Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la compétitivité de l'industrie française et les mesures adoptées pour préserver l'emploi, à Sarrebourg le 20 janvier 2012.

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Circonstance : Visite d'une usine Mephisto (chaussures), à Sarrebourg (Moselle) le 20 janvier 2012

Texte intégral

Je vous remercie. Monsieur le député-maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Il y a deux mois, lors d’une réunion à l’Assemblée nationale, Alain Marty m’a interpellé en me disant : reviens à Sarrebourg. Eh bien, je l’ai pris au mot, et je veux le remercier et vous remercier de m’accueillir une nouvelle fois. Puisque comme tu l’as rappelé, il y a un instant, il y a un peu plus de deux ans, j’étais ici, pour inaugurer votre bibliothèque dédiée à Pierre Messmer, donc je te remercie d’avoir dit qu’il avait été, d’une certaine façon mon mentor en politique et un ami très cher. Et je me souviens à l’époque, avoir parlé du refus de l’impuissance qui est pour moi au cœur du message du général de Gaulle. Eh bien, aujourd’hui, la mondialisation, la crise, nous replongent dans des questions essentielles.
Quelle place voulons-nous pour la France ? Quels efforts sommes-nous prêts à consentir, pour tenir notre rang, pour retrouver, le chemin de la croissance ? J’étais ce matin, au siège de l’entreprise Méphisto avec Eric Besson et Nadine Morano, que je remercie de m’accompagner. Ici, en Lorraine, vous connaissez les enjeux de la concurrence internationale pour nos industries et pour nos emplois. En la matière, je veux d’abord dire que je ne crois pas aux solutions faciles. Je ne crois pas au slogan, je ne crois pas au repli sur soi. Face à la crise, il faut d’abord plus d’Europe. Parce que personne ne sortira seul de cette épreuve. Mais il faut aussi, pour la France moins de déficit, plus de compétitivité, et plus d’initiatives pour l’emploi.
Commençons pour l’Europe. Je vois bien que certains voudraient, à l’occasion de la campagne présidentielle qui commence, résumer le sort de la France a une simple affaire hexagonale. J’entends ceux qui suggèrent de revenir au franc, les autres qui veulent passer aux 32 heures, les derniers qui aspirent au retour à la retraite à 60 ans. Chacun pense et dit ce qu’il veut. Mais je veux dire qu’il est bon, à chaque instant que les responsables publics, rappellent que nous vivons dans un espace européen, qui est un espace commun, qui est notre force, mais qui a naturellement aussi, ses exigences. Lors du dernier sommet européen du 9 décembre, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont battus pour sauver l’euro. Nous avons adopté, vous le savez un ensemble de mesures, qui doit nous permettre d’organiser une solidarité financière, entre les Etats membres de la zone euro, qui doit nous permettre d’aller plus loin dans notre intégration budgétaire, et plus loin dans notre convergence économique comme dans la gouvernance politique de l’autre.
Dès ce mois-ci, nous allons finaliser l’adoption de deux traités qui vont transcrire ces engagements. La prochaine étape, c’est le sommet européen du 30 janvier, nous avons en prévision de ce sommet, avec l’Allemagne, soumis tout un ensemble de propositions pour amortir le choc de la crise, et pour mobiliser beaucoup plus efficacement les politiques européennes, au service de la croissance. Notre réplique s’organise donc d’abord au niveau européen. Mais elle s’organise naturellement aussi, au niveau national. D’abord en ne déviant pas d’un pouce, de la stratégie que nous nous sommes fixés pour réduire les déficits. On a longtemps dit que les déficits c’était au fond une affaire une d’experts. C’était trop compliqué, c’était des sujets qui ne semblaient pas être des sujets concernant la vie quotidienne de chacun d’entre nous.
Et on a laissé filer les choses. Jusqu’au jour où l’on s’est aperçu que la question des déficits c’était en fait une affaire de souveraineté nationale. C’est notre indépendance qui est en cause. C’était une affaire économique, c’était aussi une affaire sociale, parce qu’une nation qui vit constamment à crédit, est une nation qui menace l’essence même, de son pacte social. En 2011, nous nous sommes engagés, après avoir dû faire face à une crise économique majeure et avoir dû pratiquer des politiques de relance, pratiquer des politiques de solidarité notamment pour empêcher l’effondrement du système bancaire, nous avons pris l’engagement de réduire le déficit, qui était de 7 % à 5,7 % du Produit Intérieur Brut, c’est un effort considérable . Peut-être que les chiffres comme ça, ne parlent pas, ce sont des milliards d’économie qu’il a fallu faire. Nous sommes au rendez-vous de ces engagements, et nous allons même faire mieux en 2011, puisque le déficit des comptes publics sera inférieur à ce chiffre de 5,7 %. Et en 2012, nous allons poursuivre cette baisse du déficit en l’abaissant à 4,5 %, avec un objectif sur lequel nous sommes engagés vis-à-vis de nos partenaires européens comme vis-à-vis du peuple français, qui est le retour à l’équilibre des comptes que nous n’avons pas connu, je le rappelle, depuis plus de 30 ans, en 2016.
Concrètement, entre 2011 et 2012 nous avons fait 51 milliards d’euros d’économies ou de suppressions de niches fiscales. Pour la première fois, dans l’histoire de notre pays depuis grosso modo, le début de la Ve République, les dépenses de l’Etat ont baissé en 2011. Pour la première fois dans la même période, la masse salariale de l’Etat a baissé en 2011, c’est plus qu’aucun Gouvernement n’avait jamais fait, sous la Ve République. Mais cela ne suffit pas ! Cela ne suffit pas, parce qu’il faut en même temps qu’on réduit les déficits aller chercher la croissance. Et pour aller chercher la croissance, nous avons besoin de nous appuyer sur une stratégie de compétitivité et nous avons besoin de redoubler nos efforts dans la bataille pour l’emploi. C’était le sujet du sommet sur la crise, qui s’est tenu autour du président de la République, mercredi dernier.
Sur la compétitivité, au fond le diagnostic est connu et il est, j’ai envie de dire presque partagé, en tout cas par tous les hommes et les femmes de bonne volonté, ces dernières décennies. Il y a des décisions qui ont nui à notre compétitivité. Alors je sais qu’on n’aime pas que je rappelle celle-là, que cela donne le sentiment qu’on veut faire porter les responsabilités sur une période antérieure. En réalité, c’est une responsabilité qui est assez collective puisque tout cela dure depuis maintenant des années. Mais au moment où il aurait fallu faire des efforts de compétitivité, faire des efforts pour éviter de laisser se creuser l’écart entre l’Allemagne et nous, sur la question notamment du coût du travail, sur la question des charges, sur la question des horaires de travail, nous avons fait exactement le contraire. Le résultat, c’est que depuis 2000 nous perdons des parts de marché. Nous exportons de moins en moins, notre part dans les exportations de la zone euro, a reculé de plus de 4 %, et naturellement parallèlement nous importons de plus en plus.
Pourtant, je voudrais vous dire que si nous avions simplement maintenu notre part des exportations dans la zone au niveau où elles étaient à la fin des années 90, notre commerce extérieur serait aujourd’hui, en excédent. Et les exportations françaises seraient supérieures de 100 milliards d’euros à leur niveau actuel. Moi, je n’accepte pas qu’on masque la réalité. Et d’ailleurs, quand on le voudrait, elle s’imposerait à nous. Et chacun voit bien, dans l’actualité, l’écho de nos difficultés. Elles prennent aujourd’hui, le visage des salariés de Lejaby, à Yssingeaux, qui ne peuvent plus lutter contre les fabrications délocalisées en Tunisie. La réalité humaine à laquelle se trouvent confrontés les salariés, souvent après des décennies de travail, est particulièrement choquante. Mais mesdames et messieurs, on ne décrètera pas le gel des mutations économiques.
Et donc ce qu’il faut que nous fassions, c’est nous mobiliser pour faire du mieux possible. Et je veux dire que le Gouvernement, sous mon autorité, sous celle du président de la République et en particulier je veux mentionner le travail considérable fait par Eric Besson, le Gouvernement ne renonce jamais. Le Gouvernement ne baisse pas les bras, contre les difficultés que rencontrent nos entreprises. Le Gouvernement le fait à Calais pour Seafrance où malgré les responsabilités de certains acteurs qui ont conduit au désastre que l’on sait, nous nous battons pour la reprise de cette entreprise et pour le maintien de son activité. Nous nous battons à Petit-Couronne pour Petroplus, dont la vente de la raffinerie a été annoncée aujourd’hui. Nous, nous sommes battus, pour éviter que les banques ne cessent tout financement et ne conduisent au dépôt de bilan de cette entreprise et nous, nous battons maintenant, pour permettre qu’elle soit reprise par d’autres entreprises du secteur pétrolier. Nous, nous battons à Bourgoin-Jallieu, pour Photowatt, qui est une des entreprises phares en matière de technologie dans la construction des panneaux solaires et dont la réussite pour notre pays est absolument stratégique et qui pourtant, est elle-même en très, très grande difficulté.
Bien sûr, ces efforts ne sont jamais suffisants, et c’est une stratégie bien en amont de ce type de difficulté, qu’il faut mener. C’est tout le sens, pardon, de la politique que le Gouvernement met en œuvre. Il ne faut pas basculer dans le défaitisme. Non seulement, nous avons des atouts, mais nous avons aussi, des pistes d’action, dont on peut constater qu’elles ont fait leurs preuves ailleurs, en engageant des réformes courageuses, en Allemagne, tout au long de cette décennie, le gouvernement allemand, les gouvernements allemands successifs, les majorités politiques différentes en Allemagne ont inversé une tendance qui peut-être que vous ne vous en souvenez pas, se traduisait dans les années 2000, par un déficit extérieur de l’Allemagne.
Parmi ces réformes, l’Allemagne a relevé son taux de TVA en 2007, pour accélérer le redressement de ses finances publiques et pour améliorer la compétitivité de ses entreprises. En comparaison avec la France, entre 2000 et 2008, l’Allemagne a réduit les charges qui pèsent sur le coût du travail de 2,3 points de Produit Intérieur Brut. Il faut regarder la vérité en face. Nous avons un problème de coût du travail, un problème de coût de fabrication, dans notre pays. Si nous voulons être compétitifs, si nous voulons continuer à produire en France, il faudra d’une manière ou d’une autre, diminuer ces coûts qui pèsent sur nos entreprises et qui donc pèsent sur nos emplois. Au 3e trimestre 2011, le coût horaire de la main d’œuvre dans notre industrie et dans nos services marchands, était supérieur de près de 10 % à ce qu’il est en Allemagne et plus de 20 % de ce qu’il est dans la zone euro. Mesdames et messieurs si le coût du travail est si élevé dans notre pays, ce n’est pas la faute aux salaires, ce n’est pas le sujet.
Quand j’entends parfois certains responsables syndicaux dire, il ne faut pas stigmatiser les salariés comme si ils étaient responsables du coût du travail, mais bien sûr, ce ne sont pas les salariés qui sont responsables, ce n’est pas la question des salaires qui est en cause. C’est la question des charges, qui pèsent sur les entreprises et qui viennent quasiment doubler le coût du travail. Il est donc légitime, il est responsable de vouloir revoir le financement de notre protection sociale et l’une des pistes envisagées consiste à diminuer le poids des cotisations sociales, ou en tout cas, certaines cotisations sociales, qui pèsent sur le travail, et naturellement a augmenté d’autres prélèvements pour un montant équivalent. Je sais bien que c’est un sujet difficile, je sais bien qu’il est controversé, mais mesdames et messieurs il faut savoir ce qu’on veut. Est-ce qu’on veut vraiment faire de la France, une terre de production et si on veut faire de la France une terre de production, est-ce qu’on peut esquiver la question du poids des charges qui pèse sur le travail ? Je ne le crois pas. Et d’ailleurs les arguments contraires, ne sont vraiment pas convaincants. Il y a ceux qui nous disent que la réduction du coût du travail chez nous, ne sera jamais suffisante, pour concurrencer la Chine ou l’Inde. Ceux-là sont dans des comparaisons extrêmes, dont le seul objectif est de tuer tout débat. Mais ils oublient surtout l’essentiel, c’est que la part la plus importante, de notre activité et de nos échanges, ce n’est pas avec la Chine et avec l’Inde, c’est avec l’Europe.
C’est à l’intérieur de la zone euro. Quant à ceux qui opposent le renforcement des conditions de la production en France, et la consommation. Ceux qui disent en gros, si vous baissez les charges, vous aurez peut-être un gain sur la productivité.
Mais comme vous aurez des impôts supplémentaires, vous aurez moins de pouvoir d’achat, eh bien cela néglige de dire que moins de production dans notre pays c’est plus de chômage et plus de chômage c’est évidemment moins de consommation.
Bien sur le coût du travail ça n’est pas le seul problème. Il faut renforcer notre compétitivité sous tous ses aspects. Il faut aussi permettre à nos entreprises et à leurs salariés de s’adapter plus rapidement aux évolutions de l’activité en préservant et en développant l’emploi.
Lors du sommet sur la crise nous avons commencé à discuter avec les partenaires sociaux d’une question très importante et aussi très conflictuelle qui est celle des accords de compétitivité. Au fond c’est cette idée que dans une entreprise, sur la base d’une négociation avec les partenaires sociaux majoritaires dans l’entreprise, on pourrait adapter les conditions de travail pour faire face à des difficultés passagères de l’entreprise. Ces accords, cela pourrait être plus de souplesse pour ajuster l’organisation globale du travail au contexte économique et cela par le dialogue social, par des compromis sur le terrain. Là encore il est utile de regarder ce qu’ont fait nos partenaires allemands. En Allemagne, ces compromis ont permis de faire face à la crise et de maîtriser la hausse du chômage. Ils ont rendu possible des accords adaptés à chaque situation. Ils sont fondés sur le dialogue. Ils permettent d’aborder ensemble les questions du temps de travail, de l’organisation du travail, de l’emploi et des salaires. Les salariés obtiennent des garanties sur un certain nombre de sujets et notamment sur la pérennité de l’emploi et en échange ils acceptent des évolutions.
Au final, vous le voyez bien, tout dépend de la situation de chaque entreprise. Eh bien j’ai la conviction que ce type d’accords peut avoir sa place dans notre pays. Cette approche, qui est une approche pragmatique, qui est une approche négociée, c’est une approche qui participerait de la responsabilisation des acteurs sociaux, et elle est possible aujourd’hui alors qu’elle ne l’était pas il y a quelques années parce que nous avons profondément réformé les règles du dialogue social. Et désormais vous savez que nous avons modifié le principe de la représentativité des organisations syndicales, cette représentativité est maintenant basée sur les élections professionnelles, donc sur la réalité démocratique, de ces organisations syndicales. Nous avons mis en place des accords majoritaires alors qu’autrefois vous le savez on pouvait négocier dans l’entreprise des accords qui engageaient tous les salariés avec des organisations qui n’étaient pas majoritaires. On a donc beaucoup rééquilibré les règles du dialogue social, ce qui donne des garanties aux salariés et ce qui permet d’envisager d’une façon beaucoup plus sereine la mise en place de ces accords de compétitivité.
Avant d’en arriver au conflit entre les uns et les autres dans une entreprise, avant d’en arriver dans le pire des cas à la fermeture de l’entreprise, il existe des solutions, il existe des marges de discussion pour s’adapter et pour s’organiser différemment.
Nous avons assisté ces derniers mois à une nouvelle dégradation du marché du travail qui est directement le résultat de la crise de croissance en Europe. Face à cela il faut tester des idées nouvelles, et il faut redresser des digues. Mercredi dernier, le président de la République a annoncé une mobilisation supplémentaire de 430 millions d’euros en faveur de l’emploi, je veux dire tout de suite que pour éviter toute aggravation de nos déficits, cette enveloppe sera strictement financée par redéploiement, c’est à dire par des dépenses que nous ne ferons pas par ailleurs. Elle s’organise autour de trois priorités très simples : la première, il faut tout faire en cas de dégradation conjoncturelle pour garder les salariés dans l’entreprise. C’est ce qu’on appelle l’activité partielle. Tout le monde y gagne, les salariés qui gardent leur contrat de travail et qui sont rémunérés, les entreprises qui ne perdent pas des compétences qui ensuite leur manquent lorsque la compétition reprend. C’est un système que nous avons utilisé en 2008-2009 avec beaucoup de résultats positifs, c'est un système que l’Allemagne utilise à bien plus grande échelle que nous. Il faut que nous progressions dans ce domaine et c'est la raison pour laquelle nous allons prendre des mesures immédiates pour simplifier le recours à l’activité partielle, et pour en augmenter les volumes financiers.
La deuxième priorité c’est l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Nous savons que nous avons dans notre pays beaucoup de demandeurs d’emploi qui sont très longtemps au chômage et qui du coup ont beaucoup de mal à retrouver une activité professionnelle parce qu’ils ne sont plus en adéquation avec les besoins de l’entreprise, avec les évolutions des technologies, ils ont besoin d’une formation qui n’est pas suffisamment apportée aujourd’hui, en tout cas pas systématiquement, à tous les demandeurs d’emploi. C’est pour cela que nous avons décidé de renforcer les moyens de Pôle Emploi et de lancer un plan massif de formation des demandeurs d’emploi avec une priorité pour les chômeurs de longue durée. L’objectif qui devrait être le nôtre sur la durée c’est que toute personne au chômage se voit rapidement proposer une formation, et que toute personne qui a terminé avec succès une formation doive accepter un emploi correspondant à cette formation.
Enfin, nous concentrons nos efforts sur l’insertion des jeunes qui sont naturellement dans un pays comme le nôtre toujours frappés lorsque le chômage augmente. Nous avons ainsi décidé de réactiver le dispositif "zéro charge" dans les très petites entreprises pour l’embauche d’un jeune. C’est une mesure qui est applicable immédiatement. Donc toute petite entreprise qui recrute aujourd’hui un jeune le fera avec aucune charge sociale.
Mesdames et messieurs la bataille de la compétitivité et de l’emploi est une bataille qui n’a de chance d’être gagnée que si elle s’intègre dans une politique globale. Nous disposons d’un potentiel scientifique et technique extraordinaire, avec des chercheurs qui sont parmi les meilleurs au monde.
Nous avons mis le paquet notamment depuis 2007 sur l’enseignement supérieur, sur la recherche, sur l’innovation. Nous avons mis en place un dispositif extrêmement performant qui est le crédit impôt recherche où nous avons triplé le montant. Depuis la réforme de 2007 la part des PME et des entreprises de taille intermédiaire qui bénéficient de ce crédit impôt recherche n’a cessé d’augmenté alors que dans le passé elle était beaucoup plus faible, et dans le passé ce crédit impôt recherche bénéficiait surtout aux grandes entreprises. Les grandes entreprises ont besoin, comme les autres, d’être encouragées, parce que ce sont des moteurs de l’économie nationale, mais nous savons bien que tout le tissu de PME est celui qui crée de l’emploi qui génère de l’activité. Il faut aussi qu’il accède à l’innovation, à la recherche, au développement.
Aujourd’hui les PME indépendantes représentent 72 % des bénéficiaires de ce crédit impôt recherche. Pour une entreprise comme Méphisto, que j’ai visitée ce matin, c’est un soutien extrêmement simple, extrêmement efficace, qui fait d’ailleurs que la France, après avoir été très en retard en matière d’accueil des centres de recherche internationaux, était ces dernières années le premier pays en Europe pour l’accueil de ces centres de recherche.
Enfin, nous avons réformé la taxe professionnelle avec tous les débats terribles que nous avons connus avec les élus locaux, des débats qui sont des débats naturels, mais reconnaissons ensemble qu’il y avait du bon sens et de la logique à réformer cet impôt qui était un impôt qui pénalisait nos entreprises puisqu’il taxait les entreprises qui invertissaient. Chaque fois que vous investissiez, pour vous développer, vous payiez plus d’impôt. Eh bien l’industrie a été largement bénéficiaire de cette réforme de la taxe professionnelle. Je sais bien qu’il y a des branches professionnelles qui diront que la réforme s’est traduite pour elles par plutôt un petit surcoût d’impôt, c’est sans doute pas faux, mais ce ne sont pas les branches industrielles. Et ce ne sont pas les branches qui étaient soumises à la compétition internationale et qui ont besoin d’être défendues et d’être protégées.
Mais nous devons aussi agir sur les procédures administratives. Et la semaine prochaine j’adresserai à tous les préfets une circulaire en leur demandant de désigner pour tous les investissements de plus de 5 millions d’euros dans les activités économiques, un chef de projet dans chaque préfecture chargé de coordonner les procédures, de suivre les délais de réponse. Au fond, de prendre en charge la paperasse à la place des chefs d’entreprises qui ont bien du mal à faire face à l’ensemble des charges qu’ils ont et qu’ils ne veulent pas en plus crouler sous ces charges administratives.
Nous voulons aussi que nos industriels construisent une vision collective des enjeux de leur filière. Parce que le chacun pour soi, qui est un peu plus français qu’allemand, est mortel pour l’avenir de l’industrie française. Nous avons organisé dans cet esprit les Etats généraux de l’industrie, et depuis ces Etats généraux nous avons mis en place 12 comités stratégiques de filière qui doivent appliquer une vision collective aux relations entre les donneurs d’ordre et les sous traitants.
Enfin, je voudrais évoquer la question des délais de paiement, parce que les petits fournisseurs ont longtemps été victimes de délais de paiement abusivement longs de la part de leurs grands clients. Vous savez que nous avons plafonné ces délais par la loi, les résultats sont au rendez-vous, puisque entre 2007 et 2010 les délais de paiement des factures des fournisseurs ont baissé de six jours en moyenne et même de dix jours dans l’industrie. Alors je sais bien que dans le contexte actuel, certains donneurs d’honneur pourraient céder à la tentation, de nouveau de jouer sur ce paramètre pour renforcer leur trésorerie au détriment de leur fournisseur.
Je sais qu’ils s’en trouvent même qui mettent en place des stratégies qui sont des stratégies de contournement de la loi. Eh bien je vais vous dire que le Gouvernement est déterminé à agir contre ces comportements ; nous allons lancer une nouvelle campagne de contrôle, et les secteurs dans lesquels nous savons qu’il y a des dérives, qui sont en train d’apparaitre, je pense à la mécanique en particulier, seront particulièrement concernés afin que les fournisseurs soient mieux protégés. C’est d’ailleurs l’intérêt général de la filière que d’avoir des fournisseurs en bonne santé qui permettent à l’industrie française d’être performante.
Mesdames et messieurs que serait Méphisto aujourd’hui si l’entreprise n’avait pas pris le virage de l’export ? Si l’entreprise n’avait pas pris ce virage, qui représente aujourd’hui 80 % de son chiffre d’affaires ? Pour la première fois depuis sept ans le nombre d’entreprises exportatrices en France est reparti à la hausse, mais vous savez que nous partons de loin. Il faut mettre l’export à la portée de toutes les entreprises. Et c’est pour cela que nous avons demandé à la Coface - qui est cet établissement financier qui donne des garanties aux entreprises qui travaillent à l’exportation – de proposer aux petites et moyennes entreprises qui veulent exporter pour la première fois, ce que nous avons appelé "une assurance prospection premiers pas" qui soit adaptée à leurs besoins. Il s’agit au fond d’aider des entreprises qui se lancent dans la grande compétition de l’exportation, qui prennent donc des risques, qui peuvent engager des dépenses sans avoir les retours immédiats. Nous leur proposons un dispositif d’assurance pour couvrir ces risques. Cet appui sera disponible dès la semaine prochaine et j’ai demandé à la Coface qu’elle s’engage à répondre aux projets des PME dans un délai de 48 heures.
Evidemment tout ceci exige que les entreprises aient un accès suffisant au crédit pour pouvoir financer leur projet de développement. Nous sommes très vigilants sur ce point, comme nous sommes très vigilants sur le respect de l’engagement pris par les banques à la fin de l’année dernière de tout mettre en œuvre pour maintenir le niveau de croissance du crédit aux PME. Nous avons-nous-mêmes pris des initiatives très spectaculaires, en créant un Fonds stratégique qui permet d’investir dans des projets industriels dans notre pays. Ce fonds stratégique était pour l’instant national, on est en train de le déployer maintenant dans les régions, et il se fait parallèlement au renforcement d’Oséo, dont tout le monde reconnait l’efficacité, et qui est désormais, au fond, une banque publique d’investissements au service des PME.
Oséo a accordé en 2011 deux fois plus de prêts que cet organisme le faisait en 2008. Eh bien nous allons en joignant le Fonds stratégique, Oséo et en y ajoutant une brique nouvelle destinée au financement de l’industrie, créer une grande banque publique d’investissements permettant à l’Etat d’être aux côtés des entreprises dans leur projet d’investissements parallèlement au secteur bancaire. Cela aura l’avantage de sécuriser les entreprises, de choisir et de soutenir les secteurs qui sont les plus porteurs pour l’avenir de l’économie française et en même temps d‘entrainer des banques qui sont parfois frileuses dans les risques qu’on leur demande de prendre.
Voilà, vous l’aurez compris, la bataille de la compétitivité et de l’emploi c’est un combat incessant. Et tous ceux qui prétendent avoir des baguettes magiques racontent juste des histoires. C’est une bataille qui transcende le calendrier électoral. On nous dit « mais il ne faut pas prendre de décision parce qu’il y a bientôt des consultations électorales ». Le monde ne nous attend pas. La vitesse à laquelle la crise se développe exige que le Gouvernement, jusqu’à la dernière minute, prenne les décisions qui sont nécessaires et qui correspondent à son devoir.
C’est une bataille qui transcende les clivages partisans et c’est surtout une bataille qui ne doit jamais nous conduire à nous satisfaire de l’immobilisme. Je suis toujours étonné de voir la capacité d’argumentation que nous avons dans notre pays pour refuser les réformes. Si on avait la même capacité d’argumentation pour les défendre ce serait surement plus facile de faire évoluer la France. Quant on dit que nous avons un problème de coût du travail et qu’on voit se lever une multitude d’experts qui viennent vous expliquer toutes les bonnes raisons pour ne rien faire, on est inquiet, inquiet pour le ressort, pour le dynamisme, pour le langage de vérité au fond que doivent, tous les responsables publics, et je ne parle pas seulement des responsables politiques, tous les responsables publics ont dans une crise aussi grave que la nôtre un devoir de vérité.
Les experts, les médias, tout le monde doit présenter la réalité, la vérité, chercher les arguments pour, les arguments contre, et ne pas se contenter de caricaturer la situation en se fournissant des bonnes raisons pour ne rien faire.
C'est une bataille que nous gagnerons en tenant le langage de la vérité. Le langage de la vérité c’est le contraire de celui qui consiste à dire qu’on va réduire les déficits en augmentant les dépenses. C’est le contraire de celui qui consiste à dire qu’on va bloquer le prix de l’essence quand la production s’envole dans le monde entier. Cette bataille nous la gagnerons à force de volonté, nous la gagnerons par la poursuite des réformes, nous la gagnerons en rassemblant les Français.
Mesdames et Messieurs j’ai débuté mon propos en évoquant Pierre Messmer et l’esprit du gaullisme. Eh bien cet esprit combattif je veux croire une nouvelle fois qu’il n’est ni de droite, ni de gauche. C’est un esprit audacieux et c’est un esprit qui, j’en suis convaincu, existe en chaque Français qui se dresse pour aller chercher le progrès. Le progrès cela n’a jamais été et cela ne sera jamais une donnée naturelle. Le progrès ne nous a jamais été donné, c’est une conquête que nos parents et nos arrière grands-parents sont allés chercher à la sueur de leur front, en mobilisant leur intelligence, en mobilisant leur courage. Eh bien cette conquête, elle n’a de chance de réussir que si elle est fondée sur le gout de la vérité, si elle est fondée sur le sens de l’effort, et si elle est fondée sur le choix de l’unité nationale.
Voilà Mesdames et Messieurs, mes chers amis, le message d’engagement et de rassemblement que je voulais partager aujourd’hui avec vous à Sarrebourg après la visite d’une entreprise exemplaire qu’est l’entreprise Méphisto.
Source http://www.gouvernement.fr, le 23 janvier 2012