Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le renforcement de la gouvernance économique européenne, les enjeux du sommet social du 18 janvier et le bilan de la politique gouvernementale, à Paris le 9 janvier 2012.

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Circonstance : Cérémonie des voeux à la presse, à l'Hôtel de Matignon le 9 janvier 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Madame la Présidente,
Malgré les incertitudes et les spéculations qui accompagnent toute vie gouvernementale, nous aurons fait ensemble, chère Chantal Didier, l’ensemble du quinquennat.
Notre longévité doit certainement à la sincérité des vœux que nous nous adressons réciproquement depuis janvier 2008. Ce sont les derniers, enfin de ce quinquennat, et j’aborde les prochains mois avec la ferme volonté d’assumer mes devoirs jusqu’au bout et de contribuer à écrire une nouvelle page politique.
2012 est une année pleine d’incertitudes, électorales, économiques, géopolitiques - et, à cet égard, ce qui se passe en Syrie et en Iran est d’une importance stratégique - mais c’est aussi une année d’opportunités : opportunité pour relancer l’Europe sur des bases nouvelles, opportunité pour faire reculer la crise, opportunité pour amplifier le mouvement de réformes, opportunité pour les Français de choisir leur avenir.
"Le devoir c’est l’espoir et c’est l’assaut" disait De Gaulle.
Eh bien, allons à l’assaut de cette année 2012. Et si je parle d’assaut c’est parce qu’aucune stratégie d’attente ne pourra résister aux coups de boutoirs qu’assène ce début de siècle.
Notre rendez-vous est marqué par une intense sismicité internationale, européenne et française. Sur cette terra incognita les métiers de journaliste et de politique se trouvent de fortes parentés. Plus l'avenir est aléatoire, plus les enchaînements du monde nous encordent, plus l'écriture, la parole et le discours publics doivent être responsables, exigeants, utiles aux débats.
La grande leçon de 2011, c'est la défaite de nos expertises ; c'est la rapidité des événements ; c’est leur effet boule de neige ; c’est le constat brutal que beaucoup de ce qui structurait la politique internationale est devenu caduc.
Qui aurait cru à une révolution égyptienne ? Qui aurait annoncé la chute de Kadhafi ? Qui aurait prévu un régime parlementaire en Tunisie ? Qui aurait pu imaginer une Syrie en résistance, et même des manifestations à Moscou ?
2011 démontre la montée en puissance des opinions publiques. Et leur force de frappe c'est internet. Autrement dit, un simple clic qui ouvre le droit à la parole. Personne ne peut maîtriser ce phénomène.
Ce que nous appelions jadis "le monde libre" est devenu un monde mouvant, fluide et inflammable, capable de faire et de défaire des sociétés.
Alors on ne peut pas dire le "monde change" et puis en même temps cultiver son jardin.
Au contraire, tout nous appelle à affronter les temps nouveaux. De nouveaux équilibres, des nouvelles puissances s'imposent, elles repensent le monde et elles le repensent à leur manière en nous condamnant, disent certains, aux seconds rôles.
C'est cette prétendue fatalité-là que je n'accepte pas. Pot de terre contre pot de fer, je n'en crois rien. La France, l'Europe, ont dans leurs gènes la flamme du savoir et du progrès, et rien dans leur culture ne les prédispose à la résignation et à la décadence.
Alors vous l’avez rappelé, et comment d’ailleurs l’oublier, le temps des échéances électorales approche.
Mais je veux dire qu’à Matignon, chaque jour qui reste doit être mis au service de la France. La crise ne nous laisse aucun répit, le fonctionnement de l’Etat ne connaît pas de pause, et le Gouvernement doit faire son travail jusqu’au bout avec rigueur et calme.
Nous avons des défis devant nous que le président de la République a évoqués lors de ses vœux.
Le premier, c’est l’Europe.
Son redressement, son renforcement, la poursuite de son unification constituent la mère de toutes nos batailles parce que aucune des nations européennes ne se sortira seule de la crise actuelle. Et je veux à cet égard affirmer que jamais une élection présidentielle n’aura été à ce point suspendue au sort de l’Europe. Ceux qui rêvent d’une petite campagne électorale hexagonale trompent nos concitoyens et ne servent pas l’intérêt général.
La mise en place du nouveau traité intergouvernemental qui transcrira l’ensemble de nos engagements est soumise à un calendrier extrêmement serré. Il va falloir boucler dès ce mois-ci la négociation pour pouvoir le signer au plus tard à la fin du mois de mars. Il faudra ensuite que les Etats signataires ratifient ce traité pour que celui-ci puisse entrer en vigueur d’ici la fin de l’année.
Nous devons traduire dans les textes l’accord que nous avons trouvé sur la mise en place d’un véritable fonds monétaire européen, nous devrons ratifier le traité qui établira le « mécanisme européen de stabilité » et la révision correspondante du traité de l’Union européenne si nous voulons que ce fonds puisse entrer en vigueur avant la fin de juillet 2012.
Lors du Conseil européen de mars, nous ferons le point sur l’adéquation de la capacité de prêt prévue pour le moment à 500 milliards d’euros pour faire face aux échéances de ces prochains mois en matière de refinancement des Etats membres.
Mais en 2012, l’Europe doit surtout sortir de sa déprime.
Lors du sommet européen du 30 janvier, nous devons enclencher ce que je qualifie d’une stratégie offensive. Il va falloir utiliser tous les leviers européens pour soutenir l’activité, et pour amortir le choc d’une croissance faible, voire même d’une croissance négative pour les prochains mois.
Ceci implique un véritable agenda européen au service de l’emploi, de l’innovation et de la compétitivité. Je veux vous dire que nous y travaillons résolument : la mobilisation des fonds structurels pour lutter contre les problèmes de financement des entreprises ; la mise en place accélérée d’un fonds européen de capital-risque ; la simplification massive des politiques européennes d’innovation et de recherche ; l’instauration d’un brevet européen et d’un fonds commun des brevets ; le lancement, au niveau de l’Union, d’initiatives sur le modèle des "investissements d'avenir". Voilà les propositions françaises qui sont aujourd’hui sur la table.
S’y ajoute, sur un autre registre, la taxation sur les transactions financières. Le président de la République a décidé que la France irait de l’avant avec l’intuition forte que nous serons suivis dans notre démarche.
Certains font mine de découvrir notre détermination sur ce sujet, et au parti socialiste on semble oublier qu’elle figure dans leur programme. Est-ce qu’il est nécessaire de préciser que ça fait près de deux ans que la France porte l’idée de cette taxe auprès de ses partenaires de l’Union et au sein du G20. Sous l’impulsion et sous celle de l’Allemagne, la Commission européenne a présenté, il y a cinq mois déjà, en septembre dernier, une proposition de directive dont d’ailleurs nous allons nous inspirer très directement.
Aujourd’hui même, vous le savez, Nicolas Sarkozy est à Berlin, et ce sujet sera discuté avec tous les autres sujets concernant la résolution de la crise de la dette souveraine.
Evidemment – c’est notre second défi - l’énergie du gouvernement est concentrée sur l’organisation du sommet de crise du 18 janvier.
Depuis quelques mois, le ralentissement de l’activité pèse fortement sur le marché du travail, et les perspectives pour les mois à venir sont préoccupantes. Nous voici donc replongés au cœur de deux sujets intimement liés : l’emploi et la compétitivité.
Le sommet du 18 janvier devra s’articuler autour de trois enjeux.
D’abord, apporter des réponses immédiates à la remontée du chômage. Cela passe par une meilleure mobilisation des instruments qui ont fait leurs preuves au plus fort de la récession en 2008/2009 : le chômage partiel, l’accompagnement des restructurations avec le contrat de sécurisation professionnelle, les actions sur les branches et les territoires les plus touchés, le soutien aux chômeurs de longue durée. Naturellement tout ceci a vocation à se faire en lien très étroit avec les partenaires sociaux.
Ensuite, il faut engager de nouvelles actions structurelles. D’un côté il faut améliorer en changeant de dimension la formation des demandeurs d’emploi, ce qui veut dire qu’une fois passé un temps donné au chômage, il faut renforcer le caractère systématique de la formation pour répondre aux besoins des entreprises. Cela passe par une coordination renforcée entre l’Etat, les régions et les partenaires sociaux et leurs organismes de formation.
Et puis en second lieu, il faut avancer sur ce qu’on appelle les "accords de compétitivité". C’est à dire ces accords qui permettent d’incorporer aux contrats de travail les résultats d’un accord d’entreprise.
Je vais vous dire qu’à mes yeux c’est une question fondamentale. La possibilité de conclure des "accords de compétitivité", c’est une nouvelle étape de la démocratie sociale et c’est la possibilité de donner beaucoup plus de souplesse, au niveau des entreprises, sur les équilibres entre temps de travail, salaires et emploi.
Cette possibilité s’inscrirait d’ailleurs dans la logique que nous avons suivie depuis 2002, cette logique qui a consisté à étendre la place de la négociation collective d’entreprise.
Les nouvelles règles de la démocratie sociale – la légitimité élective des syndicats, les accords majoritaires - ouvrent un nouvel espace qui rend désormais possible des avancées sur ce sujet. Je sais bien que c’est un thème sensible pour les partenaires sociaux, mais je crois sincèrement que nous devons collectivement prendre des risques pour combattre le chômage et pour sécuriser l’emploi face à ces mutations.
Des allégements de charges sur les bas salaires à l’assouplissement des 35 heures, de la réforme de la taxe professionnelle au triplement du crédit impôt-recherche, de la mise en place des grands investissements d’avenir à celle du Fonds Stratégique d’Investissement, nous n’avons en réalité pas cessé depuis 2007 d’agir pour la compétitivité de l’économie française.
Mais inéluctablement et j’ai envie de dire presque mécaniquement, cette quête de la compétitivité nous renvoie au poids des charges qui pèsent sur le travail et donc au financement de la protection sociale.
Ca fait des années que je sujet est débattu, à droite comme à gauche. Nous voulons le trancher !
Alors certains disent que c’est politiquement périlleux, d’autres que c’est trop tard, et ce sont d’ailleurs les mêmes qui en appellent de façon impérative et pressante à produire en France.
Eh bien si nous voulons vraiment être une terre de production, alors le calendrier importe peu. La seule question qui vaille c’est : est-ce que cette réforme est utile pour la France ?
Si c’est le cas, alors le moment est bien choisi pour prendre, de part et d’autre, nos responsabilités parce qu’il est urgent d’alléger les charges qui pèsent sur le travail, et qui vous le savez vont bien au-delà des moyennes européennes. Et il est urgent de mettre un coup d’arrêt à la désindustrialisation de notre pays.
En tout cas nous allons discuter de toutes ces questions le 18 janvier avec les partenaires sociaux. Nous allons écouter leurs propositions, nous allons évaluer toutes les pistes d’action. Mais nous déciderons à la fin du mois de janvier. Et comme je l’ai déjà indiqué, cette réforme, non pas de la protection sociale, madame la Présidente, mais du financement de la protection sociale sera soumise au Parlement au mois de février.
Enfin, et c’est notre dernier défi, nous devons continuer de réduire nos déficits et nous préparer à toutes mesures nouvelles éventuelles. Je veux dire qu’en la matière, le Gouvernement a fait de l’adaptation permanente sa règle de conduite. Quand le paysage change et quand nous constatons - je parle de constater non pas de se baser sur des prévisions - quand nous constatons un écart par rapport à notre trajectoire, alors nous ajustons nos paramètres budgétaires et nous prenons les mesures garantissant la tenue de nos engagements. C’est le gage de notre crédibilité vis-à-vis des Français comme vis-à-vis des marchés.
Je veux vous dire que grâce aux efforts engagés par le Gouvernement, l’Etat en 2011 verra son déficit de 4 milliards inférieur à la dernière prévision, ce qui signifie que le déficit public pour 2011 sera très probablement inférieur aux 5,7 % du PIB sur lesquels nous nous sommes engagés.
Mesdames et messieurs,
En cette nouvelle année 2012, que pouvons-nous souhaiter à notre pays ?
D’abord, naturellement, qu’une sortie de crise soit enfin clairement perceptible. Est-ce possible à court terme ? Sans doute pas parce que nous sommes dans un cycle qui n’est pas conjoncturel, et c’est pourquoi, je forme le vœu que nos concitoyens puissent accepter d’assumer la vérité sur l’ampleur des obstacles structurels que nous devons surmonter pour nous relancer.
Et cette vérité - et c’est là mon second vœu – j’aimerais qu’elle ne soit pas considérée comme une affaire exclusivement partisane où chacun des camps en présence assènerait ses recommandations, mais comme une affaire citoyenne qui verrait chaque Français exiger réalité et franchise.
Contre les illusionnistes, contre les populistes, c’est maintenant que se juge la force d’âme de notre pays et sa capacité à regarder les faits au-delà des clivages. L’avenir de l’Europe n’est ni de droite ni de gauche, les déficits ne sont ni de droite ni de gauche, la question de notre compétitivité n’est ni de droite ni de gauche, le sort de notre pacte social lui-même n’est ni de droite ni de gauche.
Ce sont des problèmes brûlants, ce sont des problèmes incontournables qui se poseront à tous les gouvernements, quels qu’ils soient.
Et si les solutions à ces problèmes ne sont pas faciles à entendre et si elles ne sont pas faciles à mettre en œuvre, je voudrais convaincre nos concitoyens que la France n’en est pas à sa première épreuve devant l’Histoire. Par le passé, d’autres générations ont eu à se retrousser les manches pour bâtir notre prospérité, et d’autres ont eu à se battre les armes à la main pour notre liberté. D’autres peuples sont aujourd’hui traversés par des malheurs infiniment plus douloureux que les nôtres, alors pourquoi serions-nous incapables de relever le gant ?
"Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes", disait Bossuet. Eh bien si c’est le cas alors il faut les repousser et aller chercher en nous la part de confiance et d’audace qui est notre meilleure alliée. Nous avons encore tant d’atouts, tant de richesses intellectuelles, de forces économiques qui peuvent encore s’exprimer, tant de chance aussi de pouvoir disposer d’une Europe qui autour de nous vit en paix.
Alors bien sûr, nous connaissons des difficultés : le chômage, la violence, la désespérance sociale et morale. Ces réalités nous commandent de ne pas baisser les bras, elles nous commandent aussi de ne pas dévoyer notre intelligence.
Entre le défaitisme et la démagogie, il existe un espace politique pour l’action et pour le bon sens.
Nos handicaps sont connus, leurs résolutions le sont en partie aussi.
C’est une question d’adaptation permanente, c’est une question de réforme, c’est une question de courage, c’est aussi une question d’état d’esprit.
Evidemment, si nous partons du principe que tout nous est dû, alors nous irons de déceptions en déconvenues, parce que l’Occident n’a plus le monopole de la prospérité. Mais si, en revanche, nous partons de l’idée que la France est toujours belle, que chacune de ses époques fut une métamorphose, que le progrès est encore possible pour nous et pour nos enfants, alors nos horizons resteront ouverts.
En définitive, je forme le vœu que cette année 2012 puisse voir la lucidité et l’espérance s’accorder pour agir efficacement et généreusement. Mais aussi agir concrètement.
A l’approche des élections, j’entends certains parler de "projet de société". Les promesses s’alignent comme les notes d’une symphonie injouable, les visions prométhéennes aiguisent les rêves. Je suis le premier à penser que la finalité des buts politiques et l’expression des valeurs donnent au rendez-vous présidentiel toute sa noblesse.
Mais ne partons pas dans des limbes qui nous éloigneraient de l’essentiel : aujourd’hui, il s’agit moins de choisir un projet de société où fleuriraient mille roses que de sortir de la crise, et cela avec des moyens financiers très contraints. Il ne s’agit pas de trancher entre des idéologies, il ne s’agit pas de trancher entre des types de régimes.
L’actualité n’est pas aux utopies, elle n’est pas aux lendemains qui chantent, elle n’est pas non plus aux hommes ou aux femmes providentiels. Aux commandes de la France, il faut du réalisme, il faut du cran, il faut une capacité à voir loin et à agir vite, dans l’écoute de ses partenaires et surtout au diapason de nos temps modernes.
"La réalité ne pardonne pas qu’on la méprise, elle se venge en effondrant le rêve et en le piétinant" écrit Huysmans. Pardonnez-moi d’être toujours aussi austère, mais gérer la crise et en sortir, c’est la première des priorités !
Dans son adresse publiée dans un journal du matin, François Hollande décrit une France, je le cite, "abaissée, abîmée, dégradée".
Chacun notera le sens de la rime et le parallèle poussif avec la célèbre harangue du général de Gaulle sur le parvis de Notre Dame : "Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé…", vous connaissez la suite. Mais n’est pas le Général qui veut, et surtout, il y a dans ce catastrophisme rustique quelque chose de terriblement déprimant pour les Français et finalement de bien peu exigeant sur le plan intellectuel.
A écouter Monsieur Hollande, tout n’est qu’échec, iniquité, désolation. Bref, notre pays est dans le gouffre.
Je combats cette maladie, cette sorte de "scorpionite", cette autolyse qui consiste à nous envenimer pour mieux croire au mythe du phénix qui renait de ses cendres.
J’ai bien compris il s’agit de passer de l’ombre à la lumière et, ce faisant, de résumer l’élection présidentielle à la personne de Nicolas Sarkozy, accusé d’avoir mis la France au tombeau.
Cette diabolisation est infantile, mais chacun aura compris son but : éviter de parler du fond, éviter d’élargir le débat aux contraintes du monde, et par là même, éviter de placer le socialisme devant ses contradictions. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le mot «socialisme» ne figure pas une seule fois dans le long texte publié par Libération. Je ne m’en formalise pas, mais cet oubli, volontaire ou non, en dit beaucoup sur l’état intellectuel de la gauche.
J’imagine les rédacteurs de la rue de Solférino planchant sur la tribune de leur champion… "A défaut de programme, est-ce que dix attaques contre Nicolas Sarkozy et cinq messages désespérés sur l’état de la France vous iraient ?". C’est en somme cela, la stratégie actuelle de l’opposition.
Pour François Hollande, ce quinquennat c’est, je le cite, "la Présidence de la parole". Je passe sur le fait qu’il y a quelques contradictions à nous reprocher sans cesse d’avoir mal agi tout en nous accusant de n’avoir tenu que des discours.
La réalité, c’est que le nombre des réformes depuis 2007 n’est pas discutable. On peut être pour, on peut les juger incomplètes ou au contraire les juger trop abruptes, mais personne ne peut nier que nous nous sommes engagés sur des points essentiels et souvent sur des points structurants.
L’autonomie des universités constitue une rupture par rapport à la loi de 1984 ; le service minimum dans les transports a profondément modifié le rapport entre les usagers et les grévistes ; la loi sur la représentativité des syndicats a totalement changé le système issu de l’après-guerre ; la loi contre le port de la burqa a marqué un coup d’arrêt au relativisme ambiant qui entourait la défense de la laïcité ; la réforme des régimes spéciaux de retraites et la fin du symbole des 60 ans ont constitué une césure ; le gel des dépenses publiques et la réduction de 150.000 fonctionnaires relèvent d’un exploit dans un pays qui a été si longtemps accoutumé au toujours plus.
Je ne cite que ces quelques réformes, d’ailleurs férocement combattues par l’opposition, pour souligner que s’il est un Président qui ne s’est pas contenté de disserter, c’est bien le président Sarkozy.
Notre bilan n’a ni besoin d’être encensé ni besoin d’être noirci pour être jugé plus que respectable au regard des crises que nous avons affrontées et qui nous ont conduits, d’une main à réformer, de l’autre main à protéger les Français.
Moderniser le pays sans le braquer, le protéger sans le figer : l’équation n’est pas si simple, et il suffit d’observer la situation de plusieurs de nos partenaires européens pour constater que nous avons globalement réussi ce pari.
J’ai écrit il y a six ans un livre intitulé "La France peut supporter la vérité" ; j’ai évoqué l’Etat en faillite. Depuis 2007 je n’ai pas douté un seul instant que le chemin qui ramènerait notre pays du rêve passé des Trente glorieuses au pays de la réalité serait un chemin long, douloureux et sinueux. La politique des réformes a été notre priorité, et c’est elle qui a permis à la France de traverser une période d'exceptionnelles turbulences.
Bien j'ai un regret, celui de n'avoir pas toujours été assez loin. Mais pouvions-nous en faire plus dans un délai aussi court et dans un climat économique aussi désastreux ?
Déjà, ce qui a été fait par le président est exceptionnellement courageux, et je ne sais pas dans quel état serait aujourd'hui la France si elle était dirigée depuis 2007 par Madame Royal. On a trop tendance à oublier l’immobilisme des dernières décennies.
Je suis désolé de dire que durant des années, à gauche, au centre, à droite, nous avons fait prendre au pays le risque de retards, et les additions coûtent cher aujourd’hui. Je ne vise personne, c'était un état d'esprit. Je peux en parler parce que je l'ai vécu et j’ai vu combien l'excès de précautions, la routine, l’indécision, ont paralysé l’urgent et l’indispensable.
La situation du pays est très difficile, mais aujourd’hui le pays est gouverné, et notre volonté de changement reste intacte, élection ou pas élection.
Compétitivité, protection sociale, réorganisation de l’Etat, école, sécurité, université, recherche, tout ce que nous avons entrepris c’est un socle pour aller plus loin, pour prolonger, pour ajuster, pour réinventer nos politiques.
La réforme c’est une valeur en soi. Elle l’était en 2007, elle le reste en 2012.
De ce quinquennat de crise, nous sortons expérimentés et non pas éreintés, ou désillusionnés, sur les capacités de notre nation à se transformer. Quelles que soient les difficultés qui nous attendent encore, ou les notes, surveillances, classements dont, à tort ou à raison, on pourrait nous affubler, la France est un grand pays. La France est un grand pays qui a le pouvoir de rayonner et a le devoir de se renouveler en continu.
Ceux qui attaquent notre bilan sont des artificiers en gants blancs. Ce quinquennat aura en effet été un quinquennat de combats. Crise financière, crise des dettes publiques, crise de l’Europe, le monde ne nous a pas laissé une semaine de répit.
S’en plaindre serait absurde, parce qu’en réalité ces cinq années préfigurent ce que seront les années qui viennent, je veux parler de l’exercice du pouvoir, face aux interdépendances et aux fulgurances brouillonnes de la mondialisation.
"Laisser du temps au temps", la formule apparaît aujourd’hui presque sortie d’un autre âge.
L’opposition laisse entendre qu’elle n’est pas tenue par le calendrier de retour à l’équilibre de nos déficits publics, qu’elle n’est pas pressée de respecter l’accord européen du 9 décembre dernier, et certains, en son sein, recommandent le passage aux 32 heures… Visiblement, nous ne courons pas sur la même piste ! Prétendre vouloir présider la France en imaginant que son temps n’est pas compté, qu’elle n’a pas de comptes à rendre, au rythme du monde extérieur, c’est l’exposer à des contrecoups mortels.
"Pour réussir, quatre principes m’inspireront", écrit François Hollande dans sa tribune.
D’abord "la vérité".
Cette une valeur qui m’est chère, et j’attends donc qu’il explique précisément comment il entend réduire les déficits, parce que pour l’instant c’est le flou absolu. On nous parle du "paquet fiscal", de la suppression de la réforme de l’ISF, des niches fiscales. Inutile de vous dire que le compte n’y est pas, et de loin !
Et il n’y est pas pour une raison simple : les socialistes n’osent pas toucher aux dépenses de l’Etat qui constituent pourtant notre seule véritable marge de manœuvre. Pire, tout dans leurs promesses démontre qu’ils augmenteront ces dépenses.
Second principe : "la volonté".
On n’en attend pas moins d’un chef de l’Etat, mais pour l’heure seuls les actes, ou plutôt les intentions, nous renseignent. La grande réforme fiscale promise de l’impôt sur le revenu et de la CSG oscille entre fusion et rapprochement. Visiblement, la main tremble ! La suppression de notre réforme des retraites est contournée par le biais d’un dispositif sur les longues carrières et sur l’âge légal de départ dont le coût financier et social risque d’ailleurs d’être calamiteux. Après avoir promis le retour aux 60 ans pour tous, là encore, la main tremble !
Quant à la négociation avec les écologistes, où trente années de politique nucléaire ont été escamotées en une nuit de tractations, elle n’a pas révélé une grande fermeté de ton.
Troisième principe : "la justice".
Faut-il s’appesantir sur cette valeur qui n’appartient pas à la gauche, mais qui appartient à la République ? Malgré la crise, le pouvoir d’achat des Français a tenu, le montant des prestations sociales n’a pas été réduit, les revenus minimum des personnes âgées ou des handicapés ont même été augmentés, l’écart entre les hauts et les bas salaires ne s’est pas plus accru que lorsque la gauche était aux affaires et que la bourse était triomphante. Quant aux plus fortunés de nos concitoyens, ils ont été fortement mis à contribution.
Bref, nous n’avons pas de leçon à recevoir en matière de solidarité, et je n’accepte pas ce procès injurieux sur le prétendu "gouvernement des riches". Que diraient d’ailleurs les socialistes si nous laissions entendre qu’ils sont à la solde, ou sous la coupe d’une partie de nos concitoyens. Ca, c’est le degré zéro de la politique !
Enfin, dernier principe de l’adresse : "l’espérance".
Personnellement, je n’ai jamais eu l’occasion de voir un candidat aux élections préconiser le désespoir… Cela dit, tout ce qui éveille chez les Français le goût de l’avenir relève d’un combat utile qui mérite de transcender les clivages.
Et dans ce combat, mesdames et messieurs, vous y avez toute votre part.
Vous l’avez dit, chère Chantal Didier, 66 journalistes ont trouvé la mort en 2011 dans l’exercice de leur métier. La violence n’épargne pas ceux qui cherchent à témoigner. Mais comme vous, aussi, je veux garder de cette année 2011 le souvenir de la libération d’Hervé Ghesquière et de Stéphane Taponier, après 547 jours de détention.
Je me rappelle que lors d’un voyage en Afghanistan, on m’avait indiqué la zone où ils se trouvaient prisonniers, à quelques kilomètres seulement de l’endroit où je me trouvais. Nous savions à peu près où ils étaient, mais nous ne pouvions pas aller les libérer de peur de mettre leur vie en danger. Pendant leur détention, nous avons été critiqués, pourtant nous n’avons jamais relâché nos efforts, et ce fut un soulagement de les voir revenir sur le sol français.
Deux autres visages de journalistes m’ont frappé aussi cette année.
Deux visages de femmes, deux grands reporters chevronnées, courageuses, qui ont sillonné le monde avec leurs équipes. Celui de Patricia Allemonière, de TF1, blessée en Afghanistan et racontant l’attaque dont elle venait d’être victime avec un pansement sur le visage. Fidèle au poste.
Et puis je voudrais aussi rendre hommage à Caroline Sinz, grand reporter à France 3, qui a été attaquée au Caire, sur la place Tahrir, d’une façon extrêmement violente et inacceptable. Elle était aussi, le soir même, à l’antenne, avec dignité et avec professionnalisme.
Certains, après son agression, ont cru bon de dire que les rédactions devraient y réfléchir à deux fois avant d’envoyer des femmes journalistes dans des endroits dangereux. Certes, les rédactions doivent prendre des mesures pour assurer la sécurité des journalistes, hommes ou femmes. Mais en déduire qu’il y aurait des endroits où les femmes ne doivent pas aller, je pense que ce serait une épouvantable régression. Les femmes sont des journalistes comme les autres. Il y a d’ailleurs bien longtemps qu’elles n’ont plus à prouver leur capacité à faire face aux situations périlleuses. Je leur dis donc tout mon soutien, comme lecteur, comme téléspectateur, mais aussi comme citoyen et comme responsable politique.
Voilà, je ne doute pas, Mesdames et Messieurs, que les mois à venir vont être passionnants et trépidants pour vous, comme ils le seront pour moi.
Alors, avec estime et affection, je souhaite à chacune et à chacun de vous, à vos familles et à tous ceux que vous aimez, une très bonne année 2012.
source http://www.gouvernement.fr, le 10 janvier 2012