Déclaration de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, sur la Deuxième guerre mondiale, la guerre d'Algérie et sur les efforts en faveur des anciens combattants, Les Sables-d'Olonne le 6 juin 2001.

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Circonstance : Ouverture du 50ème congrès national de la fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d'Algérie, Tunisie, Maroc, aux Sables-d'Olonne le 6 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président : La parole est à Monsieur Jean-Pierre MASSERET, Secrétaire d'Etat à la Défense chargé des Anciens combattants.
Monsieur Jean-Pierre MASSERET : Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de saluer à mon tour les diverses personnalités qui partagent ce début de congrès avec nous. Naturellement, le Député-Maire des Sables d'Olonne, je salue également un autre parlementaire, Monsieur SARLOT, Madame BOISSY, conseillère régionale qui représente Monsieur FILLON, ancien ministre, président du conseil régional des Pays de Loire, Monsieur de LAMBILLY, vice-président du conseil général qui représente Monsieur de VILLIERS, ancien ministre. Mon Général, Monsieur le Préfet, Mesdames, Messieurs, Présidentes, Présidents ou délégués à ce congrès.
Je voudrais faire écho, Monsieur le Président GOUJAT, à votre intervention, après avoir salué le Député-Maire des Sables d'Olonne, Monsieur Louis GUEDON, qui met à la disposition de votre congrès sa magnifique cité, cette magnifique salle des congrès. Comme il l'a indiqué, la Vendée est un très beau département. Je pense que vous pourrez, toutes et tous, l'apprécier au cours des jours prochains.
Cela fait, Monsieur le Président, la cinquième fois qu'on se retrouve depuis 1997. Cela a toujours été pour moi un plaisir parce que notre qualité d'échange, de communication et de dialogue s'est toujours inscrite dans le respect, la loyauté des arguments et des personnes. C'est ainsi que doit fonctionner la démocratie.
C'est votre 50ème congrès, c'est le premier congrès du XXIème siècle. Nous sommes le 6 juin 2001 comme vous l'avez évoqué. Cela nous renvoie inévitablement au souvenir du Débarquement. De nombreuses manifestations ont eu lieu aujourd'hui dans les départements du Calvados, de la Manche. On m'a peut-être fait grief de ne pas y être. Le Gouvernement a été représenté là-bas par les Préfets des départements considérés.
Le Débarquement, c'est une histoire forte. J'imagine bien volontiers que vous avez été nombreux à participer sinon au Débarquement, du moins aux combats de Libération pour la France en 1944. Vous vous êtes, pour beaucoup d'entre vous, engagés très tôt, prisonniers dans les situations que l'on sait, mais de par votre esprit ou votre présente physique, vous avez été aux côtés des libérateurs.
On doit sans cesse rappeler à nos concitoyens cette histoire importante car elle a permis à la France d'être présente le 8 mai 1945 à Berlin par la personne du Général de Lattre, pour recevoir la capitulation sans condition de l'Allemagne nazie.
J'était hier dans la région parisienne au Pré Saint Gervais devant quelques classes d'un collège réunies sur le thème de la citoyenneté, pour répondre à des questions relatives au Monde Combattant.
Je leur ai d'abord rappelé qu'ils avaient aujourd'hui la chance inouïe de vivre dans un pays libre, dans une démocratie. Cette chance, ils la devaient à des hommes et des femmes qui à différents moments de notre Histoire, mais surtout au cours de la Seconde Guerre Mondiale, s'étaient engagés au service de la France. Pour servir son honneur et rétablir les valeurs de la République, la dignité de l'homme et finalement avoir permis à la France de retrouver sa place dans le concert des nations et de continuer à porter son message universel de liberté, d'égalité et de fraternité.
Il faut en effet que les jeunes générations n'oublient rien de cette histoire. Ils ne peuvent pas construire leur citoyenneté, leur responsabilité de citoyen, en faisant l'impasse sur ce qu'ils sont et pourquoi ils vivent aujourd'hui dans ce pays de liberté. Ils ont tous une grande responsabilité.
Les jeunes d'aujourd'hui, ces jeunes garçons et ces jeunes filles, auront la responsabilité de la France du XXIème siècle.
On leur laisse un pays libre, une démocratie, une République très vivante. Il faut qu'ils continuent sur cette voie. Ils ne pourront le faire que s'ils ont le respect des valeurs pour lesquelles vous vous êtes battus, engagés, et avez accepté, le cas échéant, de mourir ou de connaître un handicap. Ces valeurs, ce sont les valeurs de la République. Nous avons à conduire ce travail de mémoire et à rappeler que, dans une société comme la nôtre, aucune cohésion sociale n'existe sans référence aux valeurs. Pour affronter la nouvelle civilisation de la communication, de l'information ; pour ne pas subir la mondialisation, pour assurer la paix et la sécurité, notre Société doit faire référence aux valeurs de la République.
Les jeunes doivent avoir la juste conscience qu'un pays ne fonctionne bien que dans un juste équilibre de droits et de devoirs.
Nous avons, par l'Education nationale, par diverses initiatives, à leur rappeler cela et à les amener à prendre leurs responsabilités. C'est ce travail de mémoire, ce devoir de mémoire, qu'on doit conduire ensemble et que vous faites avec l'esprit d'ouverture et de solidarité aussi qui nous caractérisent.
C'est aussi ce travail que doit mener l'Etat. Je me suis efforcé depuis cinq ans d'élaborer concrètement une politique de mémoire qui fait son chemin et j'apprécie de mesurer les échos concrets que je rencontre à l'occasion de mes déplacements dans les divers départements de notre pays.
Au rôle de l'Etat doit s'ajouter l'action de l'Education nationale, celle du Monde Combattant. Cet ensemble doit recevoir l'appui concret des élus qui en cette matière ont une responsabilité aussi.
Nous les élus des collectivités territoriales, départements, régions, villes importantes, nous avons à nous engager pour prendre des initiatives qui, reposant sur l'histoire du XXème siècle de ce pays, permet d'illustrer la notion de responsabilité et d'engagement au service de la collectivité.
Comme je le dis souvent aux élus, ce n'est pas l'argent des collectivités territoriales qui m'intéresse mais l'initiative, l'initiative citoyenne parce que nous avons des choses à dire à ces jeunes générations, en nous appuyant sur la mémoire du Monde Combattant, en ayant le sens de la pédagogie et de l'usage des outils modernes de communication.
Nous pouvons contribuer à côté de l'Education nationale et de l'Etat à faire avancer cette prise de conscience et cette notion de responsabilité. On le fera, on continuera à le faire ensemble, avec vous, avec les Fondations : Fondation de la Résistance, Fondation de la Déportation, Fondation de la France Libre, Fondation de Gaulle, parce que là nous avons des supports administratifs et juridiques qui nous permettent de travailler ensemble.
Vous avez évoqué, dans votre propos, une autre période de notre Histoire, un moment difficile pour la France : la Guerre d'Algérie, les combats du Maroc et de Tunisie. On le sait, c'est encore une plaie extrêmement vive, c'est même un abcès qui n'est pas encore complètement vidé. On le voit par les débats qui agitent ce pays et sa presse.
Vous avez eu raison, Monsieur le Président, d'indiquer, et nous le faisons ensemble, que, depuis que ce débat s'est levé dans notre pays, mon premier souci a été de dire que nos officiers, sous-officiers, hommes du rang, professionnels ou soldats du contingent, n'étaient pas des tortionnaires. Les petits-enfants, petits garçons et petites filles de ces soldats, pouvaient regarder tranquillement leur grand-père les yeux dans les yeux, en les voyant comme des hommes ordinaires et non comme des tortionnaires.
Pour notre pays, c'est une souffrance d'affronter cela. On le fait parce que je crois que c'est l'honneur de la Démocratie en général que d'affronter des moments difficiles et de savoir les dépasser. Il faut donc qu'on en sorte par le haut.
L'Algérie, de son côté, a un travail de mémoire considérable à mener. On ne peut pas le mener à sa place. On peut l'inviter à le faire, lui suggérer de le faire, mais personne ne le fera à sa place.
Par conséquent, nous devons nous, le faire pour notre compte, parce que c'est aujourd'hui la responsabilité qui nous incombe. La torture est condamnable, la torture est condamnée. En Algérie, c'était la guerre, selon l'expression qu'a bien voulu authentifier l'unanimité du Parlement. La guerre, c'est la déshumanisation des consciences. Il peut se passer n'importe quoi. Il se passe n'importe quoi. On le voit malheureusement tous les jours sur la planète. Les pouvoirs publics étaient naturellement informés, beaucoup le savaient, mais c'était une infime minorité qui pratiquait ces exactions.
C'est comme cela que les choses se sont produites. On doit l'assumer, mais on ne doit pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des soldats, officiers, sous-officiers, hommes du rang qui étaient engagés, qu'ils aient été soldats du contingent ou soldats professionnels.
Le débat est ouvert. Je ne suis pas sûr qu'il se referme aisément. Je souhaite qu'à travers cette épreuve douloureuse, nous puissions rappeler la condamnation sans réserve de la torture, indiquer que l'enseignement aujourd'hui dont bénéficient nos officiers, nos sous-officiers, ne permettrait plus cela, même si on sait que la guerre amène forcément des dévoiements. Les principes sont au cur aujourd'hui de la formation militaire. Je l'ai rappelé à 600 jeunes futurs officiers récemment, mais je n'ai pas de doute là-dessus.
C'est la façon de sortir par le haut de cette situation. Je souhaite aussi libérer la parole parce que, à l'issue du conflit algérien, personne ne parlait. C'était un moment très difficile que cette guerre : guerre civile à bien des égards, guerre de décolonisation, avec la somme des souffrances que cela a représenté pour les soldats, pour les harkis qui ont subi des massacres après le départ de nos soldats.
C'est aussi le million de nos concitoyens rapatriés qui ont dû laisser leurs morts, leur terre, leur maison, leur vie, leur histoire. Elles sont considérables les difficultés que nous avons aujourd'hui à affronter.
Et puis c'est toute la souffrance finalement rentrée des soldats du contingent.
Je souhaiterais que, dans chaque département, ceux qui ont envie de dire des choses puissent les dire. Ce serait le moyen de faire partager au pays tout entier sa souffrance. Ces témoignages constitueraient des éléments qui pourraient être livrés à la réflexion des historiens parce que le travail des historiens doit être mené, conduit, facilité.
Si des expressions ont envie de se faire - je ne parle pas seulement sur la torture, je parle de l'expérience en général des soldats engagés à cette occasion - et si on peut le faire département par département, il faut le permettre. Je dois en parler avec le Directeur de l'ONAC pour élaborer un projet.
C'est l'occasion alors de rendre hommage à cette génération qui a fait, comme les autres, son devoir dans les conditions difficiles que je viens de rappeler. Il est donc normal qu'en 2002, le Mémorial national soit érigé à Paris. C'est le moyen pour le pays de témoigner son respect et sa reconnaissance.
Je me félicite, comme vous Président GOUJAT, qu'au mois de septembre prochain, il y ait une journée consacrée à la reconnaissance des engagements et des souffrances des Harkis. C'est l'application d'une décision du Haut Conseil de la Mémoire Combattante lors d'une réunion à laquelle vous avez participé le 6 février dernier sous la présidence de Monsieur le Président de la République, Jacques CHIRAC.
Je suis satisfait que les propositions qui ont été retenues soient celles que j'avais faites il y a quelques mois de cela, ce qui prouve que le pays tout entier est en phase sur ces questions, et c'est bien normal.
Aux Invalides d'une part, mais dans tous les lieux de France ayant accueilli des Harkis, il y aura la pose d'une plaque comportant le texte de l'article 1er de la loi que Roger ROMANI avait fait voter au Parlement en 1994.
Vous avez évoqué un autre point sensible, très sensible : la date commémorative introuvable de la fin de la Guerre d'Algérie.
Je n'ai pas été décoiffé par vos propos puisque, depuis 1997 (même si, à titre personnel, dans ma commune, j'ai pris une initiative, mais cela ne regarde que moi comme responsable communal et citoyen) dans ma responsabilité ministérielle, j'ai naturellement tenu compte de la réalité que j'ai rencontrée sur le terrain. C'est une réalité très diverse, très sensible. Il m'est apparu évident que je ne pouvais pas et je ne devais pas proposer au Gouvernement d'officialiser une date. C'était impossible. J'ai donc défendu tout simplement l'idée que les initiatives associatives du 19 mars, du 16 octobre soient poursuivies et que les autorités représentant l'Etat dans les départements, notamment les Préfets, participent à ces cérémonies.
Cela a plutôt bien fonctionné en ce sens. L'unité du Monde Combattant est en jeu. Il n'y a pas d'unanimité. J'ai osé même proposer une autre date, je me suis dit pourquoi pas la date du 10 juin, date à laquelle les députés ont voté à l'unanimité la reconnaissance de la Guerre d'Algérie, peut-être que cela pourrait faire l'unanimité. Cela ne la fait pas !
Cela ne me pose pas de problème particulier, je continuerai à rechercher l'unanimité. Il y a eu des initiatives pratiquement dans tous les groupes politiques. Vous avez cité la dernière initiative en date. Je maintiens ma position, à savoir que les conditions ne sont pas aujourd'hui réunies pour arriver à un résultat qui rassemblerait l'ensemble du Monde Combattant.
J'ai la faiblesse de penser qu'une date commémorative doit rassembler un pays et non le diviser. J'observe que les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui. J'aimerais que cela soit. Ce qui me fâche un peu de partout maintenant, ce sont des pressions qui vont s'exercer sur les députés ou les candidats à la députation.
Je n'ai pas d'opinion, ni de conseils à donner mais comme citoyen, je vais vous dire ce que je ressens comme je l'ai dit en me faisant siffler au Congrès de la FNACA à Strasbourg au mois d'octobre dernier. C'est qu'on arrive à un moment du fonctionnement de notre démocratie où chacun veut sanctionner l'élu sur un point particulier. Normalement, en tant que citoyen, je crois que pour désigner un député, on doit apprécier un ensemble de situations, un ensemble de propositions. La citoyenneté qui se résume à dire : "je te sanctionne si tu ne fais pas ce que je te demande sur ce point", ne me paraît pas une bonne voie de la citoyenneté.
Moi qui suis de la Région de l'Est, et je salue les Lorrains, quand il y avait du verglas chez moi, on me téléphonait en me disant : "Monsieur le Maire, il y a du verglas devant ma porte !" Ailleurs, ce n'était pas le problème !
On voit évoluer la démocratie d'une façon qui pose la question centrale de la citoyenneté celle de l'intérêt général.
J'en arrête là pour vous dire que je n'ai pas mal ressenti vos propos. J'espère qu'un jour, un jour, mais comme je le dis souvent vous serez morts et moi aussiil y aura une journée.
Vous allez prendre des initiatives, je l'ai noté, je l'ai enregistré.
Pour le reste, vous avez évoqué rapidement la réforme du département ministériel. Je vous remercie à nouveau pour m'avoir accompagné dans cette réforme qui me paraissait nécessaire pour la sauvegarde des intérêts moraux et matériels du Monde Combattant.
Il était important qu'on ne reste pas isolés dans un Secrétariat d'Etat ou un ministère même délégué aux Anciens combattants, parce que la loi biologique dont parlait le Président GOUJAT est redoutable.
Si l'on voulait correctement gérer les intérêts moraux et matériels du Monde Combattant, si on ne voulait pas glisser vers les affaires sociales, ce qui vous aurait posé des problèmes de principe, il fallait trouver une "niche en quelque sorte", un support, un accueil au sein d'un département ministériel important, à longue durée de vie. Celui de la Défense était, me semble-t-il, le seul port qui convenait.
D'autant plus, je le rappelle, qu'à l'origine le Ministère des Anciens combattants vient du Ministère de la Défense. A l'issue de la Première Guerre Mondiale, c'est bien de la Défense qu'est venu, par démantèlement, le département ministériel des Anciens combattants. En cette fin de siècle, début du XXIème siècle, on réintègre la famille d'origine. Il n'y a là rien d'anormal et en tout cas rien d'inquiétant surtout. Les droits subsistent et les procédures aussi, et personne ne touchera au Code des pensions militaires d'invalidité, ni les uns, ni les autres, quelle que soit la sensibilité ou la famille politique qui aura en charge les affaires de la France.
Parallèlement à cette réforme, on a mis ensemble sur les rails le nouvel élan de l'Office National des Anciens Combattants. Il faut être vigilant : la réalité politique est celle-ci, les moyens se mettent progressivement en ordre, mais l'Office National des Anciens Combattants peut trouver sur sa route les même difficultés, c'est-à-dire la même loi biologique.
Il faut donc que son contenu au niveau de chacun des départements prenne en compte cette double mission qu'est la mission de l'ONAC : Mémoire et Solidarité. Ce sont les deux pieds sur lesquels le nouvel élan doit avancer en toute priorité, parce que c'est sa mission.
Nous avons également à maintenir à proximité du Monde Combattant, l'Office National des Anciens Combattants, qui soit un lieu d'accueil pour traiter les questions du Monde Combattant, mais soit aussi capable de donner un coup de main au Monde Combattant pour des démarches qui concernent d'autres administrations.
C'est aussi une forme de reconnaissance et d'intérêt particulier portés à celles et ceux qui se sont engagés au service de la Nation.
Dans votre intervention, vous avez évoqué votre cahier revendicatif. Là, je vous accorde que vous n'avez pas été excessifs !
Mais le Président a bien dit que c'est parce que je le connaissais particulièrement qu'il ne s'appesantissait pas trop sur les détails.
Vous avez bien voulu évoquer, Monsieur le Président, trois sujets et me demander de quoi le Budget 2002 pourrait être fait.
Sur votre première remarque, l'attribution de la carte, sur ces questions de période, vous savez que je suis tenu comme vous par des textes actuels.
De deux choses l'une : ou on s'engage dans une modification des textes, ou on essaie de trouver une autre voie qui serait d'offrir plus de pouvoir à la Commission Nationale de la Carte.
Personnellement et par expérience maintenant, je préférerais qu'on trouve une solution qui consisterait à offrir plus de liberté d'appréciation à la Commission Nationale de la Carte, que de se lancer dans une réforme de textes qui existent depuis pas mal d'années. Pour les transformer, cela sera trop compliqué.
C'est clairement l'expérience que je peux retirer de quatre ans de présence à la tête d'un département ministériel. Quand on peut trouver des solutions pratiques et efficaces, c'est quand même plus simple que de remettre en cause des textes anciens.
Je vous propose d'aller dans cette direction, mais si cette voie ne le permet pas, il faudra alors envisager des modifications qui permettront de prendre en compte la réalité parce que, effectivement, vous avez eu raison de dire qu'il y a des cas qui nous ont été signalés à vous et à moi qui, comme on le dit maintenant, nous interpellent et auxquels il faut répondre positivement au risque d'encourir des situations très inégales et par conséquent injustes. On est plutôt là pour faire en sorte que nos décisions soient justes et correspondent à la réalité.
Vous avez parlé d'un dossier "veuves" qui était enlisé. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas faux. On n'est pas en Normandie, on est en Vendée !
On a ouvert ce dossier, on l'a exploré, il y aura peut-être une mesure dans le Budget 2002 (je l'espère, je n'en suis qu'au stade des propositions et j'ai une réunion importante le 12 juin prochain à Bercy, j'y verrai un peu plus clair la semaine prochaine). Dans mes propositions, il y a une avancée.
Sur le problème des veuves, on a travaillé sur trois dossiers : les veuves des plus grands invalides, les veuves de guerre et ce qu'on appelle les veuves ONAC, c'est-à-dire des veuves d'Anciens combattants, mais qui n'ont aucun droit si ce n'est la solidarité attribuée par l'Office National des Anciens Combattants.
On peut avancer sur deux points : d'abord au bénéfice des veuves des plus grands invalides, je souhaiterais dans le Budget 2002, une revalorisation de la pension qui leur est due. Ensuite, en faveur des "veuves ONAC", c'est ici l'aspect solidarité qu'il s'agit de prendre en compte.
Le point le plus complexe parce qu'il concerne plus de personnes (ce n'est pas votre problème, mais c'est un peu le mien, cela coûte beaucoup d'argent pour très peu de satisfaction) est celui des veuves de guerre.
A cet égard, la revalorisation que vous jugeriez dérisoire coûte néanmoins beaucoup d'argent à l'addition. Le Budget 2002 ne comporte aucune avancée pour les veuves de guerre, mais je crois que c'est un sujet qui, dans les deux ou trois ans qui viennent bien sûr je sais bien Je vous ai toujours dit les choses comme elles étaient. J'aimerais bien répondre oui à toutes vos revendications, et pourtant je réponds souvent non.
Comme cela au moins le caractère de la loyauté est dans la franchise. Mais chaque fois que je peux avancer, j'avance, mais j'avance dans le cadre d'arbitrages budgétaires qui dépassent la seule gestion du Monde Combattant.
Je comprends que vous ne vous arrêtiez pas à ce type d'argument, mais je le rencontre et il faut bien que je vive avec. Quand je peux avancer, j'avance et tout ce qui est pris n'est plus à prendre.
La retraite à 60 ans
D'accord !
J'ai fait une proposition qui ne reçoit pas trop l'agrément à quelques réserves près du Monde Combattant.
A mon avis, les arguments qui me sont opposés ne sont pas aussi bons que cela, mais on va s'en expliquer quelques minutes.
Je peux avancer dans mes propositions 2002, le versement de la retraite à 60 ans pour les titulaires de la carte du combattant qui seraient sous un plafond de ressources, ce qui serait la première étape vers la généralisation de la mesure.
Je sais que cela vous gêne parce que vous pensez que cela remet en cause le droit à réparation.
Vous vous trompez à mon avis, et vous faites un mauvais calcul.
Mais pourquoi vous trompez-vous ?
C'est d'abord qu'il existe aujourd'hui des bénéficiaires de la retraite à 60 ans. Vous le savez. Je ne parle pas des DOM-TOM, où le versement se fait à 60 ans et pour des raisons à mon avis de ressources.
D'autre part, en métropole, on perçoit la retraite à 60 ans si on a une invalidité à 50 % (droit à réparation) et si on touche le minimum vieillesse qui est la deuxième condition (solidarité).
Président, je suis en train de faire rechercher dans l'Histoire de cette retraite, les moments où il n'y avait pas une même somme attribuée à tout le monde, donc où le droit à réparation qui n'était pas contesté donnait comme conséquence des sommes différentes selon des situations.
On m'a dit que cela existait. Si les recherches aboutissent, je vous en ferai part naturellement.
On me dit : "Là, vous avez touché au droit à réparation". J'ai bien enregistré le message, mais j'aurais tendance à dire : attention ! On peut effectivement déconnecter la retraite et donner une somme à partir de 60 ans à ceux qui ont des difficultés de vie quotidienne. Sous l'angle de la solidarité, on ne touche pas au droit à réparation.
Mais une mesure de solidarité peut être réformée tous les ans, tandis que la mesure que je préconise est "bétonnée". C'est-à-dire qu'elle s'appliquerait dès 2002, si je suis suivi dans mes arbitrages budgétaires, et après, en jouant sur le plafond, on peut tout à fait faire bénéficier la totalité du Monde Combattant de la disposition.
Je vous livre cela à la réflexion, mais on aura encore à en parler. J'ai bien enregistré toutes les réserves. Je voulais quand même plaider mes arguments.
Le Budget 2002 : je ne sais pas de quoi il sera fait. Comme d'habitude, je vais beaucoup compter sur les parlementaires qui me donneront un sérieux coup de main pour décoincer quelques velléités qu'on peut rencontrer à Bercy au moment de la construction d'un budget. Le Budget 2002 n'est pas plus facile que d'autres à réaliser au demeurant.
Sur quoi j'avance :
Le règlement définitif du contentieux des grands invalides.
La mesure Veuves Grands Invalides.
La majoration de cinq points au moins de la retraite mutualiste.
Des mesures de décristallisation, en tout cas finir la levée de la forclusion s'il n'y a pas de mesures de décristallisation.
Donner des ressources aux Fondations : Fondation de la Résistance, de la Déportation pour le travail de mémoire.
La mesure à 60 ans, ce qu'elle sera, je ne sais pas.
Naturellement, l'ONAC qui a des besoins et notamment la solidarité en direction des veuves, mais donner à l'ONAC des vrais moyens de poursuivre ses missions.
Voilà ce sur quoi j'avance pour 2002. Cela fait déjà beaucoup de sous Mais si, vous allez voir ! Et si j'arrive à ça, vous me ferez une statue ! D'accord ? Sur le port des Sables d'Olonne, comme un navigateur qui aura réussi son départ.
Pourquoi ?
Parce qu'on va restituer, par la loi biologique, à peu près 950 millions à 1 milliard de francs.
Il faut trouver 340 millions pour prendre en compte les nouveaux arrivants à la retraite à 65 ans du Monde Combattant.
Il y a les conséquences des mesures SAPIN sur la fonction publique, qui ont des incidences sur la valeur du point, et donc les pensions : 440 millions.
Vous faites déjà l'addition : 340 + 440 = 780 millions. 780 pour aller à 980, il n'y en a plus que 200 ! Mes mesures sont déjà à 350 ! Donc je ne sais pas comment je vais me faire appeler quand je vais commencer à discuter.
Vous ne serez pas satisfaits en 2002, vous ne l'avez pas été en 2001, ni en 2000, ni en 1999, ni en 1998, 1997, 1996, 1995, 1994 et je peux remonter loin dans le temps. Ce n'est pas de l'humour grinçant, mais c'est qu'en effet les arbitrages ne permettent pas de prendre en compte la totalité des revendications.
Je le regrette le premier parce que je préfère dire oui ou non, mais l'année 2002 ne sera pas très différente à cet égard des budgets précédents.
Il y a aura donc toujours du chemin à faire, mais l'important est que nous avancions pas à pas sur un certain nombre de terrains qui marquent bien la poursuite de la reconnaissance de la Nation à l'endroit du Monde Combattant, qu'il n'y ait pas d'oubli, parce que, et je peux terminer sur les mêmes propos que ceux utilisés par le Président GOUJAT, notre préoccupation principale est de respecter notre Histoire, faire en sorte qu'à travers ce respect, on marque considération et attention au Monde Combattant.
Cela, c'est le rôle de l'Etat, mais c'est le rôle de chacun et chacune d'entre nous, de l'ensemble des collectivités territoriales qui peuvent dans un certain nombre de domaines s'engager tout simplement dans cette démarche citoyenne dont je parlais tout à l'heure.
Le premier souci qui nous rassemble au-delà de nos différences, outre les valeurs de la République, c'est d'agir les uns et les autres pour que nous vivions un monde de paix et de sécurité.
Sans paix, sans sécurité, rien n'est possible, ni progrès économique, ni progrès social, ni progrès culturel, comme je le dis très souvent.
C'est notre rôle, mais je pense que la meilleure forme de respect et de reconnaissance qu'on peut vous porter, c'est de faire en sorte que vos enfants, vos petits-enfants, vos arrière-petits-enfants n'aient pas à connaître la tragédie de l'Histoire que vous avez vous-mêmes rencontrée.
C'est bien la paix et la sécurité autour de la liberté, l'égalité et la fraternité qui sont notre objectif commun et ce qui nous rassemble tous et toutes en France aujourd'hui.
Merci de votre attention. Bonne fin de congrès.
Monsieur le Président : Monsieur le Ministre, ce n'est plus un secret, d'autant que les gazettes ont repris l'information, que vous nous aviez confiée voici déjà quelque temps, de votre départ programmé du Gouvernement.
Et sauf événement, c'est la dernière fois que dans vos fonctions gouvernementales actuelles, vous venez de vous adresser à notre Congrès.
Notre Fédération est un partenaire qui défend ses positions avec compétence et conviction, me semble-t-il, certains diront avec pugnacité, ce qui conduit parfois à des échanges un peu rudes, mais en contrepartie elle est loyale et, autant que faire ce peut, objective.
Au cours de ces quatre années, elle a trouvé en vous un interlocuteur de grande qualité, avec lequel nous ne nous sommes pas racontés d'histoires. Vous ne nous avez pas lanternés.
Vous êtes, Monsieur le Ministre, un homme de concertation et de dialogue et nous avons apprécié souvent le courage de vos propos, surtout quand il fallait nous dire non.
Mais pour nous, vous resterez Monsieur le Ministre, le ministre qui a officialisé la Guerre d'Algérie.
Aussi en cet instant, le plus simple est de vous dire : merci.
C'est la deuxième fois que l'événement se produit à l'égard d'un ministre.
Votre prédécesseur était le regretté Jean-Jacques BEUCLER qui, en 1979, à Chalon sur Saône, avait reçu l'hommage de notre Congrès pour voir accordé à tous les PG qui n'avaient pas démérité la Carte du Combattant.
J'invite le Congrès, par ses applaudissements, à vous exprimer sa gratitude.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 2 juillet 2001)