Déclarations de MM. Paul Lespagnol, Francis Wurtz, membres du Conseil national du PCF, et Robert Hue, secrétaire national du PCF, les 13 et 14 mars 1999, et manifeste adopté à l'issue du Conseil national le 14, sur la préparation des élections européennes et les propositions du PCF pour l'Europe.

Prononcé le

Circonstance : Conseil national du PCF les 13 et 14 mars 1999 sur la préparation des élections européennes

Texte intégral

Nous arrivons au terme du processus de consultation des communistes sur la liste que nous présentons aux élections européennes et sur notre projet européen.
94 comités fédéraux se sont réunis au moins une fois depuis la réunion du Comité national du 19 février. D'autres formes de consultation ont eu lieu, notamment des assemblées de militants mais aussi des visites individuelles aux membres du parti, des questionnaires, des permanences téléphoniques. Au total, des efforts nouveaux ont été initiés par les fédérations et les sections pour informer les adhérents et pour les mettre en situation de pouvoir donner leur opinion. Ces progrès nouveaux, dans le sens d'une vie toujours plus démocratique de notre parti, même s'il reste encore des efforts à faire, sont conformes aux engagements que nous avons pris ensemble au dernier congrès.
Cette consultation a connu plusieurs phases. Elle s'est accélérée depuis le Comité national des 28 et 29 janvier.
Evidemment, le débat qu'ont eu les communistes entre eux et avec d'autres n'a pas été déconnecté du contexte politique et social actuel. Il l'a été d'autant moins que de nombreux dossiers d'actualité touchant la vie quotidienne ont été liés dans cette dernière période aux décisions européennes. C'est le cas notamment de la transposition en droit national de la directive européenne sur l'électricité que nous n'avons cessée de combattre et les parlementaires communistes ont joué un grand rôle en faveur d'une transposition reconnaissant le droit à l'électricité pour tous et préservant le statut d'EDF. C'est le cas aussi de la réforme de la politique agricole commune qui est contestée par tous les agriculteurs européens comme on l'a vu lors de la puissante manifestation européenne à Bruxelles le mois dernier.
Ce contexte est de plus marqué par de fortes inquiétudes et des doutes chez nos concitoyens sur la volonté du gouvernement de créer toutes les conditions pour des améliorations substantielles de leur vie notamment dans les domaines du pouvoir d'achat et de l'emploi. Aux côtés de mesures positives comme la réduction du temps de travail à 35 H par semaine qui devrait permettre d'ailleurs plus de création d'emplois, des emplois-jeunes, de la décision envisagée de mettre en place un système de couverture maladie universelle, du pas en avant vers la parité visant à permettre l'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités politiques, on ne peut qu'être inquiets de l'accélération des privatisations, du monopoly financier qui se joue avec les restructurations dans le secteur bancaire; inquiets aussi de la modification envisagée du statut des Caisses d'Epargne comme du risque d'un mauvais compromis sur la réforme de la politique agricole commune auxquels il faut évidemment ajouter une croissance moins élevée que le Ministre de l'économie avait voulu le faire croire il y a quelques mois. Notons également les réactions des enseignants, des parents d'élèves, à propos de la manière dont est engagé le débat sur l'avenir de l'école. J'évoquerai également le sentiment des postiers à propos de la mise en oeuvre de la loi sur les 35 H qui ne créerait pas d'emplois tout en aggravant leurs conditions de travail, celui des assurés sociaux face au récent rapport de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie qui envisage de nouvelles économies de 50 milliards sur la protection sociale et la santé ainsi que le mécontentement légitime des retraités qui n'ont bénéficié d'aucune revalorisation de leurs pensions.
Et comment ne pas être en colère à l'annonce par le groupe Alcatel d'un nouveau plan de suppression de 12.000 emplois alors qu'il accumule des profits records? Et cette colère ne peut se transformer qu'en révolte quand on apprend que cette méthode de gestion fait flamber la Bourse. Ainsi, c'est toujours la même équation qui est à l'oeuvre: suppression d'emplois + profits, c'est la Bourse qui s'éclate. Eh bien c'est cela que les communistes veulent changer.
Face à cette situation, les mouvements sociaux continuent de se faire entendre parmi les salariés des secteurs publics, dans l'enseignement, dans de nombreuses entreprises privées pour défendre l'emploi, et chez les privés d'emplois. Notons également de nombreuses actions pour le droit à la sécurité dans les villes et à l'école. Saluons aussi la belle et puissante manifestation pour les libertés et les droits syndicaux qui s'est tenue autour de Michel Beurier, secrétaire de l'Union départementale CGT du Puy-de-Dôme à Clermont-Ferrand il y a quelques jours. Les mouvements sociaux continuent donc de s'exprimer de manière diverse dans tout le pays et notre liste vise justement à leur donner de la force, de l'efficacité pour infléchir la donne politique. C'est notre mutation qui nous permet aujourd'hui d'exercer cette fonction communiste nouvelle permettant une expression politique plus large et plus efficace de celles et ceux qui veulent ancrer la politique à gauche. Vous le savez, nous n'avons jamais considéré les mouvements sociaux et sociétaux comme des handicaps pour la réussite d'une politique de gauche. Bien au contraire, ils sont à nos yeux une condition nécessaire; une chance pour cette réussite face aux pressions du grand patronat, de la droite, des marchés financiers et des promoteurs de l'Europe ultralibérale. Et ce qui se passe en Allemagne avec la démission d'Oskar Lafontaine partisan d'une relance par la consommation et d'une baisse des taux d'intérêt montre la nécessité d'une mobilisation forte contre la loi des marchés financiers et pour une transformation de l'Europe. Francis Wurtz y reviendra demain.
Evidemment, les autres formations politiques ne se situent pas dans une telle démarche visant à répondre aux attentes en s'appuyant sur les forces vives de la société. Ce qui nous différencie tient à une raison simple: nous, nous inscrivons notre action dans une visée de transformation sociale, de dépassement du capitalisme, alors que d'autres agissent pour en limiter les effets les plus néfastes ou pour le civiliser et d'autres encore pour le maintenir.
En ce sens, on ne peut qualifier comme cela se fait depuis quelques jours la liste du Parti socialiste comme celle de la gauche plurielle. C'est une liste traditionnelle de coalition autour du Parti socialiste depuis que J. Pierre Chevènement -mettant entre parenthèses certaines convictions qu'on l'avait vu naguère proclamer avec force- a décidé que son mouvement y participerait. Et si la gauche plurielle présente plusieurs listes pour les européennes, c'est parce que chacun sait qu'il y a des différences, des divergences même entre ces forces de la gauche plurielle sur une série de questions: celle de l'utilisation de l'argent, celle des droits nouveaux pour l'intervention des salariés et des citoyens, et aussi sur le type de construction européenne. Chacun sait que le Parti socialiste a appelé à voter oui à Maastricht et a voté le Traité d'Amsterdam tout en refusant l'idée du référendum pour lequel nous avons agi. Chacun a entendu aussi le premier de la liste des Verts se réclamer depuis fort longtemps de l'euro tel qu'il se mettait en place et d'une Europe fédérale et se qualifier lui-même comme un libéral. Le débat que nous aurons portera donc sur le contenu et les moyens de la réorientation de l'Europe et son contenu.
Quant aux forces de droite et au Front national, ils donnent le spectacle affligeant des pires traditions politiciennes avec les divisions, les règlements de compte, les coups bas, les petites phrases, les retournements d'alliance. Mais ne perdons jamais de vue qu'une chose essentielle unit Séguin, Bayrou, Madelin, Pasqua, de Villiers, Le Pen et Mégret: ils ne veulent surtout pas que l'on touche aux marchés financiers et à la loi de l'argent. Ils sont les promoteurs les plus acharnés d'une Europe ultralibérale se construisant contre les acquis sociaux et démocratiques.
Je veux donc dans cette introduction revenir sur notre démarche et les résultats de la consultation puis sur le contenu de la discussion et les questions soulevées. Ma dernière partie traitera du style de notre campagne électorale.
1. Une discussion de grande ampleur
Je veux rappeler d'abord que le débat sur la conception de la liste dure depuis plus de dix mois. C'est au lendemain des élections régionales, lors du Comité national des 3 et 4 avril, constatant l'aggravation de la crise de la politique que le secrétaire national du parti avait proposé de créer les conditions pour que se présentent ensemble les partisans d'une réorientation progressiste de la construction européenne. Cet appel avait été relayé lors du Comité national des 3 et 4 juin dans le rapport de Dominique Grador. Intervenant au cours de cette réunion, Robert Hue lançait un appel à toutes les forces qui souhaitent la réorientation de l'Europe en ces termes, je cite " Le moment est venu de se rassembler dans la diversité des approches pour peser dans le débat et infléchir le choix de la France. C'est dans cet esprit que je renouvelle cet appel pour un vaste échange entre citoyens et forces qui travaillent dans cette direction et qui pourrait servir de base à la constitution d'une liste pour les élections européennes ".
C'est en ce sens qu'à partir de ce moment là, nous avons multiplié les initiatives de rencontres avec d'autres forces politiques et avec de nombreuses personnalités engagées dans les mouvements sociaux, féministes, les différents réseaux intervenant en France et en Europe, pour les droits de l'Homme, la dignité humaine, la paix.
Or dès cette période, les Verts annonçaient leur volonté de présenter une liste. Les organisations trotskistes se rapprochaient pour présenter une liste commune. Et il y a quelques jours, le MDC se ralliait à la liste socialiste. Nous sommes donc restés en relation avec les nombreuses personnalités qui se sont déclarées intéressées par notre démarche visant comme nous l'avions décidé au Comité national des 3 et 4 avril 1998, à permettre l'intervention dans le champ politique de ceux qui participent sous des formes diverses aux mouvements sociaux et sociétaux, contestant l'ultra-libéralisme et recherchant les voies pour s'en dégager afin de construire une perspective durable de changement.
C'est dire que notre réflexion vient de loin. Elle a fait l'objet d'un débat multiforme dans le parti depuis le mois de juin, animé par un collectif issu du Comité national chargé de travailler à des propositions pour une réorientation progressiste de la construction européenne. Ce travail a été relancé avec l'université d'été fin août, puis au cours de la fête de l'Humanité où Francis Wurtz lançait au nom de ce collectif une campagne de consultation avec un appel à contribution en même temps que nous relancions la campagne de pétitions pour obtenir un référendum sur le traité d'Amsterdam. A partir de là, les militants communistes ont collecté plusieurs milliers de pétitions et organisé plusieurs centaines de réunions qui ont rassemblé plus de 15.000 participants.
On le voit: une culture du débat, de la consultation pour la co-élaboration s'installe peu à peu dans le parti, à la suite de la démarche que nous avions adoptée pour décider de la participation de ministres communistes au gouvernement, ou pour la préparation des élections régionales. De nombreux comités et bureaux fédéraux ont noté que cette multitude de débats nous a permis de beaucoup progresser dans la construction de notre projet européen et de la liste. Au bout du compte, cette mise en commun des réflexions a permis -en respectant la diversité de chacune et de chacun- de conclure ce débat dans un parti rassemblé autour d'une conception originale, audacieuse, ambitieuse pour peser en faveur d'une Europe de gauche.
Il n'en reste pas moins qu'il nous faut entendre et prendre en compte les remarques des camarades qui disent qu'ils n'ont pas été suffisamment associés à cette démarche. Cela pose une question que nous avons soulevée à plusieurs reprises ces derniers temps: celle d'un véritable déficit d'information des communistes sur la réalité des réflexions, des analyses, des décisions du Comité et du Bureau national. Il est urgent de prendre toute la mesure de ce problème pour y remédier vite. Chacune et chacun d'entre nous ici, à son niveau de responsabilité, pourrait s'attacher personnellement à rechercher les moyens pour corriger ces manques et formuler des propositions qui seraient les bienvenues.
Nous aurons aussi à réfléchir aux moyens de répondre à un souhait qui s'exprime de plus en plus fortement. Les communistes constatent un progrès de la démocratie dans leur parti mais ils veulent que nous avancions encore en n'étant pas seulement consultés sur un projet soumis à leur avis mais pouvoir eux-mêmes être partie prenante de son élaboration pour être vraiment coauteurs et co-acteurs de la politique de leur parti.
Mais, malgré ces insuffisances qu'il faut corriger, ce qui domine c'est l'ampleur et la richesse de la discussion dans le parti et souvent au-delà avec notamment la force communiste. Ceci doit être d'autant plus souligné que cette consultation et ces débats ont eu lieu alors que les communistes déployaient parallèlement une grande activité. Notons le débat sur les services publics qui a permis au Comité national d'adopter un texte d'étape, la consultation sur la nouvelle Humanité, les réflexions initiées dans les fédérations sur l'amélioration de la vie du parti, le lancement de la remise des cartes 1999 et des " Rendez-vous et rencontres pour construire l'avenir ". En même temps -et j'y insiste à nouveau-, les communistes et les parlementaires communistes ont été très actifs aux côtés d'autres forces dans le mouvement social contre les privatisations, pour modifier le projet de transposition en droit national de la directive européenne sur l'électricité; pour modifier le projet de loi sur l'aménagement du territoire, pour tenter d'obtenir un référendum sur le traité d'Amsterdam, après la signature durant tout l'été de la pétition pour ancrer le budget à gauche qui a permis d'obtenir des avancées positives.
Ainsi, ces derniers mois, nous avons réussi à faire progresser la compréhension des liens entre les questions quotidiennes de nos concitoyens et les enjeux européens.
Ces deux dernières semaines, les comités de section et les comités fédéraux se sont réunis pour faire le point de cette discussion. Certaines sections ou fédérations ont choisi d'organiser des assemblées de militants. Partout il a été constaté un grand impact de notre proposition de liste à double parité dans l'opinion publique. La démarche que nous proposons est considérée comme un acte fort, révélateur de notre mutation, bien en phase avec les orientations de notre congrès. Elle a surpris et pris toutes les autres forces politiques à contre-pied. De nombreux communistes font observer avec raison que l'originalité de cette liste permet d'avoir de grandes ambitions. C'est aussi ce que montrent les enquêtes d'opinion.
Elle est la plupart du temps considérée comme un pas en avant dans la modernité communiste, ressentie comme telle par les communistes et bien au-delà. D'ailleurs, de nombreux témoignages qui nous parviennent et notamment des personnalités présentes sur la liste nous font remarquer que cette démarche n' a été possible que grâce à la mutation du Parti communiste.
Certes, à l'annonce de l'esquisse de la liste, fin janvier, des communistes ont été surpris et ont fait part de nombreuses remarques et d'interrogations dont une grande partie d'entre elles ont été levées au cours des sept dernières semaines. J'y reviendrai. Ainsi les résultats issus des comités fédéraux qui se sont tenus ces derniers jours font apparaître qu' une très large majorité de communistes se déclarent en accord avec la démarche qu'avait proposée le Comité national.
Cet accord n'est pas formel ou de principe. Il est le résultat de ce vaste débat, fait d'échanges, de confrontations, de questionnements qui ont permis de construire au fil des semaines notre démarche inédite.
Cependant , il n'y a pas d'unanimité. Des communistes expriment à des degrés divers des réticences parfois fortes sans pour autant remettre en cause l'orientation proposée. Celles-ci portent notamment sur la crainte qu'une ouverture trop importante pourrait porter atteinte à l'identité communiste. Il existe aussi des communistes qui expriment un désaccord total avec l'ensemble de la démarche. Le désaccord de ces camarades porte au fond sur la mutation communiste.
C'est le cas de la majorité d'un comité fédéral, celui du Pas-de-Calais, qui s'est déclaré en désaccord sur la conception de la liste. Le débat en son sein a donc porté sur la présence ou non de Jean-Claude Danglot sur celle-ci. Une majorité des sections et du comité fédéral s'est prononcée pour cette présence tout en émettant le souhait que Jean-Claude Danglot soit placé en position éligible. Mais le comité fédéral nous fait part de la conclusion suivante, je la cite: " Considérant que la liste n'est pas présentée par le parti et qu'elle n'est pas à ratifier, il laisse le soin à la direction nationale d'apprécier à sa juste valeur la consultation des militants du Pas-de-Calais et leur état d'esprit, l'avis de la direction fédérale, pour prendre une décision qui puisse favoriser l'engagement des communistes du Pas-de-Calais dans cette campagne électorale ".
Toutes les fédérations n'ont pas souhaité organiser des votes mais le résultat de la consultation y fait apparaître les mêmes tendances.
2. Les questions soulevées
Nous avons beaucoup insisté, ces dernières semaines, pour que tous les communistes soient mis en situation de donner leur opinion sur la démarche qui a présidé à l'élaboration de la liste et sur la liste elle-même en lien avec la remise des cartes 1999.
Parmi les questions, les interrogations qui ont été les plus posées, il est utile de revenir sur quelques unes d'entre elles.
La crainte existe par exemple, d'une dilution de l'identité du parti. Abordons franchement cette question. De quelle identité parle-t-on? L'identité communiste de notre temps n'est-elle pas de contribuer à porter les protestations, les exigences des mouvements sociaux et citoyens tout en prenant toutes nos responsabilités pour la réussite d'une politique de changement en agissant dans la majorité et au gouvernement, en nous efforçant d'être des relais-citoyens des aspirations? Mais précisément, avec notre proposition de liste à double parité, ne renforçons-nous pas cette identité, au-delà de la démarche de relais citoyen, en permettant l'expression des mouvements citoyens eux-mêmes dans le champ politique? En ce sens, nous faisons une avancée supplémentaire pour rendre le Parti communiste encore plus utile à la société, en ouvrant un espace de liberté pour l'expression politique des mouvements sociaux et sociétaux.
Et la présence sur la liste de candidats d'autres nations d'Europe ne permet-elle pas de renouer en actes avec les meilleures traditions internationalistes de notre parti?
Et cette démarche neuve renvoie à l'identité historique du Parti communiste français qui, à plusieurs moments de l'histoire -qu'il s'agisse de la période précédant le Front populaire, avec la réconciliation du drapeau rouge et du drapeau tricolore, avec la main tendue aux chrétiens, de la période de la Résistance et de la Libération ou à d'autres moments où il a initié des listes d'ouverture pour les élections municipales- a pris des initiatives audacieuses de rassemblement au-delà des constructions politiques traditionnelles au service d'avancées démocratiques et sociales qui ont marqué profondément notre pays. A chaque fois que nous avons développé une telle démarche d'ouverture, notre parti a pu se déployer et progresser.
Parfois aussi certains camarades ont craint que notre démarche soit électoraliste. Remarquons d'abord que personne ne se présente à quelque élection que ce soit pour faire le moins de voix possible ou avoir le moins d'élus possible. Mais plus fondamentalement, un progrès sensible de la liste porteuse du combat anti-libéral et pour une Europe progressiste n'est-il pas un point d'appui supplémentaire pour notre peuple, notre jeunesse qui, tout en souhaitant une construction européenne, attend des communistes qu'ils leur soient utiles pour la réorienter dans le sens du progrès social, de la démocratie, du respect de l'environnement et de la solidarité? Au lendemain du 13 juin, tout le monde sera obligé d'en tenir compte.
En permettant aux courants des mouvements sociaux, sociétaux, humaniste, pacifiste, de pouvoir s'exprimer dans le champ politique, nous avons précisément le souci de refuser les pratiques politiciennes. Celles-ci ont souvent consisté soit à récupérer ou à instrumentaliser ces courants, soit à les empêcher de s'exprimer à l'occasion d'échéances électorales. Notre proposition s'inscrit donc dans la manière nouvelle de faire de la politique que nous avons décidée d'inventer avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent et qui ne se résignent pas à ce que perdure l'actuelle crise politique. Rappelons que dès le Comité national des 3 et 4 avril, nous avons lancé l'idée de construire une dynamique majoritaire de changement en construisant de nouveaux partenariats entre citoyens et forces politiques, entre associations et partis politiques. Permettez-moi de citer le rapport de Robert Hue " Toutes les forces individuelles ou collectives -personnalités, militants associatifs et syndicaux, hommes, femmes, jeunes- engagées dans le combat pour les valeurs de dignité et de responsabilité humaine qui le souhaitent, c'est bien toutes ces forces de changement dans leur diversité et dans le respect de la personnalité et des spécificités de chacun qui peuvent contribuer à cette dynamique. Le cercle des acteurs du changement doit s'élargir au-delà des composantes actuelles, de la majorité plurielle ".
Notre démarche n'a donc rien de circonstancielle, de tactique pour une élection. Au dernier congrès, nous avons beaucoup réfléchi à partir de nos expériences, à la question du type de rassemblement à construire pour le changement et aux moyens de surmonter la crise de la politique. Nous avons décidé de travailler à une conception nouvelle du rassemblement, à donner toute sa place à l'intervention des citoyens dans la politique dans de nouvelles relations entre eux et les partis politiques, entre les partis et les associations, syndicats et personnalités animant les mouvements sociaux, en bref à ouvrir une nouvelle voie citoyenne de la transformation sociale.
Il ne servirait à rien de se contenter de déplorer le divorce entre la politique et la société sans prendre d'initiatives pour les réconcilier, retisser des liens nouveaux entre les citoyens et la politique. Pour être utile en permettant aux citoyens d'être partie prenante du débat politique et de les aider à construire leur projet de changement. Il nous faut passer aux actes. C'est le sens de la double parité sur notre liste. C'est la concrétisation en actes de notre fonction communiste nouvelle et moderne au service de tout ce qui bouge dans la société.
Est-ce que cette démarche nous conduit à être plus ou moins communiste selon la question de certains camarades? A cette question, on peut répondre sans hésiter que cette démarche ne conduit en rien à affadir notre identité car les bases sur lesquelles se présentent les différents candidats n'impliquent ni un ralliement au Parti communiste pour ceux qui n'en sont pas membres, ni non plus un alignement des communistes sur le plus petit dénominateur commun de la liste.
A partir de là deux autres questions liées entre elles ont fait l'objet d'interrogations: celle de la cohérence de la liste et de son programme électoral.
Les bases de l'accord entre les 87 candidates et candidats sont en phase avec nos objectifs fondamentaux. Je les rappelle: le rejet des politiques libérales, un projet euro-progressiste prenant en compte les aspirations qui s'expriment dans les mouvements sociaux et sociétaux et le respect des positions de chacun sur l'expérience gouvernementale. Tous ceux qui sont sur cette liste -membres du Parti communiste ou pas- ont en commun d'avoir tiré de leur expérience militante, et de leurs réflexions que l'obstacle à la réalisation de leurs objectifs sociaux, humanitaires, culturels, sont dans tous les cas, les dogmes du libéralisme. Ils ont aussi en commun de vouloir agir et d'être utiles pour donner un autre sens à la construction européenne, vers le progrès social et humain, la démocratie, la promotion de l'identité culturelle européenne, la recherche d'un meilleur avenir pour la jeunesse, la promotion des droits des femmes et l'égalité, la solidarité, la fraternité, la sécurité et la paix. Ils partagent aussi l'idée de la nécessité d'un projet européen pour réussir le changement en France.
Comme le Parti communiste ne veut, ni ne peut d'ailleurs avoir la prétention de représenter à lui seul ce courant anti-libéral et progressiste, il prend l'initiative de permettre son expression jusqu'au sein des instances européennes, aux côtés des candidates et candidats communistes sur une liste à la fois diversifiée et cohérente parce qu'elle repose sur les trois bases que nous avons énoncées. La cohérence de cette liste repose donc sur l'apport des diverses personnalités issues des courants anti-libéraux et euro-progressistes, conjugué à l'apport propre de notre parti porteur d'une radicalité dans la contestation de l'ordre actuel comme dans ses propositions alternatives. Oui, c'est bien cette liste qui est porteuse de la radicalité des aspirations qui montent de la société. Une radicalité constructive et efficace, car dans la situation actuelle, les meilleurs porteurs de la radicalité sont ceux qui donnent une perspective progressiste au mouvement social et ne le cantonne pas dans un rôle de protestation sans débouchés qui, au bout du compte, rendent les citoyens impuissants à faire bouger la société et les rapports de forces politiques.
Des camarades se sont également interrogés pour savoir si la conception de la liste serait favorable au développement du parti. Les échos qui nous parviennent et les indications rendues publiques par les enquêtes d'opinion montrent que déjà se crée un élan électoral autour de cette liste. Celui-ci peut s'amplifier et être bénéfique pour notre parti parce que l'acte d'ouverture que nous faisons est la concrétisation de ce qu'attendent de nous de nombreuses électrices, de nombreux électeurs de gauche bien au-delà de notre parti. Je crois que nous pouvons initier une dynamique porteuse d'avenir qui ira bien au-delà de l'élection européenne.
Dans une certaine presse, on s'est interrogé pour savoir si les voix recueillies par la liste devraient être mises au compte du Parti communiste. Evidemment oui, car c'est bien le Parti communiste qui a pris cette initiative inédite de liste à double parité parce qu'elle correspond foncièrement désormais à ce qu'il est: un parti ouvert, moderne, qui se veut plus et mieux utile à tout ceux qui travaillent et créent, ceux qui militent dans des associations, des syndicats, des comités pour leur permettre de changer la politique.
Des interrogations ont porté sur la présence de certains candidats. Par exemple, à propos de Geneviève Fraisse parce qu'elle a voté pour le traité de Maastricht alors que nous avions appelé à voter contre. Rappelons qu'au lendemain du référendum sur le traité de Maastricht, nous n'avons jamais tiré la conclusion que la gauche et la droite se délimiteraient entre les partisans du " oui " et ceux du " non ". La meilleure preuve c'est que nombreux étaient ceux qui, à droite, avaient fait campagne pour le non. Celui que les médias avaient présenté comme le leader du camp des non, Philippe Séguin, a fait beaucoup de chemin depuis, puisqu'il conduit la liste qui se réclame de l'Europe libérale! Souvenons-nous, nous appelions à un non de gauche.
Ainsi, intervenant dans la discussion au Comité central des 28 et 29 septembre 1992, Georges Marchais, traitait cette question de la manière suivante, je cite: " Le 20 septembre, la ligne de partage entre le " non " et le " oui " n'a pas délimité la gauche et la droite: outre qu'il est des gens, parmi ceux qui ont voté " non ", avec qui nous n'avons et ne voulons avoir rien de commun, cette différence de vote est passée au travers des forces de gauche, de progrès. (...). Nous savons bien que des électeurs communistes -en nombre limité, mais ils existent- on voté " oui " ou se sont abstenus. Ils n'ont pas changé du tout au tout, et les motifs qui les ont conduits à ce choix sont souvent voisins de ceux qui les font voter pour nos candidats. Nous continuons à les considérer comme des amis de notre parti, et s'ils se trouvent parmi eux de nos adhérents, comme des camarades ".
Interrogée par le journal Le parisien du 15 février, à propos de son vote lors du référendum de 1992, Geneviève Fraisse, répond, je cite: " Je n'ai jamais été maastrichienne. J'ai toujours été opposée au libéralisme qu'il soit national ou européen. Simplement, il ne me paraissait pas convenable de tourner le dos à l'Europe ". Elle fait ainsi la même analyse que nous faisions nous-mêmes au lendemain du référendum.
D'autres camarades se sont interrogés sur l'opportunité de représenter Philippe Herzog. Mais est-ce vraiment au moment où nous venons de déclarer toutes les sanctions et exclusions de caractère politique, nulles et non avenues et que nous construisons une liste complètement inédite de par son ouverture que l'un de nos premiers actes consisterait à en écarter un ancien membre du Parti communiste? Ceci d'autant que chacun peut constater un rapprochement entre les positions de Philippe Herzog et ceux de notre parti sur les questions européennes. D'autre part, en tant que député européen, membre de notre groupe, Philippe Herzog a déployé un important travail notamment sur les institutions, la citoyenneté et la démocratie qui, convenons-en, est l'un des grands chantiers de la prochaine période.
Plusieurs remarques nous sont également parvenues de fédérations du Sud-Ouest sur l'absence de Jean Querbes sur la liste. Effectivement, Jean Querbes depuis qu'il est député européen déploie avec assiduité une grande activité au sein du groupe de la Gauche unitaire européenne et du Parlement. Nous avons discuté avec lui des conséquences pour sa candidature de la composition d'une liste à double parité avec l'objectif de permettre l'élection de nouvelles députées européennes. Nous avons souligné lors du dernier comité national l'esprit très positif avec lequel Jean a abordé cette question. Dans la mesure où il ne se retrouverait pas en position éligible alors qu'il est député sortant, nous avons été conduits à considérer qu'une candidature à une place plus éloignée sur la liste n'avait plus la même signification. Par ailleurs, nous travaillons à créer les conditions pour qu'il puisse continuer à exercer des responsabilités nationales dans ses domaines de compétences. Ce qui contribuera d'ailleurs à aider les députés européens.
Evidemment, d'autres remarques sont parvenues de certaines fédérations qui ne se retrouvaient pas représentées sur la liste. Ces remarques sont tout à fait légitimes. Bien d'autres camarades dans les départements auraient pu figurer sur cette liste. Mais nous avons veillé à une représentation d'au moins un candidat communiste par région sachant qu'il y a 96 départements et seulement 43 places pour les communistes dans la liste telle qu'elle est construite. Mais en général, les adhérents comprennent bien que dans une telle configuration il ne peut y avoir un candidat par département.
Avec notre conception de double parité, chacun reconnaît évidemment la diversité dans la composition de la liste. Mais cette diversité ne vaut pas que pour une moitié de la liste mais pour toute la liste car elle est aussi représentative de la diversité communiste. C'est cette diversité qui fait sa force car tous ceux qui aspirent à la réussite du changement à gauche, tous ceux qui agissent pour une Europe sociale, démocratique, solidaire peuvent se retrouver dans cette liste. En ce sens, elle est bien la leur.
Enfin, je veux souligner la satisfaction très largement partagée sur le fait que ce soit le secrétaire national du parti qui conduise la liste.
Il est donc normal que des doutes, des interrogations, des inquiétudes se soient exprimées. Ce que nous faisons est tout à fait nouveau. Il ne faut donc pas les dramatiser mais au contraire continuer le débat et améliorer ce qui doit l'être au fur et à mesure du déroulement de la campagne. Je crois que la publication du Manifeste de la liste cet après-midi et la campagne électorale elle-même dissipera bien des inquiétudes. Ensemble, avec la liste, nous mènerons tous la même campagne électorale que le Parti communiste dynamisera en lien avec les réseaux d'autres candidats. Dire cela, c'est refléter -j'en suis convaincu- le sentiment des 87 candidates et candidats.
En tout état de cause, nous proposons d'entendre, de prendre en compte toutes les interrogations, toutes les inquiétudes en poursuivant le débat avec chacune et chacun des adhérents quand c'est nécessaire, et en organisant dès la semaine prochaine des assemblées générales de militants permettant de rendre compte des travaux de notre Conseil national.
Mais d'ores et déjà à partir de cette large consultation, on peut dire que la liste conduite par Robert Hue fait événement. Elle est à la fois la liste des mouvements sociaux, des mouvements citoyens contre la mondialisation ultra-libérale; la liste porteuse d'une perspective neuve pour l'Europe; la liste la plus en prise avec tous ceux qui agissent et bougent dans notre pays; la liste de la jeunesse, du féminisme, de l'antiracisme, des militants de la paix; de ceux qui travaillent et de ceux qui en sont privés; la liste de l'ouverture sur l'Europe au caractère internationaliste fort; la liste du parti politique, le Parti communiste, qui porte en son coeur l'objectif d'ancrer la politique européenne à gauche. C'est la liste du " Tous ensemble ". C'est la liste qui se construit sur la base de pratiques politiques nouvelles porteuse des plus belles valeurs de la solidarité, de l'ouverture, de la générosité. Celle qui se donne pour ambition de porter haut les couleurs d'une Europe sociale, solidaire, démocratique. C'est la liste d'un nouvel élan pour le changement.
3. La campagne électorale
Elle nous permet de nourrir de grandes ambitions pour la campagne électorale: l'ambition d'un nouveau progrès consolidant et allant au-delà de ce que nous donnent les enquêtes d'opinion aujourd'hui. Mais atteindre un tel objectif va nécessiter un formidable engagement des adhérentes et des adhérents de notre parti. Elle implique de prendre toutes les dispositions pour informer le plus complètement possible des décisions que nous allons prendre après les avoir consultés. Pour cela, nous proposons de tenir rapidement les assemblées générales, et de faire du prochain week-end des 18, 20-21-22 mars, quatre jours de rencontres avec les communistes, pour leur faire découvrir la nouvelle Humanité, porter la carte à ceux qui ne l'ont pas encore, et rendre compte de nos travaux.
Nous entamons la campagne électorale dans un contexte politique plus favorable pour notre parti puisque les enquêtes d'opinion indiquent une consolidation de notre influence électorale aux alentours de 9%, soit deux points de plus que notre résultat des précédentes élections européennes et bien plus que les enquêtes passées à la même étape de l'élection européenne précédente.
Nous sommes engagés dans une campagne de rencontres publiques de proximité qui a déjà rassemblé près de 50.000 personnes. Depuis le 1er janvier, nous comptons 2.900 nouveaux adhérents. Ce courant d'adhésions atteste de l'intérêt que le parti et ses propositions suscitent. Nous appelons à le renforcer encore, non pas pour embrigader ceux qui prennent leur place à nos côtés, mais nous les invitons à y venir sans rien changer de ce qu'ils sont, de leur personnalité, de leurs idées, pour enrichir la mutation communiste, pour que nous puissions construire ensemble le Parti communiste moderne dont notre pays a besoin.
Le début de la campagne électorale coïncide aussi avec le lancement de la nouvelle formule de l'Humanité qui aura lieu jeudi et samedi prochain pour l'Humanité Hebdo. Cette transformation de nos journaux se fait à la suite d'un processus de débats riches auxquels ont participé de nombreux communistes et de nombreux lectrices et lecteurs de notre presse. Ce grand brassage d'idées a permis de déboucher sur une conception inédite de notre presse en lien avec la mutation communiste. L'humanité ambitionne de devenir un atout essentiel pour permettre le développement et l'expression de la citoyenneté. Les communistes ont besoin de l'Humanité pour déployer une activité militante de notre temps. Et l'Humanité a besoin de l'engagement de communistes pour se développer et être utiles à la réalisation de leurs objectifs. Cet engagement doit être à la mesure des enjeux auxquels nous sommes confrontés: celle d'une presse qui s'inscrive pleinement dans une visée communiste moderne, humaniste, démocratique et citoyenne. Cet engagement implique également de poursuivre les efforts engagés et qui connaissent d'ailleurs des résultats prometteurs pour atteindre les 10 millions de souscription nécessaires au lancement de la nouvelle Humanité. Déjà, de multiples initiatives sont prises pour réussir ce lancement et pour faire découvrir le nouveau journal à des dizaines de milliers de personnes à travers tout le pays. Cet effort doit être poursuivi dans les quelques jours qui nous séparent du lancement et au-delà pour gagner des milliers de lecteurs nouveaux à la lecture de notre presse. Ainsi, la démarche politique neuve que propose notre parti en vue des élections européennes doit se conjuguer au développement d'une presse communiste profondément transformée. Ces actes forts identitaires de la mutation communiste sont de nature à créer une dynamique nouvelle autour du Parti communiste et de ses journaux.
De même, les espaces citoyens vont poursuivre leur activité. Avec la préparation des élections européennes, nous entrons dans une période de plus grand intérêt pour le débat politique. On conçoit toute l'importance de la vie de ces espaces destinés précisément à faire de la politique autrement. Dans ces lieux qui ont été créés à partir du besoin ressenti par les citoyens de participer à la réflexion et à l'élaboration des choix politiques, de réconcilier mouvement social et politique, pour répondre à la crise de la politique se sont exprimés les mêmes exigences qui nous ont conduits à la constitution du type de liste dont nous débattons aujourd'hui. En ce sens, poursuivre et développer cette expérience durant la campagne électorale va être un apport précieux pour l'activité et la démarche des communistes.
Comme vous le savez, le parti a engagé trois souscriptions cette année. L'une pour l'Humanité, l'autre pour les besoins propres de son activité, la troisième pour la campagne des élections européennes.
Il est temps de lancer en grand les souscriptions pour les besoins de l'activité des communistes et les initiatives des candidats de la liste à double parité.
Outre le fait de financer nos dépenses, ces souscriptions constituent des occasions de mobilisation des militants, d'élargissement et de consolidation de l'électorat. Elles sont donc au niveau de nos ambitions politiques et électorales.
Nous proposons aux communistes d'impulser une campagne de proximité, en poursuivant avec encore plus d'ampleur l'organisation des rencontres publiques dans les quartiers, les entreprises, les bureaux, les écoles et universités, les villages, avec l'objectif de débattre des moyens d'ancrer l'Europe à gauche pour le changement en France et du vote pour la liste conduite par Robert Hue, comme moyen de peser en ce sens. Campagne de proximité avec la multiplication des points de rencontre et de rendez-vous que les communistes et les élus peuvent initier pour discuter autour d'eux pour construire une grande chaîne du vote pour notre liste.
En même temps, nous allons assurer la réussite des forums départementaux engagés. Dès le début du mois d'avril nous engageons une série de grands rassemblements régionaux avec la participation de Robert Hue, des candidats et des personnalités qui vont contribuer à l'animation de la liste, rassemblement régionaux marquants, enthousiastes et dynamiques, à l'image de la liste à double parité.
En plus, il est proposé aux fédérations en lien avec les comités départementaux et régionaux d'animation de la campagne de tenir dans les formes qu'elles souhaitent des initiatives départementales, dans le style des rassemblements régionaux.
Evidemment, nous allons mettre tous nos moyens pour permettre à la liste de mener sa campagne. Mais en même temps, nous proposons de constituer un comité d'animation national de la campagne très large, à l'image de la liste, c'est-à-dire qu'aux côtés des communistes, de leurs élus, se retrouveraient d'autres personnalités, représentants de mouvements sociaux et sociétaux. Dans les régions et départements, il pourrait également se construire de tels comités d'animation qui pourraient prendre des initiatives de présentation de la liste et de la campagne électorale.
Ainsi nous allons impulser une campagne électorale d'éclat et de proximité. Une campagne construite autour d'initiatives nationales, régionales, départementales. Une campagne qui se voit, qui s'entend et une campagne de proximité visant à rencontrer bien évidemment tous les électeurs traditionnels du Parti communiste, mais au-delà tous ceux qui tournent leur regard vers nous, et qui seront intéressés par notre démarche, par le manifeste de la liste et par nos propositions pour construire une Europe sociale, démocratique, solidaire.
Nous pouvons engager cette campagne avec beaucoup de confiance. Notre liste et nos projets européens font événement, intéressent nos concitoyens. Ils sont susceptibles de donner de l'air frais dans la vie politique française.
Nous pouvons aussi être audacieux dans un contexte où de nouveaux regards se tournent vers notre parti, qui s'attache à être mieux en phase avec ce qui monte dans la société, initiant une liste représentative de ce qui vit, ce qui bouge et qui recherche les moyens de faire du neuf en France et en Europe. Notre liste sera la liste dont le score pèsera efficacement pour ancrer l'Europe à gauche.
Je propose donc au Conseil national de prendre acte de l'ensemble des éléments de la discussion qui a eu lieu dans le parti ainsi que l'accord largement majoritaire qui s'y est dégagé. Nous proposons de poursuivre le débat et d'engager la campagne électorale en ce sens.
Chères camarades,
Chers camarades,
Nos espoirs d'un bon résultat ne se fondent pas sur une confiance béate ou sur un voeu pieux. Mais d'ores et déjà sur quelques certitudes qui proviennent notamment de la consultation des communistes et des échos que nous entendons autour de nous. Nous engageons cette campagne des élections européennes avec des propositions décapantes, une liste innovante et originale, un capital de sympathie et d'intention de vote important. Une dynamique se crée. Il dépend beaucoup de nous qu'elle se développe largement. Ce sera bon pour le changement en France.
Ce sera bon pour ancrer l'Europe à gauche.
"Les hommes élèvent trop de murs et ne construisent pas assez de ponts" affirmait Saint-Exupéry. Les communistes français ont fait le choix stratégique et éthique de s'attaquer à tous les murs et de s'attacher plus que jamais à construire des ponts: entre les citoyens, les sociétés, les peuples, les nations. Ce choix vaut pour l'Europe. Nous sommes résolus à l'assumer pleinement. La définition des grands axes de notre projet européen doit en témoigner en toute clarté.
Les propositions que je suis chargé de vous soumettre à cet égard ne sont pas le fruit du travail d'un petit groupe d'experts réunis pour élaborer je ne sais quel savant catalogue de mesures. Elles émergent d'un brassage d'idées, à mon sens sans équivalent, sur ce sujet, dans la vie politique française d'aujourd'hui. Elles partent de la vie des gens, de leurs préoccupations, de leurs exigences, de leurs espoirs. Elles visent à répondre à leur volonté de plus en plus forte de maîtriser leur destin, en favorisant l'intervention citoyenne jusque sur le terrain des enjeux européens. Depuis la mi-septembre, la consultation que nous avons entreprise dans tout le pays -et même au-delà, auprès de progressistes européens- nous a ainsi mis en rapport avec des milliers de personnes. Les formes d'échanges les plus diverses ont été mises à profit à cet effet: appel à contributions écrites, témoignages sur internet, débats publics, rencontres de terrain, auditions d'actrices et d'acteurs du mouvement social comme de spécialistes de la construction européenne.
L'expérience nous paraît suffisamment concluante pour mériter d'être poursuivie et étendue. Elle devient une pratique permanente d'un parti décidé à relever, au cur du mouvement social et dans le concret, les défis majeurs qui sont devant nous.
Avant d'évoquer les pistes que nous souhaitons ouvrir à l'intervention des citoyennes et des citoyens sur l'Europe, je veux m'arrêter sur quelques idées-forces qui se dégagent de ces confrontations d'expériences et d'opinions, et à partir desquelles nous avons élaboré nos propositions. Sans doute y reconnaîtrez-vous aisément certaines des réflexions que vous avez vous-mêmes entendu exprimer dans les mouvements sociaux sur le sujet. Un véritable courant, traversé de différences notables, se dessine, en effet, dans le pays pour affirmer un certain nombre de convictions et d'exigences profondément convergentes
Besoin d'Europe
Tout d'abord, le besoin d'"Europe", autrement dit de politiques et d'institutions communes au service d'un projet commun, est aujourd'hui bien plus ressenti que par le passé, et abordé dans un esprit constructif. Nombre d'expériences vécues conduisent à mesurer l'interdépendance croissante des économies et des sociétés: le développement foudroyant des communications; la nécessité de partager les connaissances, les coûts, les responsabilités, induite par la révolution informationnelle; l'aspiration grandissante des gens, en particulier des jeunes, à aller à la rencontre des autres; le croisement des cultures et les brassages humains sans précédent Pour bien des gens, ce sont là, désormais, autant de réalités, non seulement incontournables mais positives et prometteuses, de notre temps, qui appellent la construction de liens de coopération denses et permanents en Europe, ainsi que l'ouverture au monde. Chacun mesure également que d'autres tendances marquantes de notre époque, négatives, celles-là, poussent, elles aussi, à la coopération internationale, pour s'en protéger, les contrer et si possible les vaincre: la fraude fiscale, le blanchiment de l'argent sale, les pollutions ne connaissent pas de frontières. Pas plus, hélas, que le marché financier et les spéculateurs.
Pour promouvoir le meilleur et combattre le pire, il devient clair que nous avons besoin d'entraide et de solidarité. Et d'abord entre des pays que la géographie, l'histoire, la culture ont poussés et poussent à tisser des liens de plus en plus serrés. La question n'est donc vraiment plus "être pour ou contre l'Europe", mais "que voulons nous faire ensemble, et comment devons-nous, en conséquence, nous organiser?"
Pour répondre à ces questions, il faut naturellement partir des réalités concrètes d'aujourd'hui, en France et en Europe. Il n'échappe à personne que l'Union européenne est aujourd'hui profondément marquée par la mondialisation capitaliste. Les Françaises et les Français font de plus en plus le lien entre leurs préoccupations, notamment sociales, les plus essentielles, les contradictions de la politique gouvernementale, et la logique néolibérale des actuelles orientations et structures européennes. L'Europe ne se vit pas dans la stratosphère. Elle n'est pas un supplément d'âme permettant de s'évader des réalités du quotidien. Et ce d'autant moins que nombre des souffrances subies, d'acquis remis en cause, de négations de droits du citoyen ont, aujourd'hui, pour ainsi dire, comme "marque de fabrique" "Bruxelles", et comme vecteur plus ou moins contraint ou consentant, parmi d'autres, le gouvernement de la France.
Lorsque le mouvement des chômeurs se voit refuser l'augmentation substantielle des minima sociaux qu'il revendique légitimement; lorsque les instituteurs et les professeurs n'obtiennent pas les moyens nécessaires pour l'école, ni les professionnels de la santé pour l'hôpital, l'ombre n'est pas loin du "Pacte de stabilité budgétaire" que les gouvernements ont signés et n'osent pas, à ce jour, remettre en question. Quand les salariés subissent de plein fouet les pressions à la "baisse du coût du travail" ou que des PME croulent sous les frais financiers à verser au banquier; quand de grands groupes industriels et bancaires alignent 20 ou 30 milliards de francs pour des rachats d'entreprises, des méga-fusions ou autres opérations gaspilleuses de ressources sur les marchés financiers, tandis que l'emploi et la qualification sont sacrifiés, et que la précarité s'installe dans toute la société, on est au cur de la conception la plus sauvage du "marché unique" et de l'euro, défendue avec zèle par ce nouveau temple de l'argent qu'est la Banque centrale européenne, à laquelle les "15" ont décidé d'accorder jusqu'ici une sorte de blanc-seing ultralibéral.
Dans d'autres cas, le lien entre la vie quotidienne, la politique de la France et les orientations européennes est encore beaucoup plus directement ressenti. C'est naturellement le cas des lourdes menaces que font peser les négociations en cours au sujet de la réforme de la PAC sur le sort des exploitants familiaux. Mais cela vaut également pour les effets de grande portée sur les agents et les usagers des services publics français -autrement dit la société tout entière- de ces trop fameuses "directives", souvent négociées par des gouvernements entre-temps renvoyés par le suffrage universel, et que l'actuelle Commission européenne a l'insoutenable pouvoir de faire appliquer en tout état de cause, pour l'essentiel, telle une machine à déréglementer, étrangère aux réalités sociales et politiques des pays concernés. C'est dans le contexte de ce déni de démocratie -auquel il faut résolument s'attaquer- qu'il convient de mesurer, par exemple, les modifications inédites au projet de loi sur la "directive électricité" obtenues par les députés communistes français.
Si, on ne peut plus légitimement, la colère gronde contre ce qu'on appelle pudiquement les "déficits" sociaux et démocratiques de l'actuelle Union européenne, inversement, quand les dirigeants européens savent entendre et prendre en considération des exigences fortes qui montent des sociétés -depuis celle de "l'exception culturelle" visant à empêcher la mercantilisation des uvres de l'esprit, jusqu'à celle de la construction d'une paix durable en ex-Yougoslavie, à laquelle la Conférence de Rambouillet vise à contribuer-, la satisfaction s'exprime tout aussi clairement.
Pour notre part, nous assignons précisément à la construction européenne la mission de contribuer à faire émerger d'autres règles et d'autres valeurs que celles du libéralisme ou du social-libéralisme. L'Europe peut et doit permettre aux nations qu'elle associe de s'entraider à se dégager le plus possible des pressions des marchés financiers comme à s'émanciper de la tutelle pesante de la super-puissance américaine. Dans le monde entier, on attend aussi des pays européens qu'ils usent en commun de leur poids économique comme de leur influence politique pour mettre en cause, avec d'autres partenaires, les rapports de domination sur le plan international, et à favoriser des relations de co-développement, de sécurité mutuelle et de paix.
Parmi les progressistes de notre pays, une telle ambition pour l'Europe est, aujourd'hui, largement partagée. C'est en son nom que nous combattons radicalement la logique néolibérale qui en contrecarre la réalisation. Le courant d'opinion qui se retrouve dans la volonté d'agir pour donner un tel sens à l'Europe ne cesse de se renforcer, notamment, mais pas exclusivement, en France. Des motivations diverses nourrissent ces convergences: nous voulons favoriser de notre mieux leur expression. La conception de la liste conduite par Robert Hue, fait concrètement vivre cette volonté. C'est cela, la démarche "europrogressiste".
Notre conviction est que si la construction européenne est jusqu'ici profondément imprégnée par la logique néolibérale, c'est d'abord parce que les actrices et les acteurs du mouvement social n'y occupent qu'une place marginale. En faisant le choix de les aider de toutes nos forces à prendre leur part à cette construction, nous souhaitons contribuer à faire mûrir les conditions des changements nécessaires.
Voilà pourquoi, en ce qui nous concerne, loin d'affadir notre engagement pour libérer l'Europe des obstacles structurels au progrès social et démocratique -tels la libre circulation des capitaux, la déréglementation des services publics, les critères exclusivement financiers de Maastricht, l'actuel système de l'euro, avec un "pacte" d'austérité et une Banque centrale branchée sur les marchés financiers, ainsi que toute la carence démocratique européenne confortée par le Traité d'Amsterdam -notre parti-pris "euro-progressiste" confère à ces batailles une dimension vitale de notre projet européen et de nos efforts quotidiens pour y gagner nos concitoyens.
A nos yeux, l'Europe a besoin de changements significatifs de cette nature, pour réussir. Nous y sommes d'autant plus attachés que la réussite de la gauche plurielle en France a partie liée avec l'engagement d'une réorientation progressiste de la construction européenne. Et inversement, parmi les progressistes européens, eux aussi partisans d'une profonde évolution de l'Europe, l'attente est grande vis à vis de l'expérience originale en cours dans notre pays. La spécificité la plus notable de cette expérience étant la participation aux affaires d'un parti qui est à la fois resté communiste et s'est engagé dans une profonde mutation, nous assumons en ce moment une responsabilité qu'il nous faut bien mesurer.
France-Europe
Une autre idée-force revient très fréquemment dans les discussions sur les enjeux européens, c'est celle de la nation, de la place de la France dans l'ensemble européen. Pour les uns, l'Europe ne doit pas se construire contre les nations qui la composent, mais à partir de leurs apports respectifs, dans le respect de leur identité et la prise en compte de leur souveraineté. "Il faut s'ouvrir", rétorquent d'autres. Il faut non seulement mener un combat radical contre les références scandaleuses de la droite et de l'extrême droite à la nation pour justifier le racisme et la xénophobie, mais tourner le dos à une conception frileuse de la nation, au profit d'une vision solidaire, coopérative, moderne, de la France. D'autres encore, assimilant les nations aux Etats, en appellent avant tout au rapprochement des citoyens européens. Que de convergences, quant au fond, entre ces aspirations souvent présentées, voire vécues, comme contradictoires!
Oui, l'Europe gagne à se faire porteuse de grands projets communs associant les énergies et la créativité des différentes nations qui la composent -ce qui suppose que ne soient pas limitées mais stimulées les capacités d'initiative propres à chaque pays.
Mais également oui une à vision résolument ouverte de la France! Notre conception de la souveraineté nationale de doit pas être celle d'un rempart contre les coopérations, mais celle d'une protection contre les dominations. Il est bon de rappeler, à cet égard, la conception généreuse de la nation qui est la nôtre, inséparable de la solidarité internationale, imprégnée de l'esprit de coopération. Une conception de la nation née il y a deux cents ans de la Révolution française, qui était universaliste. C'est cette conception de la nation, étrangère à tout nationalisme, qui nous fait, par ailleurs, apprécier positivement le fait que la France soit composée de gens de tous horizons. C'est ce mélange de cultures qui fait que la nation française ne peut être légitimement fondée sur le droit du sang, mais uniquement sur le droit du sol. C'est sa nature composite -sa laïcité au sens le plus riche de ce concept- qui fait, à nos yeux, sa richesse et, pour une part, son originalité, sa portée démocratique et solidaire.
Oui, enfin, à toutes les initiatives qui rapprochent les citoyens européens. De ce point de vue, des événements nouveaux, comme la mobilisation internationale pour Vilvoorde, les marches pour l'emploi -comme celle qui se prépare pour la fin mai à Cologne, et où nous serons!-, les "euro-grèves" de cheminots, la manifestation européenne des électriciens et gaziers annoncée pour ce printemps, les rencontres successives- et même le premier "appel commun"- de forces progressistes européennes qui coopèrent avec le PCF au groupe de la "gauche unitaire européenne-gauche verte nordique" du Parlement européen, illustrent mieux que tous les discours, dans les fractions de l'opinion de sensibilité internationaliste, les potentiels de solidarité et de fraternité que recèle l'action pour la réorientation progressiste de la construction européenne. On le voit: notre approche des enjeux européens nous permet d'entendre et de nous faire entendre entre d'hommes et de femmes d'une grande diversité, mais prêts à se retrouver, face au libéralisme qu'ils rejettent, dans l'action pour la réorientation progressiste de la construction européenne.
Le social avec l'euro ?
Il est, enfin, une troisième grande question qui -personne ne s'en étonnera- est fortement présente dans les débats, et dont il n'est nullement fatal qu'elle handicape les convergences dans la mobilisation en faveur d'une réorientation progressiste de la construction européenne: quelle marge le passage à l'euro laisse-t-il à une politique en faveur de l'emploi et du social?
"Aucune" ont tendance à répondre les uns, nourrissant à leur corps défendant le fatalisme, alors qu'ils aspirent à changer la société. D'autres peuvent être sensibles, sur ce point, aux arguments du Parti socialiste, qui estime -je cite le document du Parti des socialistes européens- que l'euro, tout à la fois, contribuera à "des niveaux élevés d'emplois" et "favorisera la concurrence".
Toute notre analyse vise à dépasser ce faux dilemme: "rien de bon n'est possible avec l'euro" ou "on peut faire l'Europe sociale sans rien changer au système de l'euro".
Certes, à nos yeux, la monnaie unique n'est pas conçue pour stimuler l'emploi, mais pour être la plus attractive possible pour les marchés financiers, c'est à dire pour les masses de capitaux volatiles à la recherche des meilleurs rendements possibles. Toute l'expérience montre que cette logique financière pousse à la mise en concurrence des salariés. Elle se paye par du chômage, de la précarité, la baisse du "coût du travail", la diminution des dépenses publiques et sociales et beaucoup de gâchis. C'est pourquoi nous avions opposé à ce projet libéral une contre-proposition d'une toute autre conception; une monnaie commune de coopération, articulée sur les monnaies nationales. Mais l'euro existe désormais.
Toute issue est-elle, dès lors, bouchée aujourd'hui? Tel n'est pas notre avis. Certes, les contraintes sont lourdes et les rapports de force encore peu favorables aux changements qui nous paraissent nécessaires. La question est de savoir comment surmonter ces obstacles pour avancer et réussir. Notre conviction est que, si la volonté politique existe -et, dans les opinions publiques, elle est en train de se forger son chemin- de se servir de l'euro à d'autres fins que celles prévues par ses promoteurs, d'en faire une monnaie de coopération pour la promotion en commun de l'emploi, de la formation, de la recherche, bien des évolutions sont envisageables. Chacun voit bien qu'il ne s'agit pas d'un débat technique, mais d'un choix profondément politique. Il s'agit de passer d'une vision dans laquelle on veut gagner en compétitivité en économisant sur les hommes et les femmes -donc en les mettant en concurrence- à un nouveau modèle de développement pour l'Europe qui mise sur la promotion des capacités humaines, grâce en particulier à un effort sans précédent en matière de formation et de recherche pour mieux maîtriser les nouvelles technologies. Dans un cas, on met les marchés financiers au centre du projet. Dans l'autre, la personne humaine.
Avec l'euro, une telle réorientation est-elle imaginable? Oui à condition d'opérer des transformations qualitatives dans le système de l'euro, auxquels les partis socialistes et socio-démocrates européens ne semblent pas, jusqu'ici, vouloir se résoudre, même si ce front commun -en l'occurrence social-libéral- tend, ça ou là, à se lézarder voire à s'ébrécher lorsque des exigences fortes montent des sociétés. C'est le cas en Allemagne, où le débat s'aiguisait depuis quelques temps déjà au sein du SPD notamment après la mobilisation victorieuse du puissant syndicat IG-Metall. La grave crise qui vient d'éclater au sommet du parti social démocrate donne la mesure -sans les résoudre- des antagonismes à l'uvre entre les options libérales et les exigences sociales, dans le cadre actuel de l'euro. Ce débat a lieu aussi dans une certaine mesure en France, puisqu'on peut lire dans le programme sur l'Europe du Parti socialiste -d'ailleurs en contradiction avec d'autres passages du même document- que "le pacte de stabilité () est une étape déjà dépassée". Qu'il s'agisse d'une simple concession verbale à une partie des socialistes ou du reflet d'interrogations nouvelles, cette formulation -qui diffère de la réponse qu'avait faite Lionel Jospin à la lettre de Robert Hue sur ce sujet- confirme que rien n'est jamais figé pour peu que les citoyens se mêlent des débats politiques de fond. Réorienter l'Europe est un combat.
En France, les conditions pour mener ce combat sont aujourd'hui bien plus mures que par le passé. Jamais les enjeux européens n'ont été autant perçus par les gens. D'abord, parce que la plupart des problèmes courants de la vie quotidienne -je l'ai rappelé tout à l'heure- ont, peu ou prou, désormais, une dimension européenne. Ensuite, il y a une évidente maturation de la contradiction entre l'aspiration si prégnante à "une Europe sociale" et les réalités vécues d'une Europe libérale. Enfin, notre nouvelle approche de l'Europe favorise sans doute des dialogues et des actions d'un rayonnement bien plus grand que par le passé. Encore faut-il que cette nouvelle approche elle-même soit plus largement connue, et appréciée pour ce qu'elle est. Ce qui suppose un projet réellement lisible par le plus grand nombre et clairement identifiable comme étant le nôtre :ni exclusivement et étroitement protestataire, comme l'est la plate-forme commune aux deux formations trotskistes; ni libérale et fédéraliste comme l'est la démarche de Daniel Cohn-Bendit; ni écartelée comme l'est le programme du Parti socialiste entre une certaine ambition sociale de maints objectifs et un relatif conformisme libéral dans le domaine des moyens.
Par-delà le cas de la France elle-même, l'expérience montre que le seul fait que des partis socio-démocrates soient majoritaires au Conseil des ministres européens, qu'ils occupent la moitié des postes de commissaires européens et que leur groupe soit le plus nombreux du Parlement européen -toutes choses acquises depuis longtemps- ne conduit pas spontanément à la réorientation de la construction européenne. Il s'en faut!
On vient encore d'en avoir une illustration, cette semaine, au Parlement européen, où de nouvelles directives visant à libéraliser le transport ferroviaire étaient en débat. Les deux rapporteurs désignés sur le sujet étaient l'un social-démocrate, l'autre chrétien-démocrate. Tous deux ont plaidé en faveur de l'accélération de la libéralisation du fret ferroviaire. De même, tous les groupes politiques, à la seule exception du nôtre, animé pour l'occasion par Gisèle Moreau, ont voté pour les deux rapports. Mais -et cette précision n'est pas sans signification- la situation sociale et politique française étant ce qu'elle est dans ce secteur, une majorité de parlementaires français ont transgressé la discipline de leur groupe et voté contre les rapports en question. Une vraie leçon de choses
Ce qui est décisif, c'est bien que les forces vives de la société investissent ce grand chantier, avec toute leur créativité ainsi qu'une conscience claire des objectifs à atteindre, des obstacles à lever et des options alternatives à promouvoir. C'est à cette irruption citoyenne sur le terrain de l'Europe que nous voulons nous attacher à contribuer de notre mieux. Voici donc, dans les grandes lignes, quelques-unes unes des propositions que nous mettons en débat, dans cet esprit.
L'Europe sociale
1. Après le passage à l'euro et à la veille de l'élargissement à l'Est, l'Europe est à un tournant de son histoire. De profonds changements sont à l'ordre du jour. C'est dans ce contexte que la France va être appelée à présider l'Union européenne à partir du 1er juillet 2000. Elle s'y prépare déjà, mais uniquement dans quelques cercles d'initiés. Or ce débat concerne toute la société: quels sont les acquis de la construction européenne à conforter, les obstacles liés à la logique néolibérale à lever, les options en présence pour constituer l'apport de la France à l'Europe, en particulier sur le plan social?
Nous proposons l'organisation à partir de l'automne prochain, sous l'égide du gouvernement, "d'Etats généraux pour l'Europe sociale". Ces assises seraient ouvertes, dans chaque région puis sur le plan national, aux représentants du mouvement syndical, aux réseaux associatifs, aux élus- ainsi qu'à des représentants de mouvements sociaux d'autres pays européens, et du Comité économique et social européen, à titre d'invités. Dans ce cadre pourraient être, en particulier, débattues au grand jour, les conditions concrètes de la mise en uvre de projets comme celui de "grands travaux" transeuropéens: quels sont les investissements à privilégier pour répondre aux besoins des populations? Quels objectifs de créations d'emplois et de formations se fixe t-on, de quelle nature seront ces emplois et ces formations? Quels financements choisir pour ne pas compromettre la dimension sociale des projets? Etc. Les actrices et les acteurs du mouvement social seraient, pour la première fois, mis en mesure d'apporter une contribution citoyenne à l'élaboration du mandat que la France aura à discuter avec les autres pays de l'Union, à une période cruciale de son histoire.
2. Il est souvent question de "pacte pour l'emploi" sans que l'on sache ce qu'il recouvre en termes d'objectifs sociaux comme de moyens financiers et politiques. Nous mettons en débat une série de propositions pouvant faire l'objet d'un projet très concret de "pacte pour l'emploi, la formation et la croissance" à négocier avec nos partenaires, qui se substituerait naturellement au "pacte de stabilité" pour que l'Union européenne se donne effectivement les moyens de faire de l'emploi et du social les priorités des priorités de l'Europe en construction et de se fixer l'ambition d'aller vers un nouveau plein emploi.
A. Cela appelle d'abord, à nos yeux, une coopération européenne très forte sur le plan économique. Nous devons travailler ensemble pour maîtriser en commun les nouvelles technologies. Cela passe par des efforts communs en faveur de la formation -cette donnée décisive à notre époque. Nous devons, entre pays européens, partager les coûts et les résultats de la recherche; nous appuyer sur nos politiques industrielles nationales respectives et avoir l'ambition de créer les emplois qualifiés et stables dont nous avons besoin. C'est ce que nous appelons une nouvelle croissance.
B. Les "lignes directrices" adoptées par le Conseil européen extraordinaire de Luxembourg sur l'emploi (décembre 1997) -et qui visaient à augmenter sensiblement le taux d'emplois dans les pays de l'Union, et à offrir un "nouveau départ" par la formation, peuvent s'inscrire dans une telle perspective de sortie du chômage et de la précarité. Nous devons prendre appui sur elles pour porter l'ambition à la hauteur des attentes et des besoins. C'est pourquoi nous demandons que les "lignes directrices" un peu vagues soient traduites en objectifs chiffrés, et contraignants avec un calendrier contrôlable. Le suivi de la réalisation de ces objectifs pourrait s'inspirer des mécanismes auxquels l'Union a eu recours pour s'assurer de l'application rigoureuse de critères financiers du traité de Maastricht pour passer à l'euro. Le but est, à nos yeux, de porter l'effort prioritairement vers les gens les plus touchés par le chômage et la précarité :les jeunes, les femmes, les salariés peu qualifiés, les personnes qui avancent en âge, les handicapés
C. Je veux m'arrêter un instant sur l'enjeu décisif que constitue la jeunesse. Les jeunes ne sont seulement au carrefour de ces exigences d'emploi et de formation. Les jeunes européens sont l'Europe de demain. Comment prétendre construire l'Europe aujourd'hui sans leur donner toute leur place dans nos sociétés et dans la construction européenne?
Ils ont des idées, des espérances fortes dans une Europe plus humaine et plus solidaire. Ils ont leur mot à dire et ils ont beaucoup à donner. Comment leur permet-on de participer aux décisions et de s'inscrire dans des réalisations concrètes?
Mais ils ont aussi des inquiétudes, comme certains sondages récents l'ont montré. Faire des projets pour sa vie, s'engager, être partie prenante de la transformation de leur société ne se marie guère avec le sentiment d'insécurité, l'angoisse pour son avenir, qu'ils connaissent massivement. Leur permettre d'étudier dans de bonnes conditions, de trouver leur place dans le monde du travail, doit être une priorité dans une politique commune en faveur de la croissance et de l'emploi.
Il faut également permettre aux jeunes Européens de se connaître, de se rencontrer de s'ouvrir les uns aux autres et au reste du monde, pour lequel ils ont une sensibilité si aiguë.
D. Tous les efforts évoqués à l'instant à propos des objectifs chiffrés en faveur de l'emploi et de la formation ont pour objectif de faire reculer les facteurs de mise en concurrence des travailleurs par les grands groupes; face à leur volonté de tirer vers le bas le "coût du travail" (par les délocalisations, les concentrations, les pratiques de "dumping" social). Pour conforter ces efforts, nous proposons que l'Union européenne se donne de nouveaux objectifs sociaux communs, pour rendre impossibles les différentiels excessifs de salaires et d'autres revenus. En particulier:
L'instauration d'un salaire minimum dans chaque pays de l'Union européenne. Son niveau doit être le plus haut niveau compatible avec le niveau de productivité de chaque pays (1000 euros constitue à cet égard un ordre de grandeur servant de référence pour illustrer le volontarisme préconisé dans ce domaine). Naturellement, chaque gouvernement est libre de fixer son SMIC au-dessus du SMIC-plancher européen.
La question des minima sociaux devrait être traitée dans le même esprit.
Avec le même souci, le principe de la réduction de la durée du travail -avec, là aussi, comme chiffre de référence les 35 heures sans diminution de salaire, sans augmentation de l'intensité du travail, sans flexibilité, et avec création d'emploi, doit être porté par la France au Conseil européen, en vue de pousser à sa généralisation en relation avec les organisations syndicales et dans les conditions propres à chaque pays.
L'égalité sociale doit devenir un principe contraignant et toute discrimination (à l'égard des femmes, des jeunes, des immigrés, des handicapés) doit être sanctionnée. Par exemple, les aides diverses accordées aux entreprises pourraient être conditionnées au respect, notamment de cette règle.
La question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit être suivie avec une particulière attention. Si les femmes sont, en moyenne, mieux formées que les hommes, elles subissent en revanche plus massivement qu'eux en temps partiel, la précarité et le chômage lui-même.
Le haut niveau de protection sociale -qui est au cur du "modèle social européen" -doit être impérativement maintenu dans chaque pays où cet acquis existe ou être relevé là où il est en retard sur le régime des peuples voisins (par exemple, la France est un pays de bas niveau relatif de remboursement des frais de santé). La directive "assurances", par laquelle la Commission européenne veut conduire les mutuelles de santé à aligner leurs règles de gestion sur celles des compagnies d'assurance, doit être rapportée. Il doit en aller de même du projet de directive en préparation à la Commission européenne prévoyant la généralisation des fonds de pensions.
Autre effet amplificateur de l'euro actuel, qu'il s'agit de conjurer: la concurrence fiscale des Etats et des collectivités territoriales s'accentue dans l'Union. Il faut, en particulier, contrer les pressions à la baisse sur la fiscalité du capital. Dans ce contexte, nous proposons une harmonisation de la fiscalité dans l'Union visant, d'une part à favoriser des investissements réels efficaces, la création d'emplois, l'effort de formation et de recherche ; d'autre part à dissuader les placements financiers et la spéculation:
Prélèvement à la source sur les revenus spéculatifs;
Taxation des mouvements de capitaux à court terme (du type taxe Tobin, que nous proposons depuis 5 ans).
Taxation des capitaux financiers à long terme (qui pourrait prendre, en France, la forme de l'introduction des actifs financiers des entreprises dans la base de la taxe professionnelle).
E. Une grande politique en faveur de l'emploi et du social doit, pour pouvoir se déployer, être libérée des contraintes qui poussent en sens contraire : la pratique systématique de la baisse des coûts salariaux, le verrouillage de la politique budgétaire (Pacte de stabilité) ; une politique monétaire restrictive décidée par une institution sur laquelle les représentants du peuple n'ont pas de prise (Banque centrale européenne).
Pour faire baisser les charges financières des P.M.E. (ce qu'elles doivent verser aux banques, et non les charges sociales) nous proposons un crédit nouveau, au taux d'intérêt d'autant plus avantageux qu'il y a des créations d'emplois ou des dépenses de formation débouchant sur l'emploi.
Nous demandons, dans cet esprit, une révision profonde de la politique monétaire européenne, et donc une réforme de la Banque centrale européenne, c'est à dire du pouvoir monétaire en Europe. Nous demandons, d'une part la révision des missions qui lui sont assignées -l'emploi et la croissance réelle doivent devenir ses priorités alors qu'ils sont absents de son "cahier des charges" aujourd'hui-, et la refonte de ses pouvoirs: elle doit, à nos yeux, être assujettie au contrôle des parlements nationaux et du parlement européen. Ainsi transformée en profondeur, cette institution serait à même de jouer un rôle positif en permettant aux pays-membres de créer en commun de la monnaie spécialement destinée à financer des crédits à taux d'intérêt très bas et à long terme pour les seuls investissements réellement créateurs d'emplois ou développant la formation débouchant sur l'emploi (le même mécanisme -qui n'est pas à inventer, il existe au plan mondial mais est dévoyé dans de toutes autres directions- pourrait également permettre de dégager des financements nouveaux en faveur de relations de co-développement avec les pays de l'Est et du Sud. C'est donc une proposition de grande portée).
Enfin, nous préconisons une réorientation des politiques budgétaires des pays de l'Union. Contrairement aux injonctions du Pacte de stabilité -dont nous demandons la renégociation et la transformation en pacte pour l'emploi-, nous pensons qu'on peut concevoir un déficit limité et provisoire, ciblé sur les dépenses d'éducation, de recherche, de santé, de logement, afin de relancer une croissance -qui s'essouffle sérieusement en Europe. Cette croissance accrue génèrerait des recettes nouvelles permettant, après coup, de réduire le déficit, non pas contre le progrès social, mais grâce au progrès social.
F. Un autre levier à préserver et à développer pour faire l'Europe sociale sont les services publics. Il est significatif que sur les 21 points du programme commun des socialistes européens, il y en ait aucun qui soit consacré à cette question. Cela confirme que c'est en France que cette notion est poussée de plus loin. Ailleurs, elle se limite souvent à un système de concession ou de mise en uvre d'une mission d'intérêt général accomplie par une entreprise privée, en quelque sorte en dérogation au droit commun, qui est la libre concurrence et la recherche du profit. Aussi ces missions s'arrêtent-elles souvent à la réduction de l'exclusion sociale. En France, le statut d'entreprise publique des principaux opérateurs de services publics -qui plus est en situation de monopole dans leur secteur - change naturellement la donne. Et c'est cette spécificité qui est mise en cause par les traités européens depuis le marché unique, entré en vigueur il y a une dizaine d'années.
Sans imposer ce modèle à d'autres, nous sommes fondés à le défendre et à le valoriser auprès des autres peuples européens en vertu du rôle que ces entreprises peuvent jouer face à la puissance des marchés financiers en faveur d'une autre utilisation de l'argent, d'une meilleure efficacité économique sociale et du développement de l'innovation. Voilà pourquoi, nous avons tout à gagner à confronter les expériences des différents pays et accepter l'idée de coopérations entre services publics européens pour la mise en uvre de projets communs favorables à l'emploi - naturellement dans le respect de leur statut respectif. L'ouverture, limitée et timide, mais positive, sur les services publics européens dans le traité d'Amsterdam est en soi le signe d'une demande renforcée de prise en compte de cette donnée majeure dans la construction européenne. C'est donc un point d'appui à saisir.
G. D'une façon générale, le refus de considérer le chômage comme une rançon inévitable de l'économie moderne grandit. Comment avancer réellement vers le plein emploi dans les conditions économiques de notre époque? Le PCF propose une option majeure à cet égard: l'établissement d'une sécurité d'emploi et de formation pour toutes et pour tous. A l'époque de la révolution des technologies, l'essor de la qualification, de la formation tout au long de la vie constitue le chemin obligé pour aller vers de meilleurs emplois, de meilleurs salaires, une place plus responsable des salariés sur le lieu de travail et dans la vie de citoyen. Nous proposons que la France se saisisse de cette possible avancée de civilisation, l'adopte pour elle-même, et s'en fasse le porteur auprès de ses partenaires européens. Chaque pas fait dans cette direction confortera la marche vers l'Europe sociale.
H. Enfin, il n'y a pas de pacte européen pour l'emploi crédible sans droits étendus pour les salariés: les déclarations générales ne sauraient suffire. Elles sont régulièrement démenties dans les faits, comme en ce moment même, en Grande-Bretagne tout particulièrement. Il faut des engagements précis et vérifiables de la part des gouvernements européens. Pour favoriser la généralisation et assurer le respect effectif des droits fondamentaux des salariés (ce qui renforce leur protection contre le risque de mise en concurrence), nous proposons que le Conseil européen des Chefs d'Etat et de Gouvernement soit tenu de publier chaque année un rapport détaillé sur l'état de la situation dans ce domaine, à partir des conclusions d'une Conférence annuelle des syndicats européens.
Il existe une directive sur l'information et la consultation des travailleurs. Il faut l'améliorer sensiblement dans le sens d'un accès aux informations stratégiques de l'entreprise, consultations réelles des salariés sur les choix à opérer et de l'exercice du droit de confronter des options alternatives à celle de la direction.
Nous nous prononçons dans cet esprit en faveur du développement des comités de groupes européens.
Un droit nouveau par excellence est celui d'intervenir sur l'utilisation de l'argent: la première étape doit être la transparence sur l'attribution des fonds régionaux, nationaux et européens aux entreprises, pour la création d'emploi et le développement de la formation. Tel est le contenu que nous proposons pour un pacte pour l'emploi la formation et la croissance, et je souligne à nouveau: chaque pas fait dans cette direction confortera la marche vers l'Europe sociale.
3. Une troisième proposition-cadre sur l'Europe sociale, vise à revaloriser la place et le rôle des principaux acteurs du mouvement social -syndicats, réseaux associatifs, élus- dans la construction européenne en général et les choix de la politique européenne de la France en particulier. C'est la proposition de constituer un Conseil consultatif national pour l'Europe sociale. D'une part, les représentants du mouvement social y retrouveraient, au moins une fois par an, les députés français au Parlement européen. Le but est de favoriser une concertation sur les grands dossiers bien avant que les décisions ne soient prises, ainsi qu'une évaluation de l'impact social de ces décisions, après-coup, sur la base de l'expérience vécue. D'autre part, ces mêmes représentants du mouvement social feraient entendre, au moins une fois par an, quelques exigences fortes, à la veille d'un débat annuel sur la politique européenne que nous estimons nécessaire au Parlement national. Comme pour les "Etats généraux de l'Europe sociale" évoqués tout à l'heure, des représentants de mouvements sociaux d'autres pays européens pourraient être présents, comme invités, aux travaux de ce Conseil consultatif national.
Europe démocratique
J'ai déjà évoqué plusieurs mesures concernant des institutions, dans la première partie de ce rapport, - révision des missions et des pouvoirs de la Banque centrale européenne, droits nouveaux des salariés et des citoyens, projet de Conseil consultatif national sur l'Europe sociale -tant sont indissociables l'action pour une Europe sociale et celle pour une Europe démocratique.
Dans l'actuelle construction européenne, l'essentiel des pouvoirs est exercé sans véritable contrôle démocratique. Elle se construit loin des sociétés, sans les citoyens, et sans projet susceptible de motiver leur engagement. Le respect de la libre concurrence et les critères de Maastricht ne sont pas de nature à solidariser les populations autour de buts communs. La question de la démocratisation des institutions européenne est une question-clé de la bataille pour une réorientation progressiste de la construction européenne.
1. Il y a d'abord la question de la place des citoyens dans le processus de construction de l'Europe.
J'en ai parlé. Je n'y reviens que pour mettre en relief trois propositions visant à parer l'idée insupportable selon laquelle tout serait toujours "bouclé" quand les citoyens prennent conscience de la portée concrète d'une décision. Les deux propositions suivantes ont donc pour but de permettre la réouverture du débat sur un texte européen dès lors que l'expérience vécue en fait sentir la nécessité. Elles conduiraient également à donner aux citoyens la possibilité d'obtenir qu'une proposition émanant de la "société civile" soit officiellement examinée dans les instances communautaires.
Le Comité économique et social européen -où siègent des représentants du monde syndical, patronal et associatif- pourrait disposer d'une sorte de droit d'alerte, qui suspendrait l'application d'une décision (une directive par exemple) pour en étudier l'impact (social ou environnemental notamment). Ce serait aussi une forme de revalorisation de cette instance, aujourd'hui trop formelle, car trop coupée des sociétés.
Un droit de pétition pour les citoyens. La collecte contrôlée d'un nombre donné de signatures (par exemple: 5% des citoyens majeurs si elles proviennent d'un seul pays; 3% si plusieurs pays sont concernés) donnerait droit à la réouverture d'une négociation dans les instances européennes (par exemple sur une directive dont les gens ont pris la mesure sur la base de l'expérience).
La troisième proposition nous est familière: le droit à l'organisation d'un référendum précédé d'un grand débat national permettant d'éclairer les enjeux, à chaque étape marquante de la construction européenne, et, en tout état de cause, pour l'adoption d'un traité.
2. Il y a, ensuite, la question de la reconquête de l'intervention politique et publique, face à la place exorbitante prise par les centres de décisions non élus, voire totalement indépendants des pouvoirs publics.
J'ai déjà évoqué le cas de la Banque centrale européenne face à laquelle le Conseil de l'euro n'est d'aucun contrepoids et vise plutôt à la protéger contre les critiques et les pressions des opinions publiques.
Une autre grande question est celle de la Commission, dont il faut réduire les pouvoirs. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne ses prérogatives en matière de politique de concurrence et de politique commerciale.
La Cour de justice des Communautés pose également une grave question puisque ses arrêts sont sans appel. C'est un problème à poser, tant sa marge d'interprétation des textes est large et ses jurisprudences ont souvent une portée concrète redoutable. Une institution judiciaire a ainsi le dernier mot sur des différents d'ordre politique. C'est une anomalie à corriger. En cas de litige, un Etat condamné devrait avoir, en guise de recours, la possibilité de saisir le Conseil des Ministres européens, à qui il appartiendrait de décider de rouvrir ou non le débat sur le dossier en question.
3. Il y a, enfin, l'articulation entre souveraineté nationale et partages de responsabilités à l'échelon européen.
Je pense que nous devons réaffirmer qu'à nos yeux, la souveraineté, en tant que liberté de chaque peuple de choisir son destin, est inaliénable. Et souligner avec tout autant de force, que non seulement des coopérations très poussées, mais des partages des responsabilités de grande portée, dans de nombreux domaines, en particulier économique, monétaire, politique, sont, de nos jours, incontournables. Ils sont librement décidés, maîtrisés, réversibles. Mais exigent la recherche permanente d'alliés et l'acceptation de compromis.
La question d'un mode de travail en commun efficace à 15 puis à 21 pays-membres est, posée, si l'on veut vraiment mener ensemble des politiques communes. En même temps, chaque pays doit pouvoir préserver, le cas échéant, des intérêts jugés vitaux. Aussi faut-il, selon nous, maintenir le droit de veto au Conseil des ministres européens, comme moyen de dissuasion vis à vis de toute tentation hégémonique, mais n'envisager de s'en servir qu'en tout dernier recours.
Une révision de notre propre Constitution est, par ailleurs souhaitable pour permettre au Parlement national -aujourd'hui largement tenu à l'écart des décisions concernant la politique européenne de la France- de donner un mandat d'orientation au gouvernement sur les grands dossiers européens. Ainsi, on apprend incidemment qu'au mois d'octobre prochain, le Conseil des Chefs d'Etats et de gouvernement des "Quinze" décidera la mise en place d'un plan de cinq ans sur l'harmonisation des politiques en matière d'immigration, de visa, de droits d'asile, de coopération judiciaire sans qu'aucun débat parlementaire ne soit prévu pour discuter des options de principes sur des sujets de cette importance et qui touchent directement les citoyens.
Le Parlement européen a gagné des prérogatives au fil des ans (vote du budget, codécision, avis conforme, "investiture" de la Commission). La question est maintenant qu'il les exerce au mieux, en particulier pour contrôler de plus près la Commission. Le pouvoir de contrôler l'exécution des décisions devrait également lui revenir, en coopération avec les parlements nationaux. Aujourd'hui, quelque 400 comités d'exécutions, composés exclusivement de fonctionnaires et de lobbystes, ont en charge le suivi des décisions de la Commission, hors de tout contrôle public et parlementaire. On se souvient du rôle joué par le " Comité vétérinaire" de la Commission européenne, au moment de la crise de la vache folle
Un développement des échanges entre parlements nationaux des Etats-membres serait hautement souhaitable. Non pour décider, mais pour confronter expériences et points de vue. Un organisme a été créé à cet effet (le COSAC). Mais les relations gagneraient à déborder largement de ce cadre. Des échanges analogues seraient à encourager entre les sociétés elles-mêmes.
D'une certaine manière, alors que chaque parti fourbit son concept entre "fédération", "confédération", "communauté" notre conception de la construction européenne s'apparenterait, quant à elle, à une union de nations souveraines et associées et à une union de peuples solidaires. Mais chaque formule a ses limites. La vie est bien plus riche que cela.
Europe solidaire et de paix
Et tout d'abord,
Entre les 15
1. Une mission par excellence de l'Europe est de permettre à ses pays-membres de Faire face ensemble aux défis communs.
Face à la stratégie hégémonique de plus en plus agressive des puissants groupes et lobbies des Etats-Unis, épaulés par Washington, il n'y a pas d'Europe sans défense solidaire de l'agriculture européenne ; pas d'Europe sans affirmation claire du principe d'exception culturelle ; pas d'Europe sans contre-offensive commune sur le plan de la maîtrise des nouvelles technologies.
Chacun sait que dans certains domaines, c'est même au niveau planétaire que doit s'exercer la responsabilité collective de la communauté internationale. C'est le cas de la défense de l'environnement et de l'action pour un développement durable. Nous proposons à cet égard une conférence européenne de suivi des engagements de la Conférence internationale de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre. Les Européens y ont pris des engagements solidaires, que tous les pays concernés sont loin de respecter. Nous nous situons là au cur du débat sur les choix énergétiques
Rapprocher les peuples, c'est aussi promouvoir les droits de l'homme. Dans ce domaine, l'Union européenne s'est longtemps sentie si proche de la perfection que les travaux du Parlement européen sur la situation des droits de l'homme dans le monde devait, par principe, exclure l'examen de la situation au sein de l'Union. Ce blocage est heureusement levé depuis longtemps. La défense des droits de l'homme en Europe, fait l'objet de nombreuses batailles, où les élu(e)s de notre groupe sont très engagés. Chaque année, un rapport spécifique sur les droits de l'homme au sein des Quinze y est réalisé. Depuis 1997, les droits économiques, sociaux et culturels y figurent à leur tour. On y retrouve bien d'autres références qui nous sont familières. Dans notre action contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, les discriminations à l'embauche que subissent les immigrés, en faveur du droit de vote de tous les étrangers résidents aux élections locales et européennes, de l'abolition de la double peine, de la régularisation des sans-papiers qui en ont fait la demande, du droit d'asile nous avons donc des points d'appui importants.
Et ils sont utiles, car il reste beaucoup de pain sur la planche! Ainsi, en ce moment même se discute un texte de la Commission européenne sur l'accueil des ressortissants extérieurs à l'Union, qui préconise explicitement la priorité à l'embauche pour les résidents sur les non-résidents. Et le seul amendement que proposent - en commun l- es deux principaux groupes du Parlement à ce texte est la reconnaissance, en plus, du principe de quotas d'immigration Manifestement, l'esprit de Schengen produit les effets pervers que nous redoutions d'emblée, en rejetant cet accord et en en demandant la renégociation.
Naturellement, l'action solidaire de l'Europe doit également s'exercer,
Vis à vis du reste du monde
1. Cela nous renvoie tout d'abord à la question cruciale de L'organisation du continent européen. La perspective de l'élargissement de l'Union européenne se heurte à de profondes contradictions. La date en est reculée au fur et à mesure, créant des frustrations dans les pays-candidats, sans que ne se dissipent les angoisses dans certains pays-membres. Les pays "recalés" sont marginalisés. Avec les autres, les négociations sont celles du pot de fer contre le pot de terre. Ces pays sont sommés de reprendre tout "l'acquis communautaire", autrement dit le noyau dur de la logique néolibérale que nous combattons pour nous-mêmes.
Nous pourrions proposer la tenue d'un forum de toues les nations du continent, avec l'Union européenne, pour examiner d'égal à égal -de façon spécifique avec les pays candidats à l'entrée dans l'Union, mais également, dans des conditions appropriées, avec tous les autres- les problèmes qui appellent des solutions à construire ensemble (problèmes de développement, problèmes institutionnels, problèmes de prévention de crise, problèmes de sécurité). Ce serait aussi l'occasion de revitaliser, en l'adaptant à la période nouvelle, l'OSCE, face à l'OTAN, dont tout justifiait la dissolution il y a déjà dix ans, tandis qu'était tournée la page de la "guerre froide", et qui, aujourd'hui, s'élargit, se renforce et affiche à l'occasion de son 50ème anniversaire, en avril prochain, la prétention de s'ériger en maître absolu sur le continent.
Dans le cadre de ce forum, à l'approche de l'an 2000, un état des lieux de tous les accords de désarmement qu'il reste à signer, à ratifier et à appliquer par l'ensemble des pays européens serait, en outre, le bienvenu. L'entrée en vigueur récente du traité d'interdiction des mines antipersonnel - après le traité sur l'interdiction des armes chimiques et bactériologiques, le traité de non-prolifération nucléaire, le traité d'interdiction des essais nucléaires et le traité instituant diverses zones exemptes d'armes nucléaires - est venu rappeler utilement que des acquis notables, fussent-ils souvent insatisfaisants, ont été obtenus dans ce domaine si crucial pour la paix, la sécurité et le développement.
Et puisque nous sommes à la veille de la reprise de la Conférence sur le Kosovo, -que nous saluons comme une initiative européenne constructive- je réitère notre souhait le plus vif que cette tentative de solution politique débouche positivement. Nous récusons en revanche la propension systématique des dirigeants américains à vouloir imposer la paix par la guerre -sauf quand le pays oppresseur est un membre éminent de l'OTAN, prêt à accueillir sur son sol les bombardiers du Pentagone destinés à "tenir" la région du Golfe. L'Europe a décidément tout à gagner à s'émanciper d'un tel "tuteur" et à fonder sa sécurité sur de tout autres choix.
Les relations Europe-pays du Sud constituent un autre enjeu majeur: l'Union européenne entretient depuis près d'un quart de siècle des relations qu'elle qualifie de "privilégiées" avec un nombre croissant de pays en développement, parmi lesquels la totalité des pays d'Afrique, au Sud du Sahara. La convention qui lie l'Europe à ces pays, appelée Convention de Lomé, doit être renouvelée en l'an 2000 pour une durée de cinq ou dix ans. Les négociations engagées à cet effet sont présentement bloquées et ne reprendront qu'au mois de juillet. L'une des raisons de ce blocage est la contradiction fondamentale qui oppose l'obsession de la libéralisation des échanges tous azimuts, à laquelle l'Europe a souscrit dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et les exigences du développement -donc de relations préférentielles- des pays africains.
L'heure n'est donc pas à l'ouverture, en 2005, d'un processus de libre-échange comme le proposent les "Quinze". Comme l'avait indiqué Robert Hue, lors du Forum franco-Africain de Ouagadougou en 1997, l'heure est à l'aide à la promotion des capacités humaines de ces pays -l'alphabétisation et la formation, l'éducation, la santé, le logement. Elle est à l'aide au développement de leur agriculture et de leur agro-industrie pour atteindre l'autosuffisance alimentaire. Elle est au développement des infrastructures : les routes, le rail, l'irrigation, l'électricité. De quoi faire vivre de multiples et fructueuses coopérations Nord-Sud, qu'une annulation de la dette et une aide financière adaptée doivent conforter. Nous nous prononçons donc pour une reprise des négociations sur l'avenir de Lomé sur des bases nouvelles, répondant aux attentes fortes à l'égard de l'Europe de ces peuples amis. Nous appelons également les Etats-membres à un sursaut en matière d'aide publique au développement qui, ces dernières années, s'est littéralement effondrée!
L'autre priorité de l'Europe dans ses relations avec les pays du Sud, c'est la Méditerranée. Le conflit du Proche-orient constitue le principal obstacle au développement de ces relations si nécessaires. Nous pensons le moment propice à un signal fort de l'Union européenne en direction du peuple palestinien. Le 4 mai prochain s'achèvera la période intérimaire couverte par les Accords d'Oslo. Mais bien des problèmes demeurent : les colonies, les réfugiés, Jérusalem... et la vie quotidienne en Paslestine, tout simplement. A Gaza, le courant est coupé durant 4 heures par jour. "Qui peut nous aider" se demandent les Palestiniens, une fois encore trompés par le Président américain. Les regards se tournent vers la France, vers l'Europe. Tout ce qui contribue au développement des territoires est bienvenu. Et même toute marque de respect et d'amitié est appréciée. Sachons répondre.
Parmi les interlocuteurs privilégiés de l'Union européenne dans le Sud figurent également ce qu'on appelle à Bruxelles les "régions ultrapériphériques" parmi lesquelles il y a les départements et territoires d'outre-mer. Depuis plusieurs mois, le rôle de l'UE par rapport aux pays d'outre-mer est mis de nouveau en relief à propos de leurs productions agricoles -en particulier la banane. Face aux attaques brutales des Etats-Unis, la résistance européenne, France exceptée, n'est pas au niveau nécessaire. Or, il faut préserver ces productions et donc leur écoulement pour éviter une ruine qui serait désastreuse pour chacun de ces pays.
Mais il faut aussi, et de façon indissociable, que ces pays de l'outre-mer, qui ont d'évidentes communautés de problèmes et d'intérêts en même temps que des réalités spécifiques à chacun, puissent assumer la responsabilité de leur destin. C'est pourquoi, nous réaffirmons le droit de leurs peuples à l'autodétermination. Il faut engager sans a priori des discussions avec chacun d'eux, pour décider ensemble des évolutions institutionnelles susceptibles de favoriser un développement économique et social de ces pays.
Telle est aujourd'hui le souhait de ces peuples renforcés en cela par les récentes avancées que les luttes du peuple Kanak ont obtenues par les accords de Nouméa et leurs suites.
Le rôle de l'Europe dans le monde
Plus généralement, avant d'évoquer le rôle que l'Europe a à jouer dans le monde, permettez-moi de citer un extrait du dernier rapport du programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) qui devrait constituer l'une des références éthiques permanentes des "décideurs" européens, "largement plus d'un milliard de personnes sont dans l'incapacité de satisfaire à leurs besoins essentiels de consommations. Sur les 4,4 milliards d'habitants que comptent les pays en développement, près des trois cinquièmes sont privés d'infrastructures sanitaires de base. Près d'un tiers n'ont pas accès à l'eau potable. Un quart ne disposent pas d'un logement correct."
Et puis, ne l'oublions pas: parmi les fléaux de notre époque contre lesquels il est impératif que chaque pays, l'Union européenne, la communauté internationale en général se mobilisent davantage, il y a le Sida. Il faut le rappeler: plus de 33 millions de personnes sont infectées à l'échelle de la planète. En l'absence d'un engagement sans précédent des Etats, des organismes internationaux et de l'industrie pharmaceutique pour l'enrayer, des populations entières vont disparaître. Dans ce domaine précis, nous proposons un doublement immédiat du budget que l'Europe consacre à la lutte contre le Sida, en particulier en faveur de la recherche thérapeutique et la recherche vaccinale. L'Europe a, en outre, un rôle à jouer dans la mise en place de règles éthiques, en particulier pour l'accès universel au futur vaccin.
Autant de situations d'urgences qui fixent à contrario, l'une des missions à assigner à l'Europe dans le monde: renforcer son poids économique et son audience politique pour aider les pays qui le souhaitent à relever les défis auxquels ils sont confrontés, à sortir du face à face traumatisant avec les marchés financiers et la superpuissance américaine; non pas s'engager dans une rivalité de domination avec le dollar, mais peser de tout son poids pour réformer en profondeur le système monétaire et financier international; intervenir -elle qui, unie, pèse sensiblement plus lourd que les Etats-Unis au sein d'une institution comme le Fonds monétaire international- en faveur de nouvelles règles et de nouvelles valeurs sur l'échiquier planétaire. Et aussi s'attacher à valoriser et à démocratiser le système des Nations-Unies. Il faut que l'Europe se dresse résolument contre les politiques unilatérales et les logiques de force qui ne résolvent aucun problème, qui contribuent à l'exacerbation des tensions et pèsent durement sur les populations. Sait-on que la politique américaine de sanctions -dans des conditions certes diversifiées- ne concerne pas moins de 35 pays et 2,3 milliards d'individus? L'Europe vient d'en faire elle-même, une fois de plus, l'expérience avec le coup de force de Washington sur la banane. Du point de vue de la conduite des affaires du monde moderne, c'est un non sens. Nombre de peuples attendent de l'Europe qu'elle marque clairement sa différence.
Nous avançons, de ce point de vue, l'idée d'une initiative marquante dont l'Europe pourrait être à l'origine, au tournant du millénaire: celle du lancement d'un "programme international d'action pour la sécurité et le co-développement", qui constituerait un bel exemple réussi de "politique extérieure et de sécurité commune" sans embargo ni canonnière. En donnant en particulier à ces pays-partenaires les moyens de se former et d'acquérir nos technologies, elle favoriserait d'un même mouvement, leur développement et le nôtre tout en consolidant la paix.
Chers camarades,
Ce rapport, fruit d'un travail collectif large et dense, n'avait naturellement pas pour objectif de dresser un inventaire exhaustif de nos analyses et de nos propositions sur l'Europe. Il visait, à partir de ce que nous sentons monter comme aspirations de la société, à illustrer notre projet "europrogressiste". Il visait aussi à faire apparaître pourquoi et en quoi la situation nous conduit à l'attitude offensive, conquérante qui est la nôtre aujourd'hui, sur ce terrain qu'on redoutait quelque peu naguère et où nous pouvons nous sentir très à l'aise à présent. Il visait en un mot à affirmer une vraie ambition politique: nous voulons apporter une contribution décisive à la mise en mouvement de ce courant, à la fois constructif sur l'Europe et profondément antilibéral que nous sentons tous et toutes grandir autour de nous.
Au regard de cette ambition, la démarche inédite dont notre parti a su prendre l'initiative pour constituer la liste en vue de l'élection européenne, et la composition effective de cette liste -de la première à la dernière place- créent des conditions réellement exceptionnelles -au sens littéral du mot- et, à mes yeux, enthousiasmantes, pour la belle bataille que nous nous apprêtons "tous ensemble" à engager.
Chacun d'entre nous mesure bien tout ce que la campagne pour les élections européennes du 13 juin, avec la liste telle qu'elle vient de se constituer, aura d'inédit, de stimulant et, j'en suis convaincu, d'enthousiasmant.
C'était particulièrement perceptible hier, à Bercy, quand l'annonce des quatre-vingt-sept candidates et candidats révélait une impressionnante somme de compétences et de générosité, un formidable investissement humain dans une volonté commune de faire entendre une parole nouvelle en politique, pour faire bouger l'Europe.
Nous avons fait ce que nous avions dit: une liste constituée non par un "appareil" disposant des candidats selon de savants dosages, mais par quatre vingt-sept hommes et femmes décidant de se rassembler dans le respect de l'apport original de chacune et chacun. Avec une forte détermination à mener ensemble une campagne dynamique, novatrice, libératrice d'énergies, de créativités qui ne demandent qu'à s'exprimer. Dans le plaisir partagé de faire de la politique autrement, loin des schémas traditionnels dans lesquels les citoyens se reconnaissent de moins en moins.
Le "manifeste" adopté par la liste est à son image. A l'image des "87", dans leur diversité et dans leur cohérence. C'est bien "le manifeste des 87".
C'est l'expression d'une volonté commune, affirmant à la fois "le besoin de l'Europe" et le besoin de la bouger.
C'est aussi un constat partagé par ces hommes et femmes eux-mêmes représentatifs de millions d'autres en France et dans d'autres pays européens -car c'est une originalité de la liste que de s'être ouverte à des candidates et candidats d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne. Le constat que ce qui les rassemble c'est -je les cite- que leur commune volonté euroconstructive, leurs expériences professionnelles, leurs luttes pour transformer le cours des choses, leurs vies mêmes "se heurtent chaque jour aux dogmes régnants du libéralisme". Et, inséparable de ce constat, la conviction que c'est à partir des exigences du mouvement civique et social, en France et en Europe, qu'il faut réorienter la construction européenne, avec de fortes priorités sociales, humaines et citoyennes.
Le manifeste des quatre-vingt-sept, c'est également l'accent mis sur la portée même de leur rassemblement dans une liste à double parité. Ils ont tenu à souligner que c'est à plus d'un titre un événement marquant.
Parce que le Parti communiste en a pris l'initiative.
Parce que c'est une avancée vers une autre façon de faire la politique, un autre rapport à la politique et au suffrage universel pour des hommes et des femmes engagés dans un mouvement social et citoyen qui s'est développé ces dernières années souvent en réaction, voire en opposition à "la politique" telle qu'elle est faite, décidée et pratiquée.
Parce que -permettez-moi de les citer encore- le succès de cette liste à double parité signifiera "qu'il y a des citoyens résolus à ne laisser qui que ce soit -fût-ce la gauche plurielle- décider et gouverner seul; des citoyens attentifs à proposer, orienter, peser, inventer au plus près des luttes, des solitudes, des inquiétudes et des rêves des gens".
Tout le monde l'a noté: ce manifeste porte dans sa rédaction même la marque de l'apport d'hommes et de femmes qui ne sont pas membres du Parti communiste. En même temps, les communistes s'y retrouvent pleinement, parce qu'ils sont eux-mêmes investis dans le chantier du changement, avec beaucoup d'autres, et parce que ce manifeste est l'expression de valeurs, d'exigences de justice, d'égalité, de dignité, de citoyenneté, de contestation du libéralisme qui sont pour eux essentielles.
Les interventions des membres du Conseil national l'ont montré: il n'y a aucune contradiction entre cette base commune et les raisons d'engagement des communistes. Tout au contraire c'est un puissant révélateur que notre propre effort de réflexion sur les conditions de la transformation de la société est en résonance -pour autant que nous sachions le porter au bout- avec des courants profonds de sensibilité, de réflexion et d'action, qui traversent cette société.
C'est parce qu'il valorise l'apport singulier des uns et des autres que le Manifeste offre une base commune solide. Ce qui fait la force de sa cohérence c'est qu'elle ne résulte pas d'un compromis politicien dans lequel chacun devrait écarter ou occulter une part de soi-même pour pouvoir se retrouver avec les autres. Au contraire, elle demande à chacun de donner le meilleur de lui-même pour enrichir et dynamiser la volonté et l'action communes. C'est dans cet esprit que notre Conseil national a travaillé pour orienter la campagne que vont mener les communistes jusqu'au 13 juin prochain.
Dans le rapport qu'il a présenté ce matin, Francis Wurtz a développé devant le Conseil national un ensemble de propositions originales, réalistes et audacieuses, qui témoignent du travail accompli par le Parti, par la commission chargée de préparer le Conseil national enrichi par les contributions de nombreux communistes, et les auditions de personnalités très diverses. Nous avons là pour nourrir l'apport propre des communistes un matériau vivant, dynamique, des arguments et des idées qui s'inscrivent totalement dans la démarche de la liste.
Trois mois presque jour pour jour avant l'échéance du 13 juin, je suis sûr de traduire le sentiment du Conseil national en soulignant que les conditions sont réunies pour une grande campagne électorale. Une campagne confiante et enthousiasmante, mobilisant des énergies et des forces importantes bien au-delà du parti lui-même.
Le point de départ de notre campagne, c'est bien sûr l'affirmation offensive de notre choix pro-européen, euroconstructif. Oui les communistes, parce que communistes, c'est-à-dire anticapitalistes et partisans de la solidarité des être humains et des peuples, veulent agir pour "une Europe de progrès social, humain, démocratique. Une Europe du co-développement de nations décidant souverainement de partager leurs efforts et leurs destins. Une Europe de la sécurité, de la paix, de l'entente entre les peuples. Une Europe de l'ouverture aux autres pour une mondialisation de la solidarité prenant le pas sur l'actuelle mondialisation de la guerre économique. Une Europe contribuant à un développement harmonieux, humain, durable, léguant aux générations futures une planète où elles auront plaisir à vivre, et dont elles pourront maîtriser l'avenir". Une Europe forte qui affirme face aux Etats-Unis un modèle social moderne, rompant avec les dogmes de l'ultralibéralisme.
C'est dans le droit fil de notre opposition à Maastricht, au pacte de stabilité, à la domination des marchés et aux politiques libérales menées en Europe que nous sommes aujourd'hui engagés dans un mouvement qui permette de faire avancer d'autres priorités, celles du progrès humain, de l'égalité, de la valorisation des atouts et du meilleur de ce que chaque nation et chaque peuple peuvent apporter à l'Union.
C'est la voie de l'efficacité. Celle qui peut permettre de faire réellement reculer le fatalisme, le sentiment d'impuissance, et d'offrir une perspective aux résistances, à ceux qui sont profondément favorables à l'Europe parce qu'ils y voient un espace de solidarité et qui, pour cette raison même, sont tout aussi profondément hostiles au libéralisme.
Ce choix d'une espérance pour l'Europe, comme dit le manifeste, est un appel à intervenir, à être partie prenante du débat pour infléchir les choix politiques. Tout ce qui bouge en Europe -et en France- ces dernières années nous conforte dans cette orientation. La présence dans la liste d'acteurs du mouvement social d'autres pays a valeur de témoignage de cette volonté de se rassembler pour réorienter la construction européenne.
Avec cette démarche euroconstructive, comme avec la double parité, nous mettons nos actes en conformité avec notre discours sur la nouvelle fonction communiste, telle que nous l'avons débattue dans nos derniers congrès.
En sortant des sentiers battus, en permettant à la société civile de faire irruption en tant que telle dans la vie politique française, nous avons bousculé la donne. En prenant l'initiative, nous avons contribué à un début de redistribution des cartes et les forces de progrès peuvent prendre la main.
Il n'y a pas si longtemps la plupart des commentateurs imaginaient un Parti communiste sur la défensive, traînant les pieds, faisant le dos rond dans l'attente d'une élection où il aurait bien du mal à se faire entendre.
Et c'est du Parti communiste qu'est venue la surprise. C'est de la liste dont le secrétaire national du Parti communiste est le premier candidat que vient la nouveauté. Et l'intérêt suscité en dit long sur les attentes et la recherche de voies nouvelles pour combler de fossé qui se creuse entre la politique et la société.
Par sa conception, la liste contribue à redonner ses lettres de noblesse à la politique, accordant la primauté à l'intervention des citoyens eux-mêmes dans un champ, perçu trop souvent et légitimement comme le lieu des calculs opaques, des dosages d'intérêt.
Nous avons beaucoup réfléchi aux réponses à apporter à la crise de la politique, à la nécessité de prendre des initiatives pour retisser le lien rompu entre les citoyens et la vie politique. Nous avons insisté sur la nécessité d'une dynamique majoritaire de changement pour la réussite de l'expérience de la gauche plurielle, une dynamique alimentée par la recherche d'un nouveau partenariat entre le mouvement social et les forces politiques de gauche.
Notre initiative pour cette liste et cette campagne inédites va, en ce sens, bien au-delà de la seule période électorale. C'est l'expression d'un choix stratégique et de l'identité communiste d'aujourd'hui.
Comme un signe de confiance, la campagne de la liste initiée par les communistes fédère et réveille des volontés disponibles. Nous en avons eu des témoignages remarquables hier à la réception organisée à l'occasion de l'acte fondateur de la liste. Et ceci n'est encore sans aucun doute que la partie émergée d'un mouvement plus vaste, plus profond, et qui ne demande qu'à s'exprimer.
Quand je parle d'une nouvelle manière de faire de la politique, je pense tout autant au plaisir qu'on peut avoir à participer à une campagne tonique qui bouscule les rituels convenus, les cadres soigneusement délimités, les codes pour initiés. Nous aurons une campagne sérieuse, mais aussi une campagne joyeuse. Je crois que nous pouvons être heureux d'en être, et fiers d'y être pour quelque chose.
Loin de nous, évidemment, l'idée qu'un bon résultat serait acquis d'ores et déjà. Mais reconnaissons que nous engageons la campagne avec quelques atouts sérieux. On nous voyait faire le dos rond. Nous affichons des ambitions. On attendait de nous un discours frileux, eurosceptique et terne. Nous affirmons un projet euroconstructif. On nous imaginait isolés, voire marginalisés. Nous proposons une liste dynamique et ouverte. Et les commentateurs, au départ les plus réticents, reconnaissent qu'un bon résultat bousculant les prévisions, est parfaitement envisageable.
Il faut garder la tête froide. Mais l'optimisme en l'occurrence n'est pas l'ennemi de l'efficacité. A nous de savoir transformer les potentialités en réalité, afin que le 13 juin au soir le résultat soit à la hauteur de ce qui aujourd'hui paraît tout à fait accessible.
Pour une part essentielle, je souhaite y insister, le succès dépend de l'engagement des militantes et des militants communistes. Il dépend d'abord de leur investissement personnel partout, là où ils habitent, sur leurs lieux de travail, pour mener la campagne active de la liste avec leur apport original, leurs idées, leurs propositions. Cela demande de grands efforts, beaucoup de disponibilité, des mesures d'organisation. J'allais dire, c'est le minimum Mais aussi le succès dépendra de notre capacité à faire la démonstration dans la vie, dans chaque initiative, de la nature et de la qualité de notre démarche.
La campagne des communistes doit exprimer par son originalité, cette façon nouvelle de faire de la politique. Le souffle de la liste "fondatrice de pratiques politiques nouvelles", associant dans leur grande diversité tous ceux qui s'y reconnaissent, suscitant l'initiative, libérant des énergies, ce souffle doit traverser toute la campagne. L'esprit de la double parité doit être visible dans la conception des initiatives, dans la manière de s'adresser à celles et ceux qui nous regardent avec intérêt.
Des millions de Françaises et de Français sont dans l'attente. Ils demandent à voir. Et s'ils voient qu'effectivement ce que nous faisons et ce que nous proposons correspond à ce que nous disons, alors ils peuvent franchir le pas et retrouver ou trouver le goût de la politique, notamment les jeunes.
Depuis l'annonce de la constitution de la liste, je reçois quantité de courriers qui me disent: "si vous faites réellement ce que vous affirmez, alors je retournerai voter, et je voterai pour cette liste".
C'est pour une part ce qu'expriment les sondages à trois mois des élections. Ils nous placent à un niveau jamais atteint depuis longtemps à une telle distance de l'échéance.
Mais, plus que sur ces enquêtes d'opinion, notre confiance est fondée sur le potentiel de mobilisation des communistes qui ont envie que ça marche, qui sentent le succès à portée de main. Elle est fondée aussi sur l'engagement des femmes et des hommes, pour beaucoup communistes de cur, qui voient s'offrir réellement l'opportunité, en étant totalement eux-mêmes, de raccorder leur engagement associatif, syndical, féministe, antiraciste, pacifiste, de solidarité avec les peuples du monde, avec un combat politique dans lequel jusqu'ici ils ne se reconnaissent pas, voire qu'ils rejetaient.
Beaucoup alors va dépendre de la manière dont nous allons mener la campagne, des efforts d'innovation, de la façon dont nous allons y associer cette force vive, ce courant que j'ai évoqué longuement et qui s'exprime à travers la liste.
Je suis certain d'exprimer le sentiment du Conseil national et des communistes en disant que si nous faisons ce qu'il faut, alors il y aura des surprises le 13 juin. De bonnes surprises. Pour le combat en faveur d'une construction européenne de progrès social et humain. Pour la vie politique et le changement en France. Donc pour les Français dans leur vie quotidienne. Et aussi pour les communistes, pour le Parti communiste. Pour son audience. Pour la poursuite et la réussite de sa mutation. Pour son efficacité dans le combat pour que bouge l'Europe, pour construire du neuf en France et en Europe.
Eric Dubourgnoux indique que la consultation des communistes du Puy-de-Dôme s'est faite à l'occasion de diverses réunions (assemblées de remises de cartes, assemblée départementale, conférence sur le thème de l'Europe), avant que le Comité fédéral ne porte son appréciation et ne décide la publication d'un journal fédéral. Pour l'orateur, le Parti communiste doit bien s'expliquer sur la démarche qui, prenant en compte les évolutions de la société, l'a amenée à proposer la double parité. A cette condition, il se dégage un large accord des communistes, mais aussi de très fortes oppositions, minoritaires toutefois.
Ce constat le conduit à regretter la période trop courte laissée pour mener ce débat, qui aurait permis aux communistes de "mieux s'approprier l'illustration concrète, avec la composition de la liste, de notre démarche d'action au coeur de la société". Ainsi, le travail et la réflexion menée dans le Parti sur "tout ce qui a trait à l'utilisation de l'argent" se traduit notamment par la candidature de Nadine Garcia. Cette clarification est d'autant plus importante que la difficulté à ancrer l'Europe à gauche est grande. La démission d'Oskar Lafontaine en Allemagne et les craintes des orthodoxes de la pensée unique, quand sont menées des luttes comme celles des "métallos" allemands, en sont une nouvelle illustration. La situation originale de la France, avec un Parti communiste français au gouvernement, peut être perçue par les "intégristes de la monnaie unique" comme un obstacle à leur volonté de voir l'Europe tirer les nations vers le bas et une aide pour tirer l'Europe dans le sens social.
Tout cela doit inciter les communistes à créer les meilleures conditions pour être en phase avec tout ce qui bouillonne dans la société et à trouver le moyen d'impliquer les 80% d'électeurs inscrits qui ne votent pas à gauche. Pour Eric Dubourgnoux, la période historique qui va de 1934 à 1947 constitue une bonne référence. Elle montre que la démarche audacieuse actuelle pour la constitution de la liste n'est pas entièrement nouvelle. En effet, durant cette période, le parti avait largement progressé aux élections du fait notamment de son ouverture politique, avec la "main tendue" aux catholiques, le rassemblement contre le fascisme, le Front populaire, la Résistance, son rayonnement parmi les intellectuels, tout cela malgré la "chape" de la 3ème internationale.
Cette période produit aujourd'hui encore des effets sur la place du Parti communiste dans la société française et participe de son identité. Après s'être appuyé sur l'exemple des évolutions de la multinationale Michelin et des luttes qui s'y mènent, Eric Dubourgnoux insiste sur la nécessité de s'ouvrir toujours plus vers l'extérieur, sinon le risque est grand "d'un repli identitaire fatal". C'est encore plus vrai pour nos organisations, surtout celles qui sont dans les entreprises car "on n'avancera pas avec un forcing intra-muros". Des liens doivent se créer avec tous ceux qui représentent la société pour enrichir le débat et inverser la tendance à la fatalité, donner aux gens la possibilité d'être pleinement citoyen. Ceci est tout le contraire de "l'auberge espagnole".

Bernard Calabuig retrouve dans le rapport les termes du débat qui a eu lieu, dans le Parti et au-delà où s'exprime une grande satisfaction. "Nous avons eu plus qu'une consultation, une vraie discussion qui a permis une plus grande appropriation de notre stratégie. Nous prolongeons sur le terrain électoral la fonction communiste que nous entendons exercer dans la société. Nous le faisons en prenant en compte la profondeur de la crise de la politique. Avec notre liste, nous offrons la possibilité aux acteurs des mouvements sociaux d'investir le champ de la politique sans risque d'être récupéré", note l'orateur.
"Nous défrichons avec audace une pratique moderne de la politique", poursuit-il: "dans le Val d'Oise aussi, des camarades ont comparé cette démarche avec celles du Front populaire et de la Résistance. Nous avons engagé la constitution d'un comité de soutien et d'animation qui contribuera à l'élaboration, à l'animation, à la direction de la campagne".
Bernard Calabuig évoque ensuite quelques uns des "questionnements des communistes". "Sur l'identité communiste, le débat a montré qu'à l'inverse d'une dilution, nous faisions vivre une identité moderne en répondant aux défis de notre temps. Sans rien renier de notre opposition à Maastricht, à Amsterdam et au pacte de stabilité. Mais notre opposition se veut constructive. Nous avons un projet européen qui n'est pas un prêt-à-porter à imposer, mais des propositions à enrichir dans le débat, dans les luttes".
D'autres interrogations portent sur la liste elle-même. "Antilibéral et euroconstructif, c'est suffisamment explicite pour dire que la liste aura un contenu", souligne l'orateur, avant d'ajouter: "Des réserves ont porté sur tel ou tel candidat. Mais la vie règle de faux débats. Quand Geneviève Fraisse parle de la parité, les communistes s'y retrouvent bien. Certains craignent la cacophonie. Je pense au contraire que cette diversité contribuera à l'enrichissement mutuel. Enfin, la présence de candidats d'autres pays européens ne me paraît pas relever d'une dérive fédéraliste que nous rejetons clairement, mais de l'expression de la volonté de rassembler les forces progressistes pour contribuer réellement en France et en Europe à réorienter la construction européenne".
Pour conclure, "je veux dire que la richesse du débat doit permettre d'entrer rapidement en campagne avec confiance. On parlait autrefois d'un type d'élection difficile. Aujourd'hui, l'enjeu est l'ampleur de la progression de la liste conduite par Robert Hue. Depuis janvier, nous avons rassemblé 3500 personnes dans 98 réunions tenues sous des formes diverses. Nous voulons en tenir 400 d'ici le 13 juin qui s'ajouteront aux initiatives départementales et régionales, donnant une campagne de proximité, visible et enthousiaste".

Joël Carliez aborde tout d'abord la consultation des communistes. Il indique qu'il ne considère pas le débat engagé comme clos. "Il nous appartient de contribuer encore à le pousser le plus loin possible et avec le plus grand nombre possible de communistes", estime-t-il.
Il explicite ce sentiment en insistant sur les efforts qu'il a fallu fournir, dans chaque fédération, pour informer le maximum de communistes des propositions et des positions du Comité national. Des efforts qui, souligne-t-il, ont permis de "mieux se faire comprendre" et de progresser ensemble dans le respect mutuel et l'écoute des uns et des autres, alors que "cela n'allait pas de soi au départ". Il évoque ainsi le sentiment partagé par de nombreux camarades que "tout était déjà réglé", que la double parité proposée allait entraîner la dilution de notre identité. De plus, "bon nombre de camarades étaient choqués, dans un département qui a voté non à Maastricht à 60 %, lorsqu'ils entendaient dire que le PCF abandonnerait ses positions sur l'Europe par solidarité gouvernementale". Enfin, le doute et les impatiences qui grandissent chez des millions de femmes et d'hommes qui ne perçoivent pas le changement dans leur vie quotidienne amenaient l'idée chez certains communistes que le Parti ne faisait pas ce qu'il faut pour accélérer la mise en oeuvre des changements souhaités.
"Il a donc fallu beaucoup discuter, patiemment et sur le fond", insiste-t-il. Pour faire percevoir combien cette rencontre entre les communistes et ces personnalités était cohérente et, justement, constitutive de notre identité communiste moderne; combien cette liste était bien à la fois l'émanation du rejet des solutions, des politiques libérales et la prise en compte des aspirations exprimées dans les mouvements sociétaux afin de porter les grandes lignes d'une orientation progressiste de la conception européenne. "Cela est vrai aussi vis-à-vis du respect des positions des uns et des autres sur l'expérience gouvernementale en cours", ajoute-t-il. "C'est ainsi que nous avons bien fait percevoir l'affirmation sans ambiguïté de notre choix européen sans rien renier de notre opposition résolue à Maastricht, au Pacte de stabilité, à la domination des marchés financiers en Europe. Ces propositions n'ont rien de conjoncturel. Elles constituent une réponse concrète à la crise de la politique, en associant toutes celles et tous ceux qui le souhaitent. C'est bien d'une initiative audacieuse, gage d'ouverture sur la vie et la société qu'il s'agit. Un acte fort, comme ceux que notre parti a su faire à plusieurs reprises dans son histoire, comme en 1936 ou à la Libération.
Joël Carliez se dit persuadé que la double parité va marquer notre parti et notre pays tout en enclenchant une réelle dynamique. Il évoque ainsi l'initiative tenue avec Robert Hue à Amiens à l'invitation de monsieur Martelle, le plus grand libraire de la ville, à l'occasion d'un des "jeudis du livre". Les 400 personnes rassemblées à cette occasion -dont un bon nombre à l'invitation commune du libraire et de Maxime Gremetz-, les répercussions médiatiques (deux pages dans le "Courrier Picard", la couverture par France 3 Picardie) ont aidé les communistes dans la prise en compte des potentialités.
"Tout cela montre bien qu'une véritable dynamique est en train de naître. L'accueil chaleureux réservé à Robert et à Maxime a montré que nous sommes passés du scepticisme à un véritable climant de confiance. En témoignent également les 201 livres dédicacés par Robert Hue, les 120 adhésions réalisées depuis le début de l'année, les 66 % de cartes remises", conclut-il.

Jean-Paul Jouary développe deux idées concernant la liste. Tout d'abord, il approuve sa composition qui concrétise pour la première fois ce qui constitue de plus de novateur et de plus prometteur dans notre mutation. Ainsi, en 1976, nous avons abandonné tout modèle et identifié communisme et démocratie. En 1985, nous avons reconnu le rôle décisif du mouvement populaire et placé l'écriture de l'avenir dans les mains de ceux qui agissent dans le présent. Puis, de proche en proche, nous avons défini le rassemblement à partir de la diversité des acteurs de celui-ci. Nous avons étendu cette logique au parti lui-même, en faisant de notre cohésion un résultat et non un préalable, à tous les niveaux. Le parti est devenu un outil politique au service de celles et ceux qui agissent contre tout ce qui opprime et exploite. Nous avons dépassé l'idée d'un communisme préconçu, d'un communisme propriété d'un parti et nous avons renoué avec l'idée de Marx qui définissait le communisme non comme modèle ou comme parti, mais comme processus universel de libération humaine, qui inclut donc tous ceux qui y concourrent en acte, sans forcément s'en réclamer.
La liste proposée pour les européennes manifeste ainsi l'ensemble des traits de notre mutation. En effet, le féminisme, l'antiracisme, la création artistique, la défense des plus démunis, la lutte contre les discriminations sexuelles, la lutte pour l'environnement, les luttes sociales pour le progrès humain sont du communisme en acte. Que ses acteurs soient membres ou non du PCF n'y change rien, le communisme c'est tout cela, et le PCF n'en est pas le propriétaire.
L'orateur, dans sa deuxième remarque, considère qu'il faut maintenant accorder les paroles aux actes. Si nous parlons à juste titre de parité hommes-femmes, il regrette que, "dans beaucoup de nos discours et dans notre presse, nous continuons à parler de parité communiste/ "non- communiste". Comme si, seuls les membres du PCF pouvaient être acteurs du communisme. Cela nous renvoie en arrière". Jean-Paul Jouary formule donc la proposition que nous bannissions cette expression de "non-communiste", qui est de nature à masquer ce qu'il y a de plus novateur et prometteur dans notre initiative, de nature à faire saisir le sens de notre visée communiste moderne. "Certes, ajoute-t-il, il ne s'agit pas de qualifier de communistes, à leur place, ceux qui ne sont pas adhérents du PCF. Autre chose est de décider à leur place qu'étant extérieurs au parti, ils sont extérieurs au communisme!".

Roland Foissac intervient à la suite de Jean-Paul Jouary et précise qu'il adhère totalement à ce qui vient d'être dit. Par ailleurs, il se félicite du rapport de Paul Lespagnol qui a pris soin d'évoquer les conditions politiques dans lesquelles nous lançons la campagne et qui n'a pas caché les inquiétudes, les doutes et les insuffisances pointées par de nombreux communistes dans la politique gouvernementale. Ainsi, "nous montrons que tout ce qui est dit par les adhérents est entendu. Ce que demandent ces communistes, ce n'est pas de "jeter le manche", ni de sortir du gouvernement, mais de porter une radicalité efficace et constructive pour être utile. Cette radicalité doit s'exprimer dans la campagne. Nous avons progressé dans notre capacité à écouter les communistes, il faudra progresser encore pour mieux les informer afin de créer les conditions d'un meilleur échange".
L'orateur souligne ensuite que nous avons toutes les raisons d'être confiants et offensifs. "Nous avons marqué des points importants et franchi un pas considérable avec cet acte politique majeur que constitue la liste à double parité. Il faut maintenant s'efforcer de sortir les communistes d'un état de pessimisme et de doute. Pour cela, il va nous falloir convaincre, poursuivre l'effort avec moins de timidité et plus d'audace pour tenir les 10.000 rendez-vous. Nous pouvons ainsi nous adresser de manière très large aux salariés, notamment dans les services publics. La remise des cartes est également un enjeu important". Enfin, l'intervenant partage l'idée que les comités de parrainage et d'animation de la campagne soient les plus ouverts possibles ce qui aura de bonnes répercussions pour un bon résultat le 13 juin et dans les mois à venir.

Martine Durlach réagit de la salle à l'intervention de Jean-Paul Jouary. Elle se dit d'accord pour cesser d'employer l'expression de "non-communistes". En revanche, elle n'est pas d'accord avec "l'idée que les anti-racistes, les féministes, par exemple, feraient du communisme sans le savoir. On ne peut pas décider à leur place de la manière dont eux-mêmes qualifient le sens de leur propre engagement".
Sylviane Ainardi estime, elle aussi, qu'"on ne peut pas décider à la place des hommes et des femmes qui seront présents sur la liste, s'ils sont ou non partie prenante du combat communiste".
Pour Charles Marziani, cela pose aussi problème de qualifier de "communistes" toutes celles et tous ceux qui participent du combat pour l'émancipation humaine. "Nous n'avons pas à décider à leur place".
Alain Lhostis partage, lui, totalement l'intervention de Jean-Paul Jouary. "Parler de non-communistes dans notre jargon, c'est parler de ceux qui participent de la visée communiste. On ne qualifie pas les socialistes ou les gens de droite de non-communistes", dit-il.
Jean-Paul Jouary reprend la parole et rappelle, de mémoire, ce qu'il a dit dans son intervention: "Il ne s'agit pas de qualifer de communistes, à leur place, ceux qui ne sont pas adhérents du PCF. Autre chose est de décider à leur place qu'étant extérieurs au parti, ils sont extérieurs aux communistes!". Pour lui, cela lève toute ambiguité.

Jean-Marc Coppola indique dès le début de son intervention, que pour ceux qui doute de la "remontée" vers le haut des opinions émises par les communistes, le rapport qu'a présenté Paul Lespagnol, leur apportera un éclairage intéressant. Il note que la consultation est appréciée par les communistes à condition qu'elle ne soit pas formelle et ne se réduise pas à un "on se réunit, on informe, on vote". Ce qu'attendent les communistes c'est d'être associé de bout en bout à la réflexion pour l'élaboration de nos choix. Tout cela exige une circulation de l'information, rapide et claire, des formes d'organisation adaptées aux réalités d'aujourd'hui. Il considère que la consultation organisée a permis de faire un bond en avant dans la qualité de vie du Parti et dans la mutation.
L'orateur, estime, lui aussi, que le processus de consultation des communistes a commencé il y a plusieurs mois, bien que beaucoup d'entre eux n'en n'aient pas perçu tous les éléments. Il observe ensuite que dans les Bouches-du Rhône, le contexte social et politique se tend, les attentes sont de plus en plus fortes sur l'emploi, avec un taux de chômage qui progresse encore, à l'inverse de la tendance nationale. Les créations d'emplois dans les PME-PMI ne compensent pas les suppressions dans les grands secteurs d'activités. Les inquiétudes, parfois la colère, grandissent, face à des perspectives telles que la fermeture de la mine de Gardanne d'ici à 2005, ou encore l'annonce par le groupe Elf de délocaliser un projet industriel créateur d'environ 1500 emplois. Comment, interroge-t-il, dans ce contexte, donner confiance en la politique ou persiste encore trop le manque de courage de s'en prendre à la loi de l'argent et à faire des réformes de structures comme nous le proposons?
Sans remettre en cause notre participation au gouvernement, monte, parmi les communistes, l'exigence que le Parti joue un rôle plus utile, plus efficace affirmant mieux des choix radicaux, faisant vivre nos propositions et prenant des initiatives qui mont rent la singularité de notre démarche et de notre projet. "C'est de confiance dont on besoin les gens pour se réapproprier la politique, c'est de confiance dont on besoin les communistes pour se sentir à l'aise dans le Parti. Cette confiance des communistes se ressent avec des participations plus grandes, avec des jeunes aux initiatives que nous organisons, avec parfois le retour de camarades que l'on ne revoyait plus". Pour l'intervenant, la campagne des élections européennes s'annonce avec une mobilisation sans commune mesure avec celle de 1994.
Jean-Marc Coppola souhaite alors dire un mot sur l'élection législative partielle d'Aubagne. Il note qu'elle se déroule sur fond de procédure judiciaire inéquitable, intolérable avec les pratiques d'une droite qui n'hésite pas à utiliser "les moyens les plus réactionnaires pour conquérir cette circonscription détenue par un député communiste depuis 35 ans". Le libre débat démocratique a du mal à émerger. Il observe que la mobilisation des communistes et bien au-delà des démocrates est beaucoup plus forte qu'en septembre mais qu'à une semaine du scrutin, il est difficile de faire un pronostic.
Revenant à la consultation des communistes dans les Bouches du Rhône, l'orateur constate qu'un accord global se dégage, avec des doutes et des inquiétudes, notamment celle-ci "n'allons-nous pas trop vite, trop loin par rapport aux consciences"? Mais les principales préoccupations ont porté sur la façon dont les communistes vont mener la campagne, sur leur rôle, sur leur place. L'idée du manifeste a donné confiance.
Concernant les candidatures, de nombreux camarades auraient souhaité un ou une candidat(e) en position éligible.
En conclusion de son intervention, Jean-Marc Coppola indique que la première grande initiative après le Conseil national, aura lieu le 16 mars sous forme d'un forum régional qui sera l'occasion de présenter publiquement les candidates et les candidats de la région et aussi de faire connaître notre projet pour une europe véritablement sociale et démocratique, qui, à n'en pas douter, tranchera avec le contenu des propositions des autres listes de gauche.

Rolande Perlican estime, en ce qui concerne la consultation des communistes, que ni le rapport, ni la discussion ne reflètent la réalité de ce qui se passe dans le Parti. Très nombreux, dit-elle, sont ceux et celles qui désapprouvent la conception de la liste, l'orientation de la campagne, la méthode qui consiste à dessaisir les communistes de leur participation aux décisions.
L'intervenante affirme que partout il existe une opposition importante, de plus en plus visible, des cellules, des sections, des camarades, qui expriment leurs désaccords: dans les Yvelines, les Pyrénées-Atlantiques, le Val-d'Oise, le Tarn-et-Garonne, le Morbihan, les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, la Meuse, le Nord, le Cher, le Calvados, les Hauts-de-Seine, la Haute-Savoie, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, à Paris. Dans le Rhône, elle précise qu'un secrétaire d'une section de grande entreprise a démissionné du comité fédéral, parce que sa section et lui-même ne sont jamais écoutés; dans l'Isère, et ailleurs des cellules ont exprimé leur désaccord, reprochant à leur direction de prendre des décisions arbitraires. Dans les Alpes-Maritimes, plus de cinquante camarades se réunissent au grand jour et expriment leur opposition à cette orientation.
Rolande Perlican interpelle ensuite directement le Conseil national, en lui faisant observer, qu'à son avis, il n'aborde pas cette réalité parce qu'elle dérange, et que les questions posées par tous ces camarades sont loin d'être tranchées, car la vie elle-même les pose au quotidien, de plus en plus fortement.
Elle appuie sa démonstration par deux exemples:
1. L'Europe: de plus en plus de Français, rapporte-t-elle, voient que cette Europe n'est pas le rapprochement entre les peuples auquel ils aspirent mais constitue un instrument aux mains des capitalistes soutenus par les gouvernements des pays européens avec, comme conséquence, tous les dégâts sociaux de plus en plus ressentis.
2. Il y a encore un an, la politique gouvernementale française bénéficiait d'un doute favorable, sans être euphorique, pour autant. La réalité a bien changé. Elle fait état d'un récent sondage qui indique que chez les sympathisants communistes, le soutien à Jospin est passé de 76% en septembre 98 à 49% en février 99, soit une chute de 27 points.
L'oratrice demande s'il est normal que le Comité national confirme dans la durée "la participation du PCF au gouvernement" et elle pense que le PCF n'est plus la force politique sur laquelle peuvent compter ceux qui refusent de subir, ceux qui veulent résister pour imposer des véritables changements. Les élections européennes pourraient pourtant être l'occasion d'un moment fort pour rassembler ceux qui n'acceptent pas la remise en cause des acquis sociaux essentiels, ceux qui veulent l'engagement de la France dans la voie du progrès social, de l'indépendance nationale, ceux qui veulent l'établissement de relations mutuellement avantageuses en Europe et, au-delà.
Pour elle, au contraire, la direction du Parti, au nom de la "mutation", s'oriente vers l'abandon de la lutte contre le capital, vers l'intégration à la politique européenne actuelle, renonçant par la même occasion à la lutte contre l'Europe de Maastricht... Elle critique fermement la décision d'abstention du groupe communiste (seuls 5 ont voté contre) sur le texte de loi concernant l'ouverture d'EDF à la concurrence...
Elle estime qu'en s'abstenant, le groupe communiste a torpillé le mouvement des électriciens (des milliers étaient descendus dans la rue pour dire non à cette loi) et a permis ainsi une victoire du capital. "Est-ce cela être le relais citoyen" interroge-t-elle? Cet abandon n'est pas un fait isolé, elle le relie, d'une part, au rapport de Pierre Blottin au dernier Comité national lorsqu'il évoque "la démarche stratégique", l'engagement du PCF dans la majorité actuelle et sa participation au gouvernement, sa stratégie que la direction entend pousser plus loin et, d'autre part, à l'abandon des principes d'organisation d'un parti communiste révolutionnaire. C'est la première fois, dit-elle, que le Parti est dessaisi des décisions qui le concernent lors d'élections: orientation de la campagne et composition de la liste.
Rolande Perlican appelle enfin le Conseil national à bien se saisir de ses responsabilités: ou il refuse l'orientation de la campagne et la conception de la liste et il commence à se resaisir, ou il approuve les propositions du Comité national et ce sera un grand pas de fait vers la collaboration de classe, l'abandon de la lutte contre le capital, avec les conséquences sévères pour le peuple français et l'avenir du Parti lui-même.
Elle prédit que l'affrontement politique va se développer à l'intérieur du Parti car nombreux sont les communistes qui veulent garder un parti révolutionnaire.
Elle réaffirme son opposition résolue à l'orientation de la campagne et à la liste des candidatures qui en découle.

Serge Plana indique qu'en Ardèche, la préparation des élections européennes est à l'image de la mobilisation des adhérents du Parti: c'est-à-dire avec du bon et du moins bon. Pour corriger le moins bon, nous avons organisé une soirée de formation-information-débat, qui a réuni une quarantaine de camarades. L'Europe les a conduits à parler aussi de l'identité du Parti, du contenu anticapitaliste de nos propositions, de nos actes, de l'écoute dont nous bénéficions. Ils ont aussi exprimé leurs inquiétudes face à certaines mesures gouvernementales.
Lors de la réunion du comité fédéral, qui a abordé la question des européennes, il s'est dégagé une majorité de camarades favorables aux propositions du Comité national. "Cela ne saurait cacher les questionnements, les incompréhensions que la discussion, l'information permettent de surmonter", précise l'auteur. Si la parité hommes/femmes ne pose pas de problème, l'autre parité en pose un peu plus. Quelques camarades pensent qu'en fait tout serait déjà décidé. Cela explique-t-il le faible nombre de réunions de cellules et de sections? Nous ne le pensons pas. Nous devons trouver d'autres formes de fonctionnement.
Le calendrier très chargé n'a pas permis à la direction fédérale de donner une plus grande impulsion à notre activité, alors qu'était programmé un forum "services publics" en Ardèche dont le lien avec l'Europe est fort. Ce qui est sûr, constate Serge Plana, c'est que quand les camarades se réunissent, la démarche est mieux comprise, approuvée, les noms proposés sont acceptés, les questions trouvent des réponses. Bref, on avance ensemble. Il ajoute: Les enseignements de notre campagne des régionales nous incitent à bien préparer cette élection européenne. La candidature de Jean Ferrat y aidera. Nous apprécions son engagement. Avec lui, avec Manuela Gomez, André Gérin, Zora Chorfa et Michel Belletante notre région sera bien représentée.
A la lumière de ce qui s'est passé en Rhône-Alpes avec l'accord PS, Verts, PRG, l'UDF, une majorité de communistes ardéchois pensent que la stratégie proposée est à même d'éviter l'isolement du Parti pour adopter au contraire une démarche d'ouverture, difficile mais offensive, sur des bases qui sont claires: rejet de l'ultralibéralisme, appui sur le mouvement social, réorientation de la construction européenne. Même si j'ai l'impression que, parfois, le doute et les questionnements empêchent certains camarades de voir la réalité des textes, les positions prises par les communistes et leurs élus, je pense, conclut Serge Plana, que le doute peut être une chance si on ne le cultive pas et si nous arrivons à le dépasser. Tout cela devrait conduire la direction fédérale et les communistes ardéchois à plus d'initiatives.

Georges Hage prend la parole car il se trouve interpelé au fond de lui-même sur le fond par le rapport de Paul Lespagnol. Il tient à exprimer et à confier sa perplexité, voire sa déception qui ne font que grandir au fil des jours de cette législature. Pouvoir s'exprimer devant le Conseil national constitue pour lui, une "libération". Il a le sentiment qu'il vit une véritable rupture culturelle dans le parti. L'union décidée par la direction nationale des communistes dans une liste à parité avec des représentants crédités de gauche, du mouvement social ou sociétal, n'est-ce pas, selon lui, "oubier qu'il ne peut émaner de tels forums qu'un réformisme plus subtil, plus chatoyant, plus pervers que celui dont nous souffrons actuellement sous Jospin, qu'il ne peut en résulter qu'une démarche politique sous pavillon social-démocrate en faveur d'une Europe néo-libérale?
Il observe aussi que cette liste est perçue comme une attitude manifeste de dirigisme au moment où l'on dit souhaiter plus d'échanges dans le parti. Il se demande si la stratégie dont se réclame le Comité national en l'occurence, ne constitue pas implicitement l'aveu d'une reculade... Il serait illusoire ou mythique d'imaginer, une issue révolutionnaire dans la perspective historique envisageable, sans trop de troubles. On se prend alors à oublier que l'intelligence révolutionnaire ne vient pas spontanément aux exploités, à oublier que confrontés à leur aliénation, leur réflexion ne peut aboutir, qu'au réformisme voire à des formes variées de gauchisme, ce que de grands théoriciens ont dénoncé et l'histoire abondemment prouvé. De la sorte, ne se prépare-t-on pas insidieusement à penser que le Parti communiste est devenu obsolète - et d'ailleurs mal nommé - et ne signifie-t-on pas au plan international, le ralliement d'un PCF hier prestigieux à la cohorte des PC nationaux égarés dans le réformisme? Il s'interroge: s'agit-il là d'une "mutation" ou d'une "conversion".
En second lieu, Georges Hage évoque la recherche obstinée du vote unanime du groupe communiste de l'Assemblée nationale en faisant remarquer que les camarades qui vilipendaient hier le centralisme démocratique sont les plus enclins à défendre et à appliquer ce mandat impératif. Il affirme que proposer et faire voter des amendements est légitime au regard de nos options. Mais il pense qu'il n'y a pas lieu de voter les textes de loi quand ils portent atteinte au substrat de la loi existante comme ce fut le cas pour la directive européenne sur l'électricité. Un tel mandat impératif revêt la forme d'un néo-centralisme démocratique, gouvernemental cette fois, qui expose le groupe communiste à "flirter" avec la pensée unique.
Quant aux sondages favorables à ce qu'il est convenu d'appeler, selon lui, notre "mutation", s'avise-t-on suffisamment de leur ambiguité? Ne révèlent-il pas le fait qu'on ne craint plus notre pugnacité révolutionnaire? Il précise enfin, que s'il avait l'ultime conviction que ses propos nuisaient à l'unité et à l'intérêt du parti, il les tairait. Il n'a de souci que de retenir dans ses organisations tous ceux qui désespèrent, tous ceux qui ont perdu confiance. "Est-ce que la direction nationale ne sous-estime pas l'importance de cette mouvance?", demande-t-il?

Annick Mattighello réagit à l'intervention de Rolande Perlican qui a parlé du Nord dans son propos. Elle précise d'abord qu'elle " hait la caricature" et qu'elle considère que ce n'est pas faire preuve d'esprit de tolérance et de démocratie que de vouloir étiqueter ou cataloguer les communistes. Elle pense qu'aux niveaux de la direction nationale et de la direction fédérale du Nord on respecte tous les avis des communistes. Elle constate par ailleurs une amélioration considérable du débat démocratique et contradictoire qui irrigue la vie des cellules, des sections et du comité fédéral. L'oratrice retrouve dans le rapport introductif de Paul Lespagnol, toutes les nuances, tous les doutes, tous les obstacles et toutes les réticences qui se sont manifestés dans la discussion du comité fédéral du Nord. Elle souligne que la liberté de ton, l'écoute mutuelle -fait nouveau dans son ampleur- ont permis une expression enrichissante de la diversité des approches, une démarche que la direction fédérale entend bien poursuivre pour permettre à chaque communiste de participer. Annick Mattighelo cite alors quelques chiffres significatifs: 39 sections sur 49 se sont réunies et ont établi un procès verbal. 1000 communistes ont participé à ces échanges et ont voté. 7000 remises de cartes, 180 adhésions nouvelles ont permis autant de discussions individuelles sur les questions européennes. Quant au comité fédéral du 11 mars, il a voté la proposition de la liste "à l'unanimité, avec une seule voix contre et une abstention, 80% des communistes du Nord réunis ont donc approuvé la démarche de la liste à double parité, tout en posant des exigences fortes de transparence et de construction collective".

Danielle Sanchez intervient brièvement à propos de ce qu'a dit Rolande Perlican sur la directive électricité. Son intervention, dit-elle, "revient à décider à la place du mouvement réel. Or la complexité d'une situation n'autorise pas à la caricaturer".

Pour Jean-Claude Gomez la liste, dans sa totalité, est de nature à associer les énergies dans le Parti et dans la société pour une campagne dynamique. S'agissant du débat dans la fédération, l'intervenant donne quelques éléments. 802 communistes se sont prononcés formellement et 79 % ont donné un avis favorable. "La rigueur des chiffres ne doit pas cacher la poursuite des réflexions, les doutes mais surtout les cheminements, quelle que soit l'opinion émise."
Il revient ensuite sur l'initiative d'un Pacte unitaire pour le progrès, prise en 1994 à la veille de la précédente élection européenne. En la proposant, Robert Hue soulignait: "Les mises en cause, les interrogations les plus diverses sur la société, son avenir, ses finalités, s'expriment dans la forme de ce qu'un sociologue comme Alain Touraine appelle le divorce entre société et politique." Plus tard, Georges Marchais avait indiqué: "Il va s'agir de convaincre les citoyens du sérieux de cette entreprise dans laquelle nous les invitons à s'inscrire, de leur demander d'apporter leur contribution individuelle à l'établissement du Pacte unitaire pour le progrès. " Georges Marchais ajoutait: "Pour moi, l'identité communiste mêle nécessairement la faculté d'innover et de surprendre." "Cette attitude devra demeurer irrévocable pour qu'en toute circonstance prime la démocratie, l'exercice de la citoyenneté pour changer de pouvoir et de société", précisait encore Robert Hue dans la même période.
Si cinq ans ont passé, l'expérience et les leçons que l'ont peu en tirer n'ont pas invalidé mais au contraire fortifié le choix stratégique de faire primer l'excercice de la citoyenneté en toute circonstance, y compris au moment des élections. Le 13 juin, il y aura une liste d'accord entre états-majors et il y aura la liste citoyenne initiant de nouveaux rapports entre individus et le Parti communiste.
Pour l'orateur, "ce haut niveau de responsabilité dans les nouveaux rapports entre individus et formation politique prise par notre parti fait son chemin parmi les communistes et dans la société même, même si la volonté d'utilité transformatrice exprimée par les communistes ne n'exprime pas de manière uniforme".
Enfin, Jean-Claude Gomez souhaite dire quelques mots sur la pratique de consultations des communistes. En deux ans, les communistes ont été consultés six fois. "Pourtant, des doutes, voire des suspicions sont venus sur la validité de celles-ci. Ne faut-il pas veiller à ce que cette nouvelle pratique porteuse d'avenir ne débouche pas sur l'idée que trop de démocratie tue la démocratie? Nous nous attaquons aux pratiques libérales d'exclusion d'accès aux décisions et à une culture de délégation de pouvoir. Une des responsabilités du Comité national, si ce mode de fonctionnnement devient un mode de vie de notre parti, est d'améliorer les conditions en temps, en information et en forme d'expression commune à tous les communistes du pays."
Le comité fédéral de la Gironde a décidé d'initier un comité départemental d'animation de la campagne, composé en nombre et en conception à l'image de la liste en prenant appui sur la liste citoyenne des régionales en Gironde.
Avant qu'il ne soit procédé au vote, Jean-Claude Danglot tient à rappeler l'opposition d'au moins 90% des communistes du Pas-de-Calais à la conception et à la démarche même de la liste. Ce qui motivera son abstention, "par respect pour les militants de mon département".

(Source http://www.pcf.fr, le 13 janvier 2003)