Conférence de presse de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'embargo européen sur le pétrole iranien lié à la poursuite de son programme nucléaire militaire, la pression internationale sur la Russie pour faire cesser la répression en Syrie, le rappel de la Hongrie au respect des traités européens, Strasbourg le 15 février 2012.

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Circonstance : Voyage d'Alain Juppé à Strasbourg le 15 février 2012 : intervention à la session plénière du Parlement européen devant la Commission des affaires étrangères

Texte intégral

Q - Monsieur le Ministre, l’Iran a annoncé qu’il allait revoir à la baisse ses exportations vers six pays européens. Il met en place des centrifugeuses beaucoup plus importantes.
R - Des exportations de quoi ?
Q - de pétrole…
R - Parce que j’allais dire qu’il est bien forcé puisque nous avons pris des sanctions.
Q - Quelle est votre réaction?
R - L’Iran continue à développer un programme nucléaire militaire ; nous en avons la conviction. Les rapports de l’Agence internationale de l’Énergie atomique vont tous dans ce sens. Nous avons proposé à l’Iran le dialogue à condition que ce soit un dialogue efficace, c’est-à-dire sans condition et qui porte sur le vrai sujet, c’est-à-dire sur le programme nucléaire militaire. Pour l’instant, l’Iran a refusé. Et pour éviter toute option militaire qui aurait des conséquences catastrophiques, nous avons choisi la voie de sanctions renforcées. C’est la raison pour laquelle, sur la base d’une proposition qui avait été faite par le président de la République française, les 27 États membres de l’Union européenne ont adopté des sanctions très sévères sur la Banque centrale iranienne et, d’autre part, sur les exportations pétrolières.
Donc, si l’Iran diminue ses exportations vers les pays de l’Union européenne, c’est parce qu’il y est contraint et forcé. Voilà. Et donc nous disons à l’Iran que la voie du dialogue reste toujours ouverte et que s’il ne s’y engage pas, ces sanctions seront appliquées avec beaucoup de fermeté.
Q - Sur les améliorations dans son programme nucléaire qu’il a annoncé aujourd’hui ?
R - Nous sommes prêts à en parler, à condition que tout soit mis sur la table. Jusqu’à présent, toutes les propositions que nous avons faites, notamment les demandes des inspecteurs de l’Agence internationale de l’Énergie atomique, n’ont pas été honorées.
Q - Étiez-vous informé de l’interruption éventuelle des livraisons de pétrole vers six États membres européens ?
R - Je viens de vous dire que nous avons mis un embargo sur le pétrole iranien ; cela ne me surprend donc pas du tout.
Q - à partir de juillet…
R - Oui, mais cet embargo est déjà appliqué par certains pays.
Q - Vous rencontrez demain votre homologue russe. Comment allez-vous le convaincre pour mettre en place (inaudible) ?
R - Il va falloir beaucoup de force de conviction. Je lui dirai que la Russie s’isole de l’ensemble de la communauté internationale, puisque je vous rappelle qu’au Conseil de sécurité 13 États membres sur 15 ont voté la résolution ; il n’y a que la Russie et la Chine qui s’y sont opposées. Je crois que ce n’est pas une bonne chose pour la Russie de s’isoler à ce point. Par ailleurs, son veto fait que le massacre continue et que, tous les jours, ce sont des dizaines de morts supplémentaires.
Mais nous ne baissons pas les bras : nous allons travailler à trois niveaux. Tout d’abord - là encore sur la base d’une idée de Nicolas Sarkozy -, la Ligue arabe a lancé la convocation d’un groupe des amis du peuple syrien qui doit se tenir à Tunis le 24 février prochain. Nous y serons et l’objectif est de réunir le maximum de pays, les 13 pays du Conseil de sécurité qui ont voté la résolution, les pays de l’Union européenne, les grands pays émergents, les pays de la Ligue arabe pour exercer la pression maximum à la fois sur ceux qui mettent leur veto et sur les autorités de Damas.
Ensuite, nous travaillons aux Nations unies où, demain, il y aura un vote à l’Assemblée générale sur une résolution présentée par les pays arabes et soutenue par la France et l’ensemble des pays européens qui reprend le plan de paix de la Ligue arabe. Alors, évidemment, cela n’aura pas de valeur contraignante puisqu’il s’agit de l’Assemblée générale, mais cela aura une valeur symbolique et politique très forte, surtout si cette résolution est votée par un très grand nombre de pays, ce que nous souhaitons.
Enfin, nous travaillons aussi au Conseil de sécurité des Nations unies pour voir si la Russie finalement bouge et si on peut notamment accentuer ou adopter des mesures concernant l’aspect humanitaire ; car c’est un véritable désastre humanitaire qui est en train de se produire à Homs ou ailleurs. J’avais lancé il y a quelques semaines l’idée de corridors humanitaires ; cela pourrait se faire éventuellement dans le cadre d’une mission de maintien de la paix des Nations unies et de la Ligue arabe.
Vous voyez que l’on travaille sur tout cela. Et, en même temps, on travaille avec l’opposition que l’on essaie d’aider à se structurer, à s’organiser, à s’ouvrir aussi à toutes les sensibilités de la société civile syrienne.
Q - Sur la Hongrie, le Parlement européen doit se prononcer demain. La Commission européenne attend une réponse vendredi. La «deadline» est vendredi. Que pensez-vous que l’Union européenne doit faire ?
R - D’abord, vous venez de le dire, la Commission doit faire respecter les traités, c’est ce que nous avons souhaité et c’est ce qu’elle a fait. Elle a adressé des lettres au gouvernement hongrois en lui demandant de rectifier un certain nombre de textes qui ne lui
paraissaient pas, à juste titre d’ailleurs, conformes aux valeurs fondamentales et aux principes européens.
J’ai rencontré mon homologue hongrois, il y a quelques jours, il m’a assuré que le gouvernement hongrois en tiendrait compte. On va voir. Quant au Parlement européen, il lui appartient évidemment de décider ce qu’il entend, mais nous sommes tout à fait convaincus que tout le monde doit respecter les principes et les valeurs communes au sein de l’Union européenne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2012