Interview de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, à "Itélé" le 5 janvier 2012, sur la candidature d'Hervé Morin à l'élection présidentielle, sur le projet de TVA sociale, les effectifs dans la fonction publique.

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Média : Itélé

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER Alors, sur cette polémique du « sale mec », est-ce que vous demandez vous aussi à HOLLANDE de s’excuser, ou est-ce que vous avez compris que c’était en fait une imitation et on passe l’éponge ?

FRANÇOIS SAUVADET D’abord, je trouve que ce n'est pas anecdotique, cette situation. Quand on accède...

CHRISTOPHE BARBIER Vraiment ?

FRANÇOIS SAUVADET Quand on veut accéder à des responsabilités de chef de l’Etat, on fait attention aux propos que l’on tient, en off ou pas en off. Vous imaginez les conséquences que ça pourrait avoir s’il s’agissait d’autres sujets. D’autre part, moi je trouve qu’il y a une forme d’arrogance du Parti socialiste aujourd'hui dans cette campagne. Quand j’ai entendu lundi, monsieur MOSCOVICI parler d’indignité à propos du traitement des fonctionnaires, je trouve que vraiment il y a des mots auxquels il faut prêter garde, si on veut que le débat, dans le contexte où on traverse, soit un débat sérieux et utile au pays.

CHRISTOPHE BARBIER Le PS n’a pas tort de dire que SARKOZY est aussi le président du « Casse-toi pauvre con » et qu’en écarts de langage, c'est au moins 50/50.

FRANÇOIS SAUVADET Oui, mais écoutez, ça peut arriver, mais en tout cas, en tout cas il ne faut pas en faire une règle ou banaliser des propos qui sont tenus, de ce type-là, on ne peut pas faire prêter au chef de l’Etat, des propos tels qu’ils ont été tenus, je crois que la dignité du débat impose, voilà, de se consacrer à l’essentiel, c'est-à-dire quelles réponses on veut apporter aux Français dans ce contexte difficile. C’est ça. Mais sur ce sujet, d’ailleurs, moi j’observe qu’il y a très peu de propositions. Monsieur HOLLANDE a ressorti récemment la création de 60 000 fonctionnaires. Enfin, franchement, ce n'est pas sérieux, il n’y a pas un pays qui va créer 60 000 postes de fonctionnaires aujourd'hui, sans dire à la clef qu’il va y avoir 4 à 5 milliards de charges supplémentaires sur la mandature. Enfin, tout ça n'est pas très sérieux. Moi, j’espère que ce débat, aujourd'hui, va se concentrer sur le fond, c'est-à-dire sur les réponses que l’on apporte dans cette situation de crise violente.

CHRISTOPHE BARBIER Vous lui faites un mauvais procès, c’était 60 000 fonctionnaires dans l’éducation, que l’on prenait ailleurs, sur d’autres postes, c’était un autre mode de gestion que... FRANÇOIS SAUVADET Oui, que l’on prenait ailleurs, mais où ? On ne peut pas dire, dans le même temps, « on manque de policiers, on manque des gendarmes, on manque de militaires, il faut qu’on soit présent sur la scène diplomatique » et dans le même temps, dire : « Voilà, on va les prendre ». Mais on va les prendre où ? Moi, je n’aime pas les... vous savez, cette espèce de faux-fuyants. J’ai l’impression avec HOLLANDE, d’avoir un surfer sur la vague, qui se saisit de toutes les préoccupations de l’opinion, sans aller jusqu’au bout. On les prend où les 60 000 ? On critique, dans le même temps, le non remplacement de un sur deux, mais regardez ce qui se passe en Espagne, c'est un non remplacement de un sur dix. Donc il faut arrêter de raconter des histoires aux Français, notamment sur des sujets qui tiennent à l’avenir, à la cohésion sociale, à la cohésion territoriale.

CHRISTOPHE BARBIER Tout à l'heure, vous allez proposer aux syndicats, dans une table ronde, que les contrats précaires de la Fonction publique deviennent des titulaires. C'est bien une manière de créer des postes, aussi, ça.

FRANÇOIS SAUVADET Non, ce n'est pas une manière de créer des postes. Je souhaite qu’en même temps que l’on demande des efforts à la Fonction publique, on en a demandé beaucoup, gel des points d’indice, c'est-à-dire gel du traitement... pas simplement du traitement, mais des points d’indice ; on leur a demandé un délai de carence, vous le savez, ça a fait l’objet de beaucoup de débats. On leur a demandé beaucoup d’efforts, et dans le même temps, moi je souhaite que l’Etat soit exemplaire. On ne peut pas avoir des CDD que l’on a multiplié pendant des années, sur des emplois pérennes, et ne pas les conduire à des CDI, tout simplement, si ces emplois correspondent à une réalité, et voilà, donc c'est simplement un Etat que je souhaite voir exemplaire dans la gestion personnelle, dans la fluidification, dans la modernisation des parcours, c'est ce à quoi je me suis astreint depuis des semaines.

CHRISTOPHE BARBIER Reconnaissez-vous que sur le quinquennat suivant, si Nicolas SARKOZY est réélu, vous ne pourrez pas faire le un sur deux pendant 5 ans, vous allez manquer de monde.

FRANÇOIS SAUVADET Non, je crois que... Je crois que le un sur deux a été une bonne méthode à la française, regardez ce qui s’est passé...

CHRISTOPHE BARBIER On arrive au bout.

FRANÇOIS SAUVADET On arrive au bout, je pense qu’il y aura un débat au moment de la présidentielle sur ce que doit être le périmètre d’un Etat moderne, sur ce que doit être aussi une exigence d’objectifs et de résultats par rapport aux moyens, c'est-à-dire ce que l’on appelle l’efficience, et je pense que des collectivités territoriales, je suis président d’un Conseil général, ne pourront pas s’exonérer de cet effort.

CHRISTOPHE BARBIER Campagne présidentielle toujours, Hervé MORIN présentait hier son équipe de campagne, avec un discours résolument anti BAYROU, c'est donc bien un candidat utile, le candidat MORIN, utile à SARKOZY.

FRANÇOIS SAUVADET Je ne sais pas s’il est utile, mais en tout cas, moi je m’interroge beaucoup, enfin, je vois bien qu’il a pris une décision, d’abord personnelle, de se présenter à l’élection présidentielle, c'est son choix, je le respecte.

CHRISTOPHE BARBIER Pas tout seul, il y a d’autres personnes autour de lui.

FRANÇOIS SAUVADET Simplement, il engage, il engage de ce fait, il semble engager le parti. Moi, je souhaite qu’il y ait un débat autour de cette question. La question est très importante : qu’est-ce... comment on va peser dans la vie politique française, nous, le Nouveau centre, le Centre droit, qui avons fait le choix de participer à l’action du gouvernement ? Comment est-ce qu’on va peser dans les 5 prochaines années ? Avec une candidature de témoignage qui ne décolle pas, qui reste scotchée entre 0 et 1 % ? Ou si on se prépare à un contrat de mandature dans lequel nous prendrons toute notre place, en apportant nos idées et la modernité de nos idées.

CHRISTOPHE BARBIER L’UMP va vous écraser.

FRANÇOIS SAUVADET Mais attendez, mais qu'est-ce que ça veut dire l’UMP ? Vous pensez que l’UMP peut gagner seul des échéances électorales demain ? Mais personne ne le croirait ! Evidemment qu’il faut un large rassemblement, j’entends y participer en responsabilités, et moi j’aurai un langage très responsable à l’égard de François BAYROU, je lui dis : s’il veut revenir dans un pacte clair, d’alliance avec la majorité actuelle, bienvenue à François BAYROU, simplement il faut qu’il sorte du « ni-ni », ce « ni-ni » le conduit droit dans le mur et prend les électeurs en otage.

CHRISTOPHE BARBIER Dans ce pacte clair avec François BAYROU, il pourrait y avoir la proportionnelle ? Il la demande.

FRANÇOIS SAUVADET Il doit y avoir une dose de proportionnelle, bien sûr que nous la demandons, depuis des années, moi je souhaite qu’il y ait une dose de proportionnelle qui puisse garantir à la fois les majorités, mais qui puisse aussi permettre l’ouverture à différents courants de pensées. Moi je souhaite qu’il y ait un débat au sein du parti. Je demanderai d’ailleurs la convocation, dès la semaine prochaine, d’un congrès pour qu’on parle de cette stratégie que nous voulons avoir pour être utiles à la France, parce que c'est ça qui doit nous guider.

CHRISTOPHE BARBIER Congrès, donc, ultrarapide, fin janvier.

FRANÇOIS SAUVADET Ben il faut qu’on tienne très rapidement, on ne peut pas rester, comme ça, dans une stratégie personnelle qui embarquerait le parti. Moi j’ai déjà connu ça...

CHRISTOPHE BARBIER Vous allez casser le parti en deux.

FRANÇOIS SAUVADET On ne va pas le casser, on va simplement discuter d’une stratégie et le discuter avec l’ensemble des militants, pour être utile à notre pays, c'est ça qui compte. Moi je n’ai pas envie d’une candidature de témoignage qui finalement débouche sur quoi ? Sur rien ? Avec une absence du mouvement que nous incarnons pour les 5 prochaines années ? Non, moi ce n'est pas ce que je souhaite pour mon pays.

CHRISTOPHE BARBIER Avant ce congrès, maintenez-vous la réunion prévue le 1, c'est-à-dire les cadres locaux du Nouveau centre qui montent à Paris ?

FRANÇOIS SAUVADET Oui, on les a invités et puisque le débat ne pouvait pas avoir lieu, n’était pas organisé, j’ai pris l’initiative, avec Maurice LEROY, avec André SANTINI, avec Jean-Christophe LAGARDE, qui est aussi quelqu’un qui compte dans le parti, eh bien tout simplement de réunir les cadres et de dire : « voilà, quelle est la bonne stratégie que nous devons avoir, pour compter dans les 5 prochaines années ». Moi je n’ai pas envie d’être embarqué dans une candidature qui nous conduit droit dans le mur.

CHRISTOPHE BARBIER Et si le congrès décide qu’il faut arrêter cette candidature, Hervé MORIN, eh bien, devra quitter le Nouveau centre pour être candidat ou arrêter d’être candidat.

FRANÇOIS SAUVADET Eh bien, écoutez, si c'est l’avis majoritaire, il devra en tenir compte, et si c'est un avis minoritaire qui s’exprime contre sa candidature, il devra aussi en tenir compte, il ne pourra pas rester avec une candidature qui ne rassemble pas, d’abord, son propre parti. CHRISTOPHE BARBIER SeaFrance ne sera pas reprise en Scop, par ses employés. Est-ce que le gouvernement s’est moqué un peu des ouvriers, en les envoyant dans une impasse ?

FRANÇOIS SAUVADET Mais pas du tout. Vous avez vu, d’abord moi j’ai regretté que la possibilité d’une reprise par une entreprise privée, vous savez qu’il y avait eu une offre... CHRISTOPHE BARBIER DREYFUS.

FRANÇOIS SAUVADET ... par LOUIS-DREYFUS, bon, elle n’a pas été retenue, mais bon, c'est ainsi, qu’il y a une proposition qui est sur la table, de reprise par les salariés eux-mêmes, le gouvernement a une seule préoccupation dans cette question, c'est de sauvegarder l’activité et l’emploi. Vous avez vu, Guillaume PEPY aussi a pris l’initiative, notamment sur les questions d’emploi, dès ce matin. Voilà, je souhaite que l’on arrive à une solution, dans laquelle évidemment, si les salariés le souhaitent, ils doivent s’impliquer.

CHRISTOPHE BARBIER Vous recommandez aux salariés de SeaFrance d’accepter la proposition PEPY, quitte à être chauffeur de bus à l’autre bout du pays ?

FRANÇOIS SAUVADET Non. Non, je pense que d’abord il faut explorer la création, la possibilité d’une création d’une société coopérative, puisque c'est un choix qui a été évoqué, notamment par la CFDT...

CHRISTOPHE BARBIER Ce n'est pas mort.

FRANÇOIS SAUVADET Je pense qu’il faut encourager, en tout cas, toute initiative qui pourrait permettre une reprise d’activité avec l’implication des salariés, pas sans eux, naturellement.

CHRISTOPHE BARBIER Cacophonie, un peu, au pouvoir, autour de la TVA sociale, il y a les partisans et les opposants. Vous êtes pour la TVA sociale, vous ?

FRANÇOIS SAUVADET Ecoutez, moi j’ai toujours été très clairement, et le Nouveau centre, on a toujours été très clairement pour une TVA, en tout cas anti-délocalisations, c'est-à-dire pour faire en sorte que l’on baisse les charges qui pèsent sur le travail, à la fois employeur et salarial, c'est-à-dire que l’on joue gagnant/gagnant. Regardez, vous voyez bien, en matière d’emploi, aujourd'hui il y a beaucoup de difficultés, on est dans un taux de croissance, on ne peut pas rester avec un différentiel avec l’Allemagne aussi important. Quand vous avez 100 € brut, vous avez 50 € de charges qui sont prélevés au niveau français, vous en avez 39 €, en Allemagne, donc il faut bien que l’on baisse ce niveau des charges qui pèse sur le travail lui-même, pour le porter sur d’autres secteurs. Ça peut être aussi des pistes de CSG. Moi, vous savez, quand j’étais président de groupe, on l’avait évoquée, l’augmentation de la CSG. La question, c'est la compétitivité de la France. La compétitivité, ça veut dire le coût du travail, et la deuxième c'est le financement de notre protection sociale.

CHRISTOPHE BARBIER Il y aura une session extraordinaire du Parlement, pour faire passer, au plus vite possible...

FRANÇOIS SAUVADET D’abord, elle ne sera pas extraordinaire, contrairement à ce qu’on indique, puisque...

CHRISTOPHE BARBIER On l’allonge un peu.

FRANÇOIS SAUVADET ... on pourra allonger évidemment, ça c'est... Moi je souhaite que très vite, en tout cas le chef de l’Etat le souhaite, et le gouvernement le souhaite, que très vite on puisse avancer sur ce sujet.

CHRISTOPHE BARBIER 64 % des Français sont contre...

FRANÇOIS SAUVADET Il y a une urgence, vous savez.

CHRISTOPHE BARBIER ... selon l’institut CSA pour L’HUMANITE. Ils voient TVA, ils voient l’augmentation des prix.

FRANÇOIS SAUVADET Oui, mais attendez, ils sont contre quoi ? D’abord il faudra que l’on explique très clairement, et je pense que la gauche commet une erreur, d’ailleurs, en pointant du doigt, après avoir soutenu, pour certains d’entre eux, l’idée d’une TVA anti délocalisations. L’idée c'est de taxer aussi nos importations, l’idée c'est d’alléger le coût du travail, en tout cas pour l’entreprise et pour le salarié lui-même, pour permettre...

CHRISTOPHE BARBIER Mais c'est peut-être une erreur électorale. La hausse des prix fait peur aux gens.

FRANÇOIS SAUVADET Mais, attendez, est-ce que... Ce n'est pas de faire plaisir aujourd'hui, de chercher à faire plaisir, il faut aussi trouver un destin et un avenir pour un pays qui est confronté à une crise grave et dans lequel il faut qu’on redonne des éléments d’activités, donc de croissance. C'est ça l’enjeu. Alors, on pourra toujours, la gauche pourra toujours surfer sur les mécontentements, sur les inquiétudes, mais surfer sur les inquiétudes et sur les peurs, ça ne fait pas une politique pour l’avenir du pays.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 janvier 2012