Conférence de presse de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur la réaction du PCF à la vague de licenciements décidés par les grandes entreprises, dont "LU" et Danone, obéissant aux lois de la mondialisation et de l'ultra-libéralisme, Calais, le 5 avril 2001.

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Circonstance : Annonce par M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, de la manifestation de solidarité aux salariés de Danone, Calais, le 5 avril 2001

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Merci d'avoir répondu à notre invitation à participer à cette conférence de presse.
Elle se tient juste après que j'ai rendu visite aux salariés de l'entreprise LU de Calais. Je leur ai exprimé d'abord, naturellement, ma solidarité et la solidarité de l'ensemble des communistes face aux difficultés qu'ils traversent actuellement, eux et leurs camarades du site Danone de Ris-Orangis, en région parisienne.
J'avais dit, dès samedi devant le Conseil national du Parti communiste, mon indignation devant le mépris des dirigeants de Danone à l'égard des salariés du groupe. J'ai proposé, dans le même mouvement, l'organisation d'une grande manifestation de solidarité et de protestation ici, à Calais.
Elle aura lieu, vous le savez, le samedi 21 avril.
Depuis l'annonce de la direction de Danone, l'émotion et l'indignation n'ont en effet pas cessé de grandir, dans tout le pays.
Il en est ainsi parce que des millions de Françaises et de Français sont littéralement révoltés par l'arrogance, la véritable dictature que les grands groupes comme Danone - mais aussi, pour prendre l'actualité récente, Marks Spencer et AOM - prétendent exercer sur l'activité économique et sur l'emploi, au seul prétexte de satisfaire l'appétit de profits financiers de leurs actionnaires.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui avec les entreprises que je viens d'évoquer, comme c'était le cas, dans un passé proche, avec Michelin, Moulinex, Whirlpool.
Ces entreprises ne sont pas, comme ont dit, des "canards boiteux". Elles sont prospères; elles réalisent des bénéfices faramineux - Danone a distribué 5 milliards de dividendes en 1999! - Et cependant, elles n'en continuent pas moins de précipiter des milliers de salariés au chômage!
A cette situation, il n'y a qu'une explication, froide, terriblement cynique: il faut satisfaire l'appétit des marchés financiers, des actionnaires des multinationales.
Nous voyons bien que nous ne sommes pas en présence de licenciements réputés habituellement économiques, mais de licenciements boursiers. D'ailleurs, voyez comme la Bourse, précisément, salue généralement avec enthousiasme ces décisions désastreuses pour les salariés concernés.
Nous sommes au coeur des terribles exigences prédatrices de la mondialisation sous les auspices du capitalisme, de l'ultra libéralisme.
Et j'ai le sentiment que la compréhension de cette situation grandit dans notre pays. Des millions de citoyennes et de citoyens mesurent, de mieux en mieux, que l'ultra libéralisme s'efforce de les prendre en otages de ses exigences financières. C'est à cela qu'il faut riposter. C'est le sens que nous voulons donner à la manifestation du 21 avril. Elle peut être un grand moment de mobilisation, de protestation, d'action contre la déferlante ultra libérale.
C'est donc d'une riposte d'envergure nationale qu'il s'agit. Pour les Danone et pour toutes celles et tous ceux - des milliers en ce moment même - qui sont sous la menace des exigences impitoyables du libéralisme, de la loi de fer du "Fric Roi".
Et je veux dire ici que ce que j'ai entendu, jusqu'à présent, des réactions du Premier ministre et des ministres du gouvernement à ces véritables agressions contre les salariés et contre l'activité économique ne me semble vraiment pas à la hauteur de la gravité de la situation. Lionel Jospin dénonce "le fond et la forme" des plans de licenciements. Il dit que le gouvernement "utilisera tous les moyens" dont il dispose pour faire "évoluer la position des entreprises".
Qu'est-ce que tout cela signifie? Qu'il s'agit de rendre moins douloureuses, plus lisses en quelque sorte, les décisions prises par les entreprises concernées ?
Si tel était le cas - et je redoute qu'il en soit bien ainsi - alors le gouvernement de gauche plurielle se coupera dangereusement des attentes pressantes que lui adressent les Français.
J'ajoute qu'il est un peu court d'en appeler seulement au respect des textes en vigueur. En rester là, c'est simplement accompagner les licenciements quand il faut, au contraire, agir pour stopper le véritable emballement des marchés financiers.
On nous dit qu'il n'existe pas de moyens "légitimes" de le faire. Et pour cause: quand les députés communistes en ont fait la proposition, ils n'ont pas été soutenus à l'Assemblée nationale, notamment par le parti socialiste. Ce fut le cas avec le texte consacré à un moratoire sur les licenciements - permettant la suspension immédiate des plans sociaux - dans le cadre du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.
Ce fut le cas avec la loi, adoptée définitivement au début de l'année, à mon initiative, sur le contrôle des fonds publics destinés à l'emploi. Les décrets d'application pour la rendre effective ne sont toujours pas publiés.
De sorte qu'en attendant, des sommes colossales - en provenance de l'Etat et des collectivités territoriales - continuent d'être versées sans aucun contrôle à des entreprises qui les détournent véritablement de leurs objectifs.
Je n'exagère nullement. J'en avais fait la démonstration à l'automne 1999. Et Danone en est un exemple: l'entreprise a reçu des millions de francs pour la réalisation d'un centre de recherche près de son site de Ris-Orangis.
Je pèse mes mots: c'est de racket de fonds publics qu'il s'agit en l'occurrence. Danone conforte ses bénéfices - ils sont énormes - par addition de licenciements et d'aides publiques.
Si la loi que j'ai fait voter pouvait être appliquée, alors Danone - et les autres entreprises qui usent des mêmes méthodes - seraient dans l'obligation de rembourser ces sommes.
Alors je le dis avec toute la gravité qu'impose la situation: si le gouvernement, si le parti socialiste à l'Assemblée nationale ne veulent pas entendre leurs partenaires, nous contribuerons à ce qu'ils entendent les salariés, les citoyens, les associations diverses qui ne supportent plus d'attirer leur attention - ce fut le cas avec les élections municipales - et de n'être pas écoutés.
Voilà ce que je voulais vous dire à l'occasion de ma visite à Calais, et après m'être entretenu avec les salariés de l'entreprise LU.
J'ajoute que nous soutenons leur initiative d'un boycottage sélectif, et pendant une période limitée, des produits Danone.
Vous l'avez senti: pour nous, la manifestation du 21 avril prend le sens d'un grand rendez-vous de toutes celles, tous ceux - associations et organisations diverses; syndicats - qui veulent donner plus de force, plus d'efficacité à leur combat antilibéral.
Mesdames et Messieurs,
Je suis venu proposer ici, aujourd'hui, que la manifestation de solidarité aux salariés de Danone du 21 avril, prenne la forme d'une grande manifestation nationale de résistance à la logique libérale; de résistance aux plans sociaux des multinationales françaises et étrangères; de résistance aux licenciements boursiers.
Il s'agit de faire de Calais, la capitale, en France et en Europe, de ceux qui disent non à la loi du "fric roi". Il s'agit de faire de Calais, un grand rendez-vous de mobilisation, d'action, de convergence antilibérale.
Dans toute la France, nous allons le préparer très activement. Plus encore: cette préparation est déjà engagée et j'ai tout lieu de penser que notre proposition reçoit un accueil très favorable.
Le 21 avril sera, j'en suis convaincu, un événement dont tout le monde devra tenir compte. Et nous sommes prêts, d'ores et déjà, à lui donner tous les prolongements que la situation exigera au lendemain du rassemblement de Calais.
(source http://www.pcf.fr, le 18 avril 2001)