Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les relations entre la France et le Japon, notamment la coopération renforcée dans la gestion post-accidentelle de la catastrophe nucléaire de Fukushima, et l'enjeu du futur accord de partenariat entre l'Union européenne et le Japon, Tokyo le 13 janvier 2012.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Juppé - Ministre des affaires étrangères et européennes

Circonstance : Voyage d'Alain Juppé au Japon et en Birmanie du 13 au 16 janvier 2012-déplacement au Japon les 13 et 14 : allocution devant la communauté française à Tokyo le 13

Texte intégral

Monsieur l’Ambassadeur,
Mes Chers Compatriotes,

C’est pour moi un grand plaisir de me trouver parmi vous aujourd’hui, ici au Japon, où je n’étais pas revenu depuis plusieurs années. Je crois que mon dernier passage remonte à 2004 en tant que maire de Bordeaux, puisque vous savez que ma bonne ville est jumelée avec celle de Fukuoka.
Dans un monde qui change de plus en plus vite et face à des défis qui concernent l’ensemble de la communauté internationale, le Japon, 3ème puissance économique mondiale, est pour la France un partenaire privilégié. C’est le sens que je souhaite donner ici à mon voyage.
En 2005, nous avons noué un dialogue stratégique avec le Japon et l’an dernier, lors de la visite à Paris du Premier ministre japonais, nous avons proposé à nos partenaires de rehausser le niveau de ce dialogue en instaurant des rencontres régulières entre les deux ministres des Affaires étrangères. C’est donc précisément dans ce contexte que s’inscrit ma visite.
J’ai pu le vérifier ce matin, lors de mes entretiens avec mon homologue, M. Gemba, qui m’a reçu avec énormément de courtoisie pour un long entretien - et je pense que je le vérifierai dans quelques instants avec le Premier ministre, M. Noda - que notre relation avec le Japon est en ce moment plus fructueuse que jamais.
Notre dialogue politique est excellent, comme en témoignent les nombreuses visites qui ont eu lieu dans les deux sens en 2011. Après la catastrophe du 11 mars dernier, le président de la République puis le Premier ministre et plusieurs ministres français se sont rendus au Japon. De leur côté, le Premier ministre Kan est venu au moment du Sommet du G8 à Deauville et son successeur, M. Noda, a participé au Sommet du G20 à Cannes.
Nos relations économiques sont également très denses. En Asie, le Japon est notre deuxième partenaire commercial et la première destination de nos investissements. L’Archipel est quant à lui le premier investisseur asiatique dans notre pays. Malgré une contraction due à la crise internationale et aux conséquences du drame de Fukushima, ces liens fondamentaux restent très solides et nous cherchons à lever les obstacles qui empêchent que ces relations ne se développent davantage.
Notre coopération dans le domaine de la recherche est également très dynamique, avec de nombreux séminaires conjoints prévus dans les mois qui viennent dans des domaines très divers - l’énergie, les transports, la sismologie, la robotique, la santé - et avec la visite prochaine du président du Centre national de la Recherche scientifique.
Enfin, la culture - je dis enfin, mais cela n’est pas le moindre - avec l’achèvement pour la rentrée 2012 du nouveau lycée français et le regroupement de nos instituts culturels au Japon, dans le cadre de la réforme de notre réseau culturel. L’ambassadeur me disait combien le rayonnement de la culture française est fort ici au Japon. À charge de revanche d’ailleurs pour la culture japonaise sur le territoire national.
Cette relation, nous voulons la renforcer encore davantage. Et c’est donc notamment le message que je suis venu porter à mes interlocuteurs japonais. C’est vrai en particulier pour ce qui concerne la coopération entre nos deux pays dans la gestion des suites de la catastrophe du 11 mars 2011.
Dès le 15 mars, à l’occasion d’une réunion des ministres des Affaires étrangères du G8, j’avais reçu à Paris mon homologue de l’époque, M. Matsumoto, pour lui exprimer la solidarité de la France et lui offrir notre soutien.
Cette solidarité repose d’abord sur une exigence humaine et humanitaire. Dix mois après la tragédie, la France n’a pas oublié les épreuves terribles que le Japon a traversées. Elle n’a pas oublié la dignité du peuple japonais, la rapidité exceptionnelle avec laquelle il a repris le combat pour réparer les dégâts. La France était présente aux premières heures en dépêchant une équipe de la sécurité civile et des produits de première nécessité au Japon. La France continuera d’être aux côtés de ce pays pour l’aider dans son effort de reconstruction. Je voudrais rendre hommage à tous ceux d’entre vous qui poursuivent leur mobilisation pour venir en aide aux réfugiés du tsunami et de Fukushima. Votre engagement fait honneur à la France.
Notre coopération avec le Japon repose aussi sur la conviction partagée que l’avenir du nucléaire passe par une gestion responsable de nos centrales et par une exigence accrue en matière de sûreté. C’est dans cet esprit que nous avons engagé des travaux de fond sur nos parcs respectifs, pour nous assurer de leur capacité à réagir à des catastrophes de cette ampleur. C’est également dans cet esprit que la France continuera d’être aux côtés du Japon pour l’accompagner dans la gestion des suites de la catastrophe nucléaire.
Dans l’urgence de la crise, je l’ai rappelé, nous avons apporté très rapidement un soutien à nos partenaires japonais : en équipements, en matériels et en expertise. Je tiens à saluer la contribution des services de l’État, comme le Commissariat à l’énergie atomique, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ou l’Autorité de sûreté nucléaire, mais aussi des entreprises, comme Areva, Veolia ou EDF. Vous le savez, la situation de la communauté française a également été au cœur de nos préoccupations. Dans un contexte très difficile, nous avons mobilisé tous nos moyens pour vous tenir informés en temps réel. Nous avons également proposé une aide au retour à ceux qui le souhaitaient. Je voudrais rendre hommage au travail du consulat, de l’ambassade, ainsi qu’à la coopération des associations et des élus.
Aujourd’hui, alors que nous entrons dans une phase longue de gestion post-accidentelle, si je puis dire, la coopération internationale reste indispensable. Je l’ai dit ce matin à mes homologues : pour gérer les suites de ce drame, le Japon n’est pas seul. Il peut compter sur le soutien de la France. Nous poursuivrons notre collaboration avec nos partenaires japonais pour analyser les conséquences de l’accident et assurer leur suivi. Cette coopération renforcée nous permettra de continuer à vous apporter toute l’information possible sur ces conséquences, notamment sur la chaîne alimentaire et sur la santé des personnes.
Le deuxième message que je suis venu porter à mes interlocuteurs, c’est la confiance de la France dans la capacité de l’Europe à surmonter une crise qui, je le sais, préoccupe ici aussi.
Avec l’Allemagne, la France est en première ligne pour encourager nos partenaires à adopter les mesures nécessaires afin d’assurer la stabilité de la zone euro.
Sous notre impulsion, l’Union européenne s’est engagée dans la voie d’une intégration accrue. Nous plaidons aujourd’hui pour l’adoption à «17 plus» d’un nouveau traité sur l’union économique renforcée, pour compléter l’ensemble des outils de solidarité, de gouvernance économique et de responsabilité budgétaire qui ont été mis en place depuis le premier plan d’aide à la Grèce. Ce traité comportera trois volets : la mise en place d’une véritable gouvernance, d’un véritable gouvernement économique qui fait défaut à la zone euro ; une convergence accrue des politiques économiques en faveur de la croissance ; des règles strictes de discipline budgétaire, qui, là aussi, faisaient défaut.
L’Union européenne s’est également dotée d’un Fonds européen de stabilité financière, qui sera bientôt remplacé par le Mécanisme européen de stabilité, une sorte de Fonds monétaire européen qui agira comme un pare-feu pour l’ensemble de la zone euro. Le Japon a d’ailleurs témoigné de sa confiance en souscrivant à plusieurs des émissions de ce Fonds européen de stabilité financière.
Enfin, avec l’Allemagne, nous allons proposer à nos partenaires un certain nombre de mesures concrètes en faveur de la croissance et de l’emploi.
Je l’ai dit à mes interlocuteurs japonais : toutes ces mesures permettront à l’Union européenne de sortir plus forte de la crise, de relancer la croissance, de franchir une nouvelle étape dans son processus d’intégration. Elles permettront à l’Union d’être pour le Japon un partenaire solide, fiable et dynamique. C’est tout le sens de la réflexion que l’Union européenne et le Japon ont engagée au mois de juin dernier pour définir les contours d’un futur accord de partenariat. J’espère que les progrès réalisés dans cet esprit constructif de réciprocité permettront d’établir des conditions dans lesquelles cet accord sera mutuellement avantageux pour les deux parties. Vous êtes bien placés pour connaître les attentes de nos entreprises en matière de barrières non tarifaires et d’ouverture des marchés publics. Ce sera tout l’enjeu des prochains mois.

Mes Chers Compatriotes,
Vous le voyez, les défis ne manquent pas. Je sais pouvoir compter sur notre nouvel ambassadeur, Christian Masset, pour nous aider à les relever et pour contribuer à renforcer chaque jour davantage nos relations avec le Japon. En tant que directeur général de la mondialisation au ministère des Affaires étrangères et européennes, Christian Masset a fait la preuve de son engagement, de son expérience, de son professionnalisme, notamment dans le cadre de la double Présidence française du G8 et du G20 tout au long de l’année 2011. Il a bien entendu, puisqu’il a été nommé ici, toute ma confiance. Je voudrais lui présenter mes vœux de succès et vous demande de l’accueillir avec toute la chaleur qui caractérise toujours nos communautés françaises à l’étranger.
Comme l’ensemble des équipes de l’ambassade, il sera à la disposition de chacun d’entre vous, pour vous apporter son soutien, mais aussi pour relayer vos préoccupations. À cet égard, je voudrais rappeler que conformément aux engagements du président de la République, vous serez appelés au printemps prochain, avec l’ensemble des Français de l’étranger, à élire 11 députés, en plus de vos sénateurs qui effectuent depuis longtemps un travail remarquable. Vous disposerez ainsi des moyens de mieux faire entendre votre voix. Je vous engage dès à présent à participer à ces différents scrutins en recourant, si vous le préférez, au vote par correspondance ou au vote électronique pour ce qui concerne les élections législatives.
Je voudrais terminer mes propos en vous souhaitant, à toutes et à tous ainsi qu’à ceux qui vous sont chers, une excellente année 2012.
Je voudrais aussi souhaiter une bonne année à la France, à notre pays qui doit en ce moment relever bien des défis mais qui dispose aussi d’atouts considérables que l’on mesure peut-être mieux quand on les voit de l’extérieur. Nos compatriotes n’en ont pas toujours la pleine conscience. Si nous ajoutons à tous ces atouts un peu d’optimisme - denrée rare dans l’Hexagone par les temps qui courent - un peu de confiance en nous - et je sais que nos communautés à l’étranger n’en manquent pas - alors je pense que l’avenir de la France pourrait être non pas riant, car le monde est difficile, mais prometteur et solidaire pour l’ensemble des Françaises et des Français. C’est en tout cas ce que je souhaite à notre pays.
En vous disant à nouveau bonne année,
Vive la République et vive la France !

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2012