un budget qui n’accorde pas le moindre euro à l’enseignement scolaire ou supérieur, à la justice, à la sécurité ou à l’écologie.
En revanche, les sénateurs ont jugé indispensable d’exonérer les collectivités territoriales de tout effort de réduction des dépenses. Ce choix, nous ne le partageons pas. Nous pensons qu’aucun acteur public ne doit s’exonérer des efforts que nous demandons aux Français. Vous le savez, nous avions prévu une contribution des collectivités de 200 millions d’euros.. Cette contribution, elle était très exactement proportionnelle au poids des dotations aux collectivités dans le budget de l’Etat et elle représentait une baisse d’un millième de la dépense publique locale.
Cet effort pourtant mesuré, le Sénat l’a jugé insoutenable et l’a remis en cause. Et il a même rajouté 450 millions de dépenses supplémentaires au bénéfice exclusif des collectivités.
C’est une inégalité radicale : aujourd’hui, l’Etat prend sa part de l’effort supplémentaire de réduction des déficits. La sécurité sociale également. Les collectivités ne peuvent pas être les seules à rester à l’écart. Elles doivent à leur tour s’inscrire dans cette mobilisation d’intérêt national.
Je le dis très clairement : je suis prête à poser la question des normes qui pèsent sur elles – c’est la proposition DOLIGE que le Sénat, désormais de gauche, a retiré de son ordre du jour, mais les collectivités doivent en retour devenir des acteurs pleins et entiers de la lutte contre les déficits.
Car tandis que l’Etat diminuait le nombre de ses fonctionnaires, les collectivités, elles, continuaient à recruter plus de 37 000 agents par an. Et le résultat, c’est une masse salariale locale qui, hors mesures de décentralisation, a augmenté de 4,3 % par an entre 2006 et 2010, contre 0,9 % au sein de l’Etat.
Mais c’est en recettes que la Haute assemblée a donné la pleine mesure de sa créativité, avec pas moins de 42 taxes créées ou modifiées, 42 taxes ou prélèvements qui sont venus s’ajouter aux 17 déjà votés en PLFSS. L’alternative que vous n’avez cessé d’évoquer, Mesdames et Messieurs de l’opposition, le Sénat lui a donné son vrai visage : celui d’un choc fiscal de 32 milliards qui briserait net la croissance et amputerait le pouvoir d’achat de tous les ménages.
Un seul exemple : les sénateurs ont alourdi de 20 milliards d’euros la fiscalité sur les entreprises, en augmentant de 50 % l’impôt sur les sociétés – notamment en interdisant la déductibilité des intérêts d’emprunt à l’impôt sur les sociétés - une hausse qui pèsera sur toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, qu’elles investissent ou non, qu’elles embauchent ou non.
On est loin, très loin des promesses de campagne du Parti socialiste : vous nous annonciez une modulation à la baisse ou à la hausse de l’impôt sur les sociétés, eh bien, la réalité, c’est que la seule modulation de l’impôt que vous connaissiez, Mesdames et Messieurs de l’opposition, elle se fait à la hausse et elle se fait pour toutes les entreprises, petites ou grandes !
Ce choc fiscal, ce sont tous les Français qui en paieront le prix. Et je pense notamment à la remise en cause de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui se traduirait par une perte de 450 euros pour 9 millions de Français qui travaillent plus pour gagner plus. Une mesure dont nous savons désormais qu’elle bénéficie particulièrement aux salariés des petites et moyennes entreprises.
Et pourtant, Mesdames et Messieurs de l’opposition, les 35 heures auraient dû vous servir de leçon. Car ce n’est pas en partageant la pénurie que l’on créera de la richesse. Comme ça n’est pas en alourdissant les charges ou les impôts sur les entreprises que l’on créera des emplois. Le partage du travail, ça ne marche pas. Ca ne marchait déjà pas en période de croissance, ça ne marcherait pas non plus en période de crise.
L’examen du budget par le Sénat aura donc eu une vertu : celle de montrer aux Français que votre projet, c’est la récession programmée. Car tous ceux qui refusent, sur ces bancs, de faire porter l’effort d’abord sur les dépenses, tous ceux qui refusent de parler de réformes et d’économies, ils condamnent le pays à une cure d’austérité fiscale sans précédent, comme l’ont fait les sénateurs.
II. Alors, la seule stratégie crédible, c’est celle du Gouvernement et de sa majorité, celle-là même qui est au coeur de ce budget – un budget, je veux le souligner, que nous avons élaboré en toute coresponsabilité.
Et je veux remercier l’ensemble des parlementaires de la majorité pour le travail que nous avons accompli ensemble. Et je pense en particulier aux présidents Christian JACOB et Yvan LACHAUD. Car ce projet de loi de finances, Mesdames et Messieurs les députés, c’est l’oeuvre commune du Gouvernement et de la majorité, réunis autour de principes clairs.
A. Et le premier de ces principes, c’est : priorité absolue aux économies sur les dépenses.
Parce que notre conviction, Mesdames et Messieurs de l’opposition, c’est que les efforts doivent d’abord peser sur l’Etat et sur les administrations. Choisir la hausse de la fiscalité, c’est la solution de facilité, celle qui évite à bon compte d’aborder la question des réformes. Mais les réformes dans les services publics, ce sont elles qui nous permettent aujourd’hui de faire mieux tout en dépensant moins. Et c’est pourquoi nous allons continuer dans cette voie.
1. J’en veux pour preuve la baisse historique de 1,5 milliard d’euros des dépenses de l’Etat prévue par ce budget. Ces économies, nous les avons décidées et réparties ensemble et je veux remercier tout spécialement votre rapporteur général, Gilles CARREZ, qui a joué un rôle central dans la mise en oeuvre de ce fameux « rabot », ainsi que les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances.
Nous avons beaucoup travaillé ensemble, pour identifier, ministère par ministère, mission par mission, les marges de manoeuvre dont nous disposions. Au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, je tenais à vous dire que nous sommes reconnaissants au Parlement de s’être pleinement inscrit dans cette démarche de coresponsabilité budgétaire.
C’est elle qui nous a également conduits, à l’initiative d’Yves DENIAUD, dont je veux saluer l’engagement sur ces questions, à renforcer l’information du Parlement ainsi que nos efforts en matière de politique immobilière de l’Etat.
Vous le savez, nous avons déjà beaucoup fait dans ce domaine, notamment en fixant des normes de surface et de loyers pour toutes les administrations. Et le résultat, ce sont des surfaces immobilières occupées par l’Etat qui ont baissé de 3 %, soit près de 330 000 m2, depuis 2008. Et nous allons continuer sur cette voie.
2. La bonne gestion, ce doit être la règle pour toutes les administrations et pour tous les acteurs publics. Et c’est pourquoi je veux remercier Gilles CARREZ, Michel BOUVARD et Louis GISCARD d’ESTAING, avec lesquels nous avons créé un plafond d’emploi pour les autorités publiques indépendantes.
Nous avons également travaillé ensemble pour intensifier les efforts d’économies demandés aux opérateurs : nous avons ainsi remis de l’ordre dans les taxes affectées dont ils bénéficient et dont le dynamisme était parfois sans commune mesure avec leurs besoins réels.
Mieux calibrer leurs recettes, c’est notre objectif commun – à travers par exemple le mécanisme de stabilisation du niveau de ressources de France Télévisions, un dispositif créé à l’initiative de Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-François MANCEL, Michel BOUVARD et Charles de COURSON.
Ce travail approfondi sur les dépenses nous a aussi conduits à renforcer, lorsqu’il le fallait, les moyens de certains opérateurs. Je pense ainsi à l’EPARECA, l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, qui joue un rôle central dans la politique de la ville et dont les ressources ont été augmentées grâce à Bernard GERARD, Laure de LA RAUDIERE, Hervé NOVELLI et Marc-Philippe DAUBRESSE.
3. Tout au long de l’examen de ce projet, nous avons uni nos efforts pour améliorer l’efficacité de nos politiques publiques et rationaliser nos dépenses d’intervention. C’est dans cet esprit qu’avec Pierre MEHAIGNERIE et Gilles CARREZ, nous avons fait évoluer le prêt à taux zéro. En concentrant ce dispositif sur le neuf et en le plaçant sous condition de ressources, nous l’avons rendu plus efficace tout en diminuant son coût pour les finances publiques.
Cet effort de rationalisation, nous l’avons également poursuivi pour le « bonus-malus » automobile : grâce à Hervé MARITON et à Gilles CARREZ, nous avons ainsi créé un compte d’affection spéciale qui garantira l’équilibre d’un dispositif dont l’efficacité ne fait aucun doute.
B. D’abord des économies sur les dépenses. Ensuite – et ensuite seulement – des recettes complémentaires réparties équitablement. C’est notre stratégie et nous l’avons appliquée ensemble tout au long de l’examen de projet de loi de finances.
Car à la différence de l’opposition, qui voudrait multiplier les nouvelles taxes sans cohérence ni vision d’ensemble, notre politique fiscale repose sur deux maîtres-mots : équité et compétitivité.
1. L’équité, tout d’abord : elle est au coeur de ce budget, avec la création de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Là aussi, c’est notre oeuvre commune et je veux saluer l’implication de votre rapporteur général ainsi que celle des députés du Nouveau centre, dans la conception de cette nouvelle imposition : ce sont en effet nos débats qui ont conduit à construire cette contribution autour de deux tranches et à la rendre applicable jusqu’au retour à l’équilibre.
L’équité, elle est également au coeur de notre effort de réduction des niches fiscales et sociales.
Car l’OCDE vient de le souligner une nouvelle fois, la meilleure manière de renforcer la justice fiscale, aujourd’hui, c’est de réduire les avantages fiscaux et sociaux pour faire converger les taux réels et les taux faciaux d’imposition.
Mettre la réalité fiscale en accord avec nos principes : c’est précisément ce que nous faisons, avec, par exemple, le plafonnement global des niches sur l’impôt sur le revenu. C’est ce Gouvernement qui, le premier, aura mis un coup d’arrêt à l’optimisation fiscale pour les particuliers. Et grâce aux députés du Nouveau centre, et en particulier à Yvan LACHAUD et à Charles de COURSON, nous avons renforcé une nouvelle fois la progressivité de l’impôt sur le revenu, en baissant ce plafond global.
Alors, je le dis à l’opposition, qui ne cesse d’en appeler à un « grand soir fiscal » : là aussi, vous avez un quinquennat de retard.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Car sous Lionel JOSPIN, Mesdames et Messieurs les députés, un couple avec 1 million d’euros de ressources pouvait ne payer aucun impôt sur le revenu, à condition de choisir les bonnes niches. Eh bien, avec le plafonnement global, il paiera au moins 340 000 euros d’impôt sur le revenu, contribution exceptionnelle comprise. La réforme fiscale dont ce pays avait besoin, c’est donc ce Gouvernement et cette majorité qui l’ont faite.
2. Le deuxième maître-mot de notre politique fiscale, Mesdames et Messieurs les députés, c’est la compétitivité.
Et là, Mesdames et Messieurs de l’opposition, la différence, elle est très claire : notre politique fiscale, elle est raisonnée, ciblée et équitable. Elle préserve la croissance et elle renforce notre compétitivité. Tout le contraire de votre programme en forme de hausse permanente des impôts - car si vous commencez par les augmenter de 30 milliards d’euros en l’espace d’une seule année, je n’ose imaginer le niveau de pression fiscale que vous atteindriez en 5 ans. Mais je sais que le pays, lui, ne le supporterait pas – et notre économie avec elle !
Et c’est la raison pour laquelle, face à la crise, nous avons fait le choix de préserver tous les dispositifs fiscaux et sociaux qui soutiennent la croissance et l’emploi : je pense par exemple aux aides à l’emploi à domicile ou bien encore aux allègements de charges sur les bas salaires, qui ont permis d’amortir partiellement le choc des 35 heures.
La baisse du coût du travail, c’est en effet la clef pour renforcer la compétitivité de notre pays et soutenir la création d’emplois. Et c’est pourquoi, avec Bernard REYNES et l’ensemble de la majorité, nous avons agi pour alléger les charges pesant sur l’emploi dans l’agriculture.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs les députés, l’Assemblée nationale a véritablement apporté sa marque à ce texte, en s’inscrivant dans une démarche résolument constructive.
Ensemble, avec courage, sérieux et responsabilité, nous avons élaboré un budget à la hauteur des enjeux. Un budget qui est une étape importante pour permettre à la France de respecter ses engagements de réduction des déficits. Un budget qui préserve une croissance encore vulnérable et répartit équitablement les efforts entre tous les Français.
Et c’est ce budget marqué du sceau de la justice et de la crédibilité que le Gouvernement vous demande d’adopter, en rétablissant le texte issu de vos travaux.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 15 décembre 2011