Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté l’invitation du président Gallois de participer à ce forum.
En dehors de son intérêt même, ce forum me frappe par la diversité des thèmes qui sont traités et, je dirais, par la pertinence de ces derniers.
Cette diversité sur laquelle j’aurais l’occasion de revenir témoigne des changements importants qui ont lieu actuellement dans ce secteur, y compris dans leur dimension européenne mais aussi de ce qui m’apparaît comme une volonté forte de l’entreprise SNCF d’être offensive et conquérante. Trois orientations ont d’ailleurs été retenues :
- le voyageur, le client,
- l’Europe,
- l’efficacité.
La SNCF, en s’appuyant sur ses atouts, sur ses performances technologiques et commerciales, sur la compétence des cheminots, de ses salariés et naturellement aussi sur ses valeurs fortes que sont le service public, le progrès social ou la sécurité des transports se doit d’être partie prenante de ces évolutions.
Un forum comme celui-ci est l’occasion d’une prise de conscience et doit être considéré comme une des nombreuses étapes qui jalonneront cette mutation.
Les cheminots, on le sait sont très attachés à leur entreprise. Loin d’être considéré comme un frein, cet attachement doit constituer un levier pour les changements à venir. Tous les secteurs de l’entreprise sont concernés.
Avant de dire quelques mots sur les différentes activités de la SNCF, je voudrais m’attacher à aborder les responsabilités qui sont les miennes, ou plus généralement celles du gouvernement vis-à-vis de la SNCF j’en aborderais 4 :
- l’investissement ferroviaire
- la régionalisation des transports ferroviaires
- l’Ile-de-France
- le transport combiné
Lors d’une conférence de presse le 8 février dernier, j’ai pu avancer la perspective d’un programme d’investissement de 120 milliards de francs sur les infrastructures pour les dix ans qui viennent.
En premier lieu, il me paraît utile d’insister sur l’équilibre entre :
- le développement du réseau à grande vitesse,
- la mise à niveau du réseau classique, ce que lon appelle notamment la politique de régénération,
- et les investissements de développement sur le réseau classique notamment pour le fret, vous avez évoqué en particulier les besoins de désaturation.
Ainsi, ce sont de 40 à 45 milliards de francs qui devraient être consacrés à la mise à niveau du réseau classique. En tenant compte des 45 à 55 milliards de francs prévus pour le réseau à grande vitesse, on constate que les investissements de développement sur le réseau classique se situeront dans une fourchette probable de 20 à 35 milliards de francs, avec l’Ile-de-France.
En second lieu, et c’est ce qui me paraît le plus important je dirais le plus nouveau ces investissements se feront sans « plomber » les comptes de la SNCF ni ceux, et j’insiste là-dessus, de RFF.
Le programme d’investissement sera donc significatif, équilibré et financé.
Bien entendu son contenu précis et les échéanciers reste soumis à la concertation en cours avec les collectivités régionales dans le cadre de la préparation des contrats de plan Etat/Région.
Mais d’ores et déjà, des contacts que j’ai déjà eu avec les exécutifs régionaux, je peux vous dire que ces prochains contrats de plan illustreront eux aussi le rééquilibrage au profit du transport ferroviaire.
Le gouvernement croit au développement du transport ferroviaire. Il fait ce qui est en son pouvoir pour en assurer les conditions en matière d’infrastructure.
La régionalisation ferroviaire s’inscrit dans une démarche globale qui associe à la fois :
- une plus grande responsabilisation des différents acteurs, collectivités régionales et entreprises ferroviaires,
- et la nécessité de développer les transports collectifs ferroviaires, pour répondre aux attentes des usagers et des clients, confrontés à l’encombrement du réseau routier et aux multiples pollutions. C’est un choix de la nation tout entière, puisqu’il a été effectué par le Parlement. C’est un choix de civilisation.
Je suis un partisan du mouvement et du développement, contre l’immobilisme et la stagnation. Qui plus est, je ne voudrais pas que s’installe un système « à deux vitesses » dont on voit bien tous les inconvénients, entre des régions qui recevraient une véritable compétence en matière de service régional de voyageurs, et d’autres, qui en seraient privées ou continueraient dans le système actuel. Je souhaite donc enclencher très rapidement le processus de généralisation de la régionalisation pour être prêt, avec vous, à le mettre en oeuvre dans les meilleurs délais possibles.
Je souhaite aller vite, mais j’ai bien entendu que, si plusieurs régions se déclarent prêtes à exercer rapidement la compétence transport régional, d’autres ont marqué des hésitations sur le rythme de la généralisation.
Pour cela il faut certainement prévoir un texte législatif à discuter au 1er semestre 2000, même si celui-ci peut comporter une date butoir de mise en oeuvre, comme 2001 ou 2002.
L’Ile-de-France n’est jamais à ce titre qu’une région particulière. Elle l’est par son importance, mais aussi par son système institutionnel. Comme je l’ai annoncé récemment, le gouvernement souhaite faire évoluer ce cadre.
Il faut donner sa vraie place à la Région, même si l’Etat conservera la majorité au sein du syndicat des transports parisiens. Dans le même temps, il nous faut rechercher une contractualisation claire et transparente avec l’autorité organisatrice et les financeurs. Il s’agit de donner aux entreprises comme la vôtre un champ nécessaire de responsabilités et d’autonomie.
Avec 529 millions de voyages annuels, les lignes ferroviaires d’Ile-de-France constituent, au regard de ce nombre, la première activité de la SNCF. Ce domaine est au coeur de la mission de service public qui lui est confiée. C’est pourquoi, je tiens ici à souligner les efforts qui ont été accomplis ces dernières années et qui devront bien sûr être poursuivis.
Malgré ces progrès, il reste encore des efforts à accomplir avant de parvenir à la qualité souhaitable pour les déplacements de banlieue. C’est pour cela, et je m’en félicite Monsieur le Président, que la SNCF vient de lancer un projet pour l’Ile-de-France, car force est de constater que les lignes de banlieue sont souvent perçues comme « le parent pauvre » des transports collectifs. La démarche mise en place sera globale : grâce à davantage d’investissements au profit de la qualité de l’exploitation quotidienne des matériels, des gares et de la sûreté des biens et des personnes, il s’agit de garantir à chaque voyageur un niveau de qualité de service à la hauteur de ses attentes et d’attirer de nouveau voyageurs.
Je peux vous assurer que le Gouvernement soutient fermement votre démarche et qu’il répond dès aujourd’hui très favorablement à votre souhait. Je sais aussi que la SNCF désire doter son activité en Ile-de-France d’une dénomination nouvelle. Cette nouvelle identité sera j’en suis sûr le symbole d’une véritable dynamique de progrès.
Enfin je veux en venir au transport combiné, question largement évoquée ce lundi en Conseil des ministres européens des transports. Comme vous le savez, c’est le secteur du fret ferroviaire que l’Etat subventionne directement.
En effet, ce type de trafic constitue la chance de renouveau du chemin de fer dans le secteur du fret. Alliant les avantages respectifs de la route et du rail, il offre en fait un service complètement nouveau.
Il permet de sortir d’une logique d’affrontement entre modes de transport. Logique nuisible tant pour eux que pour la collectivité. Malgré les difficultés rencontrées l’an dernier sur lesquels je n’épiloguerai pas puisque j’ai eu l’occasion d’en parler récemment devant l’assemblée générale du groupement national du transport combiné et devant le Conseil Economique t Social, malgré ces difficultés donc, il me paraît capital de rester sur une perspective de croissance forte de ce type de transport et, compte tenu des perspectives internationales, je pense qu’un objectif de doublement du trafic sur les 10 ans qui viennent n’est pas irréaliste.
Les conditions d’une telle croissance restent à réunir. Cela passe bien évidemment par le dynamisme commercial mais aussi par l’amélioration de la qualité du service, par la disponibilisation des moyens humains et des engins de traction. Autant de chantiers ouverts par le projet industriel dont on ne saurait trop souligner l’importance. Mais cela passe aussi, et ceci est vrai pour l’ensemble du fret par une offre de sillons de qualité notamment en trafic international où la concertation entre les réseaux s’impose. Vous le savez tous, les choses avancent. Cette démarche ne doit pas être ralentie.
Dans le domaine du transport international, par conteneurs, cela passe sans doute aussi par l’accentuation des liens entre les différents partenaires européens. Ceci paraît indispensable si on veut éviter que des comportements étroits, égoïstes, viennent nuire aux possibilités de développement du trafic.
Plus généralement concernant le fret, après avoir connu son apogée dans les années 70, le trafic ferroviaire n’a cessé de régresser alors que la demande globale croissait sans cesse. A tel point que pour beaucoup cette évolution apparaissait fatale. Nous remettons en cause cette idée de fatalité. D’abord parce que des résultats sont là : pour la première fois depuis des décennies, le transport ferroviaire a repris un point de part de marché en 1997. Bien sûr, une hirondelle ne fait pas le printemps et l’année 1998 est venue montrer que sans adaptations structurelles, la SNCF n’aurait pas les moyens de ses ambitions. Les atouts du transport ferroviaire sont indéniables. Il existe un consensus très fort tant en France qu’au sein de l’Union Européenne quant aux qualités intrinsèques du fer en termes de sécurité, de respect de l’environnement, de consommation d’énergie voire même en termes d’aptitude à contribuer au désengorgement du réseau routier. S’appuyant sur ce consensus grandissant, l’entreprise doit faire preuve de dynamisme, d’initiatives et ne pas hésiter à fixer très haut ses objectifs de croissance de trafic.
Certes, le volontarisme ne suffit pas et c’est concrètement qu’il conviendra d’aborder les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter.
Le souci d’une plus grande écoute de la clientèle doit être un principe directeur. Je n’hésite pas à le dire les clients sont la raison d’être de l’entreprise. Leur témoigner de l’intérêt, c’est les ramener au fer. C’est donc vers eux d’abord que doivent se tourner les efforts de l’entreprise.
L’Europe, c’est aussi comme le disait le président Gallois récemment un espace naturel du transport ferroviaire. Un espace où les distances et les volumes transportés entrent parfaitement dans le domaine de pertinence du fer. Les faibles part de marché actuelles du transport ferroviaire en trafic international autorisent donc les plus grandes ambitions. Les objectifs doivent être à la hauteur de ces ambitions.
L’efficacité enfin, qui constitue le moyen d’asseoir structurellement la compétitivité du transport ferroviaire. Notons bien à ce propos que du point de vue de l’utilisateur, du client, l’efficacité c’est un couple qualité-prix.
Je ne voudrais pas finir ce tour d’horizon, sans dire quelques mots à propos de l’activité Grandes Lignes.
Celle-ci joue un rôle capital de cohésion nationale tant sur le plan tarifaire que sur celui des dessertes. Ce rôle n’en prendra que de plus en plus d’importance avec la perspective de transfert de compétence aux régions pour les TER dont il constitue le pendant permettant de garantir une unité dans la diversité des politiques régionales. Cette activité Grandes Lignes a connu un renouveau extraordinaire avec l’arrivée du TGV qui a permis d’élargir le domaine de pertinence du transport ferroviaire d’abord en France et de plus en plus en trafic international.
Vous ne serez donc pas surpris que j’entende poursuivre la réalisation du schéma directeur du réseau à grande vitesse.
C’est une grande responsabilité confiée à la SNCF d’avoir à gérer l’ensemble de ces dessertes qui comme je l’ai dit constitue non seulement le moyen de cohérence des dessertes ferroviaires mais également un élément déterminant de cohésion du territoire voire de cohésion nationale.
En ce sens, cette activité présente toutes les caractéristiques d’un service public tel que nous le concevons en France.
La péréquation entre les lignes dont les rentabilités sont très différenciées est une nécessité qui motive notre refus de l’ouverture du marché voyageurs à la concurrence. Il ne saurait être question de laisser de nouveaux opérateurs venir écrémer les marchés rentables et compromettre ainsi la desserte de l’ensemble du territoire. Je peux même signaler qu’il y a en France u large consensus politique sur cette question. Consensus dont a pu se rendre compte M. le Commissaire Kinnock lors de la rencontre récente avec le parlement français.
En même temps, cette situation rend d’autant plus crucial l’exercice par la SNCF de sa responsabilité à l’égard de l’ensemble des dessertes et en particulier de celles des Trains Rapides Nationaux (TRN je crois dans le jargon cheminot).
Sans figer définitivement les dessertes actuelles, la SNCF doit se porter garante d’un équilibre satisfaisant entre les dessertes nationales et régionales.
Les différents axes stratégiques qui sont les vôtres peuvent donc s’appuyer, comme vous le voyez, sur une action résolue du gouvernement. Mais celle-ci s’exerce aussi aujourd’hui dans un cadre européen. Vous connaissez mes positions à ce sujet et je continuerai à faire en sorte que l’on joue la coopération contre la libéralisation. La Grande-Bretagne mesure aujourd’hui que des avantages annoncés de ces processus de privatisation-libéralisation sont loin d’être toujours au rendez-vous. Mais dans le même temps, il nous faut crédibiliser ce besoin de coopération, jouer la carte de l’inter-opérabilité des réseaux. Je crois pouvoir dire que la France a desserré l’étau, mais nous ne sommes pas au bout de nos efforts.
Je ne voudrais pas conclure, sans m’arrêter sur un événement récent, à savoir la catastrophe survenue au Tunnel du Mont Blanc. Quarante morts vont venir s’ajouter au 8300 que nous connaissons chaque année sur les routes. C’est de notre responsabilité collective de combattre ce fléau, et le transport ferroviaire en se développant y contribue. De tout temps, la sécurité a été au coeur des préoccupations des cheminots, de la SNCF.
Je le sais, mais ce type de tragédie doit aussi nous rappeler qu’il ne faut jamais baisser la garde, qu’il faut toujours rester vigilants.
En conclusion, je voudrais m’adresser à chacune et chacun d’entre vous.
Vous exercez pour la plupart des responsabilités d’encadrement dans cette entreprise. Je suis persuadé qu’on ne fera pas évoluer une entreprise contre son encadrement, ni contre les cheminots. Et comment ne pas reconnaître que dans ces dernières années, les conflits locaux ou nationaux ne sont pas sans avoir laissé de traces.
Tout ne s’effacera pas en un jour. Mais comment ne pas voir dans le même temps que de nouvelles perspectives s’ouvrent, que déjà de premiers résultats sont là. Votre responsabilité est certainement de tirer des leçons du passé, mais je crois qu’elle est d’abord de regarder devant, et de regarder autour de vous, aussi hors de l’entreprise. Notre société a un appétit nouveau de ferroviaire. C’est cela notre chance, c’est votre chance, c’est la chance de l’entreprise. Que des handicaps subsistent, c’est clair. Que tout ne se fera pas en un jour, c’est clair, mais il y a une chance historique et j’ai confiance dans le fait que nous saurons la saisir tous ensemble.