Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à France Info le 16 décembre 2011, sur le statut pénal du président de la République, l'affaire de Karachi et le projet de l'UMP pour 2012.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN Ministre de l’Intérieur, et donc en charge des PC crise qui sont installés un petit peu partout aujourd’hui, en France. Quarante-neuf départements en vigilance orange, une météo exécrable, est-ce que vous avez un point précis de la situation à 8 h, ce matin ?
 
CLAUDE GUÉANT Le point c’est d’abord que nous n’avons pas de victime à déplorer, semble-t-il. Effectivement, les sapeurs-pompiers, sous l’autorité des préfets, sont sur le pont partout en France. Nous avons pu sauver l’équipage d’un bateau qui s’est échoué au niveau de la rivière d’Etel, sur la côte morbihannaise. Le point noir ce sont les coupures d’électricité, puisque comme vous le disiez il n’y a pas loin de 400 000 foyers qui sont privés d’alimentation électrique. Mais enfin l’EDF va travailler pour rétablir les choses.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN On a tous en tête, évidemment, l’épisode Xynthia.
 
CLAUDE GUÉANT Bien sûr.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est ce qu’il faut éviter.
 
CLAUDE GUÉANT Alors, il y a eu, effectivement, un certain nombre d’évacuations, quelques dizaines d’évacuations de personnes dans des zones qui étaient submersibles, et ce matin, notamment sur la côte Atlantique, la tension est toujours très forte sur ce point. La bonne nouvelle c’est que, semble-t-il, la tempête est sur le point de s’apaiser.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, venons-en, si vous le voulez bien, Claude GUÉANT, à l’actualité politique et judiciaire. Hier, Jacques CHIRAC a été condamné dans le procès des emplois fictifs de la Ville de Paris. C’est une première judiciaire, puisque c’est la première condamnation d’un ancien président. On a senti la droite affectée. Est-de que le chef de l’Etat, Nicolas SARKOZY, a eu Jacques CHIRAC au téléphone ?
 
CLAUDE GUÉANT Ca, je suis incapable de vous le dire. Ceci dit, l’Elysée a publié un communiqué pour dire que le président prenait acte de cette décision, mais qu’il était convaincu que le lien existant entre Jacques CHIRAC et les Français pour autant ne se distendrait pas.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN A l’époque, en 2007, pendant la campagne électorale, on se souvient que Nicolas SARKOZY prônait une République irréprochable. C’était à ce type d’affaire-là qu’il faisait référence ?
 
CLAUDE GUÉANT Mais, je crois que ce qui s’est passé hier montre bien que le chef de l’Etat n’est pas bénéficiaire d’une immunité. Simplement, il est protégé pendant le temps de son mandat parce qu’il est très difficile effectivement d’être mis en cause judiciairement en même temps que l’on représente la France, mais cela étant ça n’est qu’un report dans le temps de l’examen. Il n’y pas d’immunité.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Donc, il n’y a pas besoin aujourd’hui de toucher au statut pénal du chef de l’Etat ?
 
CLAUDE GUÉANT Pour ma part, je pense que ce n’est pas besoin parce que il y a le choix entre deux hypothèses : ou bien effectivement la justice fait son travail pendant le temps du mandat, mai on voit bien que ça peut gêner considérablement l’exercice des fonctions ; ou bien elle attend la fin de l’exercice des fonctions, et c’est ce qui a été montré.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN L’autre question qui se pose aujourd’hui, c’est son maintien au Conseil constitutionnel. Certains disent, il doit démissionner puisqu’il n’est plus en état d’assurer ses fonctions. Est-ce que c’est quelque chose qui est envisageable, selon vous ?
 
CLAUDE GUÉANT Ecoutez, à ma connaissance c’est la Constitution qui prévoit qu’il y siège, donc c’est un élément qu’il est difficile de retoucher. Mais en revanche, de fait, Jacques CHIRAC ne siège plus au Conseil constitutionnel depuis quelques temps.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Oui, puisqu’il avait demandé lui-même à être suspendu de ses fonctions durant la durée de ce procès. Autre affaire, Claude GUÉANT, celle de Karachi. La droite sous-entend qu’il y a une instrumentalisation de ce dossier, mais ce dossier-là ne date pas d’hier. Alors, il y a Magali DROUET, qui est l’une des filles des victimes, qui vous a pris personnellement à partie, « Je voudrais dire à monsieur GUÉANT et à ses amis que l'affaire Karachi n'a pas attendu les élections. Elle date de 2002, cela fait dix ans que l'on demande la vérité ». « Si ça tombe maintenant – dit-elle – c’est leur faute, à cause de toutes les entraves qu’ils ont menées ». Vous lui dites quoi ce matin ?
 
CLAUDE GUÉANT Ecoutez, je ne vois pas ce que j’ai à avoir personnellement avec l’affaire de Karachi. Es-qualités de ministre de l’Intérieur, il m’arrive d’être saisi par le juge d’instruction pour lui fourni des documents qu’il souhaite détenir. Je lui transmets tout ce qu’il souhaite avoir.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Elle est gênante cette affaire dans le cadre de la campagne électorale ?
 
CLAUDE GUÉANT Depuis l’été, j’ai transmis plus de trente documents, qu’ils soient déclassifiés ou qu’ils n’aient jamais été classifiés au juge d’instruction. Donc, il n’y a absolument aucune entrave. La justice obtient tout ce qu’elle veut.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Es-ce que ça gêne la droite ou pas dans la campagne ?
 
CLAUDE GUÉANT Alors, en revanche, ce que je dénonce moi aussi, c’est l’instrumentalisation. J’ai assisté à une séance de Questions d’actualité à l’Assemblée nationale voici quelques jours, qui de la part de la gauche, et du Parti socialiste singulièrement, visait à mettre en cause le cher de l’Etat qui n’est strictement pour rien là-dedans. Enfin, on dénonce le fait qu’il ait en tant que ministre du Budget autorisé le montage de paiement de commissions. Bon, je rappelle qu’il a été ministre du Budget de 93 à 95. Or, ce type d’autorisation a été supprimé en octobre 1992 alors que la gauche était au pouvoir au demeurant. Donc, il n’a rien…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Mais est-ce que c’est gênant que d’anciens ministres comme Renaud DONNEDIEU de VABRES qui était ex-secrétaire national de l’UMP…
 
CLAUDE GUÉANT …mais écoutez, c’est gênant, la justice passe, et je crois que il est normal, et les Français doivent se féliciter de ce que la justice puisse faire son travail sans aucune entrave, et il n’y a aucune entrave.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, venons-en à la campagne électorale à proprement parlé.
 
CLAUDE GUÉANT Oui.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Le projet UMP a été présenté hier dans ses grandes lignes. On a vu qu’il allait être question de justice, de sécurité. Ce sera celui que portera Nicolas SARKOZY candidat ce projet, Claude GUÉANT, ou pas, parce que pour l’instant il n’est toujours pas candidat ?
 
CLAUDE GUÉANT Le président de la République n’est toujours pas candidat, et l’élection à la présidence de la République c’est d’abord, selon une formule consacrée, la rencontre entre un homme et un peuple. A un moment déterminé, les Français choisissent celui qui leur semble le plus apte à exercer pendant cinq ans, et dans un monde tourmenté, les fonctions de chef de l’Etat. Et il présentera son projet. Ce qui est certain c’est que le projet de l’UMP ne sera en aucune façon contradictoire avec celui du président de la République.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Il dit quoi du fait de donner des allocations dégressives aux chômeurs ?
 
CLAUDE GUÉANT C’est une idée qui avait été agitée déjà en 2007, qui n’a pas été mise en oeuvre pour une raison très simple, c’est la situation de l’emploi. C’est le genre de mesure qui ne peut être mise en oeuvre que dans une situation de l’emploi stabilisée et à un niveau de l’emploi qui soit bien meilleur que celui que nous avons aujourd’hui.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Donc, ça n’est pas le cas aujourd’hui, c’est une idée qu’il faut laisser et sortir du projet.
 
CLAUDE GUÉANT C’est une idée qui dans l’absolu a de l’intérêt puisque que aussi bien sa finalité, c’est de permettre le retour au travail de plus de monde, donc tout le monde peut s’en féliciter. Ceci dit, tout le monde comprendra que lorsqu’il y a une situation de l’emploi difficile, c’est impossible à mettre en oeuvre.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous serez tout à l’heure, je crois, à Troyes, dans l’Aube.
 
CLAUDE GUÉANT Oui.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Pour parler sécurité routière. Depuis cinq mois, la mortalité est en recul sur les routes. On est à la veille évidemment d’un week-end de départs en vacances, pour les vacances de Noël. Vous avez un message à faire passer aux auditeurs qui nous écoutent et qui vont prendre le volant ?
 
CLAUDE GUÉANT Oui, effectivement, au début de l’année, vous vous en souvenez, nous avons assisté à un véritable dérapage en matière de sécurité routière.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Humm, humm !
 
CLAUDE GUÉANT Nous étions partis, si je puis dire, vers 4 ou 500 morts de plus que l’année précédente – l’année précédente où nous avons enregistré moitié moins de morts qu’en 2002, nous sommes descendus pour la première fois en dessous de la barre des 4 000. Depuis, la situation s’est rattrapée. Nous avons des chances sérieuses d’enregistrer moins de morts que l’année dernière.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Objectif toujours moins 3 000 morts ?
 
CLAUDE GUÉANT Oui, mais ce n’est pas pour cette année. C’était fixé pour 2012. Nous allons tout faire pour y parvenir, et toutes les mesures qui ont été prises par le gouvernement au mois de mai dernier en Comité de la Sécurité routière doivent permettre d’y parvenir. Mais mon message aujourd’hui c’est vraiment attention à l’alcool. L’alcool ça représente à peu près le tiers des accidents mortels dans notre pays. Le week-end et la nuit c’est la moitié des accidents mortels. Il y a eu l’an dernier plus de 1 200 morts sur nos routes du fait de l’alcool. Et en même temps que je me déplace à Troyes pour insister sur ce point et lancer une campagne d’information à la radio, à la télévision, très forte, afin de prévenir contre les dangers de l’alcool et de créer autour de l’automobiliste une véritable solidarité, une véritable vigilance. Le thème de la campagne télévisée, c’est « Si tu tiens à lui retiens-le », c’est-à-dire ne le fait pas conduire.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est ce qu’on verra dans les jours qui viennent sur les écrans ?
 
CLAUDE GUÉANT C’est ce que l’on verra dans les jours qui viennent.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Qu’on entendra sur les radios.
 
CLAUDE GUÉANT De la même façon qu’il y a une autre campagne qui a eu beaucoup de succès auprès des jeunes qui redémarre, et dont le thème est que « Celui qui conduit c’est celui qui ne boit pas ».
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 20 décembre 20