Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Madame la Présidente,
Malgré les incertitudes et les spéculations qui accompagnent toute vie gouvernementale, nous aurons fait ensemble, chère Chantal Didier, lensemble du quinquennat.
Notre longévité doit certainement à la sincérité des vux que nous nous adressons réciproquement depuis janvier 2008. Ce sont les derniers, enfin de ce quinquennat, et jaborde les prochains mois avec la ferme volonté dassumer mes devoirs jusquau bout et de contribuer à écrire une nouvelle page politique.
2012 est une année pleine dincertitudes, électorales, économiques, géopolitiques - et, à cet égard, ce qui se passe en Syrie et en Iran est dune importance stratégique - mais cest aussi une année dopportunités : opportunité pour relancer lEurope sur des bases nouvelles, opportunité pour faire reculer la crise, opportunité pour amplifier le mouvement de réformes, opportunité pour les Français de choisir leur avenir.
"Le devoir cest lespoir et cest lassaut" disait De Gaulle.
Eh bien, allons à lassaut de cette année 2012. Et si je parle dassaut cest parce quaucune stratégie dattente ne pourra résister aux coups de boutoirs quassène ce début de siècle.
Notre rendez-vous est marqué par une intense sismicité internationale, européenne et française. Sur cette terra incognita les métiers de journaliste et de politique se trouvent de fortes parentés. Plus l'avenir est aléatoire, plus les enchaînements du monde nous encordent, plus l'écriture, la parole et le discours publics doivent être responsables, exigeants, utiles aux débats.
La grande leçon de 2011, c'est la défaite de nos expertises ; c'est la rapidité des événements ; cest leur effet boule de neige ; cest le constat brutal que beaucoup de ce qui structurait la politique internationale est devenu caduc.
Qui aurait cru à une révolution égyptienne ? Qui aurait annoncé la chute de Kadhafi ? Qui aurait prévu un régime parlementaire en Tunisie ? Qui aurait pu imaginer une Syrie en résistance, et même des manifestations à Moscou ?
2011 démontre la montée en puissance des opinions publiques. Et leur force de frappe c'est internet. Autrement dit, un simple clic qui ouvre le droit à la parole. Personne ne peut maîtriser ce phénomène.
Ce que nous appelions jadis "le monde libre" est devenu un monde mouvant, fluide et inflammable, capable de faire et de défaire des sociétés.
Alors on ne peut pas dire le "monde change" et puis en même temps cultiver son jardin.
Au contraire, tout nous appelle à affronter les temps nouveaux. De nouveaux équilibres, des nouvelles puissances s'imposent, elles repensent le monde et elles le repensent à leur manière en nous condamnant, disent certains, aux seconds rôles.
C'est cette prétendue fatalité-là que je n'accepte pas. Pot de terre contre pot de fer, je n'en crois rien. La France, l'Europe, ont dans leurs gènes la flamme du savoir et du progrès, et rien dans leur culture ne les prédispose à la résignation et à la décadence.
Alors vous lavez rappelé, et comment dailleurs loublier, le temps des échéances électorales approche.
Mais je veux dire quà Matignon, chaque jour qui reste doit être mis au service de la France. La crise ne nous laisse aucun répit, le fonctionnement de lEtat ne connaît pas de pause, et le Gouvernement doit faire son travail jusquau bout avec rigueur et calme.
Nous avons des défis devant nous que le président de la République a évoqués lors de ses vux.
Le premier, cest lEurope.
Son redressement, son renforcement, la poursuite de son unification constituent la mère de toutes nos batailles parce que aucune des nations européennes ne se sortira seule de la crise actuelle. Et je veux à cet égard affirmer que jamais une élection présidentielle naura été à ce point suspendue au sort de lEurope. Ceux qui rêvent dune petite campagne électorale hexagonale trompent nos concitoyens et ne servent pas lintérêt général.
La mise en place du nouveau traité intergouvernemental qui transcrira lensemble de nos engagements est soumise à un calendrier extrêmement serré. Il va falloir boucler dès ce mois-ci la négociation pour pouvoir le signer au plus tard à la fin du mois de mars. Il faudra ensuite que les Etats signataires ratifient ce traité pour que celui-ci puisse entrer en vigueur dici la fin de lannée.
Nous devons traduire dans les textes laccord que nous avons trouvé sur la mise en place dun véritable fonds monétaire européen, nous devrons ratifier le traité qui établira le « mécanisme européen de stabilité » et la révision correspondante du traité de lUnion européenne si nous voulons que ce fonds puisse entrer en vigueur avant la fin de juillet 2012.
Lors du Conseil européen de mars, nous ferons le point sur ladéquation de la capacité de prêt prévue pour le moment à 500 milliards deuros pour faire face aux échéances de ces prochains mois en matière de refinancement des Etats membres.
Mais en 2012, lEurope doit surtout sortir de sa déprime.
Lors du sommet européen du 30 janvier, nous devons enclencher ce que je qualifie dune stratégie offensive. Il va falloir utiliser tous les leviers européens pour soutenir lactivité, et pour amortir le choc dune croissance faible, voire même dune croissance négative pour les prochains mois.
Ceci implique un véritable agenda européen au service de lemploi, de linnovation et de la compétitivité. Je veux vous dire que nous y travaillons résolument : la mobilisation des fonds structurels pour lutter contre les problèmes de financement des entreprises ; la mise en place accélérée dun fonds européen de capital-risque ; la simplification massive des politiques européennes dinnovation et de recherche ; linstauration dun brevet européen et dun fonds commun des brevets ; le lancement, au niveau de lUnion, dinitiatives sur le modèle des "investissements d'avenir". Voilà les propositions françaises qui sont aujourdhui sur la table.
Sy ajoute, sur un autre registre, la taxation sur les transactions financières. Le président de la République a décidé que la France irait de lavant avec lintuition forte que nous serons suivis dans notre démarche.
Certains font mine de découvrir notre détermination sur ce sujet, et au parti socialiste on semble oublier quelle figure dans leur programme. Est-ce quil est nécessaire de préciser que ça fait près de deux ans que la France porte lidée de cette taxe auprès de ses partenaires de lUnion et au sein du G20. Sous limpulsion et sous celle de lAllemagne, la Commission européenne a présenté, il y a cinq mois déjà, en septembre dernier, une proposition de directive dont dailleurs nous allons nous inspirer très directement.
Aujourdhui même, vous le savez, Nicolas Sarkozy est à Berlin, et ce sujet sera discuté avec tous les autres sujets concernant la résolution de la crise de la dette souveraine.
Evidemment cest notre second défi - lénergie du gouvernement est concentrée sur lorganisation du sommet de crise du 18 janvier.
Depuis quelques mois, le ralentissement de lactivité pèse fortement sur le marché du travail, et les perspectives pour les mois à venir sont préoccupantes. Nous voici donc replongés au cur de deux sujets intimement liés : lemploi et la compétitivité.
Le sommet du 18 janvier devra sarticuler autour de trois enjeux.
Dabord, apporter des réponses immédiates à la remontée du chômage. Cela passe par une meilleure mobilisation des instruments qui ont fait leurs preuves au plus fort de la récession en 2008/2009 : le chômage partiel, laccompagnement des restructurations avec le contrat de sécurisation professionnelle, les actions sur les branches et les territoires les plus touchés, le soutien aux chômeurs de longue durée. Naturellement tout ceci a vocation à se faire en lien très étroit avec les partenaires sociaux.
Ensuite, il faut engager de nouvelles actions structurelles. Dun côté il faut améliorer en changeant de dimension la formation des demandeurs demploi, ce qui veut dire quune fois passé un temps donné au chômage, il faut renforcer le caractère systématique de la formation pour répondre aux besoins des entreprises. Cela passe par une coordination renforcée entre lEtat, les régions et les partenaires sociaux et leurs organismes de formation.
Et puis en second lieu, il faut avancer sur ce quon appelle les "accords de compétitivité". Cest à dire ces accords qui permettent dincorporer aux contrats de travail les résultats dun accord dentreprise.
Je vais vous dire quà mes yeux cest une question fondamentale. La possibilité de conclure des "accords de compétitivité", cest une nouvelle étape de la démocratie sociale et cest la possibilité de donner beaucoup plus de souplesse, au niveau des entreprises, sur les équilibres entre temps de travail, salaires et emploi.
Cette possibilité sinscrirait dailleurs dans la logique que nous avons suivie depuis 2002, cette logique qui a consisté à étendre la place de la négociation collective dentreprise.
Les nouvelles règles de la démocratie sociale la légitimité élective des syndicats, les accords majoritaires - ouvrent un nouvel espace qui rend désormais possible des avancées sur ce sujet. Je sais bien que cest un thème sensible pour les partenaires sociaux, mais je crois sincèrement que nous devons collectivement prendre des risques pour combattre le chômage et pour sécuriser lemploi face à ces mutations.
Des allégements de charges sur les bas salaires à lassouplissement des 35 heures, de la réforme de la taxe professionnelle au triplement du crédit impôt-recherche, de la mise en place des grands investissements davenir à celle du Fonds Stratégique dInvestissement, nous navons en réalité pas cessé depuis 2007 dagir pour la compétitivité de léconomie française.
Mais inéluctablement et jai envie de dire presque mécaniquement, cette quête de la compétitivité nous renvoie au poids des charges qui pèsent sur le travail et donc au financement de la protection sociale.
Ca fait des années que je sujet est débattu, à droite comme à gauche. Nous voulons le trancher !
Alors certains disent que cest politiquement périlleux, dautres que cest trop tard, et ce sont dailleurs les mêmes qui en appellent de façon impérative et pressante à produire en France.
Eh bien si nous voulons vraiment être une terre de production, alors le calendrier importe peu. La seule question qui vaille cest : est-ce que cette réforme est utile pour la France ?
Si cest le cas, alors le moment est bien choisi pour prendre, de part et dautre, nos responsabilités parce quil est urgent dalléger les charges qui pèsent sur le travail, et qui vous le savez vont bien au-delà des moyennes européennes. Et il est urgent de mettre un coup darrêt à la désindustrialisation de notre pays.
En tout cas nous allons discuter de toutes ces questions le 18 janvier avec les partenaires sociaux. Nous allons écouter leurs propositions, nous allons évaluer toutes les pistes daction. Mais nous déciderons à la fin du mois de janvier. Et comme je lai déjà indiqué, cette réforme, non pas de la protection sociale, madame la Présidente, mais du financement de la protection sociale sera soumise au Parlement au mois de février.
Enfin, et cest notre dernier défi, nous devons continuer de réduire nos déficits et nous préparer à toutes mesures nouvelles éventuelles. Je veux dire quen la matière, le Gouvernement a fait de ladaptation permanente sa règle de conduite. Quand le paysage change et quand nous constatons - je parle de constater non pas de se baser sur des prévisions - quand nous constatons un écart par rapport à notre trajectoire, alors nous ajustons nos paramètres budgétaires et nous prenons les mesures garantissant la tenue de nos engagements. Cest le gage de notre crédibilité vis-à-vis des Français comme vis-à-vis des marchés.
Je veux vous dire que grâce aux efforts engagés par le Gouvernement, lEtat en 2011 verra son déficit de 4 milliards inférieur à la dernière prévision, ce qui signifie que le déficit public pour 2011 sera très probablement inférieur aux 5,7 % du PIB sur lesquels nous nous sommes engagés.
Mesdames et messieurs,
En cette nouvelle année 2012, que pouvons-nous souhaiter à notre pays ?
Dabord, naturellement, quune sortie de crise soit enfin clairement perceptible. Est-ce possible à court terme ? Sans doute pas parce que nous sommes dans un cycle qui nest pas conjoncturel, et cest pourquoi, je forme le vu que nos concitoyens puissent accepter dassumer la vérité sur lampleur des obstacles structurels que nous devons surmonter pour nous relancer.
Et cette vérité - et cest là mon second vu jaimerais quelle ne soit pas considérée comme une affaire exclusivement partisane où chacun des camps en présence assènerait ses recommandations, mais comme une affaire citoyenne qui verrait chaque Français exiger réalité et franchise.
Contre les illusionnistes, contre les populistes, cest maintenant que se juge la force dâme de notre pays et sa capacité à regarder les faits au-delà des clivages. Lavenir de lEurope nest ni de droite ni de gauche, les déficits ne sont ni de droite ni de gauche, la question de notre compétitivité nest ni de droite ni de gauche, le sort de notre pacte social lui-même nest ni de droite ni de gauche.
Ce sont des problèmes brûlants, ce sont des problèmes incontournables qui se poseront à tous les gouvernements, quels quils soient.
Et si les solutions à ces problèmes ne sont pas faciles à entendre et si elles ne sont pas faciles à mettre en uvre, je voudrais convaincre nos concitoyens que la France nen est pas à sa première épreuve devant lHistoire. Par le passé, dautres générations ont eu à se retrousser les manches pour bâtir notre prospérité, et dautres ont eu à se battre les armes à la main pour notre liberté. Dautres peuples sont aujourdhui traversés par des malheurs infiniment plus douloureux que les nôtres, alors pourquoi serions-nous incapables de relever le gant ?
"Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes", disait Bossuet. Eh bien si cest le cas alors il faut les repousser et aller chercher en nous la part de confiance et daudace qui est notre meilleure alliée. Nous avons encore tant datouts, tant de richesses intellectuelles, de forces économiques qui peuvent encore sexprimer, tant de chance aussi de pouvoir disposer dune Europe qui autour de nous vit en paix.
Alors bien sûr, nous connaissons des difficultés : le chômage, la violence, la désespérance sociale et morale. Ces réalités nous commandent de ne pas baisser les bras, elles nous commandent aussi de ne pas dévoyer notre intelligence.
Entre le défaitisme et la démagogie, il existe un espace politique pour laction et pour le bon sens.
Nos handicaps sont connus, leurs résolutions le sont en partie aussi.
Cest une question dadaptation permanente, cest une question de réforme, cest une question de courage, cest aussi une question détat desprit.
Evidemment, si nous partons du principe que tout nous est dû, alors nous irons de déceptions en déconvenues, parce que lOccident na plus le monopole de la prospérité. Mais si, en revanche, nous partons de lidée que la France est toujours belle, que chacune de ses époques fut une métamorphose, que le progrès est encore possible pour nous et pour nos enfants, alors nos horizons resteront ouverts.
En définitive, je forme le vu que cette année 2012 puisse voir la lucidité et lespérance saccorder pour agir efficacement et généreusement. Mais aussi agir concrètement.
A lapproche des élections, jentends certains parler de "projet de société". Les promesses salignent comme les notes dune symphonie injouable, les visions prométhéennes aiguisent les rêves. Je suis le premier à penser que la finalité des buts politiques et lexpression des valeurs donnent au rendez-vous présidentiel toute sa noblesse.
Mais ne partons pas dans des limbes qui nous éloigneraient de lessentiel : aujourdhui, il sagit moins de choisir un projet de société où fleuriraient mille roses que de sortir de la crise, et cela avec des moyens financiers très contraints. Il ne sagit pas de trancher entre des idéologies, il ne sagit pas de trancher entre des types de régimes.
Lactualité nest pas aux utopies, elle nest pas aux lendemains qui chantent, elle nest pas non plus aux hommes ou aux femmes providentiels. Aux commandes de la France, il faut du réalisme, il faut du cran, il faut une capacité à voir loin et à agir vite, dans lécoute de ses partenaires et surtout au diapason de nos temps modernes.
"La réalité ne pardonne pas quon la méprise, elle se venge en effondrant le rêve et en le piétinant" écrit Huysmans. Pardonnez-moi dêtre toujours aussi austère, mais gérer la crise et en sortir, cest la première des priorités !
Dans son adresse publiée dans un journal du matin, François Hollande décrit une France, je le cite, "abaissée, abîmée, dégradée".
Chacun notera le sens de la rime et le parallèle poussif avec la célèbre harangue du général de Gaulle sur le parvis de Notre Dame : "Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé ", vous connaissez la suite. Mais nest pas le Général qui veut, et surtout, il y a dans ce catastrophisme rustique quelque chose de terriblement déprimant pour les Français et finalement de bien peu exigeant sur le plan intellectuel.
A écouter Monsieur Hollande, tout nest quéchec, iniquité, désolation. Bref, notre pays est dans le gouffre.
Je combats cette maladie, cette sorte de "scorpionite", cette autolyse qui consiste à nous envenimer pour mieux croire au mythe du phénix qui renait de ses cendres.
Jai bien compris il sagit de passer de lombre à la lumière et, ce faisant, de résumer lélection présidentielle à la personne de Nicolas Sarkozy, accusé davoir mis la France au tombeau.
Cette diabolisation est infantile, mais chacun aura compris son but : éviter de parler du fond, éviter délargir le débat aux contraintes du monde, et par là même, éviter de placer le socialisme devant ses contradictions. Il est dailleurs intéressant de noter que le mot «socialisme» ne figure pas une seule fois dans le long texte publié par Libération. Je ne men formalise pas, mais cet oubli, volontaire ou non, en dit beaucoup sur létat intellectuel de la gauche.
Jimagine les rédacteurs de la rue de Solférino planchant sur la tribune de leur champion "A défaut de programme, est-ce que dix attaques contre Nicolas Sarkozy et cinq messages désespérés sur létat de la France vous iraient ?". Cest en somme cela, la stratégie actuelle de lopposition.
Pour François Hollande, ce quinquennat cest, je le cite, "la Présidence de la parole". Je passe sur le fait quil y a quelques contradictions à nous reprocher sans cesse davoir mal agi tout en nous accusant de navoir tenu que des discours.
La réalité, cest que le nombre des réformes depuis 2007 nest pas discutable. On peut être pour, on peut les juger incomplètes ou au contraire les juger trop abruptes, mais personne ne peut nier que nous nous sommes engagés sur des points essentiels et souvent sur des points structurants.
Lautonomie des universités constitue une rupture par rapport à la loi de 1984 ; le service minimum dans les transports a profondément modifié le rapport entre les usagers et les grévistes ; la loi sur la représentativité des syndicats a totalement changé le système issu de laprès-guerre ; la loi contre le port de la burqa a marqué un coup darrêt au relativisme ambiant qui entourait la défense de la laïcité ; la réforme des régimes spéciaux de retraites et la fin du symbole des 60 ans ont constitué une césure ; le gel des dépenses publiques et la réduction de 150.000 fonctionnaires relèvent dun exploit dans un pays qui a été si longtemps accoutumé au toujours plus.
Je ne cite que ces quelques réformes, dailleurs férocement combattues par lopposition, pour souligner que sil est un Président qui ne sest pas contenté de disserter, cest bien le président Sarkozy.
Notre bilan na ni besoin dêtre encensé ni besoin dêtre noirci pour être jugé plus que respectable au regard des crises que nous avons affrontées et qui nous ont conduits, dune main à réformer, de lautre main à protéger les Français.
Moderniser le pays sans le braquer, le protéger sans le figer : léquation nest pas si simple, et il suffit dobserver la situation de plusieurs de nos partenaires européens pour constater que nous avons globalement réussi ce pari.
Jai écrit il y a six ans un livre intitulé "La France peut supporter la vérité" ; jai évoqué lEtat en faillite. Depuis 2007 je nai pas douté un seul instant que le chemin qui ramènerait notre pays du rêve passé des Trente glorieuses au pays de la réalité serait un chemin long, douloureux et sinueux. La politique des réformes a été notre priorité, et cest elle qui a permis à la France de traverser une période d'exceptionnelles turbulences.
Bien j'ai un regret, celui de n'avoir pas toujours été assez loin. Mais pouvions-nous en faire plus dans un délai aussi court et dans un climat économique aussi désastreux ?
Déjà, ce qui a été fait par le président est exceptionnellement courageux, et je ne sais pas dans quel état serait aujourd'hui la France si elle était dirigée depuis 2007 par Madame Royal. On a trop tendance à oublier limmobilisme des dernières décennies.
Je suis désolé de dire que durant des années, à gauche, au centre, à droite, nous avons fait prendre au pays le risque de retards, et les additions coûtent cher aujourdhui. Je ne vise personne, c'était un état d'esprit. Je peux en parler parce que je l'ai vécu et jai vu combien l'excès de précautions, la routine, lindécision, ont paralysé lurgent et lindispensable.
La situation du pays est très difficile, mais aujourdhui le pays est gouverné, et notre volonté de changement reste intacte, élection ou pas élection.
Compétitivité, protection sociale, réorganisation de lEtat, école, sécurité, université, recherche, tout ce que nous avons entrepris cest un socle pour aller plus loin, pour prolonger, pour ajuster, pour réinventer nos politiques.
La réforme cest une valeur en soi. Elle létait en 2007, elle le reste en 2012.
De ce quinquennat de crise, nous sortons expérimentés et non pas éreintés, ou désillusionnés, sur les capacités de notre nation à se transformer. Quelles que soient les difficultés qui nous attendent encore, ou les notes, surveillances, classements dont, à tort ou à raison, on pourrait nous affubler, la France est un grand pays. La France est un grand pays qui a le pouvoir de rayonner et a le devoir de se renouveler en continu.
Ceux qui attaquent notre bilan sont des artificiers en gants blancs. Ce quinquennat aura en effet été un quinquennat de combats. Crise financière, crise des dettes publiques, crise de lEurope, le monde ne nous a pas laissé une semaine de répit.
Sen plaindre serait absurde, parce quen réalité ces cinq années préfigurent ce que seront les années qui viennent, je veux parler de lexercice du pouvoir, face aux interdépendances et aux fulgurances brouillonnes de la mondialisation.
"Laisser du temps au temps", la formule apparaît aujourdhui presque sortie dun autre âge.
Lopposition laisse entendre quelle nest pas tenue par le calendrier de retour à léquilibre de nos déficits publics, quelle nest pas pressée de respecter laccord européen du 9 décembre dernier, et certains, en son sein, recommandent le passage aux 32 heures Visiblement, nous ne courons pas sur la même piste ! Prétendre vouloir présider la France en imaginant que son temps nest pas compté, quelle na pas de comptes à rendre, au rythme du monde extérieur, cest lexposer à des contrecoups mortels.
"Pour réussir, quatre principes minspireront", écrit François Hollande dans sa tribune.
Dabord "la vérité".
Cette une valeur qui mest chère, et jattends donc quil explique précisément comment il entend réduire les déficits, parce que pour linstant cest le flou absolu. On nous parle du "paquet fiscal", de la suppression de la réforme de lISF, des niches fiscales. Inutile de vous dire que le compte ny est pas, et de loin !
Et il ny est pas pour une raison simple : les socialistes nosent pas toucher aux dépenses de lEtat qui constituent pourtant notre seule véritable marge de manuvre. Pire, tout dans leurs promesses démontre quils augmenteront ces dépenses.
Second principe : "la volonté".
On nen attend pas moins dun chef de lEtat, mais pour lheure seuls les actes, ou plutôt les intentions, nous renseignent. La grande réforme fiscale promise de limpôt sur le revenu et de la CSG oscille entre fusion et rapprochement. Visiblement, la main tremble ! La suppression de notre réforme des retraites est contournée par le biais dun dispositif sur les longues carrières et sur lâge légal de départ dont le coût financier et social risque dailleurs dêtre calamiteux. Après avoir promis le retour aux 60 ans pour tous, là encore, la main tremble !
Quant à la négociation avec les écologistes, où trente années de politique nucléaire ont été escamotées en une nuit de tractations, elle na pas révélé une grande fermeté de ton.
Troisième principe : "la justice".
Faut-il sappesantir sur cette valeur qui nappartient pas à la gauche, mais qui appartient à la République ? Malgré la crise, le pouvoir dachat des Français a tenu, le montant des prestations sociales na pas été réduit, les revenus minimum des personnes âgées ou des handicapés ont même été augmentés, lécart entre les hauts et les bas salaires ne sest pas plus accru que lorsque la gauche était aux affaires et que la bourse était triomphante. Quant aux plus fortunés de nos concitoyens, ils ont été fortement mis à contribution.
Bref, nous navons pas de leçon à recevoir en matière de solidarité, et je naccepte pas ce procès injurieux sur le prétendu "gouvernement des riches". Que diraient dailleurs les socialistes si nous laissions entendre quils sont à la solde, ou sous la coupe dune partie de nos concitoyens. Ca, cest le degré zéro de la politique !
Enfin, dernier principe de ladresse : "lespérance".
Personnellement, je nai jamais eu loccasion de voir un candidat aux élections préconiser le désespoir Cela dit, tout ce qui éveille chez les Français le goût de lavenir relève dun combat utile qui mérite de transcender les clivages.
Et dans ce combat, mesdames et messieurs, vous y avez toute votre part.
Vous lavez dit, chère Chantal Didier, 66 journalistes ont trouvé la mort en 2011 dans lexercice de leur métier. La violence népargne pas ceux qui cherchent à témoigner. Mais comme vous, aussi, je veux garder de cette année 2011 le souvenir de la libération dHervé Ghesquière et de Stéphane Taponier, après 547 jours de détention.
Je me rappelle que lors dun voyage en Afghanistan, on mavait indiqué la zone où ils se trouvaient prisonniers, à quelques kilomètres seulement de lendroit où je me trouvais. Nous savions à peu près où ils étaient, mais nous ne pouvions pas aller les libérer de peur de mettre leur vie en danger. Pendant leur détention, nous avons été critiqués, pourtant nous navons jamais relâché nos efforts, et ce fut un soulagement de les voir revenir sur le sol français.
Deux autres visages de journalistes mont frappé aussi cette année.
Deux visages de femmes, deux grands reporters chevronnées, courageuses, qui ont sillonné le monde avec leurs équipes. Celui de Patricia Allemonière, de TF1, blessée en Afghanistan et racontant lattaque dont elle venait dêtre victime avec un pansement sur le visage. Fidèle au poste.
Et puis je voudrais aussi rendre hommage à Caroline Sinz, grand reporter à France 3, qui a été attaquée au Caire, sur la place Tahrir, dune façon extrêmement violente et inacceptable. Elle était aussi, le soir même, à lantenne, avec dignité et avec professionnalisme.
Certains, après son agression, ont cru bon de dire que les rédactions devraient y réfléchir à deux fois avant denvoyer des femmes journalistes dans des endroits dangereux. Certes, les rédactions doivent prendre des mesures pour assurer la sécurité des journalistes, hommes ou femmes. Mais en déduire quil y aurait des endroits où les femmes ne doivent pas aller, je pense que ce serait une épouvantable régression. Les femmes sont des journalistes comme les autres. Il y a dailleurs bien longtemps quelles nont plus à prouver leur capacité à faire face aux situations périlleuses. Je leur dis donc tout mon soutien, comme lecteur, comme téléspectateur, mais aussi comme citoyen et comme responsable politique.
Voilà, je ne doute pas, Mesdames et Messieurs, que les mois à venir vont être passionnants et trépidants pour vous, comme ils le seront pour moi.
Alors, avec estime et affection, je souhaite à chacune et à chacun de vous, à vos familles et à tous ceux que vous aimez, une très bonne année 2012.
source http://www.gouvernement.fr, le 10 janvier 2012
Madame la Présidente,
Malgré les incertitudes et les spéculations qui accompagnent toute vie gouvernementale, nous aurons fait ensemble, chère Chantal Didier, lensemble du quinquennat.
Notre longévité doit certainement à la sincérité des vux que nous nous adressons réciproquement depuis janvier 2008. Ce sont les derniers, enfin de ce quinquennat, et jaborde les prochains mois avec la ferme volonté dassumer mes devoirs jusquau bout et de contribuer à écrire une nouvelle page politique.
2012 est une année pleine dincertitudes, électorales, économiques, géopolitiques - et, à cet égard, ce qui se passe en Syrie et en Iran est dune importance stratégique - mais cest aussi une année dopportunités : opportunité pour relancer lEurope sur des bases nouvelles, opportunité pour faire reculer la crise, opportunité pour amplifier le mouvement de réformes, opportunité pour les Français de choisir leur avenir.
"Le devoir cest lespoir et cest lassaut" disait De Gaulle.
Eh bien, allons à lassaut de cette année 2012. Et si je parle dassaut cest parce quaucune stratégie dattente ne pourra résister aux coups de boutoirs quassène ce début de siècle.
Notre rendez-vous est marqué par une intense sismicité internationale, européenne et française. Sur cette terra incognita les métiers de journaliste et de politique se trouvent de fortes parentés. Plus l'avenir est aléatoire, plus les enchaînements du monde nous encordent, plus l'écriture, la parole et le discours publics doivent être responsables, exigeants, utiles aux débats.
La grande leçon de 2011, c'est la défaite de nos expertises ; c'est la rapidité des événements ; cest leur effet boule de neige ; cest le constat brutal que beaucoup de ce qui structurait la politique internationale est devenu caduc.
Qui aurait cru à une révolution égyptienne ? Qui aurait annoncé la chute de Kadhafi ? Qui aurait prévu un régime parlementaire en Tunisie ? Qui aurait pu imaginer une Syrie en résistance, et même des manifestations à Moscou ?
2011 démontre la montée en puissance des opinions publiques. Et leur force de frappe c'est internet. Autrement dit, un simple clic qui ouvre le droit à la parole. Personne ne peut maîtriser ce phénomène.
Ce que nous appelions jadis "le monde libre" est devenu un monde mouvant, fluide et inflammable, capable de faire et de défaire des sociétés.
Alors on ne peut pas dire le "monde change" et puis en même temps cultiver son jardin.
Au contraire, tout nous appelle à affronter les temps nouveaux. De nouveaux équilibres, des nouvelles puissances s'imposent, elles repensent le monde et elles le repensent à leur manière en nous condamnant, disent certains, aux seconds rôles.
C'est cette prétendue fatalité-là que je n'accepte pas. Pot de terre contre pot de fer, je n'en crois rien. La France, l'Europe, ont dans leurs gènes la flamme du savoir et du progrès, et rien dans leur culture ne les prédispose à la résignation et à la décadence.
Alors vous lavez rappelé, et comment dailleurs loublier, le temps des échéances électorales approche.
Mais je veux dire quà Matignon, chaque jour qui reste doit être mis au service de la France. La crise ne nous laisse aucun répit, le fonctionnement de lEtat ne connaît pas de pause, et le Gouvernement doit faire son travail jusquau bout avec rigueur et calme.
Nous avons des défis devant nous que le président de la République a évoqués lors de ses vux.
Le premier, cest lEurope.
Son redressement, son renforcement, la poursuite de son unification constituent la mère de toutes nos batailles parce que aucune des nations européennes ne se sortira seule de la crise actuelle. Et je veux à cet égard affirmer que jamais une élection présidentielle naura été à ce point suspendue au sort de lEurope. Ceux qui rêvent dune petite campagne électorale hexagonale trompent nos concitoyens et ne servent pas lintérêt général.
La mise en place du nouveau traité intergouvernemental qui transcrira lensemble de nos engagements est soumise à un calendrier extrêmement serré. Il va falloir boucler dès ce mois-ci la négociation pour pouvoir le signer au plus tard à la fin du mois de mars. Il faudra ensuite que les Etats signataires ratifient ce traité pour que celui-ci puisse entrer en vigueur dici la fin de lannée.
Nous devons traduire dans les textes laccord que nous avons trouvé sur la mise en place dun véritable fonds monétaire européen, nous devrons ratifier le traité qui établira le « mécanisme européen de stabilité » et la révision correspondante du traité de lUnion européenne si nous voulons que ce fonds puisse entrer en vigueur avant la fin de juillet 2012.
Lors du Conseil européen de mars, nous ferons le point sur ladéquation de la capacité de prêt prévue pour le moment à 500 milliards deuros pour faire face aux échéances de ces prochains mois en matière de refinancement des Etats membres.
Mais en 2012, lEurope doit surtout sortir de sa déprime.
Lors du sommet européen du 30 janvier, nous devons enclencher ce que je qualifie dune stratégie offensive. Il va falloir utiliser tous les leviers européens pour soutenir lactivité, et pour amortir le choc dune croissance faible, voire même dune croissance négative pour les prochains mois.
Ceci implique un véritable agenda européen au service de lemploi, de linnovation et de la compétitivité. Je veux vous dire que nous y travaillons résolument : la mobilisation des fonds structurels pour lutter contre les problèmes de financement des entreprises ; la mise en place accélérée dun fonds européen de capital-risque ; la simplification massive des politiques européennes dinnovation et de recherche ; linstauration dun brevet européen et dun fonds commun des brevets ; le lancement, au niveau de lUnion, dinitiatives sur le modèle des "investissements d'avenir". Voilà les propositions françaises qui sont aujourdhui sur la table.
Sy ajoute, sur un autre registre, la taxation sur les transactions financières. Le président de la République a décidé que la France irait de lavant avec lintuition forte que nous serons suivis dans notre démarche.
Certains font mine de découvrir notre détermination sur ce sujet, et au parti socialiste on semble oublier quelle figure dans leur programme. Est-ce quil est nécessaire de préciser que ça fait près de deux ans que la France porte lidée de cette taxe auprès de ses partenaires de lUnion et au sein du G20. Sous limpulsion et sous celle de lAllemagne, la Commission européenne a présenté, il y a cinq mois déjà, en septembre dernier, une proposition de directive dont dailleurs nous allons nous inspirer très directement.
Aujourdhui même, vous le savez, Nicolas Sarkozy est à Berlin, et ce sujet sera discuté avec tous les autres sujets concernant la résolution de la crise de la dette souveraine.
Evidemment cest notre second défi - lénergie du gouvernement est concentrée sur lorganisation du sommet de crise du 18 janvier.
Depuis quelques mois, le ralentissement de lactivité pèse fortement sur le marché du travail, et les perspectives pour les mois à venir sont préoccupantes. Nous voici donc replongés au cur de deux sujets intimement liés : lemploi et la compétitivité.
Le sommet du 18 janvier devra sarticuler autour de trois enjeux.
Dabord, apporter des réponses immédiates à la remontée du chômage. Cela passe par une meilleure mobilisation des instruments qui ont fait leurs preuves au plus fort de la récession en 2008/2009 : le chômage partiel, laccompagnement des restructurations avec le contrat de sécurisation professionnelle, les actions sur les branches et les territoires les plus touchés, le soutien aux chômeurs de longue durée. Naturellement tout ceci a vocation à se faire en lien très étroit avec les partenaires sociaux.
Ensuite, il faut engager de nouvelles actions structurelles. Dun côté il faut améliorer en changeant de dimension la formation des demandeurs demploi, ce qui veut dire quune fois passé un temps donné au chômage, il faut renforcer le caractère systématique de la formation pour répondre aux besoins des entreprises. Cela passe par une coordination renforcée entre lEtat, les régions et les partenaires sociaux et leurs organismes de formation.
Et puis en second lieu, il faut avancer sur ce quon appelle les "accords de compétitivité". Cest à dire ces accords qui permettent dincorporer aux contrats de travail les résultats dun accord dentreprise.
Je vais vous dire quà mes yeux cest une question fondamentale. La possibilité de conclure des "accords de compétitivité", cest une nouvelle étape de la démocratie sociale et cest la possibilité de donner beaucoup plus de souplesse, au niveau des entreprises, sur les équilibres entre temps de travail, salaires et emploi.
Cette possibilité sinscrirait dailleurs dans la logique que nous avons suivie depuis 2002, cette logique qui a consisté à étendre la place de la négociation collective dentreprise.
Les nouvelles règles de la démocratie sociale la légitimité élective des syndicats, les accords majoritaires - ouvrent un nouvel espace qui rend désormais possible des avancées sur ce sujet. Je sais bien que cest un thème sensible pour les partenaires sociaux, mais je crois sincèrement que nous devons collectivement prendre des risques pour combattre le chômage et pour sécuriser lemploi face à ces mutations.
Des allégements de charges sur les bas salaires à lassouplissement des 35 heures, de la réforme de la taxe professionnelle au triplement du crédit impôt-recherche, de la mise en place des grands investissements davenir à celle du Fonds Stratégique dInvestissement, nous navons en réalité pas cessé depuis 2007 dagir pour la compétitivité de léconomie française.
Mais inéluctablement et jai envie de dire presque mécaniquement, cette quête de la compétitivité nous renvoie au poids des charges qui pèsent sur le travail et donc au financement de la protection sociale.
Ca fait des années que je sujet est débattu, à droite comme à gauche. Nous voulons le trancher !
Alors certains disent que cest politiquement périlleux, dautres que cest trop tard, et ce sont dailleurs les mêmes qui en appellent de façon impérative et pressante à produire en France.
Eh bien si nous voulons vraiment être une terre de production, alors le calendrier importe peu. La seule question qui vaille cest : est-ce que cette réforme est utile pour la France ?
Si cest le cas, alors le moment est bien choisi pour prendre, de part et dautre, nos responsabilités parce quil est urgent dalléger les charges qui pèsent sur le travail, et qui vous le savez vont bien au-delà des moyennes européennes. Et il est urgent de mettre un coup darrêt à la désindustrialisation de notre pays.
En tout cas nous allons discuter de toutes ces questions le 18 janvier avec les partenaires sociaux. Nous allons écouter leurs propositions, nous allons évaluer toutes les pistes daction. Mais nous déciderons à la fin du mois de janvier. Et comme je lai déjà indiqué, cette réforme, non pas de la protection sociale, madame la Présidente, mais du financement de la protection sociale sera soumise au Parlement au mois de février.
Enfin, et cest notre dernier défi, nous devons continuer de réduire nos déficits et nous préparer à toutes mesures nouvelles éventuelles. Je veux dire quen la matière, le Gouvernement a fait de ladaptation permanente sa règle de conduite. Quand le paysage change et quand nous constatons - je parle de constater non pas de se baser sur des prévisions - quand nous constatons un écart par rapport à notre trajectoire, alors nous ajustons nos paramètres budgétaires et nous prenons les mesures garantissant la tenue de nos engagements. Cest le gage de notre crédibilité vis-à-vis des Français comme vis-à-vis des marchés.
Je veux vous dire que grâce aux efforts engagés par le Gouvernement, lEtat en 2011 verra son déficit de 4 milliards inférieur à la dernière prévision, ce qui signifie que le déficit public pour 2011 sera très probablement inférieur aux 5,7 % du PIB sur lesquels nous nous sommes engagés.
Mesdames et messieurs,
En cette nouvelle année 2012, que pouvons-nous souhaiter à notre pays ?
Dabord, naturellement, quune sortie de crise soit enfin clairement perceptible. Est-ce possible à court terme ? Sans doute pas parce que nous sommes dans un cycle qui nest pas conjoncturel, et cest pourquoi, je forme le vu que nos concitoyens puissent accepter dassumer la vérité sur lampleur des obstacles structurels que nous devons surmonter pour nous relancer.
Et cette vérité - et cest là mon second vu jaimerais quelle ne soit pas considérée comme une affaire exclusivement partisane où chacun des camps en présence assènerait ses recommandations, mais comme une affaire citoyenne qui verrait chaque Français exiger réalité et franchise.
Contre les illusionnistes, contre les populistes, cest maintenant que se juge la force dâme de notre pays et sa capacité à regarder les faits au-delà des clivages. Lavenir de lEurope nest ni de droite ni de gauche, les déficits ne sont ni de droite ni de gauche, la question de notre compétitivité nest ni de droite ni de gauche, le sort de notre pacte social lui-même nest ni de droite ni de gauche.
Ce sont des problèmes brûlants, ce sont des problèmes incontournables qui se poseront à tous les gouvernements, quels quils soient.
Et si les solutions à ces problèmes ne sont pas faciles à entendre et si elles ne sont pas faciles à mettre en uvre, je voudrais convaincre nos concitoyens que la France nen est pas à sa première épreuve devant lHistoire. Par le passé, dautres générations ont eu à se retrousser les manches pour bâtir notre prospérité, et dautres ont eu à se battre les armes à la main pour notre liberté. Dautres peuples sont aujourdhui traversés par des malheurs infiniment plus douloureux que les nôtres, alors pourquoi serions-nous incapables de relever le gant ?
"Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes", disait Bossuet. Eh bien si cest le cas alors il faut les repousser et aller chercher en nous la part de confiance et daudace qui est notre meilleure alliée. Nous avons encore tant datouts, tant de richesses intellectuelles, de forces économiques qui peuvent encore sexprimer, tant de chance aussi de pouvoir disposer dune Europe qui autour de nous vit en paix.
Alors bien sûr, nous connaissons des difficultés : le chômage, la violence, la désespérance sociale et morale. Ces réalités nous commandent de ne pas baisser les bras, elles nous commandent aussi de ne pas dévoyer notre intelligence.
Entre le défaitisme et la démagogie, il existe un espace politique pour laction et pour le bon sens.
Nos handicaps sont connus, leurs résolutions le sont en partie aussi.
Cest une question dadaptation permanente, cest une question de réforme, cest une question de courage, cest aussi une question détat desprit.
Evidemment, si nous partons du principe que tout nous est dû, alors nous irons de déceptions en déconvenues, parce que lOccident na plus le monopole de la prospérité. Mais si, en revanche, nous partons de lidée que la France est toujours belle, que chacune de ses époques fut une métamorphose, que le progrès est encore possible pour nous et pour nos enfants, alors nos horizons resteront ouverts.
En définitive, je forme le vu que cette année 2012 puisse voir la lucidité et lespérance saccorder pour agir efficacement et généreusement. Mais aussi agir concrètement.
A lapproche des élections, jentends certains parler de "projet de société". Les promesses salignent comme les notes dune symphonie injouable, les visions prométhéennes aiguisent les rêves. Je suis le premier à penser que la finalité des buts politiques et lexpression des valeurs donnent au rendez-vous présidentiel toute sa noblesse.
Mais ne partons pas dans des limbes qui nous éloigneraient de lessentiel : aujourdhui, il sagit moins de choisir un projet de société où fleuriraient mille roses que de sortir de la crise, et cela avec des moyens financiers très contraints. Il ne sagit pas de trancher entre des idéologies, il ne sagit pas de trancher entre des types de régimes.
Lactualité nest pas aux utopies, elle nest pas aux lendemains qui chantent, elle nest pas non plus aux hommes ou aux femmes providentiels. Aux commandes de la France, il faut du réalisme, il faut du cran, il faut une capacité à voir loin et à agir vite, dans lécoute de ses partenaires et surtout au diapason de nos temps modernes.
"La réalité ne pardonne pas quon la méprise, elle se venge en effondrant le rêve et en le piétinant" écrit Huysmans. Pardonnez-moi dêtre toujours aussi austère, mais gérer la crise et en sortir, cest la première des priorités !
Dans son adresse publiée dans un journal du matin, François Hollande décrit une France, je le cite, "abaissée, abîmée, dégradée".
Chacun notera le sens de la rime et le parallèle poussif avec la célèbre harangue du général de Gaulle sur le parvis de Notre Dame : "Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé ", vous connaissez la suite. Mais nest pas le Général qui veut, et surtout, il y a dans ce catastrophisme rustique quelque chose de terriblement déprimant pour les Français et finalement de bien peu exigeant sur le plan intellectuel.
A écouter Monsieur Hollande, tout nest quéchec, iniquité, désolation. Bref, notre pays est dans le gouffre.
Je combats cette maladie, cette sorte de "scorpionite", cette autolyse qui consiste à nous envenimer pour mieux croire au mythe du phénix qui renait de ses cendres.
Jai bien compris il sagit de passer de lombre à la lumière et, ce faisant, de résumer lélection présidentielle à la personne de Nicolas Sarkozy, accusé davoir mis la France au tombeau.
Cette diabolisation est infantile, mais chacun aura compris son but : éviter de parler du fond, éviter délargir le débat aux contraintes du monde, et par là même, éviter de placer le socialisme devant ses contradictions. Il est dailleurs intéressant de noter que le mot «socialisme» ne figure pas une seule fois dans le long texte publié par Libération. Je ne men formalise pas, mais cet oubli, volontaire ou non, en dit beaucoup sur létat intellectuel de la gauche.
Jimagine les rédacteurs de la rue de Solférino planchant sur la tribune de leur champion "A défaut de programme, est-ce que dix attaques contre Nicolas Sarkozy et cinq messages désespérés sur létat de la France vous iraient ?". Cest en somme cela, la stratégie actuelle de lopposition.
Pour François Hollande, ce quinquennat cest, je le cite, "la Présidence de la parole". Je passe sur le fait quil y a quelques contradictions à nous reprocher sans cesse davoir mal agi tout en nous accusant de navoir tenu que des discours.
La réalité, cest que le nombre des réformes depuis 2007 nest pas discutable. On peut être pour, on peut les juger incomplètes ou au contraire les juger trop abruptes, mais personne ne peut nier que nous nous sommes engagés sur des points essentiels et souvent sur des points structurants.
Lautonomie des universités constitue une rupture par rapport à la loi de 1984 ; le service minimum dans les transports a profondément modifié le rapport entre les usagers et les grévistes ; la loi sur la représentativité des syndicats a totalement changé le système issu de laprès-guerre ; la loi contre le port de la burqa a marqué un coup darrêt au relativisme ambiant qui entourait la défense de la laïcité ; la réforme des régimes spéciaux de retraites et la fin du symbole des 60 ans ont constitué une césure ; le gel des dépenses publiques et la réduction de 150.000 fonctionnaires relèvent dun exploit dans un pays qui a été si longtemps accoutumé au toujours plus.
Je ne cite que ces quelques réformes, dailleurs férocement combattues par lopposition, pour souligner que sil est un Président qui ne sest pas contenté de disserter, cest bien le président Sarkozy.
Notre bilan na ni besoin dêtre encensé ni besoin dêtre noirci pour être jugé plus que respectable au regard des crises que nous avons affrontées et qui nous ont conduits, dune main à réformer, de lautre main à protéger les Français.
Moderniser le pays sans le braquer, le protéger sans le figer : léquation nest pas si simple, et il suffit dobserver la situation de plusieurs de nos partenaires européens pour constater que nous avons globalement réussi ce pari.
Jai écrit il y a six ans un livre intitulé "La France peut supporter la vérité" ; jai évoqué lEtat en faillite. Depuis 2007 je nai pas douté un seul instant que le chemin qui ramènerait notre pays du rêve passé des Trente glorieuses au pays de la réalité serait un chemin long, douloureux et sinueux. La politique des réformes a été notre priorité, et cest elle qui a permis à la France de traverser une période d'exceptionnelles turbulences.
Bien j'ai un regret, celui de n'avoir pas toujours été assez loin. Mais pouvions-nous en faire plus dans un délai aussi court et dans un climat économique aussi désastreux ?
Déjà, ce qui a été fait par le président est exceptionnellement courageux, et je ne sais pas dans quel état serait aujourd'hui la France si elle était dirigée depuis 2007 par Madame Royal. On a trop tendance à oublier limmobilisme des dernières décennies.
Je suis désolé de dire que durant des années, à gauche, au centre, à droite, nous avons fait prendre au pays le risque de retards, et les additions coûtent cher aujourdhui. Je ne vise personne, c'était un état d'esprit. Je peux en parler parce que je l'ai vécu et jai vu combien l'excès de précautions, la routine, lindécision, ont paralysé lurgent et lindispensable.
La situation du pays est très difficile, mais aujourdhui le pays est gouverné, et notre volonté de changement reste intacte, élection ou pas élection.
Compétitivité, protection sociale, réorganisation de lEtat, école, sécurité, université, recherche, tout ce que nous avons entrepris cest un socle pour aller plus loin, pour prolonger, pour ajuster, pour réinventer nos politiques.
La réforme cest une valeur en soi. Elle létait en 2007, elle le reste en 2012.
De ce quinquennat de crise, nous sortons expérimentés et non pas éreintés, ou désillusionnés, sur les capacités de notre nation à se transformer. Quelles que soient les difficultés qui nous attendent encore, ou les notes, surveillances, classements dont, à tort ou à raison, on pourrait nous affubler, la France est un grand pays. La France est un grand pays qui a le pouvoir de rayonner et a le devoir de se renouveler en continu.
Ceux qui attaquent notre bilan sont des artificiers en gants blancs. Ce quinquennat aura en effet été un quinquennat de combats. Crise financière, crise des dettes publiques, crise de lEurope, le monde ne nous a pas laissé une semaine de répit.
Sen plaindre serait absurde, parce quen réalité ces cinq années préfigurent ce que seront les années qui viennent, je veux parler de lexercice du pouvoir, face aux interdépendances et aux fulgurances brouillonnes de la mondialisation.
"Laisser du temps au temps", la formule apparaît aujourdhui presque sortie dun autre âge.
Lopposition laisse entendre quelle nest pas tenue par le calendrier de retour à léquilibre de nos déficits publics, quelle nest pas pressée de respecter laccord européen du 9 décembre dernier, et certains, en son sein, recommandent le passage aux 32 heures Visiblement, nous ne courons pas sur la même piste ! Prétendre vouloir présider la France en imaginant que son temps nest pas compté, quelle na pas de comptes à rendre, au rythme du monde extérieur, cest lexposer à des contrecoups mortels.
"Pour réussir, quatre principes minspireront", écrit François Hollande dans sa tribune.
Dabord "la vérité".
Cette une valeur qui mest chère, et jattends donc quil explique précisément comment il entend réduire les déficits, parce que pour linstant cest le flou absolu. On nous parle du "paquet fiscal", de la suppression de la réforme de lISF, des niches fiscales. Inutile de vous dire que le compte ny est pas, et de loin !
Et il ny est pas pour une raison simple : les socialistes nosent pas toucher aux dépenses de lEtat qui constituent pourtant notre seule véritable marge de manuvre. Pire, tout dans leurs promesses démontre quils augmenteront ces dépenses.
Second principe : "la volonté".
On nen attend pas moins dun chef de lEtat, mais pour lheure seuls les actes, ou plutôt les intentions, nous renseignent. La grande réforme fiscale promise de limpôt sur le revenu et de la CSG oscille entre fusion et rapprochement. Visiblement, la main tremble ! La suppression de notre réforme des retraites est contournée par le biais dun dispositif sur les longues carrières et sur lâge légal de départ dont le coût financier et social risque dailleurs dêtre calamiteux. Après avoir promis le retour aux 60 ans pour tous, là encore, la main tremble !
Quant à la négociation avec les écologistes, où trente années de politique nucléaire ont été escamotées en une nuit de tractations, elle na pas révélé une grande fermeté de ton.
Troisième principe : "la justice".
Faut-il sappesantir sur cette valeur qui nappartient pas à la gauche, mais qui appartient à la République ? Malgré la crise, le pouvoir dachat des Français a tenu, le montant des prestations sociales na pas été réduit, les revenus minimum des personnes âgées ou des handicapés ont même été augmentés, lécart entre les hauts et les bas salaires ne sest pas plus accru que lorsque la gauche était aux affaires et que la bourse était triomphante. Quant aux plus fortunés de nos concitoyens, ils ont été fortement mis à contribution.
Bref, nous navons pas de leçon à recevoir en matière de solidarité, et je naccepte pas ce procès injurieux sur le prétendu "gouvernement des riches". Que diraient dailleurs les socialistes si nous laissions entendre quils sont à la solde, ou sous la coupe dune partie de nos concitoyens. Ca, cest le degré zéro de la politique !
Enfin, dernier principe de ladresse : "lespérance".
Personnellement, je nai jamais eu loccasion de voir un candidat aux élections préconiser le désespoir Cela dit, tout ce qui éveille chez les Français le goût de lavenir relève dun combat utile qui mérite de transcender les clivages.
Et dans ce combat, mesdames et messieurs, vous y avez toute votre part.
Vous lavez dit, chère Chantal Didier, 66 journalistes ont trouvé la mort en 2011 dans lexercice de leur métier. La violence népargne pas ceux qui cherchent à témoigner. Mais comme vous, aussi, je veux garder de cette année 2011 le souvenir de la libération dHervé Ghesquière et de Stéphane Taponier, après 547 jours de détention.
Je me rappelle que lors dun voyage en Afghanistan, on mavait indiqué la zone où ils se trouvaient prisonniers, à quelques kilomètres seulement de lendroit où je me trouvais. Nous savions à peu près où ils étaient, mais nous ne pouvions pas aller les libérer de peur de mettre leur vie en danger. Pendant leur détention, nous avons été critiqués, pourtant nous navons jamais relâché nos efforts, et ce fut un soulagement de les voir revenir sur le sol français.
Deux autres visages de journalistes mont frappé aussi cette année.
Deux visages de femmes, deux grands reporters chevronnées, courageuses, qui ont sillonné le monde avec leurs équipes. Celui de Patricia Allemonière, de TF1, blessée en Afghanistan et racontant lattaque dont elle venait dêtre victime avec un pansement sur le visage. Fidèle au poste.
Et puis je voudrais aussi rendre hommage à Caroline Sinz, grand reporter à France 3, qui a été attaquée au Caire, sur la place Tahrir, dune façon extrêmement violente et inacceptable. Elle était aussi, le soir même, à lantenne, avec dignité et avec professionnalisme.
Certains, après son agression, ont cru bon de dire que les rédactions devraient y réfléchir à deux fois avant denvoyer des femmes journalistes dans des endroits dangereux. Certes, les rédactions doivent prendre des mesures pour assurer la sécurité des journalistes, hommes ou femmes. Mais en déduire quil y aurait des endroits où les femmes ne doivent pas aller, je pense que ce serait une épouvantable régression. Les femmes sont des journalistes comme les autres. Il y a dailleurs bien longtemps quelles nont plus à prouver leur capacité à faire face aux situations périlleuses. Je leur dis donc tout mon soutien, comme lecteur, comme téléspectateur, mais aussi comme citoyen et comme responsable politique.
Voilà, je ne doute pas, Mesdames et Messieurs, que les mois à venir vont être passionnants et trépidants pour vous, comme ils le seront pour moi.
Alors, avec estime et affection, je souhaite à chacune et à chacun de vous, à vos familles et à tous ceux que vous aimez, une très bonne année 2012.
source http://www.gouvernement.fr, le 10 janvier 2012