Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, lors de la conférence de presse conjointe avec Mme Maite Nkoana-Mashabane, ministre sud-africaine des relations internationales et de la coopération, sur les relations entre la France et l'Afrique du Sud, les crises dans le monde et la question des sièges au Conseil de sécurite de l'ONU et à la présidence de la Commission de l'Union africaine, Pretoria le 11 novembre 2012.

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Circonstance : Voyage d'Alain Juppé en Afrique du Sud et au Nigeria du 10 au 12 novembre 2012

Texte intégral

Je tiens, avant toute chose, à remercier de tout cœur Mme Mashabane pour la cordialité de son accueil et pour la qualité des discussions que nous avons eues au cours de cette matinée. Nous nous sommes beaucoup parlé au téléphone au cours des derniers mois mais je dois dire, Madame, qu’il est plus agréable de s’entretenir avec vous en personne.
Nous avons décidé d’un commun accord d’intensifier nos contacts et de nous rencontrer dès que cela sera nécessaire pour des échanges de vues. Nous avons une même vision de nombreux sujets, ce qui est apparu avec évidence ce matin. Il y a parfois quelques différences entre nous, bien sûr. C’est tout à fait normal, et le seul moyen de réduire ces différences est de nous parler et de renforcer notre dialogue. Nous sommes prêts à le faire à l’avenir.
Six mois après la visite d’État du président Zuma à Paris, je suis heureux de me trouver en Afrique du Sud pour approfondir le partenariat entre nos deux pays. Vous savez que la France a toujours considéré l’Afrique du Sud, principale puissance économique du continent, comme un partenaire de premier plan. L’Afrique du Sud est membre du Conseil de sécurité des Nations unies, membre permanent du G20 - nous avons été très heureux d’accueillir le président Zuma à Cannes la semaine dernière - et membre du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.
Nous travaillons ensemble sur l’ensemble des crises que connaît le monde, en particulier la Syrie, le processus de paix au Proche-Orient, la piraterie, la Corne de l’Afrique, Madagascar et le Zimbabwe. Nous travaillons ensemble dans les domaines de la gouvernance mondiale et de la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies où la France, vous ne l’ignorez pas, défend l’idée d’une plus grande représentation de l’Afrique. Nous travaillons ensemble sur des sujets planétaires comme celui du développement. Je me félicite de ce que l’Afrique du Sud se soit engagée courageusement, comme la France, en faveur de la mise en place d’une taxe sur les transactions financières. Nous travaillons ensemble dans le domaine des changements climatiques, à la veille de la 17ème Conférence des parties (COP 17) que l’Afrique du Sud accueillera à la fin de ce mois à Durban. La France est, vous le savez, très engagée sur ces questions, en particulier à la création d’une Organisation mondiale de l’environnement qui, naturellement, serait implantée en Afrique.
Enfin, nous travaillons ensemble sur les questions bilatérales, en particulier le commerce et les perspectives d’investissement. Les entreprises françaises sont désireuses d’être encore plus actives en Afrique du Sud et j’invite les entreprises sud-africaines à investir en France.
Permettez-moi aussi de vous dire que j’ai été très heureux de pouvoir rencontrer aujourd’hui des membres de la société civile sud-africaine. À Soweto, à l’Institut français d’Afrique du Sud, à l’Institut sud-africain des Affaires internationales et, ce matin, avec des représentants de la société civile, j’ai ressenti, comme en 1994, l’extraordinaire élan et l’optimisme qui animent les Sud-Africains, et leur désir collectif de surmonter les défis économiques et sociaux qui se posent à eux. J’ai été impressionné par cet optimisme, peu commun en Europe de nos jours. Il faudra que je revienne plus longtemps pour faire le tour de votre beau pays. J’ai beaucoup apprécié notre entretien, Madame la Ministre, et je serai ravi de pouvoir continuer à travailler avec vous.
Je vous remercie.
Q - (sur la possibilité pour la France d’accorder son soutien au candidat de l’Afrique du Sud à la présidence de la Commission de l’Union africaine)
R - Pour être franc, je suis très surpris par ce débat autour de la position de la France sur l’élection du président de la Commission de l’Union africaine. On nous soupçonne très souvent d’ingérence dans les affaires internes du continent africain : ce n’est pas la nouvelle orientation de la politique africaine de la France telle qu’elle a été énoncée en 2008 par le président de la République dans ce pays même, au Cap. Nous tenons à respecter une stricte neutralité et nous ne soutenons aucun candidat dans cette élection. C’est aux pays d’Afrique qu’il appartient de prendre cette décision et nous la respecterons, quelle qu’elle soit. Je l’ai dit hier au président Zuma et j’ai donc été surpris, ce matin, d’entendre dire que je lui aurais déclaré que nous soutiendrons l’un des candidats contre l’autre, à savoir M. Ping face à Mme Zuma. Je n’ai jamais rien dit de tel, j’ai dit que la France serait neutre.
Q (à Mme Mashabane) - Pouvez-vous nous donner quelques détails de vos entretiens avec M. Juppé sur la Libye, étant donné que vous avez défendu une position forte sur ce sujet et la France une position très différente ?
(…)
R - En ce qui concerne la Libye, il est bien connu que nous n’avions pas la même interprétation de la résolution 1973. Mais cela, c’est le passé ; à présent, nous envisageons l’avenir de la Libye. Nous sommes pleinement d’accord quant à la nécessité de soutenir le CNT, afin de bâtir la démocratie dans ce pays, et prêts à coopérer dans ce sens.
Sur la Syrie, nous avons le même point de vue : le recours à la violence contre la population civile et la manière dont le régime se comporte aujourd’hui sont inacceptables ; nous sommes donc convenus d’accentuer notre pression sur les autorités syriennes pour mettre fin à ces agissements et pour lancer un programme de réformes qui aille au-devant des attentes du peuple syrien. La France est plutôt sceptique quant à la bonne volonté des autorités syriennes mais il n’est pas question d’intervention militaire en Syrie. Je me suis efforcé d’expliquer à ma chère collègue que la résolution que nous défendons au Conseil de sécurité diffère totalement de la résolution 1973. Il s’agit d’une autre situation et d’une autre approche pour tenter de résoudre cette question très difficile.
Q - Dans l’allocution que vous avez prononcée aujourd’hui à l’Institut sud-africain des Affaires internationales, vous avez donné l’impression d’attendre de l’Afrique du Sud qu’elle adopte une position plus affirmée sur la question d’un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, et d’indiquer que la France et le Royaume-Uni ont pris les devants dans ce domaine en proposant au moins un arrangement provisoire. Comment faire progresser ce dossier, à votre avis ?
R - La France s’est exprimée à plusieurs reprises pour dire que la structure actuelle du Conseil de sécurité ne reflétait plus la réalité du monde du XXIème siècle. Pour faire changer les choses, nous devons réformer le Conseil de sécurité, l’ouvrir à d’autres régions, à d’autres grands acteurs du monde et particulièrement aux pays d’Afrique. C’est aux pays d’Afrique, de toute évidence, qu’il appartient de choisir qui les représentera au Conseil de sécurité en qualité de membres permanents ou non. Vous savez que le débat sur la réforme est dans l’impasse et qu’il sera difficile d’aller de l’avant dans les conditions actuelles. Néanmoins, la France demeure pleinement engagée pour une nouvelle composition du Conseil de sécurité.
Q - Avez-vous, vous-même ou un membre de votre délégation, évoqué avec des responsables sud-africains la candidature de notre ministre de l’Intérieur, Mme Dlamini Zuma, à la présidence de la Commission de l’Union africaine, et celle de M. Ping ? Outre ce que vous avez déjà déclaré, en a-t-il été question ?
R - Cette question me surprend beaucoup car je connais très bien tous les membres de ma délégation et je leur fais confiance : je serais donc très étonné d’apprendre que certains d’entre eux ont sur ce sujet un point de vue différent de celui que j’ai exprimé. Je tiens cependant à vous rassurer : la France est un pays démocratique, sa diplomatie est bien organisée, et la seule personne qui porte la voix de la France au sein de la communauté internationale est le ministre, non un «membre de sa délégation». Il n’y a donc aucune ambiguïté sur ce point.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 novembre 2011