Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations bilatérales entre la France et le Brésil, la crise de la zone euro et le bilan des réformes du gouvernement, à Rio de Janeiro le 16 décembre 2011.

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Circonstance : Visite officielle au Brésil du 14 au 17 décembre 2011 - Discours devant la communauté française de Rio de Janeiro (Brésil) le 16

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes, je voudrais vous dire le très, très grand plaisir que j’ai, avec la délégation imposante qui m’accompagne – Henri de Raincourt, Eric Besson, David Douillet.
Une délégation de sénateurs et de députés qui est une des plus importantes que je n’ai jamais emmenée en voyage, ce qui montre à quel point le Brésil attire nos parlementaires, comme les industriels et les entreprises qui sont aussi nombreuses ici, dans la salle.
Je voudrais remercier Monsieur l’ambassadeur qui a organisé cette visite de main de maître et qui, ce soir, a organisé cette réception qui nous permet de nous rencontrer quelques instants, pour que je vous dise simplement la gratitude qui est la mienne au nom du gouvernement français pour le travail que vous faites ici au Brésil. Il y a 30.000 Français qui vivent au Brésil, comme vous le savez, il y en a près de 8.000 à Rio et c’est vous qui incarnez l’image de notre pays.
En Europe, on parle beaucoup de la mondialisation en évoquant les risques de ce phénomène pourtant historique, ici on en mesure les bienfaits et on en exploite tous les potentiels. C’est ce Brésil innovant et conquérant que je suis venu saluer, c’est aussi ce Brésil responsable appelé à un grand destin où je suis venu parler des défis internationaux qu’il nous faut relever ensemble : le défi de la régulation mondiale, le défi de la croissance, le défi du développement durable. Sur tous ces sujets, la France compte et mise sur l’implication du Brésil, parce que pour nous aucun des grands enjeux mondiaux ne peut être réglé sans le Brésil et encore moins contre le Brésil.
Voilà pourquoi, vous le savez, notre pays plaide pour que le Brésil trouve sa juste place dans l’architecture internationale du 21e siècle. Ça vaut pour le G20, ça vaut pour le Fonds monétaire international où nous avons obtenu une réforme de son organisation qui donne plus de place aux pays émergents et notamment au Brésil, ça vaut aussi pour le Conseil de sécurité. Nous nous battons, avec le président de la République, depuis maintenant près de 4 ans et demi pour la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, pour que le Brésil, l’Allemagne, le Japon, l’Inde et un grand pays africain deviennent membres permanents de ce Conseil de sécurité.
La relation bilatérale qui lie la France et le Brésil est très forte, et je suis venu dire à la présidente Rousseff que la France veut aller au bout du partenariat stratégique qui a été noué entre le président Sarkozy et le président Lula en décembre 2008. Il y a un peu plus de 500 entreprises françaises au Brésil, dont le quart des entreprises du CAC 40 mais aussi beaucoup de PME, des PME très dynamiques dont je souhaite que le nombre puisse s’accroître.
Notre engagement est considérable, vous le savez, dans le domaine de la coopération militaire, dans l’industrie de défense, dans le domaine universitaire, dans le domaine spatial, dans le domaine de l’énergie (et je ne vais pas tous les énumérer) ; mais il l’est aussi dans le champ social avec l’amélioration des quartiers défavorisés, avec la mise en place de solutions urbaines innovantes comme le téléphérique de conception française que j’aurai l’occasion de visiter demain matin. Et cette action sociale est relayée par des organisations non-gouvernementales comme celle fondée par le sportif RAI si lié à notre pays.
Il résulte de tout cela un climat stimulant, un climat général d’optimisme que l’organisation prochaine des grands événements sportifs de 2014 – et surtout de 2016 – ne fait que renforcer… et c’est évidemment une des raisons principales de la présence de David Douillet à mes côtés, David qui va d’ailleurs rester après que je sois reparti pour Paris, pour supporter nos équipes. Au milieu de la crise européenne que la France traverse, comme les autres pays de l’Union, notre présence au Brésil c’est un gage de confiance dans l’avenir. C’est une présence qui nous ouvre des horizons, qui nous lance des défis malgré les épreuves que nous rencontrons et même peut-être à cause des épreuves que nous rencontrons, la France ne doit pas se replier sur elle-même, elle ne doit pas s’enfermer, elle doit au contraire se projeter vers les nouveaux espaces de croissance.
L’Union européenne vit l’une des périodes les plus difficiles de son existence, c’est certainement la crise la plus importante la crise que nous traversons, la crise la plus grave depuis la création de cette Union européenne, puisque c’est une crise qui est venue introduire un doute sur l’existence même du projet politique d’unification du continent européen. Nous avons depuis 2008 subi trois chocs, d’abord la crise financière, le choc sur les banques ; puis ensuite le choc sur la monnaie européenne, sur l’euro ; et maintenant au fond le choc sur l’Europe elle-même, sur son mode de gouvernance, sur sa solidarité, sur son existence. En réalité, je crois que ces trois chocs révèlent une seule et même crise, qui est une crise de civilisation et qui est plus précisément la crise de la vieille civilisation européenne qui est prise de court par la mondialisation.
Si les investisseurs sont sceptiques à l’égard de l’Union européenne, c’est parce qu’ils ressentent – à tort ou à raison – sa faiblesse politique, c’est parce qu’ils voient que l’écart entre ce que nous produisons et ce que nous dépensons n’est plus tenable, c’est parce qu’ils voient qu’ailleurs le monde avance à toute allure quand nous, nous avons tellement de mal à convaincre de la nécessité des réformes. Bref ! Il y a dans leur jugement, dans le jugement des marchés un doute sur notre capacité à demeurer l’un des principaux acteurs du 21e siècle.
Alors face à ce doute, il y a deux attitudes possibles, ou bien on se laisse aller, on se dispute sur l’accessoire et alors, c’est sans doute immanquablement le déclin de notre continent qui est inscrit dans les faits. Soit l’Europe réagit et elle fait de cette crise une opportunité pour se relancer et pour se refonder. C’est exactement ce que le président Sarkozy, la Chancelière Merkel, les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont fait le 9 décembre dernier, lors du Conseil européen.
Qu’est-ce qui était en jeu lors de ce Conseil ? Quelque chose au fond de très simple et en même temps de décisif, il fallait démontrer que l’Europe c’est beaucoup plus qu’une monnaie, c’est beaucoup plus qu’un espace commercial, c’est beaucoup plus que des règles politiques et administratives de vivre ensemble, c’est un projet politique. Et qui dit projet politique dit plus d’intégration, et qui dit plus d’intégration dit plus de responsabilités politiques. Et justement, le couple franco-allemand a dans cette crise pris ses responsabilités. Il l’a fait dans l’urgence, il a tracé la voie d’un sursaut collectif. Je voudrais dire devant vous que la détermination et l’expérience du président de la République française, la solidité de la Chancelière allemande ont eu raison de la difficulté qu’il y avait à entraîner 27 nations – aux intérêts parfois distincts – dont les visions sur l’Europe et sur son fonctionnement sont parfois très éloignées.
La France et l’Allemagne ont proposé à leurs partenaires d’établir un nouveau traité pour les 17 membres de la zone euro, ouvert à tous les autres Etats membres qui souhaiteraient les rejoindre. C’est un traité qui va remettre de la politique au cœur du fonctionnement de l’Europe en créant un véritable gouvernement européen. Ça fait 4 ans et demi que la France réclame la création d’un gouvernement économique européen pour piloter la zone euro. Il a fallu la crise et la gravité de cette crise pour que, finalement, nos partenaires acceptent de mettre en place ce Gouvernement.
Et par ce Gouvernement, c’est un traité qui enclenche une harmonisation progressive de toutes nos politiques économiques, de toutes nos politiques fiscales et de toutes nos politiques sociales. C’est un traité qui met en place une discipline budgétaire, qui sera collectivement surveillée et qui sera immédiatement sanctionnée en cas de dérapage d’un Etat. C’est un traité qui instaure un véritable Fonds monétaire européen, destiné à venir en aide aux pays qui n’auraient pas un accès suffisant au marché pour financer leur dette. Pour tout dire, ce traité donne à l’Europe des instruments pour affirmer son unité et donc pour affirmer sa puissance.
Je suis venu dire aux responsables brésiliens – et cela a occupé évidemment une grande partie de mon entretien hier avec la présidente Rousseff – de ne pas douter de l’Europe, de ne pas douter non plus au-delà de la crise actuelle de la capacité économique, de la capacité scientifique, de la capacité culturelle, de la capacité en matière d’éducation du vieux continent européen.
Face à cette crise des dettes souveraines, l’Europe est en première ligne, mais en même temps à l’intérieur de cette Europe, chaque nation est face à ses propres responsabilités. Et la nôtre naturellement est appelée à un sursaut et je suis venu aussi vous dire à vous qui gardez (j’imagine) un œil attentif et plus qu’attentif sur ce qui se passe dans votre pays, que la France fera son devoir. Nous avons avec le président de la République, avec le Gouvernement, préparé un budget 2012 dont j’ai l’habitude de dire qu’il est le plus rigoureux depuis 1945. Quand je dis ça, on me regarde en se disant "le Premier ministre a la tête qui gonfle", c’est pourtant la première fois depuis 1945 que les dépenses de l’Etat vont baisser. Certains me disent qu’elles ne vont pas suffisamment baisser, ils ont raison, mais si elles n’ont jamais baissé depuis 1945 c’est que ça ne devait pas être facile de les faire baisser.
C’est la première fois que la masse salariale de l’Etat va diminuer, nous avons inscrit nos choix dans la lignée de la modernisation qui a été conduite par le Gouvernement et par la majorité depuis 2007. Au fond ce que nous avons essayé de faire avant les crises, pendant les crises et aujourd’hui, c’est plus de compétitivité, plus d’innovation, moins de dépense publique. Nous avons réformé notre Etat, nous avons supprimé 150.000 postes de fonctionnaires depuis 2007, c’est 7 % des effectifs de la fonction publique d’Etat. Ce n’est pas une décision qui a été facile à prendre, c’est une décision qui naturellement peut susciter des inquiétudes ou des critiques, mais c’est une décision qui est absolument indispensable pour réduire la dépense publique. Et personne d’ailleurs, quels que soient les engagements pris ici ou là, ne remettra fondamentalement en cause cet effort de réduction du nombre des emplois publics dans notre pays. Nous sommes le pays en Europe qui a le record de la dépense publique et qui est l’un de ceux qui a le record… qui est dans les premiers en matière de prélèvements obligatoires. Il n’y a donc pratiquement pas de marge sur l’augmentation de la fiscalité, la seule marge pour réduire le déficit c’est la réduction de la dépense. Et la réduction de la dépense publique passe forcément par la réduction du nombre des emplois publics.
Nous avons refondu la carte judiciaire qui ne l’avait pas été pratiquement depuis la première moitié du 20ème siècle. Nous avons modifié la carte militaire, dont l’organisation était marquée par des choix qui prévalaient au moment de la guerre froide et qu’il fallait bien prendre en compte. Nous avons mis en œuvre une réforme des collectivités territoriales pour fédérer les échelons départementaux et régionaux. Et puis nous avons fait une importante réforme des retraites pour prendre en compte les évolutions de notre démographie. Enfin, nous avons desserré l’étau des 35 h en favorisant le recours aux heures supplémentaires pour revaloriser la notion de travail. Aucune de ces réformes n’a été facile, mais je vous demande de vous interroger sur la question de savoir au fond, dans quelle situation nous serions si nous n’avions pas mené ces réformes, dans quelle situation nous serions aujourd’hui.
Les Français, à juste titre, nous jugent avec les yeux du présent, mais j’aimerais les convaincre que la préparation de l’avenir fut toujours notre priorité. La réforme des universités, c’est un processus qui va rénover en profondeur notre système d’enseignement supérieur et de recherche. Dans 5 ans, le paysage de l’université française ne sera plus le même qu’avant. Nos universités, nos laboratoires, nos entreprises travailleront ensemble et elles le feront avec des moyens supplémentaires que malgré la crise, nous leur avons préservés. Vous savez que nous avons décidé de consacrer 35 milliards d’euros à ce que nous avons appelé "les investissements d’avenir", pour venir soutenir tous les secteurs de la recherche, tous les secteurs de l’industrie qui sont porteurs des emplois de demain. Au fond, de la même façon que le général de Gaulle et Georges Pompidou avaient lancé presque en même temps le Train à Grande Vitesse, l’aventure spatiale – d’abord française puis européenne – et la création d’AIRBUS, eh bien ! De la même façon nous voulons aujourd’hui, avec ces 35 milliards d’investissement d’avenir, stimuler les initiatives dans les secteurs qui seront les TGV, les AIRBUS, les centrales nucléaires, l’industrie spatiale de demain.
Vous voyez que rien n’est plus faux et rien n’est plus injuste que de présenter la France comme engourdie, comme baissant les bras. La France, elle est à l’initiative chez elle en conduisant des réformes, et elle est aussi à l’initiative sur la scène européenne et sur la scène internationale. L’année 2011 a été particulièrement riche en événements, dans lesquels la France a assumé un rôle qui honore les valeurs qui sont les nôtres. Nos forces armées sont intervenues pour faire en sorte que le choix démocratique des Ivoiriens soit pleinement respecté. Et je pense que cette intervention, non seulement a permis de faire triompher la démocratie dans un pays africain, mais elle servira d’exemple, de référence. Et je suis convaincu qu’elle participera à ce grand mouvement qui est en cours au Sud de la méditerranée et qui doit conduire à la mise en place de régimes plus démocratiques. Notre pays a été à l’initiative en Libye où il a permis d’éviter une tragédie. En pilotant le sommet du G20, la France s’est montrée une puissance d’influence et une puissance de propositions. Dans cette enceinte, nous avons fait entendre la voix d’un pays qui cherche inlassablement à redessiner les contours de la mondialisation.
Voilà mes chers compatriotes la France en action dont je voulais vous parler. En l’espace de 5 ans évidemment, nous sommes loin d’avoir tout réglé, nous sommes loin d’avoir tout changé, nous sommes loin d’avoir tout réussi d’autant que nous n’avions pas prévu que nous serions confrontés à des crises d’une telle violence, nous avons agi dans les pires conditions économiques qui soient. Mais je veux dire que malgré les vents contraires, nous avons inlassablement réformé là où bien d’autres Gouvernements auraient mis le pied sur le frein, et en cela, j’estime que nous avons fait notre devoir. Et je demande aux Français, à quelques mois des élections, de faire le tri entre ceux qui parlent vrai et ceux qui les illusionnent, entre ceux qui agissent et ceux qui excellent dans la critique.
Le monde n’est pas en train de changer, comme on a si souvent l’habitude de le dire, il a changé, et d’une certaine façon nos vieux pays européens ont mis un peu de temps à s’en rendre compte. Aujourd’hui notre nation doit regrouper ses forces, pour protéger le meilleur de son héritage et pour rompre avec ses handicaps. La France repliée sur elle-même, ça n’est pas la France que nous aimons. Je voudrais vous dire que je suis fier de vous voir contribuer ici, au Brésil, au rayonnement de notre pays. Vous n’êtes pas les spectateurs d’un monde en pleine transformation puisqu’ici au Brésil, chacun à sa mesure est dans l’action. Chacun de vous incarne une part de notre culture, une part de nos espérances et pour cela, je voulais encore une fois vous encourager et vous remercier.
Vive la France, vive l’amitié franco-brésilienne et vive la République.
Source http://www.gouvernement.fr, le 26 décembre 2011