Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, lors du point de presse conjoint avec M. Giulo Terzi di Sant'Agata, ministre italien des affaires étrangères, sur les relations franco-italiennes, la recherche d'une solution de sortie de crise de la zone euro, la Syrie et la médiation de l'Italie entre la France et la Turquie, Paris le 10 janvier 2012.

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  • Alain Juppé - Ministre des affaires étrangères et européennes

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, je suis très heureux de recevoir, pour la première fois au quai d’Orsay, mon homologue italien, M. Giulio Terzi di Sant’Agata qui s’est entretenu également avec Jean Leonetti, le ministre chargé des Affaires européennes.
Nous avions déjà eu l’occasion de nous rencontrer à Bruxelles, bien sûr, mais aussi à Koweït où nous avions eu un premier contact très chaleureux. J’ai assuré M. Terzi de ma volonté de travailler le plus étroitement possible avec lui.
Pour nous, l’Italie est un partenaire tout à fait naturel, très proche, et pas simplement géographiquement. Nous avons beaucoup de choses à faire ensemble, d’abord pour construire une union économique renforcée autour de l’euro. Nous partageons la même volonté de faire en sorte que les deux traités en cours de discussion aujourd’hui soient adoptés le plus vite possible pour nous permettre de sortir de la crise qui fragilise actuellement nos économies.
Nous avons aussi abordé la coopération qui pourrait être la nôtre en direction du sud de la Méditerranée. Nous avons une connaissance particulière de ces pays qui sont nos voisins et nous sommes tout à fait déterminés à accompagner les transitions dans les pays arabes. Nous sommes aussi désireux d’avancer dans notre politique de sécurité et de défense commune en Europe. Nous poursuivrons, bien sûr, nos échanges dans tous ces domaines.
Je voudrais rappeler que l’Italie est le deuxième partenaire commercial de la France et que nous sommes très attachés à une relation forte avec ce grand pays voisin.
Nous allons poursuivre, je pense au cours du dîner, notre tour d’horizon sur la Syrie, sur l’Iran, sur le sud-Liban : beaucoup de questions sur lesquelles nous avons, là aussi, des approches communes mais aussi beaucoup d’informations à échanger.
En tout cas, soyez le bienvenu, bonne année.

Q - Quels sont actuellement les principaux problèmes à résoudre dans la perspective du prochain sommet européen ?
R - La gravité de la crise est très forte. Il est donc impératif que nous respections le calendrier que nous nous sommes fixé et que ces traités puissent être conclus d’ici la fin du mois et être mis en place le plus vite possible. La crise n’attend pas.
Sur le fond, je crois pouvoir dire que les choses avancent bien et qu’il n’y a pas de difficultés majeures. Vous connaissez les trois volets du traité de renforcement de l’union économique. Il y a d’abord le volet de la gouvernance sur lequel je crois, il n’y a pas de problème. Il y a ensuite tout le volet «croissance, solidarité, convergence» qu’il faut nourrir et, enfin, le volet «discipline budgétaire». À cet égard, je pense qu’il faut s’en tenir aux décisions qui ont été prises le 9 décembre, y compris en ce qui concerne la dette, comme Giulio l’évoquait.
Nous avons donc devant nous quelques journées de travail et plus on sera nombreux, plus on se rapproche de 26 États, mieux cela vaudra. C’est dans cet esprit que nous travaillons avec nos amis italiens.

Q - J’imagine que vous avez entendu le président Bachar Al-Assad aujourd’hui. Quelle est la perception que vous avez de son discours et d’après vous, quel est l’impact sur la mission des observateurs arabes en Syrie ?
R - Sur la Syrie, je voudrais d’abord dire que la France condamne très vigoureusement les actes de violence tout à fait inacceptables qui ont été commis contre les observateurs de la Ligue arabe. Je rappelle qu’il est de la responsabilité des autorités syriennes d’assurer la protection de ces observateurs. Nous continuons à soutenir cette initiative dans la mesure où la Ligue arabe se donne véritablement les moyens d’observer ce qui se passe sur le terrain, en renforçant son dispositif, le nombre de ses observateurs, les moyens qui sont à leur disposition. J’ai également souhaité que cette opération ne s’enlise pas, que l’on fixe une date limite et qu’au terme de cette période, les conclusions en soient tirées. Si elles sont négatives, il faut que le Conseil de sécurité puisse être saisi de ces conclusions.
Vous faites allusion au discours de Bachar Al-Assad. Je l’ai trouvé aux antipodes de ce que l’on pouvait attendre. C’est à la fois un discours qui incite à la violence et à la confrontation entre les parties en Syrie, qui continue à évoquer cette prétendue agression terroriste extérieure contre la Syrie qui n’a pas de consistance et qui est donc une sorte de déni de réalité.
Il faut que ce régime se conforme à l’engagement qu’il a pris vis-à-vis de la Ligue arabe. Je rappelle les quatre points fondamentaux de cet engagement : l’arrêt de la répression, la libération des prisonniers, l’ouverture de la Syrie aux médias internationaux et le retour de l’armée dans ses casernes, en dehors des villes.
Sur aucun de ces points aujourd’hui nous n’avons obtenu satisfaction.

Q - L’Italie a des rapports très amicaux avec la Turquie. Aujourd’hui, M. le ministre Terzi a entendu son collègue M. Davutoglu. Pourriez-vous nous dire si l’Italie peut jouer un rôle de médiation avec la France concernant la crise entre la France et la Turquie et si oui, la France l’accepterait-elle ?
R - La position de la France sur l’élargissement de l’Europe à la Turquie est bien connue, je n’y reviendrai pas.
Sur le plan conjoncturel, nous avons en ce moment quelques tensions avec la Turquie et, pour les raisons que vous savez, je mettrai toute mon énergie à faire en sorte que nos relations avec la Turquie restent aussi bonnes que possible parce que c’est un grand pays et un partenaire important sur le plan régional et même au-delà.
Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs. Nous allons poursuivre nos travaux.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 janvier 2012