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Comme vous le savez, il y a quelques semaines de cela, la commission nationale du label « Ville d’art et d’histoire » a émis un avis favorable à l’unanimité pour la labellisation de la Ville de Pau. C’est un moment important pour ce territoire et son patrimoine, pour tous les acteurs qui participent à la qualité de son architecture et de ses paysages, autrement dit de son cadre de vie, et de son attractivité.
Au vu de son patrimoine remarquable, au vu de la volonté politique qui anime la Ville et les collectivités autour de ce projet, il était juste que Pau, porte des Pyrénées, ville capitale des Etats de Béarn jusqu’en 1630, vienne rejoindre les 6 villes et territoires qui en bénéficient déjà et s’inscrire dans ce réseau national qui comprend aujourd’hui 163 « villes et pays ».
Nous sommes ici, en effet, au cur du Béarn et du bassin de l’Adour, dans ce terroir qui vit grandir un Prince avant qu’il ne rejoignît Paris et accédât au trône de France en 1589 pour rétablir la paix et la concorde religieuse. Du castelnau médiéval à la ville du Parlement de Navarre, du tourisme climatique à la mode art déco, l’histoire de la ville, dont on vante l’urbanité des habitants, dessine un monde pluriel, foisonnant.
Bien sûr la ville a conservé son château et son quartier où je me rendrai tout à l’heure pour l’inauguration de l’exposition consacré au « prince-soleil » Gaston Phébus, comte de Foix au XIVe siècle. Le musée national est un fleuron de notre politique des musées, pleinement inscrit dans la dynamique de nos établissements nationaux, désormais intégré au réseau constitué autour de la Maison de l’histoire de France.
Le patrimoine de Pau, ce sont aussi bien sûr les expressions du patrimoine de villégiature du XIXe siècle : villas avec le Palais Sorrento, dont la demande de protection est en cours d’instruction par mes services -, grands hôtels, parcs, mails, sans oublier le Boulevard des Pyrénées avec ses échappées et le Palais des Congrès dont la restauration récente rappelle les heures de la « Belle époque ». C’est aussi le patrimoine bâti et industriel du XXe siècle, auquel j’accorde une attention toute particulière : usine Courrèges, usine des tramways, « cité-jardins » des années 60.
Cette diversité patrimoniale a nourri une conscience et une exigence vis-à-vis de ce patrimoine hérité qu’il importe désormais de léguer et de faire connaître. Engagée par Alexandre Lenoir face au vandalisme révolutionnaire, poursuivie par les inspections de Prosper Mérimée à travers la France et avec la création de l’Inventaire général en 1964 auquel on se doit d’associer le nom du grand historien de l’art André Chastel, la politique du patrimoine est dépositaire d’une longue filiation, étroitement associée à l’histoire de l’Etat. Elle est aussi, on ne doit pas l’oublier, le reflet de la « mosaïque France », elle est l’expression de la diversité de la société française d’aujourd’hui.
La reconquête du centre-ville dans les années 1980 s’accompagne aujourd’hui d’une véritable ambition pour le patrimoine urbain et je sais, madame le député-maire, votre engagement dans ce domaine. Ici, le phénomène de destruction des villas anglaises a mobilisé les acteurs du patrimoine, les collectivités bien sûr mais aussi les associations, celles et ceux sans qui la politique de restauration et de valorisation des acteurs publics serait privée de ses vigies et de ses bras armés.
Cette ambition en faveur du patrimoine, qu’il soit bâti ou paysager, est visible dans les documents d’urbanisme de votre ville. Depuis 2007, une Zone de protection du patrimoine architectural et paysager (ZPPAUP) a été mise en uvre, permettant de préserver les différents âges de la ville et de mettre en valeur leurs apports. Ses dimensions considérables (500 hectares), l’importante présence d’espaces verts (40% de la surface) reflètent une volonté particulière. Depuis 2011, la transformation en Aire de valorisation de l’architecture et du paysage (AVAP), conformément à la loi, a été engagée, traduction de votre intérêt pour les enjeux d’aménagement urbain dans le respect des patrimoines. Ce nouveau dispositif, qui repose sur un diagnostic partagé, prend en compte, vous le savez, une approche plus globale qui permet d’intégrer les engagements que nous avons pris en termes environnementaux, et notamment de mieux valoriser la dimension paysagère de notre patrimoine.
Connaître, valoriser, médiatiser : tels sont les priorités données au Label Villes et Pays d’art et d’histoire, telles sont aussi les ambitions que vous assignez aux services de la ville qui sont en charge de ces missions d’éducation au patrimoine et au paysage. Le Conseil national qui s’est prononcé sur les candidatures a retenu plusieurs points forts. Je n’en citerai que quelques uns : l’opération « Faisons Pau neuve », qui accompagne les mutations de la ville et promeut une pédagogie de l’aménagement urbain ; le travail d’analyse et de recherche conduit par le CAUE sur la ville basse et les quartiers composés d’Habitat à Bon Marché des années 30 ; les expositions régulières depuis 2010 sur l’histoire de la ville ; enfin la création d’un service patrimonial composé de 4 agents, traduction de ce travail auprès des publics.
Le label « Ville d’Art et d’Histoire » attribué par mon ministère implique, vous le savez, des engagements forts de la part des collectivités concernées, en matière de sensibilisation des habitants et des professionnels, de médiation pour la mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, de qualité des visites proposées
Sur tous ces points, vous pouvez vous appuyer sur des engagements financiers à parité entre la Ville et l’Etat.
À Pau, ces engagements réciproques s’appuient sur une convergence de vues et un partenariat reconnu entre Etat et collectivité. La présence du musée national du château de Pau, le soutien apporté à la scène conventionnée danse, le soutien apporté à la scène de musiques actuelles AMPLI, le chantier de la médiathèque à vocation régionale soutenu par l’Etat à hauteur de 9,5 millions d’euros sur un total de 27,8 - illustrent ce que l’on peut faire quand cette coopération étroite entre Etat et collectivité s’exerce dans la convergence de vues et la confiance.
Au niveau de l’Etat, les crédits destinés à la restauration des monuments historiques sont passés de 294 millions d’euros (Loi de finances initiale 2007) à 370 millions d’euros (Loi de finances initiale 2012), soit une progression de 25%, en cohérence avec l’engagement du Président de la République de porter l’effort en faveur de notre patrimoine à hauteur de 4 milliards sur 10 ans. De même, je tiens aussi à souligner qu’environ 15% des budgets de nos services en région sont consacrés aux travaux d’entretien des monuments historiques - en d’autres termes, à la prévention plutôt qu’à la sauvegarde. J’ai eu l’occasion de rappeler récemment, à Chartres, l’effort consenti, dans le cadre du « plan de relance » en faveur de 44 cathédrales propriétés de l’Etat, mais aussi en faveur du patrimoine religieux dans sa diversité. À Pau, ville belvédère, ville des confins des Pyrénées, ville de coexistence religieuse aussi, cette diversité est le fruit d’un héritage profond : c’est bien sûr l’église Saint-Jacques, c’est l’église anglicane Saint-Andrew, petit bijou néo-gothique anglais, sans oublier la synagogue et l’église orthodoxe Alexandre Nevsky, construite en 1867 par la colonie russe locale.
J’ai veillé, depuis mon arrivée rue de Valois, à la qualité de l’action territoriale de mon ministère. C’est ainsi que j’ai créé le label des « maisons des illustres » - 111 maisons labellisées en septembre 2011 - qui rencontre un grand succès et dont j’annoncerai dans les prochains jours une nouvelle vague ; j’ai tenu également à redynamiser le réseau des Centre culturels de rencontre, qui font se rencontrer patrimoine et création contemporaine ; j’ai enfin relancé les conventions territoriales de développement culturel. Aujourd’hui, l’entrée de la ville de Pau dans le réseau des « Villes d’arts et d’histoire » vient enrichir un label auquel je suis également très attaché. Ces réseaux jouent en effet un rôle essentiel dans l’action territoriale en matière de patrimoine et de mémoire. Ils sont une marque de la confiance réciproque, ils traduisent le pacte de confiance qui doit unir l’Etat et les acteurs des territoires en faveur de la Culture. Le patrimoine, j’en suis convaincu, est un outil pour l’aménagement de nos territoires, il est un atout pour leur attractivité et leur rayonnement, il permet de « faire société » en reliant le passé à l’avenir. Je voudrais, pour conclure, citer Francis Jammes qui aimait flâner dans la ville, pour dire l’importance de ces paysages culturels que nous avons reçus en héritage et qu’il nous revient de léguer : « La ville de Pau ouvre l’éventail d’azur des Pyrénées sur les coteaux du Gave aux villas fortunées ».
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 20 mars 2012